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de cette place pour avoir en sa poffefsion l'objet qui l'avoit frappé. Histoire le Le nommé Verson, nouvellement Verson. embarqué dans les Actions, fut épris subitement des appas d'une femme qui se trouva sur son chemin. Réfolu de tenter l'avanture, il s'avisa de lui faire un compliment fort court, mais expressif.

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Cent Louis & mon caroffe convien

nent-ils à Madame? " dit l'Agioteur en abordant cette beauté. La Belle ne rebuta pas le compliment, tout laconique qu'il étoit ; & jettant fur Verson un regard qui n'avoit rien de menaçant. ,, Votre difcours est fort éloquent, ré„pondit la Dame, mais il me faut ,, quelque preuve de votre sincerité ". Il faut observer que Verson n'avoit proposé fon carosse que pour conduire sa conquête à la partie de plaisir qu'il méditoit: il le fit approcher sur le champ, donna la main à la belle Avanturiere, qui ne hézita pas un instant pour gagner les cent Louis, qui lui furent payés de très-bonne-foi. Verson, jadis Commis des Fermiers généraux, n'avoit point participé aux opérations du Système dans le tems des grandes fortunes: il

ne s'y détermina qu'après coup.

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trou

trouvant sans fonds, voici l'expédient qu'il imagina pour en avoir. Il s'obligea à payer des Actions dont on lui avançoit la delivrance à un prix beaucoup plus haut que le cours; il en payoit une partie comptant, afin de mieux déterminer, par quelque avantage présent, les gens avides à avoir de la confiance en lui; & par ce moyen il se mit en fort peu de tems en état de manœuvrer de grosses affaires. Sa première opération fut comme la clef qui lui ouvrit la porte pour pouvoir continuer la route qu'il avoit imaginée. En fondant les premières Actions qui lui avoient été livrées, il se vit assez d'efpeces & de Billets pour faire de nouveaux marchés sur le même pied que les premiers, parce qu'il étoit en état d'avancer de l'argent à compte à ses Vendeurs, tout comme il avoit fait en s'engageant dans ce commerce; de forte que par cet appas Verson s'étoit procuré un fonds de dix-huit millions en Actions, Billets de Banque & pierreries, quoiqu'il fût, pour ainsi dire, fans in fol lorsqu'il conçut l'idée de sa maneuvre. La Marquise de *** ne put viter de tomber dans les piéges de cet Agioteur, qui lui ayant avancé quelque argent, s'empara de sa confiance à un Tome III.

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point, point, qu'elle luiremit des sommes trèsconfiderables en papier, qui ne provenoit en partie que des remboursemens qui lui avoient été faits, ou à sa famille, en Billets ou Recepifsés. Verson, devenu opulent pendant que tous les autres tomboient, étonna bien des Agioteurs. La ruë du gros Chenet, où il avoit établi un domicile bien étoffé, étoit bouchée par le concours des équipages des Négocians qui alloient & venoient chez lui, puisqu'ils le regardoient comme l'inventeur de quelque nouveau Système. Il vivoit en Millionaire; c'està-dire dans le faste, tenant grande table, donnant dans le jeu, les spectacles, la galanterie, &c. Tandis qu'il s'enyvroit ainfi de tous les plaisirs les plus récherchés, malheureusement pour lui il oublia les engagemens qu'il avoit contractés avec ses Créanciers. Le tems stipule étant échû, ceux qui lui avoient remis des fonds voulurent les retirer; mais comme dans ses grandes dépenfes il en avoit dissipé une bonne partie, l'autre fe trouva fondue dans le vuide des Actions qui lui restoient, & qui, bien loin d'être montées au prix qu'elles lui avoient coûté, avoient tous les jours perdu de leur valeur, & se vendoient à un prix fort bas. Verson, continuellement lement perfécuté par ses Créanciers, & particulierement par la Marquise dont nous avons parlé, apperçut l'orage qui alloit fondre sur lui; ainsi il se détermina à s'en mettre à couvert par une fuite qu'il méditoit depuis quelques jours. Mais ses principaux Créanciers, avertis par des espions bien payés, qu'on l'avoit furpris montant en chaise de poste pour s'évader, l'arrêterent eux-mêmes, à l'aide de la populace qui étoit accourue au bruit, jusqu'à ce qu'ils eurent main forte pour le conduire dans les prisons du fort l'Evêque, où il est encore, & où, selon toute apparence, il restera encore longtems, à moins que ses Créanciers ne viennent enfin à se lasser de l'y nourrir.

fort, que

s'en défai

Retournons à la place de Vendome. Le Papier Dans le commerce qui s'y faisoit, plu-de Banque fieurs eurent le bonheur de trouver des perd fi débouchés pour escompter leurs Billets chacun de Banque dans toute leur valeur. Ceux cherche à qui n'avoient point d'argent, & quire. avoient occafion de bien employer ce Papier, l'achetoient au prix courant, donnant en troc des diamans, perles, ou autres bijoux, qui y abondoient toûjours, malgré les défenses réiterées de ta Cour. Cependant le mois de Juillet s'écouloit, & la circulation & la confiance, bien loin de reprendre quelque force,

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force, diminuoient tous les jours, quoiqu'on eût assez bien payé jusqu'alors dans les Provinces les Billets de Banque visés par les Intendans. Mais des ordres envoyés aux Monnoyes, pour cesser de telles attentions, puisqu'on voyoit qu'elles ne pouvoient opérer l'effet qu'on en avoit espéré, firent encore tomber ce Papier, qui s'étoit jusques-là foutenu à un certain prix en denrées & marchandises. Comme le cours n'en étoit pas interdit dans le commerce, & qu'il étoit au contraire défendu, sous les peines ci-devant expliquées, de le refuser, tout le monde fongeoit à s'en débarasser par des achats de marchandises, ou l'acquisition d'immeubles, au sextuple de leur valeur.

Bernard, Intendant d'une grosse maison, employa plusieurs millions dans l'achat de tout ce qu'il put trouver d'épiceries, drogues & autres choses de cette nature; & pour jouir avec quelque fûreté de sa réalisation, il se fit recevoir Marchand Epicier.

Un Gentilhomme du bas-Languedoc eut un grand démêlé, à l'occasion de ce Papier, avec un Orfèvre de Toulouse. Celui-ci, après lui avoir vendu une partie confiderable d'argenterie, fur la promesse d'en être payé en especes font

nan

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