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La mission que vous avez acceptée pourra s'exercer utilement, quelle que soit la législation de l'enseignement, pourvu toutefois que cette législation soit fidèle aux principes de liberté. Mais vous vous êtes inspirés surtout des principes de la loi du 15 mars 1850; vous avez agi en tenant compte de la situation que ce régime nouveau faisait aux écoles libres. Il importe donc de rapprocher vos actes des résultats généraux qu'elle a produits.

On peut interroger maintenant une année entière, pour vérifier les eflets de la loi du 15 mars 1850. Les esprits les plus prévenus reconnaissent que cette épreuve est favorable au régime nouveau, malgré ses imperfections. Ils joignent ainsi leur témoignage aux opinions de presque tous les conseils académiques, à la déclaration du Chef de l'Etat (Message du 4 novembre) et des ministres de l'instruction publique. (Discussion du budget, Moniteur du 6 novembre.)

Ce n'est pas sérieusement qu'on reproche à la loi d'avoir arrêté la diffusion de l'enseignement primaire; plus de huit cents écoles nouvelles ont été fondées.

Il n'est pas plus équitable de regarder comme un de ses effets la faiblesse des études dans les établissements secondaires, faiblesse attestée par celle des examens. Trop de causes expliquent cette triste réalité, qui ne date pas de 1850, pour qu'on en rende responsable une loi appliquée seulement pendant une année, et d'une manière si incomplète.

Nous employons à dessein ce dernier mot. Non-seulement la loi n'a pas encore été suivie de règlements importants, d'un règlement sur les écoles des filles appelé à combler bien des lacunes (1), d'un règlement sur les salles d'asile, d'un règlement sur le stage, institution à peine essayée, etc. A la loi sur l'instruction secondaire doivent faire suite aussi des réformes dans l'enseignement supérieur, la collation des grades, le baccalauréat.

Toutes ces dispositions ne sont pas encore intervenues. Mais, en outre, la France est un des pays où les lois changent le plus, et où les habitudes changent le moins. Les nouveaux principes de la loi sont loin d'avoir été entièrement mis en pratique dans toutes les Académies; là où la loi permettait de décentraliser, et donnait la décision au pouvoir local, on n'a pas cessé d'avoir recours au pouvoir central; bien des entraves qui devaie: t disparaître ont été renouvelées; la bonne volonté des citoyens, associée à l'application de la loi, n'a pas été partout suffisamment encouragée.

Malgré tous ces obstacles, auxquels il était naturel de s'attendre, pendant les premières années, la loi, nous le répétons, a atteint son but principal, qui était de donner à l'autorité plus de force et d'impartialité, à la liberté plus d'espace et de moyens de faire le bien. Les conseils académiques, dit le Message du 4 novembre, ont montré, dans l'exercice de leurs pouvoirs, autaut de fermeté que de modération. Le conseil supérieur maintient une puis«sante unité, et la liberté d'enseignement, développée d'une manière remarquable, est sans danger, parce qu'elle sera contenue dans de justes limites.»

Il est donc manifeste aujourd'hui que la liberté n'était pas la cause de quelques hommes, mais qu'elle était le vœu des familles (2); il n'est pas moins

(1) Voir notamment dans le deuxième rapport, page 29, ce que nous avons dit sur la nécessité de modifier la loi du 24 mai 1825. Au moment où ce rapport est imprimé, un décret du 31 janvier 1852 consacre très-heureusement ces modifications.

(2) Nous pourrions citer telle ville où le conseil municipal, à l'unanimité, a voté la suppression de l'allocation faite au collége, et, à la même unanimité, voté la fonda

démontré que ceux qui réclamaient la liberté en étaient à la fois capables et dignes.

