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ajournée au congrès de Vienne. Loin cependant d'ajouter foi aux bruits répandus sur le sort de nos États depuis l'époque de la paix de Paris, nous mettons une confiance entière dans la justice des monarques alliés, quoiqu'il nous soit impossible de pénétrer les motifs des procédés qu'on a suivis envers nous.

Conserver et consolider les dynasties légitimes, tel a été le grand but de la guerre qui vient d'être heureusement terminée : les puissances réunies pour cet effet ont proclamé à différentes reprises, de la manière la plus solennelle, qu'éloignées de tout projet de conquête ou d'agrandissement elles n'avaient en vue que le rétablissement du droit et de la liberté en Europe. La Saxe, en particulier, a reçu l'assurance la plus positive que son intégrité serait maintenue. Cette intégrité comprend essentiellement la conservation de la dynastie pour laquelle la nation a manifesté publiquement son constant attachement et le vœu unanime de rester unie à son souverain.

Nous avons communiqué aux principales cours de l'Europe un exposé franc et complet des motifs qui avaient dirigé notre marche politique pendant ces derniers temps; et fidèle à la confiance inébranlable que nous mettons dans leurs lumières et leur justice, nous nous persuadons qu'elles ont reconnu non-seulement la pureté de nos intentions, mais aussi que la position particulière de nos États et l'empire des circonstances nous ont seuls empêché de prendre part à la lutte entreprise pour la liberté de l'Allemagne.

L'inviolabilité de nos droits et de ceux de notre maison sur l'héritage de nos ancêtres, bien et justement acquis, est reconnue. Notre prompte réintégration doit en être la suite.

Nous manquerions à des devoirs sacrés envers notre maison royale et envers notre peuple, en gardant le silence sur les mesures nouvelles projetées contre nos États au moment où nous sommes en droit d'en attendre la restitution. L'intention manifestée par la cour royale de Prusse d'occuper provisoirement nos États de Saxe, nous oblige de nous prémunir contre une démarche pareille, nos droits étant fondés, et de protester solennellement contre les conséquences qui pourraient être tirées de

cette mesure.

C'est auprès du congrès de Vienne et en face de toute l'Europe que nous nous acquittons de ce devoir, en signant de notre main les présentes, et en même temps en réitérant publiquement la déclaration communiquée récemment aux cours alliées que nous ne consentirons jamais à la cession des États hérités de nos ancêtres, et que nous n'accepterons aucun dédommagement ou équivalent qui nous serait offert.

Donné à Friedrichsfelde, le 4 novembre 1814.

FRÉDÉRIC-AUGUSTE.

Protestation de l'empereur Napoléon. (1815) (').

En-mer, à bord du Bellerophon, le 4 août 1815.

Je proteste solennellement ici, à la face du ciel et des hommes, contre la violence qui m'est faite, contre la violation de mes droits les plus sacrés, en disposant par la force de ma personne et de ma liberté. Je suis venu librement à bord du Bellerophon; je ne suis pas le prisonnier, je suis l'hôte de l'Angleterre. J'y suis venu à l'instigation du capitaine, qui dit avoir des ordres du gouvernement de me recevoir et de me conduire en Angleterre avec ma suite, si cela m'était agréable. Je me suis présenté de bonne foi pour venir me mettre sous la protection de ses lois. Aussitôt que j'eus mis le pied sur le Bellerophon je fus au foyer du peuple britannique. Si le gouvernement, en donnant des ordres au capitaine du Bellerophon de mè recevoir ainsi que ma suite, n'a voulu que me tendre un piége, une embûche, il a forfait à l'honneur et flétri son pavillon.

(') Cette protestation fut envoyée par le capitaine Maitland, commandant le Bellerophon, à l'amiral Keith. Elle fut précédée d'une lettre que l'empereur avait adressée, le 31 juillet, à cet amiral, qui, de concert avec sir Henry Bembury, était venu lui donner communication des ordres du ministère anglais, portant que le contre-amiral sir Georges Cockburn était chargé de conduire le général Bonaparte et sa suite à Sainte-Hélène. »

Si un tel acte se consommait, ce serait en vain que les Anglais viendraient à l'avenir parler de leur loyauté, de leurs lois et de leur liberté ; la foi britannique se trouverait perdue dans l'hospitalité du Bellerophon.

J'en appelle à l'histoire. Elle dira qu'un ennemi qui fit vingt ans la guerre au peuple anglais vint librement, dans son infortune, chercher un asile sous ses lois; et quelle plus éclatante preuve pouvait-il lui donner de son estime, de sa confiance? Mais comment répondit l'Angleterre à une telle magnanimité ? Elle feignit de tendre une main hospitalière à cet ennemi, et quand il se fut livré de bonne foi, elle l'immola (1).

NAPOLÉON.

L'empereur, qui avait écouté avec un calme profond le message dont l'amiral Keith et sir Henry Bembury étaient porteurs, répondit : « Je suis l'hôte de l'Angleterre et non son prisonnier; je suis venu librement me placer sous la protection de la loi anglaise : le gouvernement a violé à mon égard les lois de son pays, le droit des gens et le droit sacré de l'hospitalité. Je proteste et fais appel à l'honneur britannique.» Le lendemain, il écrivit à l'amiral Keith la lettre suivante :

Rade de Plymouth, 31 juillet 1815.

