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l'arbre de la liberté; d'en avoir, enfin, acheté un qu'ils ont payé quatre cents livres; qu'ils ne faisaient pas connaître au peuple les décrets de la convention nationale; qu'ils ont toujours ouvertement protégé, favorisé, caché les prêtres réfractaires; que, dans le tems que les rebelles étaient à Angers, ils ont fait battre la caisse par toute la commune du Pont-de-Cé, pour engager les habitans à se joindre à eux pour aller à Angers; qu'ils ne purent rassembler qu'une centaine de citoyens mal intentionnés ou égarés; que le maire Richard se mit à leur tête avec la municipalité; que les citoyens entraînés avec eux étaient tous armés de fusils; que le nommé Rideau, l'un des accusés, portait un drapeau blanc; qu'ils avaient arboré la cocarde blanche et noire; que, dans cet état, ils se rendirent à Angers, après quoi ils revinrent en triomphe; qu'ils ont laisser couper par morceaux et vendre l'arbre de la liberté par les habitans du Pont-de-Cé; qu'ils ont continuellement délivré des passe-ports aux gens suspects; qu'ils ont fait éprouver des persécutions de tout genre à leur curé constitutionnel, notament Florent Olivier, qui fit piller son presbytère par quatre brigands, à la tête desquels il s'était mis pour cette expédition.

D'après l'exposé ci-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Jean Clain, René Rideau, Jullien Cailleau, Thomas Héry, Florent Olivier et Jean Tesnier, tous membres de la municipalité du Pont-de-Cé, pour avoir, méchamment et à dessein, conspiré ouvertement contre la république, en favorisant et entretenant des intelligences avec les rebelles; avoir été faire bénir un drapeau blanc par un prétendu évêque placé par les révoltés dans la Ville d'Angers, après avoir essayé d'entraîner les habitans du Pont-de-Cé dans leur rébellion; d'avoir arboré la cocarde blanche sans y être aucunement contraints; d'avoir protégé leurs curés non constitutionnels; d'avoir enfin prévariqué dans toutes leurs fonctions d'officiers municipaux.

En conséquence l'accusateur requiert qu'il lui soit donné acte, par le tribunal assemblé, de la présente accusation, etc.

Le tribunal, d'après la déclaration du jury portant :

1o Qu'il est constant que, pendant le cours des mois de juin et juillet dernier (vieux style), il a été pratiqué de la part des habitans, et notamment par les officiers municipaux de la commune du Pont-de-Cé, des manoeuvres et intelligences tendantes à

favoriser les progrès des rebelles qui occupaient Angers et les communes environnantes;

2o Que René Rideau est convaincu d'être auteur ou complice de ces

manœuvres ;

30 Que Jean Clain est convaincu d'être auteur ou complice de

ces manœuvres ;

4o Que Julien Cailleau est convaincu d'être auteur ou complice de ces manœuvres ;

5o Que Jean Tesnier est convaincu d'être auteur ou complice de

ces manœuvres ;

6o Que Florent Olivier est convaincu d'être auteur ou complice de ces manœuvres ;

70 Que Thomas Héry est convaincu d'être auteur ou complice de ces manœuvres ;

Faisant droit sur le réquisitoire de l'accusateur public, condamne les dits Rideau, Clain, Cailleau, Tesnier, Olivier et Héry à la peine de mort; déclare leurs biens acquis et confisqués au profit de la République; ordonne que le présent jugement sera exécuté sur la place de la Révolution, imprimé et affiché dans toute l'étendue de la république.

L'exécution a eu lieu le lendemain entre onze heures et midi.

V. DAUPHIN.

(A suivre.)

Un ami des oiseaux

Gabriel Rogeron

(Suite) 1

XII

M. Rogeron n'aura point de statue, point de buste, point de plaque au coin d'une ruelle, aucun rayon de gloire municipale; car il n'inventa ni mélinite, ni gaz asphyxiant, pas même l'un de ces poisons agricoles qui tuent passereaux ou gibier, suppriment dans les prés les champignons comestibles et, après quelques surmenages de moissons, stérilisent le sol infecté.

Dans ce cabinet de travail fleurant le passé et que décoraient seules une vitrine d'oiseaux et les clématites caressant le meneau effrité, les vitres résillées de plomb, c'était un savant utile, non un alchimiste, qui notait ses observations ornithologiques, rédigeait quelque article pour l'Acclimatation, quand il n'empaillait point un merle ou ne pétrissait point dans la glaise une buse attaquant un reptile. Là encore il écrivait ses souvenirs de l'Orient, crayonnait un palmier auprès d'une mosquée, compulsait ses traditions familiales, ou, d'une plume plus acerbe, déchargeait dans

1 Voir les précédents numéros de la Revue de l'Anjou.

un article du Journal de Maine-et-Loire ses ressentiments contre les ingénieurs ou les gabelous qui osaient menacer la quiétude de l'Arceau. Le soir, à leur foyer longtemps solitaire, de longues et sérieuses lectures réunissaient les deux époux.

Résumerai-je le genre de ces lectures dans les deux ouvrages que j'ai là sous les yeux et qu'il offrit, l'un à moi, l'autre à mon père : la Vie des oiseaux et l'Histoire du Consulat et de l'Empire? Certes rien de plus analogue à ses pensées que l'admirable enquête de Brehm sur les mœurs et les caractères de la gent ailée. Seules quelques monographies provinciales, comme celles de Millet et de Vincelot, pourraient venger ici la science française, si sèche, si superficielle chez Gerbe, si pompeuse chez Buffon qui pare les volatiles pour les présenter à la cour.

Mais comment expliquer l'intérêt porté par l'âme religieuse et profonde, par le cœur légitimiste de M. Rogeron, à la vulgarisation tendancieuse du malfaisant nabot qui, imbu du voltairianisme de 1830, ne s'enthousiasma jamais que pour les loquaces ploutocrates de la Gironde, ou pour la sanguinaire et grotesque parodie monarchique de l'Empire et poursuivit de sa haine sournoise aussi bien les idéalistes de la République que les martyrs de la Vendée? Si les catholiques de 1850 eussent écouté Lamartine, élu Cavaignac au lieu de l'impérial carbonaro, la France eût ignoré l'orgie chamarrée des Tuileries, le charnier de Sedan et la république du susdit Thiers. Mais il fallait répudier cet égoïsme social ou ce snobisme que l'Évangile appelle le levain des pharisiens!

Voici la porte ouverte à de bien graves querelles. Parlons plutôt du choucas, encore que la question de son utilité ou de sa nocuité agricole ait fomenté les factions au paisible parlement des naturalistes. Au fond, ici comme en sociologie, la vérité est que l'homme n'intervient le plus souvent que pour détruire un équilibre naturel. La Providence avait

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