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carle Français, dans cette dernière hypothèse est loin d'être favorable comme il l'était dans la première. Enfin, le Français traduit devant un tribunal national est cité devant ses juges naturels ; il ne pourrait, avec quelque apparence de raison, demander à se soustraire à leur juridiction. C'est par application de ces principes qu'il a été décidé qu'un individu est recevable à porter devant les tribunaux civils français une action tendant à faire constater sa qualité d'étranger (Paris, 22 juin 1841, aff. Bryant, V. Org. milit.). - V. n° 264.

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252. Le principe que l'art. 15 s'applique à l'égard de toute espèce d'obligation prétendue par un étranger contre un Français souffre cependant exception dans toute hypothèse où l'intérêt politique se trouve en conflit avec la prétention de cet étranger; car il existe des raisons de haute convenance et d'intérêt public qui exigent qu'on emploie la voie diplomatique, comme la plus certaine et la plus conforme au droit des gens, chaque fois qu'on élève une prétention juridique à l'égard d'un État souverain. V. ce que nous disons au paragraphe suivant sur la question de savoir si un gouvernement étranger, obligé envers un Français, est valablement actionné devant un tribunal français.

253. Il a été décidé qu'en Belgique, le pouvoir judiciaire n'est pas compétent pour connaître de l'opposition que forme un étranger, résidant en Belgique, à l'exécution d'un arrêté du gouvernement, par lequel il lui est enjoint de quitter le territoire du royaume dans un délai déterminé, en vertu de l'art. 7 de la loi du 28 vend. an 6 (Bruxelles, 26 avr. 1834)(1). — La loi du 3 déc. 1849, art. 7, accorde formellement au ministre de l'intérieur le

(1) (Cramer.) · LA COUR;

Attendu que la demande de l'intimé portée devant le président du tribunal d'Anvers, siégeant en référé, tendait à ce qu'il fût sursis provisoirement à l'arrêté d'expulsion qui lui avait été notifié;-Attendu que la constitution de la Belgique consacre la division et l'indépendance des différents pouvoirs de l'État; que, dès lors, chacun de ces pouvoirs doit agir dans le cercle de ses attributions constitutionnelles, sans entraves de la part des autres;- Attendu qu'au ponvoir exécutif appartient le droit de prendre les arrêtés pour l'exécution des lois; que le contre-seing du ministre rend celui-ci responsable de l'exécution qu'il y donne directement et sans l'intervention de l'autorité judiciaire; que s'il sort des limites que la constitution lui trace, c'est à la chambre des représentants qu'il appartient de le traduire devant la cour de cassation, seule compétente pour le juger; Attendu que, le pouvoir judiciaire étant uniquement établi pour l'application et l'interprétation des fois, il en résulte qu'il doit s'abstenir d'appliquer les arrêtés contraires aux lois ;

Attendu que le congrès, en érigeant cette conséquence en principe par l'art. 107 de la constitution, n'a pas voulu donner au pouvoir judiciaire une extension qu'il ne comportait point de sa nature, mais a uniquement eu pour but de lui restituer ses véritables attributions, de proscrire, par une disposition formelle, le régime des arrêtés, et d'empêcher le retour des abus nombreux qui s'étaient introduits sous le gouvernement précédent; - Qu'il ne faut point confondre l'obligation imposée aux tribunaux de ne point appliquer les arrêtés contraires aux lois, avec le droit prétendu de s'opposer à leur exécution directement poursuivie par le pouvoir exécutif; que, dans le premier cas, les tribunaux, en refusant d'appliquer ces arrêtés, témoignent de leur soumission à la loi, qui est leur seul guide, et se maintiennent ainsi dans les justes limites de leurs attributions;-Que si, au contraire, ils prétendaient arrêter ou suspendre l'exécution des actes du pouvoir exécutif, ils entreraient dans le domaine d'un pouvoir entièrement indépendant de l'autorité judiciaire, établiraient leur suprématie sur les actes du pouvoir exécutif, et feraient naître des conflits, dont l'anarchie ne tarderait pas à être le résultat;

Attendu que la constitution a prévu le cas où un ministre violerait la loi, en le rendant responsable de ses actes; que c'est donc là qu'existe ronstitutionnellement le moyen de réprimer l'arbitraire; que si ce moyen, par sa lenteur indispensable, peut offrir l'inconvénient de laisser un acte arbitraire se consommer, cet inconvénient, quelque grave qu'il soit, ne peut cependant balancer les dangers sans nombre qu'entraînerait l'intervention du pouvoir judiciaire dans les actes du pouvoir exécutif; - At tendu que les art. 92 et 95 de la constitution, en déférant aux tribunaux la connaissance des contestations relatives aux droits civils et aux droits politiques, n'augmentent point par là les attributions de ceux-ci, quant aux actes du pouvoir exécutif faits et mis à exécution sans leur intervention et sous la responsabilité de leurs auteurs; Que l'on se prévaut vainement de ce que les tribunaux auraient reconnu leur compétence dans de nombreuses contestations élevées contre les ministres, puisque, dans ces occurrences, l'autorité judiciaire n'était pas appelée à arrêter l'exécution d'actes émanés du pouvoir exécutif, mais seulement à apprécier, dans leurs conséquences purement civiles, les transactions intervenues entre le gouvernement et des particuliers;-Attendu que l'intimé n'est pas mieux

droit d'expulser de France les étrangers qui y voyagent ou y rósident. Ainsi, pour nous, la question ne peut plus faire difficulté. - V. sect. 2.

254. Mais la question élevée par l'administration sur un droit d'aubaine et sur la validité d'une donation entre-vils, faite par un étranger en faveur d'un Français, est de la compétence des tribunaux et non de l'autorité administrative (ord. cons. d'Ét. 29 mai 1815, aff. Pioger C. dom.).- Ici, en effet, il ne s'agit que d'une contestation purement privée entre l'Etat et un particulier : c'est donc à la justice ordinaire qu'il appartient de prononcer.-V. Compétence adm., no 145.

