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Ouverture de la Session de 1852.

La prestation de serment du Sénat et du Corps législatif, et l'ouverture de la session de 1852 ont eu lieu ce matin aux Tuileries, dans la salle des Maréchaux. Cent cinquante personnes environ, munies de billets, avaient pris place avant midi sur les banquettes réservées. Plusieurs ecclésiastiques avaient reçu des invitations on remarquait les dignitaires de l'archevêché de Paris, les curés de Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Roch, Saint-Germain - l'Auxerrois, Saint-Thomas-d'Aquin, Saint-Sulpice et Saint-Merry.

La galerie supérieure de la salle était occupée par un assez grand nombre de dames.

Un fauteuil en velours rouge était placé sur une estrade occupant le milieu du côté de la salle qui donne sur le jardin. Des draperies en velours rouge brodées d'or et surmontées d'une aigle, étaient disposées au-dessus du fauteuil présidentiel. A la droite de ce fauteuil du Président de la République, on en avait placé un second destiné au président du Sénat, et dix fauteuils placés à droite et à gauche étaient réservés aux ministres. A la suite des fauteuils des ministres, à droite, se trouvaient un siége pour M. Baroche, et des pliants pour les presidents de sections du conseil-d'Etat; à gauche, des pliants et des banquettes pour les membres du conseild'Etat.

Le milieu de la salle était occupé par deux rangs de banquettes séparés par un intervalle : le côté droit destiné au Sénat, et derrière celui-ci les invités du clergé et de la magistrature; le côté gauche au Corps législatif seul. Enfin, sur les deux côtés de la salle, on avait dressé une estrade pour le corps diplomatique à droite, et des banquettes pour les auditeurs du conseil-d'Etat à gauche.

Vers midi et demi, les huissiers introduisent les grands corps de l'Etat et le corps diplomatique dans l'ordre suivant :

Le corps diplomatique en grand uniforme, ayant à sa tête S. Exc. Mgr Garibaldi, Nonce de Sa Sainteté.

Le Sénat, conduit par ses vice-présidents.

Au premier rang, se remarquaient LL. EEm. les Cardinaux de Bonald, Archevêque de Lyon; Du Pont, Archevêque de Bourges; Gousset, Archevêque de Reims, ayant le costume cardinalice; et S. Em. le Cardinal Donnet, Archevêque de Bordeaux, en costume archiepiscopal et portant seulement la calotte rouge. Mgr l'Archevêque de Paris venait avec les autres sénateurs. Presque tous les membres du Sénat étaient en uniforme.

Les membres du conseil-d'Etat, tous, sans exception, en costume officiel ;

Enfin, on introduit le Corps législatif, dont trente membres à peine portent le costume officiel, tous les autres portent le frac noir.

A une heure moins quelques minutes, le roulement des tambours et les fanfares annoncent l'arrivée du Président. Tous les assistants se lèvent et on voit paraître Louis-Napoléon, accompagné par le président du Sénat, précédé et suivi par les ministres et par sa maison militaire.

Après avoir salué, le prince engage le Sénat, le Corps législatif et tous les autres assistants à s'asseoir, et presque immédiatement après, il prononce le discours suivant :

• Messieurs les sénateurs, Messieurs les députés,

La dictature que le peuple m'avait confiée cesse aujourd'hui. Les choses vont reprendre leur cours régulier. C'est avec un sentiment de satisfaction réelle que je viens proclamer ici la mise en vigueur de la Constitution; car ma préoccupation constante a été, non-seulement de rétablir l'ordre, mais de le rendre durable, en dotant la France d'institutions appropriées à ses besoins.

« Il y a quelques mois à peine, vous vous en souvenez, plus je m'enfermais dans le cercle étroit de mes attributions, plus on s'efforçait de le rétrécir encore, afin de m'ôter le mouvement et l'action. Découragé souvent, je l'avoue, j'eus la pensée d'abandonner un pouvoir ainsi disputé. Ce qui me retint, c'est que je ne voyais pour me succéder qu'une chose : l'anarchie.