Mais cette faveur accordée, ou plutôt cette justice rendue à la liberté, impose de grandes obligations. Est-il besoin de rappeler quels ont été les efforts, les travaux, les sacrifices des Evêques, et des chefs d'établissements, anciens et nouveaux, des professeurs, laïques et ecclésiastiques, des supérieurs d'ordres voués à l'instruction secondaire ou primaire, pour se montrer à la hauteur de la tâche difficile acceptée par leur dévouement? Cette émulation, qui a profité aussi, nous le reconnaissons de grand cœur, à un grand nombre d'établissements publics, ne doit pas trouver les familles indifférentes. Il faut que celles qui ont confiance dans les établissement libres ne se contentent pas d'y placer leurs enfants; il faut aussi seconder ces laïques instruits, ces prêtres pieux, ces bons instituteurs, ces Frères et ces Sœurs pleins d'abnégation, qui, tous les jours, pendant de longues heures, sans lassitude, sans autre intérêt que celui des âmes, se consacrent à rendre plus chrétienne la génération qui succède à la nôtre. C'est dans ce but d'encouragement et d'appui que s'est constitué le Comité de l'enseignement libre.

Sans faire tout le bien que ses membres si surchargés d'autres devoirs auraient désiré, le Comité a été utilement mêlé depuis un an aux développements de l'enseignement chrétien. Il n'est pas de mois où il n'ait été consulté sur des affaires très-importantes; il n'est pas de professeur, d'instituteur isolé au fond d'un département, qui se soit adressé au Comité sans trouver appui et conseil. Nous avons quelquefois rectifié des erreurs, plus souvent résolu des doutes, facilité des démarches, signalé des droits, encouragé des efforts.

A ce coup d'œil rétrospectif sur l'année entière, nous allons joindre le court résumé des principaux actes du Comité depuis le dernier rapport.

Nous commencerons par indiquer, selon l'usage des précédents rapports, quelles sont, parmi les nombreuses questions adressées au Comité, celles qui méritent le plus d'intérêt. ›

1° INSTRUCTION SECONDAIRE.

· Un curé peut-il, en remplissant les conditions légales, étre instituteur secondaire?

La loi ne consacre à cet égard aucune incompatibilité. Il peut être fait opposition, dans les termes et pour les motifs indiqués par la loi, mais nullement à cause des fonctions du déclarant. Souvent l'incompatibilité de fait sera réelle, et ce cumul nuira aux devoirs du ministère. Cependant on comprendrait très-bien l'avantage que trouveraient, dans certains cas, les familles aisées d'une petite localité à faire commencer les classes élémentaires à leurs enfants près d'elles, sous la direction du curé, et à ne les envoyer au collége que pour les classes supérieures, et s'ils montrent des dispositions. Mais tous ces avantages et ces inconvénients sont remis avant tout à l'appréciation de l'Evêque, qui jugera en fait; la loi n'apporte aucun obstacle de droit.

tion d'un collége libre; - telle ville où le collége avait coûté en peu d'années près de 100,000 fr. au budget communal, et ne contenait que trente externes, pas un pensionnaire, et où le collége libre, fondé à la place, a reçu en un an près de deux cents élèves; telle ville où le petit séminaire a vu doubler le nombre de ses élèves sans que le collége vît diminuer les siens ; telle ville où la fondation d'une maison libre, d'aileurs peu florissante, a suffi pour faire opérer d'heureux progrès dans l'intérieur du collége, etc., etc. Ce sont là des faits dont tous doivent s'applaudir.

Peut-on loger des élèves près d'un pensionnat qui les reçoit comme externes, sans étre considéré comme exerçant l'instruction secondaire?

S'il ne s'agit que de loger des élèves, en les entourant des soins et des pré ceptes religieux et moraux qu'ils recevraient dans leurs familles, mais sans leur donner aucune leçon, on a le droit de se dispenser de prendre un diplôme. Cette existence de maisons religieuses et sûres auprès d'externats peut être un excellent moyen de permettre à des familles peu aisées et éloignées de faire profiter leurs enfants de l'éducation classique.

Sans doute, il peut y avoir des abus, et un tel état de choses, tout exceptionnel, exige la vigilance de l'autorité; elle ne permettra pas qu'on instruise les enfants sous prétexte de les loger, ou qu'on fasse de ce logement une spéculation; elle ne devra pas non plus permettre qu'on exige des formalités inutiles de personnes qui se contentent de remplacer les familles.

Les années d'exercice de l'enseignement, nécessaires au stage secondaire, peuvent-elles avoir été passées dans un petit séminaire ?