255. L'art. 3 du traité du 18 juill. 1828, entre la France et la Suisse,porte: « Dans les affaires litigieuses, personnelles ou de commerce, qui ne pourront se terminer à l'amiable sans la voie des tribunaux, le demandeur sera obligé de poursuivre son action devant les juges naturels du défendeur, à moins que les parties ne soient présentes dans le lieu même où le contrat a été stipulé, ou qu'elles ne fussent convenues de juges par-devant lesquels elles se seraient engagées à discuter leurs difficultés. » Par application de cette disposition, il a été décidé que dans les contestations commerciales entre Français et Suisses, le demandeur est obligé de citer le défendeur devant sesjuges naturels (Paris, 13 avril 1839) (2).

256. Par application du même article de ce traité, et du traité des 4 vend. an 12, art. 13, il a été décidé également que le liquidateur d'une société de commerce, laquelle était etablie en France, mais dont tous les membres étaient domiciliés en

fondé à invoquer les discussions qui eurent lieu au sein du congrès, lorsqu'il fut question d'établir en principe le droit de résistance légale ;Qu'en effet ces discussions, loin d'être favorables au système de l'intimé, prouvent que, dans l'esprit des rédacteurs de la constitution, la garantie contre les actes illégaux du pouvoir exécutif résidait tout entière dans la responsabilité des ministres et des agents du pouvoir, et que si, dans l'opinion de quelques membres du corps constituant, il fallait, en cas de résistance par la force, laisser aux tribunaux la connaissance des actes de l'autorité exécutive, ce n'était point pour leur attribuer le droit d'annuler ces actes et d'en défendre l'exécution, mais seulement dans l'ordre d'apprécier la légitimité de la résistance; - Attendu, dans l'espèce, qu'il s'agit d'un arrêté pris par le roi, comme pouvoir exécutif; que cet arrêté est contre-signé par le ministre de la justice, qui en poursuit l'exécution sous sa responsabilité ; Qu'il résulte de toutes les considérations qui précèdent que l'autorité judiciaire ne pourrait s'opposer à son exécution, sans méconnaître les principes constitutionnels sur l'indépendance des pouvoirs, sans faire une fausse application de l'art. 107 de la constitution; - Par ces motifs, met au néant l'ordonnance sur référé rendue par M. le président du tribunal d'Anvers, le 19 avril 1834; émendant, déclare qu'il était incompétent pour connaître de la demande portée devant lui par l'intimé; par suite, met également au néant son ordonnance du 20 avril 1834, etc.

Du 26 avril 1834.-C. de Bruxelles.

(2) Espèce: (Bourguignon, etc. C. Baudin.) — Bourguignon et Hourlier, commissionnaires à Reims, citent Baudin, de Genève, devant le tribunal de Reims, pour des contestations survenues à l'occasion d'un règlement de commission.-Baudin oppose l'art. 5 du traité international du 18 juillet 1828, et décline la compétence du tribunal.- Bourguignon et Hourlier soutiennent que le règlement de la commission devant s'effectuer à Rouen, il y a lieu d'appliquer l'art. 420 c. pr.-3 juill. 1858, jugement par lequel le tribunal se déclare incompétent. Appel par Bourguignon et Hourlier. Arrêt.

:

-

LA COUR; Considérant que, par l'art. 3 du traité conclu entre la France et la confédération helvétique, le demandeur est obligé de poursuivre son action devant les juges naturels du défendeur;- Que ce principe est général et n'admet que deux exceptions prévues par l'art. 3 ci-dessus l'une, la présence des parties dans le lieu où le contrat a été stipulé; l'autre, l'engagement de soumettre à des juges convenus à l'avance les difficultés qui pourraient s'élever; Considérant qu'aucune autre exception tirée des règles ordinaires de la procédure ne peut être opposée, puisque le traité international dont il s'agit a eu pour objet d'assurer aux Français comme aux Suisses, réciproquement, le droit exclusif d'être actionnés devant les juges de leur nation; Considérant que Baudin frères, de Genève, ont été assignés devant le tribunal de commerce de Reims, quoique le contrat en litige n'eût pas été stipulé dans cette ville, où d'ailleurs les parties n'étaient pas présentes, et qu'en admettant que le payement eut dû être fait à Reims, il n'en résulterait pas une dérogation aux principes de droit public constitués par le traité du 18 juillet; — Confirme.

Du 15 avril 1839.-C. de Paris, 3 ch.-M. Jacquinot-Godard, pr.

Suisse, ne peut, suivant les traités passés entre la France et le corps helvétique, être actionné en payement d'une dette sociale devant les tribunaux français, à moins que les parties ne soient présentes dans le lieu même où le contrat a été stipulé, ou qu'elles soient convenues de juges devant lesquels elles se seraient engagées à discuter leurs différends; les tribunaux français sont tenus, en pareil cas, d'accueillir l'exception d'incompétence proposée par le défendeur, et de le renvoyer devant ses juges naturels, alors même que le demandeur serait étranger (Cass., 26 août 1855) (1). — Cette décision, qui n'est qu'une juste application des dispositions particulières renfermées dans les traités conclus entre la France et la Suisse, est conforme, d'ailleurs, aux principes déjà consacrés par la cour de cassation, qui a décidé que les tribunaux saisis d'une contestation entre deux étrangers, ne peuvent la retenir, si l'une des parties propose le déclinatoire, – V. n° 285.

ART. 3.

De l'étranger non domicilié, défendeur en justice contre un Français.

257. L'art. 14 c. civ. permet de citer l'étranger devant nos tribunaux pour l'exécution des obligations qu'il a contractées en France ou en pays étranger avec un Français. C'est là une dérogation à la maxime actor sequitur forum rei qui se conçoit sans peine lorsque l'étranger a traité en France avec un Français, car on suppose qu'en venant chez nous il a consenti tacite

(1) Espèce: (Piguet C. Mataflorida.)- Une société avait été établie à Bordeaux par le sieur Achard, Français, domicilié à Genève, tant en son nom qu'en celui de ses associés, Piguet et Meylan, négociants et fabricants, de Genève. Le sieur Achard emprunta, en sa qualité d'associé de la maison Piguet, au marquis de Mataflorida, la somme de 75,000 fr. L'acte de prêt qui fut passé à Madrid contenait une déclaration faite par le sieur Achard, dans les termes suivants : « Comme la société ou compagnie pour qui ces fonds sont destinés, forme deux maisons dont je suis le procureur fondé, ainsi que le prouve la copie ci-jointe, je m'oblige de la manière la plus solennelle, au nom de ces maisons, de faire exécuter la présente convention. » — La société Achard et Piguet, à Bordeaux, fut dissoute, du consentement de toutes les parties, qui nommèrent liquidateur le sieur Piguet. Plus tard, le sieur Achard, qui avait formé un établissement à Bordeaux, en son nom seul, fut déclaré en faillite. - Le marquis de Mataflorida assigna alors, devant le tribunal de commerce de Bordeaux: 1° le sieur Gerus, au nom et comme syndic de la faillite Acbard; 2° le sieur Piguet, demeurant à Genève, au nom et comme liquidateur de la maison Piguet et Meylan, pour lui payer la somme de 99,980 fr. à lui due par suite du prêt. Le sieur Piguet, sur cette demande, déclina la compétence du tribunal. Jugement par lequel le tribunal se déclare incompétent à l'égard de Piguet, et quant aux conclusions du fond, à l'égard de la faillite Achard, ordonne que le sieur de Mataflorida sera admis au passif de la faillite. - Appel par le sieur de Mataflorida.

