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également à l'armée. au nom de la garde. Le lendemain, à neuf heures, on découvrit les côtes de Noli, et à midi la ville d'Antibes. Enfin, à trois

heures après midi, le 1er mars 1815, la petite escadrille jeta l'ancre au fond du golfe de Juan. entre Caunes et Antibes.

LIOTE

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DÉBARQUEMENT DE L'EMPEREUR; SA MARCHE TRIOMPHALE SUR PARIS. EFFORTS IMPUISSANTS DES BOUR-
BONS POUR MAITRISER LE MOUVEMENT DE LA FRANCE EN FAVEUR DE NAPOLÉON; FUITE DE LOUIS XVIII.
ENTRÉE DE L'EMPEREUR A PARIS. RECONSTITUTION DU GOUVERNEMENT IMPÉRIAL. FAUTES ET
ERREURS DES HOMMES DU POUVOIR. SEPTIÈME COALITION DE L'EUROPE CONTRE LA FRANCE. TENTA-
TIVE DE GUERRE civile; DÉFAITE DES ROYALISTES. LA FRANCE SE PRÉPARE A LA GUERRE. MODIFI-
CATION DES LOIS ORGANIQUES DE L'EMPIRE; ACTE ADDITIONNEL.
NAPLES EN ITALIE RUINE DU ROI JOACHIM. DE NOUVEAUX TROUBLES ÉCLATENT DANS LES DÉPARTE-
MENTS DE L'OUEST. - ASSEMBLÉE DU CHAMP-DE-MAI.—CAMPAGNE DE 1815.-- BATAILLE DE WATERLOO;

MOUVEMENT MALADROIT DU LOI DE

RETRAITE DE L'ARMÉE FRANÇAISE. NOUVELLES INTRIGUES DU SÉNAT.
FIN DE L'EMPIRE.

FAVEUR DE SON FILS, LE ROI DE ROME.

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CONCLUSION.

1er mars.

AFOLÉON eutà peine fait

jeter l'ancre à l'Inconstant

qu'il fit commencer le débarquement des troupes. Un capitaine et vingt-cinq hommes furent dirigés en toute hâte vers la plage afin de s'assurer s'il n'y avait 'point de batterie de côte et éclairer les routes de Cannes et d'Antibes. La côte était déserte; aucun obstacle ne s'opposa au débarquement de la petite avant-garde. Encouragé par cette circonstance, le capitaine de ce détachement marcha imprudemment sur Antibes et se jeta dans la ville au cris de vive l'empereur! mais il fut aussitôt désarmé par le général Corsin, qui commandait Antibes au nom de Louis XVIII, et arrêté avec tous ses compagnons, avant qu'on pût le soutenir. Ne voyant pas revenir son avant-garde, l'empereur fit continuer le débarquement avec la plus grande activité. A cinq heures du soir, tout le monde fut à terre, ainsi que les armes et les munitions. Il était presque nuit. Forcé d'attendre la levée de la lune pour se mettre en marche, Napoléon fit bivaquer ses trou

pes au bord de la mer, dans une plantation d'oliviers, ce qui parut d'un bon présage. L'empereur, qui croyait aux fatalités comme tous les hommes de génie, le fit remarquer à ses compagnons : « Cela nous portera bonheur, » leur dit-il d'un ton prophétique. Le premier homme que l'on rencontra fut un ancien sol· dat de la grande-armée, qui se joignit à l'in stant à Napoléon et lui servit de guide. « Eh bien! Bertrand. dit-il au grand maréchal, voilà du renfort!.. La lune s'étant levée vers dix heures et demie, la petite troupe, à laquelle l'empereur venait de donner le nom de députation de la garde, se mit en marche sur Cannes et Castellane. sans s'arrêter un instant. Après vingt lieues d'une marche continue, Napoléon arriva vers le soir au village de Cénéron; le lendemain, 3 mars. il atteignit Barème, et le 4 la ville de Digne. Les paysans, instruits de sa marche, accoururent de toute part au-devant de lui et le félicitèrent sur son heureux retour. Plusieurs soldats, à peine ren trés dans leurs foyers, coururent aux armes et vinrent se grouper autour de leur glorieux empereur; chaque pas amenait quelques nouveaux renforts, et pour Napoléon, cet enpressement était un sûr garant du sentiment de la nation. Le 3 au matin, le général Cambronne, qui formait l'avant-garde avec quarante grenadiers, occupa la forteresse de Sisteron, et dans l'après-dînée la ville de Gap, où Napoléon passa la nuit. Ce fut à Gap que l'empereur fit imprimer les proclamations qu'il

