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« Au surplus, ce moyen échapperait même dans l'espèce, puisque la loi de 1830,-qui a exigé un nouveau serment des fonctionnaires publics, ne parle pas des ministres des divers cultes et n'a été de fait appliquée à aucun d'eux.

« Mais notre conviction doit s'attacher ici à des raisons plus directes et prises dans la nature même des choses. On appelle en général fonctionnaires publics ceux qui exercent une portion de la puissance publique par délégation de la loi ou du gouvernement, dans l'ordre judiciaire, administratif ou militaire. Mais le pouvoir du prêtre a une autre source: ce pouvoir, dans la croyance catholique surtout, est de droit divin, et c'est là du moins que ce droit reçoit sa juste application. Le caractère du prêtre catholique est sacré : il est indélébile à côté même de l'amovibilité et de la clause quamdiù placuerit, apposée par les Evêques à la nomination des desservants.

« Aussi les fonctions des ministres de tous les cultes et en particuliers du culte catholique sont purement spirituelles. Ils n'exercent qu'un pouvoir moral qui dépend uniquement de la foi, sans aucune espèce d'action pour contraindre, car les cultes sont libres.

«Si les prêtres étaient fonctionnaires, on pourrait donc leur enjoindre d'agir dans tel ou tel sens et de faire des actes qui souvent répugneraient à leur croyance. Au lieu de cela, la loi de l'an X ellemême (art. 50) dit que les curés ne dépendent que de leur Evêque dans les fonctions spirituelles; aussi voyons-nous qu'on ne peut leur enjoindre de prier même pour un mort. « Considérer un prêtre comme un agent du gouvernement, c'est-à-dire agissant par ordre et pour le compte du gouvernement, ce serait blesser le sacerdoce jusque dans son essence, et l'opinion que j'émets ici est depuis longtemps arrêtée dans ma conviction. »

Telle est la doctrine que la cour de cassation a consacrée dans ses arrêts du 23 juin, 9 septembre, 23 décembre 1831, 27 janvier 1832 (1), et 18 février 1836 (2).

On le voit donc les prêtres catholiques ne sont pas fonctionnaires publics. La liberté des cultes, l'indépendance du pouvoir spirituel, le caractère indélébile et sacré dont sont marqués les ministres du sanctuaire, tout s'oppose à ce que la qualité d'agent du gouvernement leur soit appliquée. Ni le serment que prêtent les Evêques, ni la nécessité de l'agrément du pouvoir civil pour certaines fonctions sacerdotales, ni l'indemnité que le budget leur attribue, ne peuvent modifier l'essence même de leur mission et la nature de leur pouvoir qui vient de Dieu et de l'Eglise, qui est de droit divin et d'institution divine.

Il nous serait facile de développer ces raisons si hautes et si pé

(1) Dalloz, Journal de la Cour de cassation 1831. 1. 243, 309; 1832. Journal du Palais, t. xxiv, p. 479.

(2) Journal du Palais, t. xxvII, p. 1090.

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remptoires. Il nous serait facile d'établir que sous une simple question de mots et de définitions, les droits les plus imprescriptibles de la conscience et de la vérité sont engagés, et qu'il ne s'agit de rien moins que de la liberté garantie par le Concordat à la religion que professent trente millions de Français, et dont la hiérarchie, l'indépendance, la mission spirituelle, doivent être respectées avant tout dans les sociétés civilisées. Les exemples et les citations que nous avons donnés suffiront quant à présent.

Nous ferons seulement remarquer que la Constitution du 15 janvier n'a pas astreint au renouvellement du serment les personnes ecclésiastiques, puisqu'elle ne les a pas nommément désignées en son article 14. Elle a en cela imité la juste réserve que le législateur de 1830 s'était imposée. En effet, lorsqu'on discuta la loi du 31 août qui imposait un serment aux fonctionnaires publics, un amendement fut proposé pour étendre l'application de cette mesure à tous les individus recevant un salaire de l'Etat (séance du 19 août). Cet amendement fut rejeté dans le désir de ménager les légitimes susceptibilités des Evêques et du clergé, et son rejet immédiat et absolu a prouvé une fois de plus que les ministres des autels ne peuvent être compris dans la catégorie des fonctionnaires. C'est ainsi, au reste, que M. Dupin explique le silence de la loi de 1830, et le silence de la Constitution récente ne saurait avoir d'autre interprétation..