-

51 janv. 1832, arrêt. Attendu que le traité fait le 18 juill. 1828, entre la France et la confédération suisse, ne peut porter obstacle à l'application à la cause des art. 59 et 420 c. pén.; Que si l'art. 3 de ce traité porte que dans les affaires litigieuses personnelles et de commerce le demandeur sera obligé de poursuivre son action devant les juges naturels du défendeur, il fait exception pour le cas où les parties seraient présentes dans le lieu où le contrat a été passé, et pour celui où elles seraient convenues des juges par-devant lesquels elles se seraient engagées à discuter leurs difficultés; - Réforme.

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Pourvoi pour violation des principes généraux en matière de compétence et des traités conclus entre la France et la Suisse. En principe, dit le demandeur, toute action personnelle et mobilière doit être portée devant le tribunal du défendeur : actor sequitur forum rei. Il résulte implicitement aussi de l'art. 14 c. civ., que les tribuuaux français ne sont pas compétents pour connaitre d'obligations contractées en France entre deux étrangers, à moins que ces derniers n'y consentent d'un commun accord, ainsi que l'a décidé la cour de cassation. Mais lorsque l'un d'eux oppose le déclinatoire, il est impossible de retenir la cause.

ment à se soumettre à la juridiction française, mais qui ne s'explique pas de la même manière lorsque c'est dans son propre pays et à une distance qui peut être fort grande de la France qu'il s'est obligé envers un Français; aussi le projet primitif fai sait-il cesser pour ce cas la compétence française: mais après discussion la disposition fut modifiée dans le sens de l'art. 14. Le motif qu'on en a donné au conseil d'État est que, les jugements étrangers n'étant pas exécutoires en France, ce serait dénier la justice aux Français que de ne pas les autoriser à traduire devant leurs juges naturels un débiteur étranger, quand l'obligation peut être réalisée en France sur sa personne ou sur ses biens (M. Locré, lég. civ., t. 2, sur l'art. 14).-Toutefois, ce motif n'est pas le seul; le législateur a dû nécessairement prendre aussi en considération la difficulté et quelquefois l'impossibilité pour un Français d'obtenir justice contre un étranger devant les tribunaux de la patrie de celui-ci : le droit de protection envers les nationaux ne pouvait donc être abandonné. D'ailleurs, l'esprit de philanthropie cosmopolite devra faire encore bien du chemin dans le monde jusqu'à ce que les États divers de la seule Europe adoptent à l'envi la règle qui impose au demandeur l'obligation de s'adresser au juge du domicile du défendeur. L'humanité marche cependant vers ce résultat, en dépit des impatiences qui portent le trouble au sein du commerce et de l'industrie, ces deux éléments les plus civilisateurs des sociétés.

-

258. Quoique l'art. 14 ne statue qu'au sujet de l'étranger

rencontrent pas dans l'espèce. Il y a plus, c'est que le demandeur n'est pas Français, mais Espagnol. Si le traité ne permet pas même au Francais de distraire un Suisse de ses juges naturels, hors des cas qu'il a spécialement prévus, à plus forte raison doit-on admettre qu'il n'a pas voulu que les tribunaux français puissent enlever un Suisse à sa juridiction, au profit d'un étranger. - Le défendeur répond qu'en matière commerciale, les règles de compétence étaient changées; que ce n'était plus le domicile du défendeur qui fixait la juridiction, mais que c'étaient la nature de l'engagement et le lieu où il avait été contracté; que les nécessités commerciales doivent faire appliquer ce principe même aux étrangers entre eux, parce que l'exécution des actes commerciaux, avec la célérité qu'elle exige, deviendrait, sans cela, impossible; que l'art. 420 c. pr. fait ici évidemment la loi de la compétence, et que ce n'est pas le cas d'appliquer l'art. 14 c. civ., ainsi que cela a été jugé par un arrêt de rejet, du 30 nov. 1814 (Dict. gén., vo Etranger, n° 78, 148). Il ajoute encore qu'il reconnaît que les traités invoqués par le demandeur ont force de loi, mais qu'ils sont inapplicables à l'espèce; qu'en effet, ces traités règlent la juridiction entre les Français et les Suisses, mais non pas entre les Suisses et les Espagnols; qu'en supposant qu'ils soient applicables, il invoque l'art. 3 du traité qui admet une exception au principe actor sequitur, etc., dans le cas de présence des parties au lieu où le contrat avait été stipulé; qu'il était établi par l'arrêt que le contrat avait été stipulé à Bordeaux, et qu'Achard y était présent par son syndic; que, dès lors, ses coassociés, ou quoi que soit le liquidateur Piguet, était justiciable du tribunal de Bordeaux. Arrêt (après dél. en ch. du cons.). LA COUR; Vu l'art. 3 du traité du 18 juill. 1828, lequel n'est que la répétition de l'art. 13 du traité du 4 vend. an 12; Attendu que ces traités confirment les conventions passées à une époque plus reculée, entre la France et le corps helvétique; - Que, d'après ces traités, le demandeur est obligé de poursuivre son action devant les juges naturels des défendeurs; Que, par conséquent, les défendeurs ne peuvent pas être distraits de leur juridiction naturelle, et que les tribunaux français n'ont ni juridiction ni capacité pour les priver des juges naturels, que les traités leur laissent formellement; Que ces traités n'ont admis que deux exceptions; que la première ne se rencontre pas dans la cause, puisque Piguet et Meylan, de Genève, n'étaient pas présents à Bordeaux lorsque le contrat y a été passé, et qu'Achard-Galland seulement s'y trouvait, par son représentant Gérus; Que la seconde exception prévue par lesdits traités, exige que les parties soient convenues de juges devant lesquels elles se seraient engagées à discuter leurs différends; que les défendeurs ne peuvent pas non plus se fonder sur cette exception qui manque évidemment dans la cause, puisqu'il n'y a pas de trace d'un pareil enQue, par conséquent, il ne reste que le principe général et absolu qui ne permettait pas à des juges français de distraire le demandeur en cassation de ses juges naturels, en sadite qualité de liquidateur de la maison Piguet et Meylan, de Genève; Que la circonstance prise de ce que le marquis de Mataflorida était Espagnol, n'était pas de nature à altérer le principe, puisque c'est devant des juges français qui n'avaient ni juridiction ni capacité qu'il a conclu, contre le défendeur en cause, au rejet de l'incompétence qui lui était opposée; Casse.