avait dictées à bord et dont les exemplaires manuscrits avaient été distribués sur la route que l'on venait de parcourir. Ces proclamations. qui furent répandues dans les départements avoisinants avec une rapidité remarquable, produisirent sur le peuple un effet vraiment magique. Partout on n'entendit plus que des cris de joie mêlés au nom de Napoléon, des bénédictions pour le libérateur de la France, le père du peuple. L'enthousiasme fut général, irrésistible. Si Napoléon eût voulu réunir vingt mille hommes en quelques instants, il n'aurait eu que l'embarras du choix. A SaintBonnet, où l'empereur arriva vers le soir, les habitants proposèrent de sonner le tocsin pour assembler les villages et l'accompagner en masse. « Non, leur répondit Napoléon; vos sentiments me font connaître que je ne me suis point trompé. Ils sont pour moi un sûr garant des sentiments des soldats. Ceux que je rencontrerai se rangeront de mon côté; plus ils seront, plus mon succès sera assuré. Restés donc tranquilles chez vous. »

L'empereur arriva le soir à Gorp, tandis que son avant-garde prenait possession de la Mure. Jusque-là on n'avait rencontré aucune troupe; mais en sortant de la Mure, le 7 mars, des paysans vinrent prévenir le général Cambronne qu'une colonne de la garnison de Grenoble marchait au-devant de lui dans l'intention de le combattre. Le moment était critique; tout dé

pendait de cette première rencontre. Cam bronne le comprit. Redoublant d'audace, le général fit hâter le pas à ses braves et se porta résolument à la rencontre de la colonne, qu'il ne tarda point à trouver en ordre de bataille sur la route. C'était un bataillon du 5o de bigne, une compagnie de sapeurs et une autre de mineurs, en tout sept à huit cents hommes. que le général Marchand, qui commandait Grenoble, avait envoyés en reconnaissance Cambronne voulut parlementer, mais on lu répondit qu'il y avait défense de communiquer Le commandant du détachement quitta toute fois sa position, se replia de trois lieues d courut se placer à quelques distance en avant de Vizille. C'était un contre-temps fàcheur. Cambronne s'empressa de prévenir l'empereur de cet incident et de lui demander des instractions. En recevant cette dépèche, Napoleon e put s'empêcher d'un instant d'inquiéta « On m'a trompé, dit-il avec force au généra Bertrand; n'importe, en avant! » Arrivé sz le front du détachement, l'empereur enves le chef d'escadron Roul pour faire connaître aux troupes la nouvelle de son arrivée, mai cet officier ne put se faire entendre; il reç la même réponse que le général Cambronne. Le temps s'écoulait et chaque minute perda devenait irréparable. Un acte d'éclat était nécessaire. Mettant pied à terre. Napoléon se pre cipita au-devant du bataillon, suivi des gre

Voici quelques passages des deux premières de ces procla- que ceux du peuple et les vôtres. Son intérêt, son honneur, u mations.

« Soldats!

Proclamation à l'armée.

» Nous n'avons pas été vaincus! Deux hommes sortis de nos rangs ont trabi nos lauriers, leur pays, leur prince, leur bienfaiteur...

» Ceux que nous avons vus pendant vingt-cinq ans parcourir toute l'Europe pour nous susciter des ennemis, qui ont passé leur vie à combattre contre nous dans les rangs des armées étrangères en mandissant notre belle France, prétendront-ils commander et enchaîner nos aigles, eux qui n'ont jamais pu en soutenir les regards? Souffrirons-nous qu'ils héritent du fruit de nos glorieux travaux ? qu'ils s'emparent de nos honneurs, de nos biens, qu'ils calomnient notre gloire? Si leur règne durait, tout serait perdu, même le souvenir de ces immortelles journées....

gloire, ne sont autres que vos intérêts, votre honneur et vair gloire. La victoire marchera au pas charge; l'aigle avec les on leurs nationales volera de clocher en clocher jusqu'aux tour à Notre Dame: alors vous pourrez vous vanter de ce que vous rez fait; vous serez les libérateurs de la patrie... Proclamation au peuple français.

@ Français,

» La défection du due de Castiglione livra Lyon sans défen à nos ennemis...