La doctrine en cette matière étant si positive, si incontestable, nous ne saurions attribuer qu'à une inadvertance de rédaction la disposition de l'art. 30 du décret organique du 2 février dernier pour l'élection des députés au Corps législatif.

Cet article frappe d'inéligibilité pendant six mois après leur destitution, démission ou changement de position: « les FONCTIONNAIRES PUBLICS ci-après : les premiers présidents, procureurs-généraux, etc., préfets, etc., les Archevêques, Evêques et vicaires-généraux. »

Nous ferons observer: premiérement, que les Archevêques, Evêques et vicaires-généraux ne sont pas fonctionnaires; secondement, que l'hypothèse de destitution ne peut être jamais prévue de la part du gouvernement à l'égard des uns et des autres, les Evêques et les Archevêques ne tenant leurs pouvoirs spirituels que de Dieu et du Saint-Siége apostolique, et les vicaires-généraux ne tenant leurs pouvoirs que de leurs Evêques et ne pouvant être destitués que par

eux.

L'article 30 n'aurait qu'une seule application possible; ce serait d'empêcher les Evêques transférés d'un siège à un autre, ou bien les vicaires-généraux destitués par leur supérieur ecclésiastique, de se présenter comme candidat, dans les six mois qui suivraient leur changement de position, aux électeurs du diocèse qu'ils viendraient de quitter ou à l'administration duquel ils ne prendraient plus part. Cette application assurément ne serait pas fréquente: on peut même douter qu'elle se rencontrât jamais.

En effet, on pourrait concevoir que le législateur, redoutant l'influence d'un pasteur sur ses ouailles, déclarât qu'il ne pourra pas être élu dans son diocèse : ce serait une incompatibilité analogue à celle qui frappe les fonctionnaires dans l'étendue de leur ressort. Il y a des raisons à faire valoir pour et contre, et, sans vouloir les examiner ni donner notre avis à cet égard, nous comprenons qu'on se résolve à l'affirmation ou à la négative.

Mais nous ne saurions comprendre quel intérêt il peut y avoir à ce qu'un Evêque, par exemple, soit inéligible pendant six mois dans le diocèse d'où il vient d'être transféré, quand il peut être élu dans le diocèse où il arrive, ou dans celui qu'il gouverne depuis de trèslongues années peut-être. Prenons un exemple sensible: Mgr l'Evêque de Saint-Flour ne pourrait être élu dans le Cantal que dans six mois, et les électeurs d'Aulun, siége où il est nommé, pourraient le choisir. Mgr l'Archevêque de Toulouse, qui était, il n'y a pas six mois, coadjuteur du vénérable Cardinal d'Astros, ne pourrait pas être élu dans la Haute-Garonne, à cause de son changement de position.

Et, si nous admettons qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le titre d'Evêque et les fonctions de membre du corps législatif, et que l'Evêque n'est pas réputé inéligible dans son diocèse, c'est que les incompatibilités sont de droit strict, et que, comme toute dérogation à une règle générale, elles veulent être exprimées spécialement et par une clause explicite. Or, il n'y a rien d'exprimé pour les Evêques en l'article 29. Car nous ne pouvons supposer que cet article ait assez méconnu les principes de la matière pour avoir voulu comprendre les fonctions épiscopales sous ces mots : « Toute fonction publique rétribuée. » Nous avons surabondamment prouvé qu'une telle qualification serait contraire à l'essence même des choses.