C'est à tort qu'on l'a contesté. Il suffit de lire l'article 60 pour s'en convaincre.

Les maîtres de pension peuvent-ils donner à leurs établissements le titre d'institutions, réservé autrefois aux maisons de plein exercice?

Il n'y a plus de différence entre les pensionnats et les institutions. Dès lors le nom peut être indifféremment donné.

2o INSTRUCTION PRIMAIRE.

Un conseil académique, chargé par l'article 15 de la loi d'arrêter le règlement des écoles publiques du département, a-t-il le droit de faire par ce règlement un choix parmi les livres autorisés par le conseil supérieur, et d'imposer aux écoles l'usage exclusif de ces livres ?

Les instituteurs ont la liberté de choisir parmi tous les ouvrages autorisés par le conseil supérieur. Le conseil académique n'a pas le droit de restreindre ce choix et d'invalider la décision de l'autorité supérieure, décision dont les maîtres des écoles comme les auteurs des livres sont fondés à se prévaloir.

Cet avis, selon nous incontestable, a d'ailleurs été, depuis que la question nous a été adressée, exprimé par la circulaire ministérielle du 21 novembre 1851, ainsi conçue :

« Monsieur le Recteur, je suis informé que plusieurs conseils académiques ont adressé des listes de livres à l'usage des élèves des écoles communales du ressort, et que ces listes ont été communiquées à MM. les instituteurs publics, avec injonction de se servir exclusivement, dans leur enseignement, des ouvrages qui leur étaient ainsi spécialement désignés.

« Cette prescription, Monsieur le Eecteur, est contraire à l'esprit et à la loi du 15 mars 1850.

Par son article 5, la loi a réservé au conseil supérieur de l'instruction publique la mission de donner son avis sur les livres qui peuvent être introduits dans les écoles publiques, et ceux sur qui doivent être défendus dans les privées, comme contraires à la morale, à la Constitution et aux lois; et aucune autre de ces dispositions ne confère aux conseils académiques le soin de faire un choix parmi les ouvrages déjà autorisés par le conseil supérieur.

« C'est donc à ce conseil seulement qu'appartient le droit d'approuver ou d'interdire l'usage de tel ou tel livre dans les écoles.

Il importe, d'ailleurs, de laisser à chaque instituteur la liberté de choisir l'ouvrage qu'il comprend le plus facilement, qui lui paraît le mieux approprié aux besoins de son enseignement, aux habitudes de la localité, à l'âge et aux dispositions des enfants; il convient aussi de ne pas faire obstacle aux efforts des auteurs, qui seraient complétement découragés s'ils savaient d'avance que toutes les voies leur sont fermées.

J'appelle, Monsieur le Recteur, votre attention particulière sur ces considérations, et je vous recommande de veiller à ce que MM. les instituteurs primaires continuent de jouir complétement de la faculté que leur laisse la loi, de choisir parmi les ouvrages approuvés ceux qui leur paraissent le mieux convenir à leur enseignement.

« Je vous prie de m'accuser réception de cette circulaire.

« Recevez, Monsieur le Recteur, etc.

Le ministre de l'instruction publique et des cultes,

Signé : CH. GIRaud. ›

1

Un libraire patenté peut-il empêcher un instituteur qui habite la même localité de vendre des livres et des objets classiques aux élèves qui fréquentent sa classe, et exiger de lui des dommages-intérêts?

Voici la note rédigée sur cette question par un de nos collègues les plus expérimentés :

Aux termes de la législation existante, nul ne peut faire le commerce des livres, s'il n'a obtenu du gouvernement un brevet de libraire. Toutefois quelques exceptions à la rigueur de ce principe sont généralement admises.

Ainsi les bouquinistes, qui exposent de vieux livres sur la voie publique, considérés, à ce titre, comme simples étalagistes, sont seulement tenus de justifier d'une permission de l'autorité municipale à laquelle appartient la police de la voirie.

Ainsi eneore, le ministère de l'intérieur, toutes les fois qu'il a été consulté relativement aux chefs d'institution, maîtres de pensions, instituteurs primaires, qui achètent en nombre des livres classiques, à l'effet d'en fournir leurs élèves, a répondu que si ces limites n'étaient pas dépassées, s'il n'y avait, en aucun cas, vente de livres à d'autres que les élèves de l'institution ou de l'école, il convenait d'user de tolérance et de s'abstenir de toutes poursuites.