« Partout, en effet, s'exaltaient des passions ardentes à détruire, incapables de rien fonder. Nulle part ni une institution, ni un homme à qui se rattacher; nulle part un droit incontesté, une organisation quelconque, un système réalisable.

Aussi lorsque, grâce au concours de quelques hommes courageux, grâce surtout à l'énergique attitude de l'armée, tous les périls furent conjurés en quelques heures, mon premier soin fut de demander au peuple des institutions. Depuis trop longtemps la société ressemblait à une pyramide qu'on aurait retournée et voulu faire reposer sur son sommet, je l'ai rep'acée sur sa base.

« Le suffrage universel, seule source du droit dans de pareilles conjonctures, fut immédiatement rétabli; l'autorité reconquit son ascendant; enfin la France adoptant les dispositions principales de la Constitution que je lui soumettais, il me fut permis de créer des corps politiques dont l'influence et la considération seront d'autant plus grandes, que leurs attributions auront été sagement réglées. ‹ Parmi les institutions politiques, en effet, celles-là seules ont de la durée, qui fixent d'une mauiere équitable la limite où chaque pouvoir doit s'arrêter. Il n'est pas d'autre moyen d'arriver à une application utile et bienfaisante de la liberté les exemples n'en sont pas loin de nous.

Pourquoi, en 1814, a-t-on vu avec satisfaction, en dépit de nos revers, inaugurer le régime parlementaire? C'est que l'Empereur, ne craignons pas de l'avouer, avait été, à cause de la guerre, entraîné à un exercice trop absolu du pouvoir.

<< Pourquoi, au contraire, en 1851, la France applaudit-elle à la chute de ce même régime parlementaire? C'est que les chambres avaient abusé de l'influence qui leur avait été donnée, et que, voulant tout dominer, elles compromettaient l'équilibre général.

« Enfin, pourquoi la France ne s'est-elle pas émue des restrictions apportées à la liberté de la presse et à la liberté individuelle? C'est que l'une avait dégénéré en licence, et que l'autre, au lieu d'être l'exercice réglé du droit de chacun, avait par d'odieux excès menacé le droit de tous.

< Cet extrême danger, pour les démocraties surtout, de voir sans cesse des

institutions mal définies sacrifier tour à tour le pouvoir ou la liberté, a été parfaitement apprécié par nos pères, il y a un demi-siècle, lorsqu'an sortir de la tourmente révolutionnaire, et après le vain essai de toute espèce de régimes, ils proclamèrent la Constitution de l'an VIII, qui a servi de modèle à celle de 1852.

Sans doute, elles ne sanctionnent pas toutes ces libertés, aux abus même desquelles nous étions habitués; mais elles en consacrent aussi de bien réelles. Le lendemain des révolutions, la première des garanties pour un peuple' ne consiste pas dans l'usage immodéré de la tribune et de la presse, elle est dans le droit de choisir le gouvernement qui lui convient. Or, la nation française a donné, peut-être pour la première fois, au monde, le spectacle imposant d'un grand peuple votant en toute liberté la forme de son gouvernement.

Ainsi le chef de l'Etat que vous avez devant vous est bien l'expression de la volonté populaire; et devant moi, que vois-je? deux chambres, l'une élue en vertu de la loi la plus libérale qui existe au monde, l'autre nommée par moi, il est vrai; mais indépendante aussi, parce qu'elle est inamovible.

<< Autour de moi vous remarquez des hommes d'un patriotisme et d'un mérite reconnus, toujours prêts à m'appuyer de leurs conseils, à m'éclairer sur les besoins du pays.

« Cette Constitution qui, dès aujourd'hui, va être mise en pratique, n'est donc pas l'œuvre d'une vaine théorie ou du despotisme : c'est l'œuvre de l'expérience et de la raison. Vous m'aiderez, Messieurs, à la consolider, à l'étendre, à l'améliorer.