En faisant ces observations, dont personne ne méconnaîtra la gravité, nous n'avons d'autre but que de provoquer des éclaircissements qui sont absolument nécessaires. Le gouvernement doit tenir assurément à déclarer quelles sont ses intentions sur ses intentions sur la question d'incompatibilité. Il doit tenir tout autant à ne pas laisser employer dans les actes officiels des qualifications que réprouvent le langage des lois, les arrêts de la cour suprême et les droits de l'Eglise catholique. HENRY DE RIANCEY.

BOURSE DU 13 FÉVRIER.

Le 5 p. 100, 103 80 à 103 90. —Le 3 p. 100, 65 70 à 65 80. Banque, 2,565 00. - Obligations de la Ville, 0,000 00.- Nouvelles Obliga- Actions de la tions, 1,190 00.-5 p. 100 belge, 101 5 8.- Emprunt romain, 90 0,0.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.
Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

Į MARDI 17 FÉVRIER 1852.

L'AMI DE LA RELIGION.

(N° 5333)

Décret de la S. Congrégation de l'Index.

DECRETUM FERIA V. DIE 22. JANUARII 1852.

Sacra Congregatio Eminentissimorum ac Reverendissimorum S. Romanæ Ecclesiæ Cardinalium a SANCTISSIMO DOMINO NOSTRO PIO PP. IX. sânctaque Sede apostolica Indici librorum pravæ doctrinæ, eorumdemque proscriptioni, expurgationi, ac permissioni in universa christiana Republica præpositorum et delegatorum habita in Palatio apostolico vaticano damnavit et damnat, proscripsit proscribitque, vel alias damnata atque proscripta in Indicem librorum prohibitorum referri mandavit et mandat Opera, quæ sequuntur :

Sue Eugène. Opera omnia quocumque idiomate exarata. Decr. 22 Januarii

1852.

Proudhon P. J. Opera omnia quocumque idiomate exarata. Decr. eod.
Histoire des idées sociales. Par F. Villegardelle. Decr. eod.

Le dernier mot du socialisme. Par un catholique. Decr. eod.

Histoire de l'Eglise de France, composée sur les documents originaux et authentiques; par l'abbé Guettée. Decr. eod.

La Buona Novella, Giornale Religioso. Torino 1851. Anno I. Decr. eod.

Il Magnetismo Animale. Saggio scientifico per M. Tommasi. Torino 1851. Decr. S. Officii Feria IV. 26. Novembris 1851.

Opera omnia Vincentii Gioberti quocumque idiomate exarata. Decr. S. Officii Feria IV. 14. Januarii 1852.

Manuale Compendium juris Canonici, ad usum Seminariorum, juxta temporum circumstantias accomodatum. Auctore J.-F.-M. Lequeux, etc., etc. Prohib Decr. diei 27. Septembris 1851. Auctor se subjecit.

Itaque nemo cujuscumque gradus et conditionis prædicta Opera damnata atque proscripta, quocumque loco, et quocumque idiomate, aut in posterum edere, aut edita legere, vel retinere audeat, sed locorum Ordinariis, aut hæreticæ pravitatis Inquisitoribus ea tradere teneatur, sub pœnis in Indice librorum vetitorum indictis.

Quibus SANCTISSIMO DOMINO NOSTRO PIO PP. IX. per me infrascriptum S. C. a Secretis relatis SANCTITAS SUA Decretum probavit et promulgari præcepit. In quorum fidem, etc.

Datum Romæ die 1 Februarii 1852.

Loco + Sigilli.

J. A. Episcopus Sabinen. Card. BRIGNOLE Præfectus.

Fr. A. V. Modena Ord. Pr. S. Ind. Congr. a Secret.

- Aussitôt que le décret de la Congrégation de l'Index qui condamne les ouvrages de M. l'abbé Gioberti a été connu, la maison Jacques Lecoffre (de Paris), qui avait édité la traduction d'un de ces traités (l'Introduction à la philosophie), a retiré de sa librairie tous les exemplaires qu'elle avait et les a détruits. MM. Guyot (de Lyon et de Paris), retirent également de leur catalogue l'Histoire de l'Eglise de France, par M. l'abbé Guettée.