Jamais on n'a songé à classer parmi les commerçants en livres, et à comprendre dans les rôles des patentes, les membres de l'enseignement qui, dans l'intérêt unique de leurs élèves, se pourvoient d'une certaine quantité de livres classiques divers.

Il n'y a là, on le voit, que des tempéraments inspirés à l'administration par une sage appréciation des choses. En droit rigoureux, ils ne sauraient, devant l'autorité judiciaire, acquérir la force d'une règle légale.

Mais, cela posé, on peut se demander si un juge devrait admettre l'action directe d'un libraire se plaignant de tel ou tel fait d'un instituteur. La situation de celui-ci pourrait être irrégulière, en tant qu'il vendrait des livres sans être muni d'un brevet, d'une patente, et ce serait la vigilance de l'autorité administrative qu'il faudrait avertir, afin que cette autorité poursuivît ainsi qu'elle aviserait. Mais comment le libraire plaignant établirait-il devant le juge qu'il y a pour lui dommage personnel? Le brevet qui lui a été conféré n'emporte point l'idée d'un monopole absolu, et ne saurait nuire à la liberté qu'a tout citoyen de faire des

acquisitions de la façon qu'il lui plaît, dans la localité qu'il habite ou dans toute autre localité (1).

(La suite à un prochain numéro.)

Décrets.

Le Moniteur publie plusieurs décrets dont voici les dispositions :

Art. 1er. Tous les délits dont la connaissance est actuellement attribuée aux cours d'assises, et qui ne sont pas compris dans les décrets des 51 décembre 1851 et 17 février 1832, seront jugés par les tribunaux correctionnels, sauf les cas pour lesquels il existe des dispositions spéciales, à raison des fonctions ou de la qualité des inculpés.

Art. 2. Ces juridictions connaîtront de ceux de ces délits qui ont été commis antérieurement au présent décret, et sur lesquels il n'aurait pas été statué autrement.

Art. 3. Les poursuites seront dirigées selon les formes et les règles prescrites par le Code d'instruction criminelle.

Art. 4. Sont et demeurent abrogées toutes dispositions relatives à la compétence, contraires au présent décret, et notamment celles qui résultent de la loi du 8 octobre 1830, en matière de délits politiques ou réputés tels; de l'art. 6 de la loi du 10 décembre 1830, relative aux afficheurs et crieurs publics; de l'art. 10 du décret du 7 juin 1848, sur les délits d'attroupements; de l'art. 16, paragraphe 2, de la loi du 28 juillet 1848, sur les clubs et les sociétés secrètes; de l'art. 117 de la loi électorale du 15 mars 1849.

Art. 1er. La loi du 9 janvier 1849, relative au travail dans les prisons, est abrogée.

Art. 2. Le ministre de l'intérieur est autorisé à réorganiser le travail dans les prisons.

Art. 3. Les produits du travail des détenus seront, autant que possible, appliqués à la consommation des administrations publiques.

Les condamnés qui ne seront pas employés directement par l'administration à des travaux destinés, soit au service des prisons, soit à des services publics, pourront être employés à des travaux d'industrie privée, sous les conditions déterminées par les règlements administratifs qui seront faits par le ministre de l'intérieur.

Art. 4. Le ministre de l'intérieur pourra, à titre d'essai, employer un certain nombse de condamnés à des travaux extérieurs.

CHEMINS DE FER. Par décrets divers, une somme de un million 600 mille francs est affectée à l'achèvement des travaux à la charge de l'Etat, sur la section du chemin de Paris à la frontière d'Allemagne, entre Hommarting et Strasbourg.

- Le ministre des travaux publics est autorisé à concéder directement le chemin de fer destiné à relier Strasbourg à la frontière bavaroise et à modifier en même temps le cahier des charges de la concession du chemin de fer de Strasbourg à Bâle.

(1) Le ministère de l'instruction publique a rendu une décision conforme à ces considérations.

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