Mylord, j'ai lu avec attention l'extrait de la lettre que vous

- Le

(') L'article 2 du traité signé à Paris le 11 avril 1814 par les plénipotentiaires de l'empereur (M. de Caulincourt, le maréchal Ney et le maréchal Macdonald) et par le prince de Metternich, le comte de Nesselrode et le baron de Hardenberg, au nom de l'Autriche, de la Russie et de la Prusse, porte : « LL. MM. l'empereur Napoléon et l'impératrice Marie-Louise con» serveront ces titres et qualités, pour en jouir leur vie durant. » 27 avril 1814, lord Castlereagh, par ordre de S. A. R. le prince régent, agissant au nom et pour S. M., signa un acte d'adhésion ainsi conçu : « Le prince régent, ayant pleine connaissance du contenu dudit traité, y ac» cède au nom et pour S. M., autant qu'il concerne les stipulations rela>> tives à la possession de l'île d'Elbe en souveraineté, et les duchés de Parme, >> Plaisance et Guastalla; mais S. A. R. ne doit pas être considérée comme étant, par cet acte d'accession, devenue partie contractante à quelques >> autres stipulations y contenues. >>

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m'avez communiqué. Je vous ai fait connaître ma protestation. Je ne suis point prisonnier de guerre ; je suis l'hôte de l'Angleterre: je suis venu dans ce pays sur le vaisseau anglais le Bellerophon, après avoir communiqué au capitaine la lettre que j'avais écrite au prince-régent, et en avoir reçu l'assurance que ses ordres lui prescrivaient de me recevoir à bord pour me transporter en Angleterre avec ma suite, si je le lui demandais. L'amiral Hotham m'a depuis réitéré les mêmes assurances. Du moment que j'ai été reçu librement par le Bellerophon, je me suis trouvé sous la protection des lois de votre pays. Je désire vivre libre dans l'intérieur de l'Angleterre, sous la protection et sous la surveillance des lois, et en souscrivant à tous les engagements et mesures qui pourraient être jugés convenables. Je ne veux entretenir aucune correspondance avec la France, ni me mêler d'aucune affaire politique. Depuis mon abdication, mon intention a toujours été de me domicilier aux États-Unis ou en Angleterre.

Je me flatte que vous, mylord, et le sous-secrétaire d'État de votre gouvernement, ferez un rapport fidèle de ces faits.

C'est dans l'honneur du prince régent et dans la protection des lois de votre pays que j'ai mis et que je mets ma confiance.

NAPOLÉON.

Protestation du grand-duc d'Oldenbourg. (1846.)

S. A. R. le grand-duc d'Oldenbourg a appris, par lettre patente de S. M. le roi Christian VIII de Danemark, publiée à Copenhague le 8 juillet 1846, insérée dans plusieurs journaux, et qu'elle a vue fortuitement dans un voyage à Eutin, le 15 au soir, qu'il a plu à S. M. de s'exprimer et de faire connaître sa volonté sur des cas de succession éventuelle. Comme S. A. R. n'a pas appris si S. M., avant de publier cette lettre patente, s'était entendue avec les chefs de lignes spéciales appartenant à la maison d'Oldenbourg, et attendu surtout qu'aucune démarche n'a été faite à cet égard auprès de S. A. R. le grand-duc d'Oldenbourg, qui,

par suite des traités existants, est le représentant du chef de la ligne de Schleswig-Holstein-Gottorp en Allemagne, S. A. R. le grand-duc d'Oldenbourg n'a vu dans cette déclaration, faite sans son consentement, qu'une opinion de S. M. le roi; et en même temps S. A. R. a acquis la conviction, en sa qualité de chef de sa maison, qu'elle était tenue de maintenir ses droits éventuels contre toutes les conséquences préjudiciables à ces droits et à ceux de sa maison que l'on pourrait tirer de cette lettre patente, et de protester solennellement.

Hambourg, le 18 juillet 1846.

Actes d'abdication.

L'acte public par lequel un prince déclare renoncer au trône ne saurait être l'objet de préceptes spéciaux quant à sa forme. Dicté sous l'influence de circonstances toutes personnelles, par dégoût ou lassitude du pouvoir, ou signé sous la pression irrésistible d'événements dont le choc détermine ce sacrifice de l'autorité suprême, élective ou héréditaire, l'acte d'abdication doit nécessairement refléter, dans l'énoncé des faits qui l'imposent, les agitations et les amertumes qui accompagnent toujours ce suicide politique (1).

(1) Parmi les abdications mémorables, volontaires ou contraintes, nous citerons les suivantes :

Charles-Quint, empereur d'Allemagne, roi des Espagnes (1556); Christine, reine de Suède (4654); Philippe V, roi d'Espagne (1724); Victor-Amédée II, roi de Sardaigne (1730); Charles IV, roi d'Espagne (1808); Gustave IV, roi de Suède (1809); Louis-Napoléon, roi de Hollande (1810); l'empereur Napoléon (1844); Victor-Emmanuel, roi de Sardaigne (1824); Charles X, roi de France (1830); Guillaume Ier, roi des Pays-Bas (1840); Louis-Philippe Ier, roi des

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