La victoire de Champ-Aubert, de Montmirail, de Châte Thierry, de Montereau, de Craone, de Reims, d'Arcis-sur-4ube et de Saint-Dizier, l'insurrection des braves paysans de la la raine, de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les dernien de l'armée ennemie... l'avaient placée dans une situation dies pérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être și

» Soldats! dans mon exil j'ai entendu votre voix; je suis arrivé à travers tous les obstacles et tous les périls. Votre gé-puissants, et l'élan de l'armée ennemie était perdue sans * néral, appelé au trône par le choix du peuple et élevé sur vos pavois, vous est rendu ; venez le joindre. Arrachez ces couleurs que la nation à proscrites, et qui; pendant vingt-cinq ans, servirent de ralliement à tous les ennemis de la France; arborcz cette cocarde tricolore; vous la portiez dans nos grandes journées!

» Nous devons oublier que nous avons été les maitres des nations, mais nous ne devons pas souffrir qu'aucune nation se mêle de nos affaires. Qui prétendrait être maître chez nous? Qui en aurait le pouvoir? reprenez ces aigles que vous aviez à Ulm, à Austerlitz, à léna, à Eylau, a Friedland, à Tudella, à Eckmühl, à Essling, à Wagram, à Smolensk, à la Moskowa, Lutzen, à Wurschen, à Montmirail.

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source.... lorsque la trahison du due de Raguse livra la c tale et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deu généraux qui trabirent à la fois leur patrie, leur prince et før bienfaiteur, changea le destin de la guerre...

D

Français, dans mon exil, j'ai entendu vas plaintes et 19 vœux; vous réclamez ce gouvernement de votre choix, qui xu est légitime...

de

» J'ai traversé les mers au milieu des périls de toute espère ; J'arrive parmi vous reprendre mes droits, qui sont les vôtres. Tast ce que des individus ont fait, écrit ou dit depuis la prise Paris, je l'ignorerai tonjours : cela n'influera en rien sur le socvenir que je conserve des services importauts qu'ils out rendas, car il est des événements d'une telle nature qu'ils sont au-dessus de l'organisation humaine....

(Moniteur, no 80, 1815.)

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nadiers de la garde qui portaient l'arme sous le bras, ouvrit sa redingote et vint se placer en face des soldats chargés de l'arrêter. «< Camarades, me reconnaissez-vous, leur dit-il. Oui, sire, répondirent les soldats d'une voix. émue.

Me reconnaissez-vous, enfants? répéta Napoléon ; je suis votre empereur; tirez sur moi si vous l'osez, tirez sur votre père; voilà ma poitrine. »> A ces mots, personne ne se contint plus. Les soldats, électrisés, les yeux pleins de larmes, rompirent leurs rangs, se jetèrent aux pieds de leur idole, et embrassèrent, avec des transports d'enthousiasme, ses mains, ses genoux, ses habits ! Les fleurs de lis furent foulées aux pieds; et la cocarde tricolore, cachée par les soldats comme de nobles reliques, replacée comme par enchantement sur les shakos, aux cris de vive l'empereur, vive la France!

Cette grande scène, merveille au milieu de tant d'autres, décida tout. L'impulsion était donnée et la France entière allait suivre l'exemple des soldats du 5o de ligne.

Aidé de ce premier renfort, Napoléon marcha à l'instant sur Vizille. Toute la population courut au-devant de lui. L'enthousiasme fut à son comble. « C'est ici, s'écria le maire en recevant l'empereur, qu'est née la révolu tion! C'est nous qui les premiers avons osé reclamer les priviléges des hommes; c'est encore ici que ressuscite la liberté française et que la France recouvre son honneur et son indépendance! »

A une demi-lieue au-dessus de Vizille, Napoléon fut rejoint par le lieutenant-adjudantmajor de Lannoy, du 7° de ligne, qui vint le prévenir que le colonel Labédoyère, arrivé la veille à Grenoble, venait de se détacher de la garnison de cette ville pour se réunir à son empereur. En effet, quelques minutes après, le 7° de ligne déboucha au pas de course à la vue de la petite armée impériale. Le brave Labédoyère aimait Napoléon comme son Dieu; il le salua de sa jeune épée aux acclamations de tous ses soldats. Les deux troupes, ivres de joie, confondirent leurs rangs et s'embrassèrent comme après un long exil... L'empereur, ému de tant d'attachement, reçut le colonel dans ses bras et le serra longtemps sur sa noble poitrine glorieuses étreintes, qui devaient malheureusement se changer plus tard, pour le généreux Labédoyère, en linceul sanglant '!