D'un autre côté, les traités diplomatiques passés entre la France et la Suisse ont admis pour leurs ressortissants respectifs la règle actor sequi-gagement; tur forum rei. En effet, l'art. 3 du traité du 18 juill. 1828, qui n'est que la répétition de l'art. 13 du traité du 4 vend. an 12, est ainsi conçu : Dans les affaires litigieuses, personnelles ou de commerce qui ne pourront se terminer à l'amiable, ou sans la voie des tribunaux, le demandeur sera obligé de poursuivre son action directement devant les juges naturels du défendeur, à moins que les parties ne soient présentes dans le lieu même où le contrat a été stipulé, ou qu'elles fussent convenues de juges par-devant lesquels elles se seraient engagées à discuter leurs difficultés. » Il est certain que les deux exceptions mentionnées dans cet article ne se

TOME XVIII.

Du 26 août 1835.-C. C., ch. civ.-MM. Dunoyer, f. f. de pr.-Vergès, rap.-Laplagne-Barris, 1er av. gén., c. conf.-Piet et Bénard, av.

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DROIT CIVIL. -TIT. 2, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 3.

non résidant en France, il s'applique aussi et à plus forte raison à l'étranger qui aurait sa résidence sur notre territoire. Cette interprétation résulte avec évidence de ces mots de l'article « méme non résidant en France. »

259. Il y aurait encore moins de doute à l'égard de l'étranger domicilié en vertu d'autorisation du gouvernement, jouissant de tous nos droits civils, puisqu'il est juste qu'il supporte les charges corrélatives à cette jouissance. C'est aussi l'avis de MM. Marcadé, sur l'art. 14, no 2, et Coin-Delisle, no 4.

260. Du reste, que l'étranger réside en France forcément, en qualité de prisonnier de guerre, par exemple, ou qu'il y séjourne volontairement, il importe peu, puisque, même à l'égard du non résidant, la compétence des tribunaux français est établic par l'art. 14. On ne pourrait contester cette solution qu'en plaçant le prisonnier de guerre hors de la règle commune; mais où est le texte qui justifie cette prétention? Disons plus, et reconnaissons, avec MM. Guichard, no 223, et Coin-Delisle, no 5, que le prisonnier de guerre n'est tel que relativement à l'État, et reste dans la condition d'un simple étranger vis-à-vis des membres de l'État considérés individuellement. C'est dans ce sens qu'il a été très-bien jugé qu'un Anglais prisonnier de guerre était justiciable des tribunaux français à raison d'une lettre de change par lui souscrite en France (Paris, 16 germ. an 13, aff. Barrington, V. no 348).

261. Par application de l'art. 14, il a été décidé: 1° qu'un la endossement en blanc, transférant, d'après la loi anglaise, propriété d'une lettre de change, doit, s'il a eu lieu de la part d'un étranger envers un Français, être considéré comme obligation entre Français et étrangers, dont, par conséquent, les triaff. bunaux français peuvent connaître (Rej., 25 sept. 1829, Arnold, V. Effets de com., no 883-1°); — 2° Que l'étranger qui s'est associé avec un Français peut être traduit devant les tribunaux français pour l'exécution des engagements sociaux qu'il a contractés envers un Français, quels que soient l'objet, le siége et les clauses de la société (Req., 8 juill. 1840) (1).

262. Que l'étranger se trouve en France ou ailleurs, il suffit qu'il se soit obligé envers un Français, même hors de France, pour qu'il soit justiciable des tribunaux français pour l'exécution de ses engagements. Telle est la doctrine enseignée par MM. Merlin, Rép., v. Étranger, § 2; Pigeau, t. 1, p. 100; Guichard, n° 222; Mangin, Act. pub., t. 1, no 73; Fœlix, Droit intern. privé, no 130; Valette sur Proudhon, t. 1, p. 159, note a, et qui a été consacrée par plusieurs arrêts (Req., 7 sept. 1808, aff. Ingelhein, V. no 268; Florence, 17 août 1809, aff. Rigoli C. Peroni, V. no 257).

263. Des mols obligations contractées envers un Français, que contient l'art. 14, il a été conclu que cet article n'est pas applicable au cas où l'obligation ne naît pas d'un contrat, mais

En 1854, les sieurs Ricardo (1) Espèce: (Ricardo C. Garcias.) et compagnie, banquiers à Londres, consentirent un emprunt considérable au profit du gouvernement espagnol. Cette opération importante exigeait le concours d'un grand nombre de bailleurs de fonds. Le sieur de Garcias, de Paris, fut agréé à ce titre, et ainsi se forma entre lui et les sieurs Ricardo une société en participation, dont le siége était à LonEn 1837, le sieur de dres, et qui resta soumise aux usages anglais. Garcias, voulant se faire rendre des comptes pour lesquels il éprouvait des résistances, assigna les sieurs Ricardo et compagnie devant le tribunal de commerce de la Seine à fin de nomination d'arbitres. Cette demande a été accueillie par un jugement qui a rejeté la demande en renvoi devant les tribunaux anglais, formée par les défendeurs, sur le motif qu'un étranger est justiciable des tribunaux français pour des obliAppel. gations même souscrites en pays étranger envers des Français. 9 janv. 1839, arrêt de la cour de Paris, qui confirme en adoptant les motifs des premiers juges.

