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devoir essentiel de vous donner les avis nécessaires dans une affaire si importante, mais sans jamais m'éloigner du profond respect avec lequel j'ay l'honneur d'être, Madame,

Votre très humble et très obéissant serviteur Bazile, l'ancien chanoine de votre chapitre de MontreuilBellay.

Le 12 novembre 1740.

M. SACHÉ.

Les Concerts populaires

Huitième Concert populaire (30 janvier 1921), avec le concours de Mme Suzanne Balguerie, cantatrice des Concerts Colonne et des concerts du Conservatoire, et de M. Max d'Ollone.

Ouverture d'Obéron (Weber); -Les Amants de Rimini, Prélude du 2e acte (Max d'Ollone); - Kaddisch (Ravel); La Barque (G. Samazeuilh); Le Manoir de Rosemonde (M. Duparc); — Concerto Brandebourgeois no 2 (J.-S. Bach); Le Crépuscule des Dieux, marche et scène finale (R. Wagner); - L'Invitation à la Valse (Weber-Berlioz).

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M. Max d'Ollone a dû reconnaître que les Angevins ne sont point des ingrats; il a été accueilli avec la joie que l'on met à recevoir un ami. Nous n'avons oublié ni l'artiste, ni l'homme.

Pendant plusieurs années M. Max d'Ollone a donné à nos concerts une direction très artistique et tout à la fois très sûre. Sans dogmatisme, sans recherche d'autorité, avec bonne grâce et aménité, il a mis à notre disposition son talent, son goût musical, sa haute culture; il s'est dépensé pour nous avec cette discrétion qui rend la reconnaissance facile et plus ardente. Depuis qu'il nous a quittés nous le suivons de loin avec toute notre sympathie, attentifs à son

œuvre, heureux de ses succès comme s'il tenait toujours à nous par quelque lien autre que le lien de la gratitude. Il nous a apporté un extrait de sa dernière œuvre dramatique le Prélude du 2 acte des Amants de Rimini. Nous y avons retrouvé la sensibilité de l'artiste et l'émotion intérieure qui donne tant de charme à la musique de M. Max d'Ollone; une phrase longue, enveloppante et chaude, ɔhante à travers les timbres divers et la science du musicien ne nous cache point la sincérité émue du poète. Nous, les auditeurs, nous n'avons que faire de la science; quand elle apparaît trop, elle nous fait peur. Un élan du cœur nous touche plus vite et plus profondément. Avec M. Max d'Ollone on sent vivre une âme et je ne sais pas de meilleur compliment à faire à un artiste.

Il a bien voulu diriger une fois de plus notre orchestre, son orchestre. J'imagine qu'il y a pris plaisir. A chaque pupitre il a retrouvé des figures connues et des sourires amis. Comme une matière vivante, l'orchestre se renouvelle chaque année en quelque partie, mais l'esprit demeure à travers les mutations nécessaires et dans nos traditions, il reste sans doute quelque chose de ce que M. Max d'Ollone y a apporté.

Mme Suzanne Balguerie mérite en tous points les compliments que l'Angers-Musical a réunis pour nous la présenter. La scène finale du Crépuscule des Dieux est peut-être le chef-d'œuvre de la musique wagnérienne, celui qui nous est le plus accessible, parce qu'il est l'expression d'une idée simple, d'un sentiment essentiellement humain, la douleur.