Les soldats étaient harassés de fatigue; quel

'Le colonel Labédoyère (Charles-Angélique-François Huchet, comte de), fut nommé peu de temps après par Napoléon, général de brigade, puis général de division et enfin pair de l'empire. Forcé de s'exiler lors du second retour des Bourbons, le brave général Labédoyère allait s'embarquer pour l'Amérique, au mois de juillet, lorsqu'il fut attiré à Paris par des intrigues mysté

ques heures de repos étaient été nécessaires, mais puisque la fortune se déclarait si visiblement en sa faveur, Napoléon voulait pousser jusqu'à Grenoble le jour même. Il était neuf heures du soir lorsqu'on arriva à l'entrée du chemin couvert qui précède la route de Vizille à la porte de Beaune. Les portes de la ville étaient fermées. La garnison était sous les armes; elle était composée du 3° régiment du génie, du 4° d'artillerie, le même régiment dans lequel Napoléon avait été capitaine vingt-cinq ans auparavant, de deux bataillons du 5 de ligne, du 11° et du 4° de hussards. Le général Marchand et le préfet, le savant Fournier, étaient décidés à défendre la ville; mais comment maîtriser l'enthousiasme lorsqu'il déborde avec tant de violence? Harangues, prières, menaces, tout fut inutile pour entraîner les soldats contre Napoléon. Transportés, hors d'eux-mêmes, les soldats et les habitants coururent vers les remparts, d'où ils saluèrent spontanément l'empereur et ses compagnons! Les portes furent brisées à coups de hache par le peuple, et Napoléon conduit en triomphe à l'hôtel du Cheval blanc, qui était tenu par un ancien brave de la garde. « Tout est décidé maintenant, dit l'empereur à ses officiers; nous allons à Paris. » La ville de Grenoble fut illuminée à l'instant, comme aux grandes fêtes nationales.

Le lendemain matin, 8 mars, Napoléon fut complimenté solennellement comme empereur par les autorités civiles, judiciaires, militaires et ecclésiastiques. « J'ai su que la France était malheureuse, leur dit-il, j'ai entendu ses gémissements et ses reproches. Mes droits ne sont autres que les droits du peuple. Je viens les reprendre, non pour régner, le trône n'est rien pour moi; non pour me venger, je veux oublier tout ce qui a été fait depuis la capitulation de Paris... Nous devons oublier que nous avons été les maîtres du monde... Je veux régner pour rendre notre belle France libre, heureuse et indépendante... Je veux être moins son souverain que le premier et le meilleur de ses citoyens.

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A deux heures, l'empereur passa en revue la garnison et la garde nationale, qu'il harangua en peu de mots patriotiques, qui furent couverts d'applaudissements et de cris d'allégresse. La revue terminée, il fit à l'instant marcher ses troupes, fortes alors de près de sept mille hommes, sur Lyon, dont la route leur était en quelque sorte ouverte. Napoléon

rieuses, arrêté le même jour par la police, traduit devant un conseil de guerre le 4 août, condamné à mort comme traître, et fusillé dans la plaine de Grenelle, le 19, à six heures et demñe du soir. L'infortuné général n'avait que vingt-neuf ans ; il était né à Paris en 1786. Ce fut par la mort de ce brave que Louis XVIII commença la sanglante réaction qui ouvrit son malheureux règne.

ne conserva avec lui qu'une cinquantaine d'hommes pour sa garde. Dans la soirée, il écrivit à l'impératrice Marie-Louise, ainsi qu'au roi Joseph, au roi Jérôme et à Lucien ; il les invitait à revenir immédiatement en France.

L'empereur partit de Grenoble le lendemain matin, 9 mars. Avant de quitter la ville, il en confia la défense à ses habitants par un décret spécial. Deux autres décrets, rendus au même instant, ordonnèrent, le premier, l'orga- ́ nisation de la garde nationale des départements des Hautes et Basses-Alpes, du Mont-Blanc, de la Drôme et de l'Isère; et le second, qu'à dater du 15 mars, tous les actes publics seraient faits et la justice rendue en son nom.