La disposi

Pourvoi de Ricardo et compagnie pour violation de la règle actor sequitur forum rei, et fausse application de l'art. 14 c. civ. tion de l'art. 14, dit-on, n'est pas absolue. Le législateur a eu pour but de protéger les nationaux contre la mauvaise foi des étrangers; mais il est des cas où la liberté et l'utilité du commerce devaient faire prévalojr les principes généraux. Dans l'espèce, les demandeurs avaient souscrit l'emprunt au profit du gouvernement espagnol, et les bases de cet emprunt avaient été arrêtées lorsque le sieur de Garcias a été admis comme associé. L'opération comportait un grand nombre de bailleurs de fonds; il fallait, dès lors, en fixer le siége. C'est à Londres que ce siége a été établi; c'est là que, suivant les usages anglais, l'emprunt a été réglé

où elle a été formée sans convention, et, par exemple
résulte d'un quasi-contrat, d'un délit ou quasi-délit.
l'appui de cette prétention, que la disposition de l'ar
une dérogation à la règle de compétence actor sequitur
que, comme toute exception, elle doit être appliquée r
ment; que si, dans le cas d'une convention, la loi a
changement de juridiction au profit des Français, c
qu'elle présume qu'il y a entre les parties accord taci
vre la règle exceptionnelle qu'elle consacre, mais
présomption ne s'applique point à l'obligation qui
pas d'un contrat. — Jugé en ce sens : 1° que les tribu
çais sont incompétents pour statuer sur l'action d'une
venue Française par son mariage avec un Français, p
elle réclame l'état d'enfant légitime d'un étranger do
pays étranger (Paris, 5 juin 1829, aff. Despine, V
M. Coin-Delisle (art. 14, no 7) ne voit là qu'une déci
pèce qui se justifie, à ses yeux, par cette considérat
demanderesse, étrangère d'origine, ne pouvait porter r
ment sa qualité de Française à l'époque de sa naissan
d'une part, il suffit de lire l'arrêt de la cour de Paris
meurer convaincu que c'est bien d'une question de pr
cette cour s'est préoccupée ; et, d'autre part, une loi de
de celle dont il s'agit ici et qui statue sur l'état des
ne subit pas l'application de l'art. 2 c. civ. qui proclan
- 2o Que si les
cipe de la non-rétroactivité des lois;
français sont compétents pour ordonner des mesures
toires relativement aux valeurs mobilières dépendant de
sion d'un étranger, ouverte en France et déférée à des
et, par exemple, pour ordonner le dépôt de ces valeu
incompétents pour contraindre par des condamnations
les, l'étranger qu'ils supposent encore détenteur de d
à l'exécution de ce dépôt (Cass., 18 août 1847, aff.
P. 47. 1. 345).

264. Revenons à la question spéciale qui s'agite
obligations de l'art. 14 ne s'entend-il que des engag
résultent de contrats? Non, évidemment. La loi romai
nait une base plus large. Obligationes, disait-elle, ea
fiunt aut ex quasi contractu, aut ex maleficio, aut ex
Ainsi, le délit
leficio (V. Instit., De obligat., § 2).
délit, le quasi-contrat formaient, d'après cette loi, com
trat lui-même, la matière d'une obligation. « Dans to
a très-bien dit M. Gaujal dans son rapport sur l'arrêt
le lien de d
1842, et malgré la diversité des causes,
même, il doit produire les mêmes effets; alléguerait-o
que l'étranger s'oblige en vertu d'un contrat, il es
soumettre volontairement à la juridiction française, à la
des autres causes d'obligations? Mais d'abord le quas
forme aussi par le fait volontaire de l'une ou de plu

tant à l'égard du trésor espagnol qu'avec les divers intéress
Londres que la correspondance et les versements sont partis
gne; c'est à Londres que sont les livres et les nombreux d
se rattachent à l'opération; c'est là aussi qu'a été constitu
mission de finances du gouvernement espagnol, chargée
comptabilité et les opérations de l'emprunt; enfin, c'est
sont domiciliés les sieurs Ricardo et compagnie. Dans ces ci
le sieur de Garcias, qui a pris part à une société dont le
Londres, ne pouvait exiger de comptes que devant les tribun
qui étaient seuls compétents pour statuer sur les comptes d'
En présence de l'art. 59 c.
Soumise aux usages anglais.
qu'en matière de société le défendeur soit assigné devant le
où elle est établie; en présence de l'art. 18 c. com., qui or
cution des conventions des parties, en matière de contrat d
présence surtout des circonstances particulières de l'espéce
qué aurait dû déclarer l'art. 14 c. civ. inapplicable aux dem

Arrêt.

le

LA COUR; Attendu qu'il est constant et reconnu par lui-même qu'une société en participation s'est formée entre fendeur éventuel à raison d'un emprunt contracté par espagnol; Attendu que, quels que soient l'objet, le siége de cette société, quelle que soit aussi la nationalité du dem pu être traduit devant les tribunaux français pour l'exécutio gements sociaux qui l'obligeaient envers un Français; rejetant le déclinatoire par lui proposé, la cour royale, lo l'art. 14 c. civ., en a fait une juste application; Rejette. Du 8 juill. 1840.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.

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parties. Quand il y a délit ou quasi-délit, la volonté n'est pas nécessaire; la conséquence inévitable du fait, même involontaire, c'est un engagement forcé avec toutes ses conséquences; il n'y a donc pas chez l'auteur du délit absence de la volonté de se soumettre à la juridiction française; cette absence de volonté ne peut pas exister: la volonté et ses conséquences sont inhérentes au quasi-délit, donc toutes les fois qu'il y a délit de la part d'un étranger envers un Français, cet étranger est soumis à la juridiction française. » — - Tels sont, en effet, les principes, et ils sont conformes à l'opinion de MM. Merlin, Rép., vo Étranger, 54; Pardessus, no 1478; Guichard, Droits civils, no 221; Carré, Compét., t. 1, no 202; Valette sur Proudhon, t. 1, p. 159, note; Demolombe, t. 1, no 250.