Cet honorable exemple de soumission aux décisions de la cour de Rome, et l'empressement avec lequel il a été donné, malgré les pertes considérables qui L'Ami de la Religion. Tome CLV.

21

Vous avez eu la Rome irrésistible de la conquête, la Rome rajeunie de la renaissance et des arts; ayez la Rome de la liberté religieuse; ayez cette gloire incomparable que les théogonies, devant qui tout a passé en ce monde, aient à leur tour successivement passé devant votre Capitole, resté debout.

Le jour où vous aurez secoué la poudre des tombeaux pour entrer dans la

vie nouvelle, vous redeviendrez une nation forte et grande.

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<< Que vous faut-il pour atteindre ce but, pour renaître à vous-mêmes? Deux choses à moitié faites déjà :

• Conquérir votre indépendance.

Constituer votre unité.

« Constituez-vous donc dans l'unité;

Et de même que vous n'avez eu qu'un cri, n'ayez qu'un drapeau, celui de vos pères, celui que des hommes aimés de vous faisaient, depuis vingt ans, briller de loin à vos yeux; ce drapeau républicain qu'ils ont planté au début de la lutte, arboré vainqueur au sommet de vos monuments, emporté avec eux dans l'exil de la patrie, pour le relever demain.....

« Qui sait inieux que vous, Italiens, qu'un combat contre l'étranger ne peut se livrer qu'en faisant taire les voix vénales, les voix ennemies qui sèmeraient dans les rangs le trouble et le désordre; qu'une insurrection tentée au milieu de l'étranger ne peut réussir autrement que par une action forte et une?

«Donc, pendant la bataille, il faut qu'un pouvoir unique, investi de facultés exceptionnelles, prompt comme l'éclair, puissant comme le peuple en action, soit appelé par le pays à diriger la lutte jusqu'au moment où le peuple, émancipé et maître chez lui, pourra parler librement.

«Ne redoutez pas, pour votre liberté, cette concentration passagère. N'avezvous pas pour garantie cette devise, dont votre Comité national est le vigilant gardien, et qui résume à la fois votre croyance et votre indéniable souveraineté : Dieu et le peuple!

«Que peuvent signifier ces mots de votre symbole, si ce n'est plus de tyrans des âmes ou des corps, prêtres ou laïques; plus d'intermédiaires entre le Créateur et la créature: communion d'un même peuple dans l'exercice de son droit souverain, pratiqué sous l'œil de Dieu ? »>

N'est-ce pas là une réponse au Mémoire orthodoxe de Pétersbourg?

On le voit! ce n'est pas à la papauté politique que s'en prend la révolution. Plus de tyrans des âmes! communion d'un même peuple, sous l'œil de Dieu! Ce que la révolution attaque, c'est donc le ministère du prêtre, servitude infâme! La révolution communie sous l'œil de Dieu. Telle est l'encyclique de M. LedruRollin et de Mazzini, saints pontifes de l'humanité affranchie.

Et qu'importe, en effet, la Papauté politique ou non politique? La Papauté, c'est la condition de cette théocratie qu'on ne saurait trop maudire! c'est la règle des âmes! c'est la loi des croyances! c'est le christianisme en action! Or, la conjuration proclame la liberté indéfinie de la conscience. Donc, guerre à mort à la papauté! et que Pétersbourg entende enfin cette parole: Guerre au Pape, et guerre aux Rois! c'est la même guerre papauté et royauté, épée à double tranchant, qu'il faut briser du même coup. Tel est l'anathème de Londres, et le sens en est logique : «Tout membre de la cité nouvelle étant, sous l'inspiration collective de ses fières, son Pape et son Roi, l'abolition de la royauté et de la papauté est identique; car il n'y a plus de loi politique, dès qu'il n'y a plus de règle morale; il reste, disent les législateurs mystiques, l'inspiration collective des frères, mystère plus ténébreux que tous les mystères;

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