Napoléon passa la nuit à Bourgoin. La foule et l'enthousiasme allaient, s'il était possible, en augmentant. Tous les villages, de dix lieues à la ronde, étaient sur pied. « Il y a longtemps que nous vous attendions, disait-on de toute part à l'empereur; vous voilà enfin arrivé pour délivrer la France de l'insolence de la noblesse, des prétentions des prêtres et de la honte du joug de l'étranger! » De Grenoble à Lyon, la marche de Napoléon ne fut qu'un triomphe. Partout ce fut la même joie, le même attachement. Jamais homme n'avait exercé pareil prestige. « Ah, dit l'empereur à la foule réunie à Bourgoin, je retrouve ici les sentiments qui, il y a vingt ans, me firent saluer la France du nom de grande nation! Oui. vous êtes toujours la grande nation, et vous le serez toujours. » En quittant Bourgoin, toute la population de la ville accompagna Napoléon jusqu'à la Verpillère. Il ne resta qu'un instant dans cette petite ville, afin de hâter sa marche sur Lyon, où, disait-on, le gouvernement des Bourbons venait de réunir des forces considérables pour arrêter l'empe

reur.

10 mars La première nouvelle du débarquement de Napoléon avait été apportée à Paris, par le télégraphe, dans la matinée du 5 mars. Cette grande nouvelle, qui eût dû dessiller les yeux du gouvernement, ne rencontra d'abord qu'une incrédulité complète de la part de la cour et des ministres; personne ne voulut croire à une semblable entreprise, que dans leur aveugle confiance Louis XVIII, sa famille et ses partisans taxèrent unanimement de folie. Toute la journée se passa sans que le pouvoir daignât prendre la moindre mesure. Cependant, une dépêche détaillée, transmise par le gouverneur militaire de Toulon, le maréchal Masséna, ne tarda guère d'annoncer que Napoléon était débarqué dans le golfe Juan à la tête de mille à onze cents hommes, « ramassis de toutes les armes, ajouta le prince d'Essling, troupes déjà débandées et

qui se dirigent vers les montagnes du Dau phiné. » Le doute ne fut plus possible sur l'arrivée de l'empereur en France; mais cette certitude n'ota rien à l'inexplicable confiance des hommes de l'État. Comme tous les pouvoirs faibles et paresseux, le gouvernement déclara que Napoléon avait fait une folie et qu'il venait se jeter en insensé entre ses mains. Chose étrange et presque incroyable! il y eut un instant de joie parmi les partisans les plus chauds des Bourbons à la nouvelle du débarquement. Ces imprudents serviteurs se felicitèrent que Napoléon vint « se livrer comme un fou aux mains du roi; l'Europe l'avait traité avec trop d'indulgence en lui laissant le titre d'empereur et la souveraineté de lile d'Elbe; mais maintenant qu'il renonçait laimême à tant de faveurs, il ne fallait plus ètre clément envers lui. » Tous tinrent le même langage, et dans leur ignare sécurité, ils de mandèrent qu'on courût sus à l'usurpateur et qu'on le livrât, lui et ses complices, à la justice de la nation!... Le comte d'Artois et le duc de Berry se montrèrent les plus véhéments au milieu de ce déchainement des passions: ils ne parlaient pas moins que de châtier le Corse d'une manière exemplaire et de lui ap pliquer la peine due aux brigands...

Louis XVIII, moins fanatique ou plus peureux que ses partisans, ne partagea pas tout à fait cette pitoyable confiance. Regardant le débarquement de l'empereur sous un point de vue plus sérieux, il s'empressa, le 6 mars an matin, de convoquer extraordinairement les chambres des pairs et des députés; par une seconde ordonnance', rendue au même instant il déclara Napoléon Bonaparte traître et re belle pour s'être introduit à main armée dans le département du Var, et enjoignità toutes les autorités militaires et civiles, et même aut simples citoyens, de lui courir sus, de l'arrêter et de le traduire sur-le-champ devant un conseil de guerre, lequel, après avoir constaté l'identité, lui appliquerait la peine prononcée par les lois.... Mais ces ordonnances ne suffisaient pas. Louis XVIII, malgré sa haine cortre Napoléon, connaissait trop le caractère l'empereur et l'influence irrésistible qu'il exe çait sur la nation, pour qu'il se reposât sur les résultats de ces simples mesures. Le comte d'Artois reçut ordre de partir immédiatement pour Lyon, avec mission d'y réunir le plus de troupes possible et d'arrêter à tout prix la mar che de Napoléon; le duc de Bourbon fut en voyé dans la Vendée pour y rallier, de concert avec le duc d'Angoulême, alors à Bordeaux, les vieux royalistes autour du drapeau des lis; enfin, le duc de Berry reçut la mission de

1 Elle se trouve an Moniteur, no 66, 1815.

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