Il a été jugé dans ce sens et en principe: 1o que l'étranger, non résidant en France, peut être traduit devant les tribunaux français, à raison de toutes les obligations dont il est tenu envers un Français, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les

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(1) Espèce: (Imbert C. Dubois de Chemant.) Le sieur Dubois de Chemant, Français d'origine, mais naturalisé Anglais, décède en Angleterre, laissant pour héritiers la dame Imbert, sa fille, Française, qu'il avait eue d'un premier mariage contracté en France, et le sieur Williams de Chemant, son fils, Anglais, né d'un second mariage. Les biens de sa succession, situés en France, consistent dans une somme de 200,000 fr. en inscriptions de rentes sur l'Etat. La dame Imbert, se fondant sur l'art. 14 c. civ., forme, devant le tribunal civil de la Seine, une demande en partage de la succession de son père. Le sieur Williams de Chemant décline la compétence de ce tribunal. Il se fonde sur ce que l'art. 14, se servant du mot obligation, ne s'applique qu'aux obligations résultant d'un contrat; que, d'ailleurs, d'après l'art. 59 c. pr. civ., la demande en pétition d'hérédité doit être portée devant le tribunal du dernier domicile du défunt, et que cette règle doit d'autant mieux recevoir son application dans l'espèce, que les biens de la succession, situés en France, ne consistent qu'en effets mobiliers. 11 juill. 1834, jugement da tribunal de Paris, qui rejette le déclinatoire : «< Attendu que tous les tribunaux français doivent justice à tous les Français qui la réclament; que ce principe émane du droit de protection assuré par l'autorité publique aux regnicoles; qu'ainsi, toute disposition contraire de la loi serait une exception qui devrait être rigoureusement limitée aux cas qu'elle a prévus; Attendu que l'art. 14 c. civ. reconnaît aux Français le droit de poursuivre, en France, le payement des obligations contractées par l'étranger à leur profit, quel qu'en soit l'objet mobilier ou immobilier ;-Attendu que les obligations résultent aussi bien du commerce forcé des hommes que du concours de leur libre volonté; qu'en matière civile, les termes d'actions et d'obligations sont corrélatifs, d'où il suit que l'art. 14 s'applique à toute action civile contre un étranger par un Français; - Attendu qu'il n'existe aucune exception pour le cas où il s'agit d'une pétition d'hérédité; qu'on ne saurait la trouver dans l'art. 59 c. pr. civ.; qu'en effet, il est contraire au droit de souveraineté que la loi du pays attribue juridiction aux tribunaux d'un pays étranger, principe qui restreint les dispositions de l'art. 59 c. pr. civ. aux successions ouvertes dans l'étendue du territoire français; que le cas où l'ouverture de la succession a lieu hors des limites du territoire, n'ayant pas été prévu, il faut y suppléer par les dispositions de l'art. 14 c. civ.; Que si le jugement du tribunal français ne peut mettre les parties en possession des biens situés sur le sol étranger, il peut au moins déclarer le droit, et trouver d'ailleurs un soutien dans le principe qui résout en dommages et intérêts toute obligation inexécutée. » — Appel. Arrêt.

LA COUR;

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Adoptant les motifs des premiers juges; - Confirme. Du 17 nov. 1834.-C. de Paris, 1o ch.-M. Miller, pr. (2) Espèce : (Veuve Domecq C. Maison.) Domecq, Français, avait épousé en Angleterre, en 1814, la demoiselle de Lancaster. Établi en Espagne, Domecq y obtint, en 1825, des lettres de grande naturalisation. Après son décès arrivé en 1839, sa veuve ayant voulu prendre la qualité de commune en biens, en vertu du mariage célébré en 1814, le vicomte de Maison, son gendre, y forma opposition. A cette opposition, la veuve Domecq répondit par une demande ayant pour objet de se faire reconnaitre la qualité de commune, et attribuer les droits qui y étaient attachés.

Sur le déclinatoire tiré de l'incompétence des tribunaux français, le tribunal civil de la Seine admit le déclinatoire : « Attendu que la demande de la dame Domecq a pour objet de faire reconnaître sa qualité de commune en biens, résultant du mariage par elle contracté en Angleterre avec Pierre Domecq le 30 juill. 1814, qualité qui lui est contestée par les sieur et dame Maison dans une protestation extrajudiciaire, signifiée le 22 août 1839, et reproduite dans l'inventaire fait à Paris par suite du décès de Pierre Domecq; Que, lors du mariage de 1814, la dame Domecq était Anglaise et le sieur Domecq Français, Que, s'il ne s'agissait que d'apprécier la validité et les conséquences légales de ce con

obligations résultant d'un contrat et celles qui dérivent d'un fait donnant lieu à une action civile et, par exemple, d'une demande en partage de succession (Paris, 17 nov. 1834) (1); — 2° Que l'art. 14 c. civ., qui déclare l'étranger justiciable des tribunaux français pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français, est général et s'applique aux obligations indirectes naissant des quasi-contrats, comme aux obligations directes résultant d'un contrat (Grenoble, 23 juill. 1838, sous Rej., 16 fév. 1842, aff. Bouffier, v° Succession); — 3° Que la demande en reconnaissance de droits légaux résultant du mariage contracté entre un Français et une étrangère, en pays étranger, bien qu'elle soit intentée contre la succession du mari décédé étranger, peut être valablement formée devant les tribunaux français; et que l'art. 59 c. pr. civ. n'est pas applicable dans ce cas, sous le prétexte que les actions contre une succession doivent être portées devant le tribunal du lieu où elle est ouverte (Paris, 7 août 1840) (2); - 4° Que l'ac

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trat, formé en pays étranger entre un Français et une étrangère, le tribunal serait compétent; - Mais attendu que la dame Domecq, en réclamant la qualité de femme commune en biens, n'a, en réalité, d'autre but que de faire reconnaitre par le tribunal de la Seine les droits qu'elle prétend exercer contre la succession de son mari; Que les tribunaux ne doivent point statuer par abstraction sur la qualité d'une partie sans se rendre compte de l'application de la décision et des conséquences que l'on en veut tirer; Que Domecq a été naturalisé Espagnol en 1825; qu'il est mort Espagnol dans le courant de 1839, en Espagne, où il avait son domicile; que sa succession s'est donc ouverte en Espagne; Qu'en matière de succession, les contestations doivent être portées, aux termes de l'art. 59 c. pr., devant le tribunal du lieu où la succession s'est ouverte; que cette compétence du tribunal du lieu de l'ouverture de la succession est fondée sur le principe d'équité actor sequitur forum rei, parce que, dans les actions intentées par les héritiers et les créanciers du défunt, l'on considère comme partie défenderesse l'hérédité encore indivise; - Que, s'il s'agissait de la succession d'un Français ouverte en France, le tribunal français, indûment saisi, pourrait, même d'office, et devrait, dans le cas de déclinatoire proposé par l'une des parties, renvoyer le procès devant le tribunal du lieu de l'ouverture; qu'aucune disposition de la loi ne s'oppose à ce qu'il en soit de même lorsqu'il s'agit d'un étranger non autorisé à établir son domicile en France, et dont la succession s'est ouverte en pays étranger; Que le tribunal n'est pas