Je ferai connaître au Sénat et au Corps législatif l'exposé de la situation de la République. Ils y verront que partout la confiance a été rétablie, que partout le travail a repris, et que pour la première fois après un grand changement politique, la fortune publique s'est accrue au lieu de diminuer.

Depuis quatre mois, il a été possible à mon gouvernement d'encourager bien des entreprises utiles, de récompenser bien des services, de secourir bien des misères, de rehausser même la position de la plus grande partie des principaux fonctionnaires, et tout cela sans aggraver les impôts ou déranger les prévisions du budget, que nous sommes heureux de vous présenter en équilibre.

« De pareils faits et l'attitude de l'Europe, qui a accueilli avec satisfaction les changements survenus, nous donnent un juste espoir de sécurité pour l'avenir : car si la paix est garantie au dedans, elle l'est également au dehors. Les puissances étrangères respectent notre indépendance, et nous avons tout intérêt à conserver avec elles les relations les plus amicales.

<< Tant que l'honneur de la France ne sera pas engagé, le devoir du gouvernement sera d'éviter avec soin toute cause de perturbation en Europe, et de tourner nos efforts vers les amélioratiods intérieures, qui peuvent seules procurer l'aisance aux classes laborieuses et assurer la prospérité du pays.

Et maintenant, Messieurs, au moment où vous vous associez avec patriotisme à mes travaux, je veux vous exposer franchement quelle sera ma conduite.

En me voyant rétablir les institutions et les souvenirs de l'Empire, on a répété souvent que je désirais rétablir l'Empire même. Si telle était ma préoccupation constante, cette transformation serait accomplie depuis longtemps: ni les moyens, ni les occasions ne m'ont manqué.

Ainsi, en 1848, lorsque six millions de suffrages me nommèrent en dépit de la Constituante, je n'ignorais pas que le simple refus d'acquiescer à la Constitution pouvait me donner un trône. Mais une élévation qui devait nécessairement entraîner de graves désordres, ne me séduisit pas.

‹ Au 13 juin 1849, il m'était également facile de changer la forme du gouvernement: je ne le voulas pas.

‹ Enfin, au 2 décembre, si des considérations personnelles l'eussent emporté sur les graves intérêts da pays, j'eusse d'abord demandé au peuple, qui ne l'eût pas refusé, un titre pompeux. Je me suis contenté de celui que j'avais.

Lors donc que je puise des exemples dans le Consulat et l'Empire, c'est que là, surtout, je les trouve empreints de nationalité et de grandeur. Résolu aujourd'hui, comme avant, de faire tout pour la France, rien pour moi, je n'accepterais de modification à l'état présent des choses, que si j'y étais contraint par une nécessité évidente.

• D'où peut-elle naître? Uniquement de la conduite des partis. S'ils se résignent, rien ne sera changé. Mais si, par leurs sourdes menées, ils cherchaient à saper les bases de mon gouvernement; si, dans leur aveuglement, ils niaient la légitimité du résultat de l'élection populaire; si, enfin, ils venaient sans cesse par leurs attaques mettre en question l'avenir du pays, alors, mais seulement alors, il pourrait être raisonnable de demander au peuple, au nom du repos de la France, un nouveau titre qui fixât irrévocablement sur ma tête le pouvoir dont il m'a revêtu.

Mais ne nous préoccupons pas d'avance de difficultés qui n'ont rien de probable. Conservons la République, elle ne menace personne, elle peut rassurer, tout le monde. Sous sa bannière je veux inaugurer de nouveau une ère d'oubli et de conciliation, et j'appelle, sans distinction, tous ceux qui veulent franchement concourir avec moi au bien public.

La Providence, qui jusqu'ici a si visiblement béni mes efforts, ne voudra pas laisser son œuvre inachevée; elle nous animera tous de ses inspirations, et nous donnera la sagesse et la force nécessaires pour consolider un ordre de choses quí assurera le bonheur de notre patrie et le repos de l'Europe. ›

Ce discours a été interrompu fréquemment par de vives marques d'approbation.

