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reçu ses premières blessures et gagné ses premiers grades de lieutenant et de capitaine.

« Des élèves de l'École de Saumur, à qui il a su insuffler son fanatisme, son entrain et sa connaissance du métier.

<< De ses camarades et amis de tous les âges, dont il sut toujours retenir l'affection par sa nature un peu vive parfois, mais toujours franche et loyale.

« Le cas échéant, il ne serait pas long à reprendre sa place parmi nous, et le général commandant le 19e corps se fait l'interprète de tous en lui disant non pas adieu, mais au revoir. »

Qu'ajouter à ce portrait d'un grand soldat, par un autre grand soldat?

Le général Bailloud avait prédit que le général de la Celle ne serait pas long, le jour venu, à rejoindre son poste. Dès la déclaration de guerre, le général de division de la Celle demandait en effet à combattre, malgré son âge et l'ébranlement de sa santé. Le 15 septembre 1914, il était chargé de l'organisation des dépôts de cavalerie des 9e 10e, 11e, 12e et 18e régions, et de veiller à leur instruction intensive. La mission était laborieuse, avec des déplacements nombreux et fatigants. M. le général de la Celle, sans souci du surmenage et des intempéries, acheva d'y user sa santé qui ne se rétablit jamais, même après son retour en Anjou au milieu d'une population qui le vénérait et l'aimait.

Le général de la Celle est mort au champ d'honneur.

X***.

Le Directeur-Gérant, G. GRASSIN..

Angers, Éditions de l'Ouest (imp. G. Grassin).

12-20

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Eugène Brunclair

C'est vraiment un peu d'ombre qui s'étend sur l'élite intellectuelle d'une grande ville provinciale lorsque disparaissent les hommes comme Eugène Brunclair. Le vieux peintre, mort à 86 ans, après une admirable carrière de professeur et d'artiste, le maître qui avait ouvert les yeux à tant de générations d'élèves à la beauté des choses apparaissait en effet comme une claire flamme, une flamme qui n'a vacillé et dont l'éclat ne s'est terni qu'à son extrême soir.

Quand on disparaît à un si grand âge, bien des contemporains vous ont précédé sur la route et, devant vous, ont franchi le seuil mystérieux ! Les compagnons du voyage sont arrivés au terme et rares sont ceux qui peuvent conter les incidents du commun départ. Quoi qu'il en soit, je dirai ce que je sais (et surtout par lui-même) de la vie d'un homme qui m'a témoigné beaucoup d'affection et à qui je garde la plus tendre reconnaissance.

Eugène Brunclair est né à Angers le 15 mai 1832 de parents de condition modeste. Son père est «prote» au Journal de Maine-et-Loire. Il en est en même temps le gérant et c'est lui qui signe au bas de la feuille la vieille gazette angevine. Il n'est pas indifférent de noter la naissance de Brunclair dans ce milieu journalistique, comme on dirait aujourd'hui. Les sentiments complexes qui étaient

ceux de la France à cette époque, les courants d'idées nouvelles, la grande voix des poètes dominant le tumulte des émeutes durent avoir des répercussions plus profondes dans cette famille d'artisans du livre et de la pensée que dans un autre foyer.

Eugène Brunclair manifeste de bonne heure du goût pour les choses de l'esprit et des dispositions pour le dessin. Après de modestes études, il suit les cours de notre École municipale de dessin où professait, succédant à Mercier, le peintre Jules Dauban. Une des premières œuvres du jeune Brunclair en cette période scolaire fut une figure de Gutenberg que l'apprenti peintre brossa, sans doute à la demande paternelle, pour orner la salle de réunion des ouvriers typographes.

Dauban trouva chez lui un élève compréhensif et docile. Le culte du dessin serrant la forme, l'intelligence d'un modelé simple et cette correction, sans sécheresse, que l'on trouve dans les œuvres du peintre angevin, Dauban dut inculquer tout cela à son élève. Ses progrès furent rapides; il décida de suivre tout à fait la carrière périlleuse des arts et, en 1852, il fut admis à l'École nationale des Beaux-Arts de Paris. Il entra dans l'atelier de Picot. Le peintre, un peu froid mais au talent d'une indéniable distinction des plafonds du Louvre et de la galerie de Versailles eut une influence certaine sur la formation artistique de Brunclair.

Avant tout, Picot fut un dessinateur correct, amoureux de la ligne, cherchant la couleur beaucoup plus dans les gris fins que dans les tons tapageurs. Brunclair trouva là des qualités qui s'harmonisaient à merveille avec son tempérament honnête, peu audacieux mais désireux d'une certaine élégance de bonne compagnie. Ses progrès surprirent son maître et ses camarades. Les « anciens » de l'atelier s'arrêtèrent bientôt derrière le chevalet du jeune peintre et regardèrent avec intérêt. Ceux qui ont pu voir des

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