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saisi du partage des valeurs mobilières de ladite succession entre des béritiers français et des héritiers étrangers; qu'il ne s'agit que des droits de la dame Domecq contre la succession de son mari, c'est-à-dire que la dame Domecq, qui n'est pas héritière, a saisi un tribunal français d'un procès contre une hérédité étrangère, contre une succession ouverte en Espagne et encore indivise; que, par conséquent, les sieur et dame Maison, héritiers du sieur Domecq, sont fondés, aux termes de l'art. 59 c. pr., opposer déclinatoire ; Que le tribunal étant incompétent, il n'y a pas lieu à s'occuper du sursis. »> Appel par la veuve Domecq.

- Arrêt.

LA COUR;

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Considérant que Pierre Domecq était Français lorsqu'il a épousé, en 1814, Diana Lancaster; que celle-ci, quoique Anglaise d'origine, est devenue Française par le fait seul du mariage, et que les époux n'ayant pas réglé leurs droits par un contrat, se sont trouvés soumis au régime de la communauté, conformément aux dispositions du code civil; Considérant qu'en 1825 Pierre Domecq a obtenu pour lui seul des lettres de grande naturalisation en Espagne, et que la veuve Domecą prétend que ces lettres ne lui ont pas fait perdre la qualité de Française; -Considérant qu'en 1856 les époux Domecq ont fait célébrer en France un nouveau mariage, et qu'ils ont réglé par un contrat également passé en France des conventions desquelles on prétend faire résulter des modifications à la communauté légale à laquelle ils avaient été soumis par le fait du mariage de 1814; Considérant que le premier acte sur la validité duquel il s'agit de statuer est un mariage contracté par un Français avec une étrangère qui serait devenue Française par le fait seul du ma riage, et que les actes de 1856, dont les représentants d'un étranger prétendent faire résulter des modifications à la communauté de 1814, ont été passés en France, et ne donnent lieu qu'à une question incidente à la question principale de validité du mariage de 1814;-Considérant qu'aux termes de l'art. 14 c. civ., l'étranger peut être cité devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en France avec un Français; que le mot obligation, employé dans ledit art. 14, ne comportant en lui-même aucune restriction, doit s'entendre de tous les engagements consentis entre Français et étrangers, quelle que soit leur nature;

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DROIT CIVIL.TIT. 2, CHAP. 2, SECT. 1, ART. 3.

il un obstacle au droit de citer l'étranger devant les

tion en indemnité formée contre un étranger pour dommage causé à un navire français par l'abordage d'un navire étranger, | français, pour le payement de dettes contractées dans peut être portée devant les tribunaux français; que cette action, qui ne se rapporte qu'à des intérêts privés, doit être régie par le droit civil français, et non par les principes généraux du droit des gens (Req., 13 déc. 1842) (1);-5° Que les tribunaux français peuvent prescrire l'emploi des fonds échus en France à des mineurs étrangers résidant dans ce pays, même au préjudice de l'administration de leur père tuteur, lorsque cette mesure n'a d'autre mobile qu'un intérêt urgent de protection et de conservation (Rej., 25 août 1847, aff. Quartin, D.P.47.1.273); -6°Quel'art. 14 c. civ. s'applique à la demande en délivrance d'un legs mobilier fait à un Français par un étranger décédé en pays étranger (Paris, 11 déc. 1847, aff. Kuhn, D. P. 48. 2. 49); -7° Que les tribunaux français sont compétents pour connaître de l'action mixte intentée par un Français contre un étranger résidant en pays étranger; et spécialement que l'action par laquelle un Français, propriétaire en pays étranger d'un immeuble qu'il a apporté dans une société formée avec un étranger, revendique son apport, par suite de l'annulation de la société, est valablement portée devant les tribunaux français (Douai, 3 avr. 1848, aff. Debaillet, D. P. 48. 2. 187); -8° Que l'action en recherche de maternité peut être intentée devant les tribunaux français par un Français contre l'étrangère qu'il désigne comme lui ayant donné le jour en France, et que le fait de la maternité engendre au profit de l'enfant des obligations dans le sens de l'art. 14 c. civ. attributif de juridiction pour les tribunaux français (Cass., 19 juill. 1848, 9° Que l'adition faite par un aff. B..... D. P. 48. 1. 129); étranger d'une hérédité ouverte en France, et sur laquelle un Français réclame un legs, rend l'étranger justiciable des tribunaux français pour le payement des legs (Montpellier, 12 juill. 1826, aff. Travy, V. no 541). — V. n° 251.

265. Le domicile du Français dans le pays de l'étranger estInfirme; au principal, renvoie les parties c. pr. n'est pas applicable; devant le tribunal de première instance de Paris, composé toutefois d'autres juges que ceux qui ont rendu la sentence infirmée.

Du 7 août 1840.-C. de Paris.-MM. Philipon, f. f. de pr.-Glandaz, subst., c. conf.-Teste et Dugabé, av.