Puis, M. de Casabianca, ministre d'Etat, s'est levé, et après avoir lu la formule du serment, l'a fait prêter individuellement à tous les membres du Sénat et du Corps législatif.

MM. Carnot, le général Cavaignac et Hénon n'ont point répondu à l'appel de leur nom.

L'appel terminé, M. de Casabianca, au nom du Président de la République, a déclaré ouverte la session législative de 1852, et a engagé les membres du Sénat et du Corps législatif à se réunir demain dans les salles de leurs séances.

Immédiatement après, le prince s'est retiré.

Le Président était dans une magnifique voiture dont les panneaux étaient ornés d'aigles nouvellement peintes; il était escorté d'un piquet de carabiniers.

Des salves d'artillerie ont été tirées pendant toute la durée de la cérémonie.

Charles de Riancey.

Actes officiels et Décrets.

Les décrets se sont multipliés ces jours-ci, encore plus que les

précédents; nos pages ne suffisent pas à la reproduction intégrale de ces actes, qui encombrent le Moniteur. Nous donnerons cependant les principaux et nous analyserons les autres.

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Trois d'abord sont relatifs aux matières religieuses. L'un concerne le chapitre de Saint-Denis; le deuxième établit des chapelains à Sainte-Geneviève; le troisième réorganise le culte protestant.

CHAPITRE DE SAINT-DENIS.

Sur le rapport du ministre de l'instruction publiquo et des cultes, vu le décret impérial du 20 février 1806, qui institue le chapitre de Saint-Denis; vu l'ordonnance du 23 décembre 1816; vu l'ordonnance du 17 décembre 1839;

Considérant que la réduction opérée par la loi de finances de 1832 sur les traitements affectés aux canonicats du chapitre de Saint-Denis est un obstacle à la réalisation complète de la pensée du fondateur;

Décrète :

Art. 1er. Le traitement de chacun des six canonicats du premier ordre du chapitre de Saint-Denis est porté à 10,000 fr.

Le traitement de chacun des huit canonicats du second ordre est porté à 2,500 fr.

Art. 2. La cure de la ville de Saint-Denis (Seine) est réunie au chapitre de la basilique; le service paroissial y sera transféré.

Art. 3. Celui des chanoines, qui aura été nommé par l'ordinaire et agréé par nous pour remplir les fonctions de curé, prendra le titre de doyen du chapitre de second ordre. Dans le cas où il serait privé de ce titre, il demeurera toujours membre du chapitre.

Art. 4. Les chanoines du second ordre seront expressément tenus à la résidence. Ceux qui s absenteront sans autorisation subiront une retenue dont la quotité sera déterminée, suivant les cas, par une décision ministérielle.

Art. 5. Il sera pourvu, pour l'exercice 1852, aux augmentations fixées par le présent décret, au moyen d'une imputation sur le crédit ouvert au chapitre VIII du budget des cultes. (Secours à des ecclésiastiques forcés par l'âge ou les infirmités de cesser leurs fonctions.)

Art. 6. Le ministre secrétaire d'Etat de l'instruction publique et des cultes est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait au palais des Tuileries, le 25 mars 1852.

LOUIS-NAPOLÉON.

Le ministre secrétaire d'Etat de l'instruction publique et des cultes,

SAINTE-GENEVIÈVE.

Louis Napoléon, Président de la République française,

H. FOURTOUL.

Sur le rapport du ministre de l'instruction publique et des cultes, vn le décret du 6 décembre1851, qui a rendu au culte l'ancienne église de Sainte-Geneviève; vu l'art. 10 du décret du impérial 20 février 1806, ainsi conçu Le chapitre ⚫ métropolitain de Notre-Dame, augmenté de six membres, sera chargé de desservir l'église de Sainte-Geneviève. La garde de cette église sera spécialement confiée à un archiprêtre choisi parmi les chanoines; considérant qu'il importe d'approprier aux besoins actuels du service les dispositions énoncées audit article,

Décrète :

Art. 1er. Une communauté de prêtres est établie pour desservir l'église de Sainte-Geneviève à Paris.

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