La Marche funèbre de Siegfried résume la vie du héros dans un lamento angoissant, haletant, une plainte sans résignation. La musique a tant servi à exprimer la douleur humaine qu'elle nous offre, on peut le dire, tous les gémissements, tous les pleurs, toutes les émotions du cœur en présence de la mort; mais nulle part on ne trouverait un désespoir plus humain que celui-là qui entoure le cortège

funèbre d'un Dieu. Les Dieux de la Tétralogie ont toutes les passions des hommes. Ce n'est pas au milieu d'eux qu'il faut chercher la sérénité idéale et vraiment divine que Beethoven atteint quand il converse avec la divinité. Les plaintes de Brunehilde, les cris de Bruneḥilde, c'est de la douleur humaine, douleur furieuse mêlée d'orgueil, parce que l'orgueil se mêle à tous nos sentiments violents. Ici tout est violent, d'une violence déchaînée. L'orchestre et la cantatrice sont entraînés dans un courant passionné et nous portent avec eux irrésistiblement. C'est la vie de toute une race qui s'exalte avant de mourir et Wagner a écrit ici la synthèse de son œuvre, ce qui en restera peut-être quand on se détournera des longueurs importunes plus tard, j'y consens, aussi tard qu'on voudra, mais un jour tout de même.

Pour chanter les imprécations de Brunehilde, il faut un tempérament artistique peu commun et une rare puissance. Il ne suffit même pas de crier fort, comme il arrive dans certains ensembles wagnériens où la voix est seulement un instrument de plus à l'orchestre, comme l'Angers-Musical nous l'expliquait naguère. Ici, la voix chante et merveilleusement, mêlée à l'orchestre, sans doute; mais elle mène le deuil des Dieux en évoquant toutes les passions humaines. C'est une tragédie musicale qui réunit l'horreur des sentiments tragiques à l'expression la plus sublime que les hommes en ont donnée.

Mme Suzanne Balguerie et l'orchestre ont dit cette terrible scène avec une magnifique ampleur et devant ce débordement d'émotion nous restions écrasés, abîmés comme dans l'angoisse d'un rêve ou devant quelque grandeur inaccessible.

Si je savais des mots d'admiration plus prosternée, je les mettrais ici. Et pourtant, je regrette, contre mon plaisir même, que l'habitude s'institue d'introduire chaque dimanche une œuvre wagnérienne. Il semble qu'en accumulant les meilleures on cherche à justifier le geste et à

accréditer cette idée que Wagner est toute la musique. Que l'idée contraire vienne à prédominer demain dans nos conseils et qu'elle s'exerce avec la même rigueur, quel désordre n'en sortirait-il pas? Éclectisme et tolérance, voilà des mots qui sonnent bien... même en musique.

Mme Suzanne Balguerie, « l'interprète accomplie des œuvres modernes », nous a chanté trois couplets modernes de M. Ravel, de M. Samazeuilh et de M. Duparc. La part de l'artiste est ici merveilleuse puisqu'elle a réussi à nous plaire sans que nous soyons bien sûrs d'avoir compris. Je n'insiste pas là-dessus pour ne pas dévoiler mon indignité.

On peut aimer ou n'aimer pas le Concerto Brandebourgeois, mais il est impossible de ne pas le comprendre. Musique honnête, droite, sans détours, surannée quelquefois, si l'on veut, à cause de son costume, à la manière de nos peintres délicieux du XVIIIe siècle; elle ne met pas l'esprit à la devinette, elle chante pour chanter et c'est bien au moins un des attributs de la musique. Et puis elle nous permet d'entendre et d'applaudir nos solistes, M. Moncelet, M. Englebert, M. Asselin et M. Tallio. C'est une joie pour nous qui leur devons tant.

Disons une fois de plus aussi ce que nous devons à M. Gay. Le Concert dont nous essayons de rendre compte, en y ajoutant l'Ouverture d'Obéron et même l'Invitation à la Valse, c'est un beau concert. Nous en jouissons légèrement et nous n'accusons pas une joie parfaite. Nous ne pensons pas assez à ce qu'il a coûté de peine et d'étude à M. Gay et à l'orchestre, ou plutôt, M. Gay le sait bien, nous y pensons à part et c'est un compte à régler entre lui et nous où nous sommes toujours débiteurs.

Neuvième Concert populaire (13 février 1921), avec le concours de M. Maurice Maréchal, violoncelle solo des Concerts du Conservatoire.

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