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A l'occasion du (1) Espèce: (Le Britannia, etc. C. le Phénix.) dommage considérable causé au navire le Phénix, appartenant à une compagnie française, par suite de l'abordage du navire le Britannia, appartenant à une compagnie anglaise, celle-ci, citée devant le tribunal de commerce du Havre, en a décliné la compétence, sous prétexte qu'il ne s'agissait, dans l'espèce, de l'exécution d'aucune obligation contractée - Jugement par lequel le tribunal retient entre les parties (c. civ. 14). la cause. Arrêt confirmatif de la cour de Rouen, ainsi conçu: «< Attendu que tout Français a le droit de s'adresser aux tribunaux de son pays pour demander justice; que ce droit est une conséquence de la protection due par la puissance publique aux regnicoles; que ce principe se trouve proclamé par l'art. 14 c. civ., qui dispose que l'étranger, même non résidant en France, pourra être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français; Que l'unique question du procès est de savoir si ces expressions obligations contractées peuvent s'appliquer aussi bien aux obligations résultant d'un délit ou quasi-délit qu'aux obligations provenant d'une convention expresse; Attendu que l'art. 14 ne restreint pas le droit qu'il accorde aux conventions, mais qu'il l'étend à toutes les obligations, sans distinguer entre les divers moyens par lesquels elles peuvent être contractées; Qu'il résulte évidemment des termes des art. 1370 et suiv. c. civ., et notamment de l'art. 1382, spécialement applicable à l'espèce, qu'une obli gation peut aussi bien être contractée par un fait ayant le caractère d'un Que, d'aildélit ou d'un quasi-delit que par une convention expresse; leurs, cette définition des obligations n'est que la reproduction de celle qui Attendu, était donnée par la loi romaine (Instit., lib. 3, tit. 13, § 2); enfin, qu'aucun motif assez puissant n'existe pour établir, entre les diverses obligations dont un étranger peut être tenu envers un Français, une distinction que la loi française n'a pas créée, alors surtout que cette distinction aurait pour résultat de restreindre une protection qu'elle a voulu généralement assurer aux nationaux contre l'étranger, et de transporter aux tribunaux du pays de cet étranger une juridiction que le droit de souveraineté française doit maintenir à la justice nationale. »

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Pourvoi en cassation de la part de la compagnie anglaise, pour violation de l'art. 59 c. pr. et fausse application de l'art. 14 c. civ. Toute l'argumentation du demandeur repose sur la distinction, qu'il puise dans les termes et dans l'esprit de l'art. 14 c. civ., entre les obligations contractées conventionnellement par l'étranger au profit d'un Français, et celles qui résultent de ses délits ou quasi-délits. Pour les premiè

L'étranger alors pourrait intenter son action en Fra usait de cette faculté, c'est qu'elle lui offrirait un moye cile d'être payé. Pourquoi la refuserait-on au Français cipe de la réciprocité est établi par les art. 14 et 15 Cette opinion, adoptée par M. Duranton (t. 1, no 150 battue par M. Delvincourt (t. 1, p. 201, 2o éd.), a été c par un arrêt non motivé de la cour de Paris, du 28 fév. M. Delvincourt se borne à dire que l'étranger, dans ce croire qu'il ne serait pas poursuivi en France. Mais l'aurait-il cru? Pourquoi, lorsqu'il peut à son choix ac Français en France ou à l'étranger, aurait-il pensé qu çais ne jouirait pas du même droit d'option à son égard nouvel arrêt, en date du 20 mars 1834 (rapporté au numé sous l'arrêt de cassation du 26 janv. 1836), la même c sisté dans sa jurisprudence, en se fondant sur ce que, accorde aux Français le droit d'appeler les étrangers tribunaux français, pour raison des obligations c même à l'étranger, il suppose au moins que les Frand domicile dans leur pays, domicile qui doit servir à dét tribunal français compétent pour statuer, puisque aut loi accorderait aux nationaux le privilége exorbitant leurs juges. La cour s'est aussi basée sur ce que, l'art. 14 dans l'hypothèse où le Français est domicilié ger, ce serait, pour ainsi dire, tromper les étrangers tant avec des individus établis dans leur pays, n'ont pas qu'ils s'exposeraient à être appelés devant les tribunau ce qui serait plus nuisible qu'utile aux Français.-Enfi s'est encore fondée sur ce que, dans ce cas, le Franç à se plaindre d'être obligé de se soumettre aux loi étrangers, lois sous lesquelles il s'est placé lui-mêm ces trois motifs sont-ils concluants?-Quant au prem

res, a-t-il dit, elles sont placées sous la compétence des trib çais, en vertu de la disposition exceptionnelle de l'art. 14 c les secondes, non comprises positivement dans l'exception, et au contraire, exclues, par l'expression contractée dont s'est gislateur, doivent rentrer sous l'application de la règle génér pétence actor sequitur forum rei, règle essentiellement primit par toutes les legislations, et consacrée dans notre droit par

pr.

Arrêt.

LA COUR; Attendu que cette affaire, où il ne s'agit qu privés, est régie, non par les principes généraux du droi mais par les règles positives du droit civil français; - Que gations n'étant limité ni modifié par aucune expression, doit ment être entendu dans le sens générique et absolu qui lui a droit;--Qu'il s'applique, dès lors, à toutes les obligations, o soient la nature et la cause, et à celles qui sont contractées celui qui, ayant commis un quasi-délit, est obligé, suivant de l'art. 1382 c. civ., à réparer le dommage qu'il a causé que l'arrêt attaqué, fondé sur ces principes, a fait à la cau application de l'art. 14 c. civ.; — Rejette.

Du 13 déc. 1842.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr. rap.-Pascalis, av. gén., c. conf.-Piet, av.

(2) Espèce :- (Gesnelle C. Straulino.) - Gesnelle et Paris, domiciliés à Milan, et créanciers de Straulino, Milanais Paris des valeurs saisissables, l'assignèrent devant le tribunal de cette dernière ville. Déclinatoire, proposé par Straulino le tribunal, attendu que l'art. 14 n'était pas applicable au F micilié dans le pays de l'étranger.-Appel des créanciers, par 1° la loi ne distingue pas; 2° c'est à la qualité de França douté les préventions nationales d'un autre pays; et d'ailleu qu'elle a attaché la faveur d'être jugé par ses juges naturels tion française offrait un moyen plus prompt de saisir les biens situés en France. Straulino répondait : 1° La maxime a forum rei est la règle générale; dans le doute, il faut donc res qu'étendre l'exception; 2° la loi a voulu éviter au Français cilié à l'étranger, les frais d'un long voyage, nécessités que une action judiciaire d'un minime intérêt, les inconvénient rance des usages locaux, du défaut de crédit dans le pays, cultés de suivre une affaire par correspondants.

Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'il est justifié que Gesnelle et O que Français, avaient, à l'époque de leur demande. leur Italie, et dès lors ne peut pas s'appliquer la disposition ue l'art - Met l'appellation au néant.

Du 28 fév. 1814.-C. de Paris, 2 ch.-M. Agier, pr.

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