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CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLESIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., I, 10.

SENTIMENT DE L'ANCIENNE ÉGLISE DE FRANCE

SUR LES PRÉROGATIVES DU PAPE, PROUVÉ PAR L'ÉCRITURE
ET LA TRADITION.

(Voir les nos des 1er et 16 mars, 1er et 16 avril, 1er et 16 mai,
1er et 16 juin, et 1er et 16 juillet.)

Second principe des Pères.

Chaque apôtre était une pierre placée immédiatement sur Jésus-Christ, à côté de saint Pierre, pour servir de fondement à l'Église; et tout ce que Jésus-Christ a donné à Pierre, il l'a donné aux apôtres.

Conséquences.

Donc, tous les apôtres étaient égaux en honneur et en puissance, aucun ne ressortissait d'un autre et n'avait d'autre juge que Jésus-Christ, ou le concile des apôtres. Donc, tous les pasteurs sont égaux entre eux de droit divin; donc encore si un apôtre manquait en quelque chose, un apôtre pourrait et devrait le reprendre, comme étant chargé solidairement du soin général de toute l'Église. C'est aussi ce que saint Paul a fait à l'égard de saint Pierre.

Donc, si Pierre n'avait point écouté Paul, Paul n'aurait eu d'autre ressource que de le dire à l'Église. Cependant, si saint Pierre avait eu juridiction sur les apôtres, pourquoi Paul aurait-il dû le dénoncer à l'Église et attendre son jugement? Saint Pierre n'avait donc aucun droit sur les apôtres, et, par conséquent, n'était pas leur supérieur. Le pape aussi n'a donc aucun droit, par institution divine, sur les autres évêques, et, conséquemment, les principes des ultramontains et les deux de M. Nicole sont faux.

Troisième principe des Pères.

Chaque apôtre était une pierre sur laquelle l'Église devait être bâtie, et tous les premiers pasteurs sont les successeurs des apôtres; d'ailleurs, un apôtre ne dépendait pas d'un autre.

Conséquences.

Donc, chaque évêque est la pierre sur laquelle l'Église est bâtie, et il n'y a point d'Église sans évêque ou sans premier pasteur. Donc, un évêque ne dépend pas d'un autre, donc l'Église du premier qui n'est point sans son évêque ne peut dépendre de l'Église du second, du moins par l'institution de Jésus-Christ. Donc encore, le principe de M. Nicole et des gallicans modernes qui assujettit à l'Église de Rome toutes les autres, est faux, aussi bien que celui des ultramontains.

Quatrième principe des Pères.

La primauté de saint Pierre n'était qu'une primauté de temps ou de qualités personnelles qui ne se transmettent point, qui ne donnent aucune autorité sur les jeunes et qui n'exigent que des égards de la part de ceux-ci.

Conséquences.

Donc, ceux des Pères qui ont dit et cru que saint Pierre était le premier évêque de Rome n'ont pas dû dire et croire en conséquence que le pape ou son Église eussent plus d'autorité que tout autre évêque ou toute autre Église; au contraire, si, croyant que saint Pierre avait été le premier

évêque de Rome, ils ont enseigné que le pape ou son Église n'avait pas plus d'autorité que tout autre évêque ou toute autre Église, c'est une démonstration complète qu'ils ont cru que saint Pierre n'avait pas plus d'autorité et de privilége que les autres apôtres, et c'est ce qu'ils ont enseigné. Donc, il est faux que la Tradition ait reconnu en saint Pierre une supériorité de droit divin. Donc, etc.

EST-IL DE FOI QUE LE PAPE SOIT LE CHEF DE L'ÉGLISE, ET QUE L'ÉGLISE DE ROME SOIT, DE DROIT DIVIN, LE CENTRE DE L'UNITÉ?

Plusieurs gallicans modernes ont soutenu les opinions de M. Nicole. Le plus savant d'entre eux s'exprime ainsi sur l'autorité du Saint-Siége: « Le Fils de Dieu ayant voulu que l'Église fût une et solidement bâtie sur l'unité, a établi et institué la primauté de saint Pierre pour l'entretenir et la cimenter. C'est pourquoi nous reconnaissons cette même primauté dans les successeurs du prince des apôtres, auxquels on doit, pour cette raison, la soumission et l'obéissance que les conciles et les saints Pères ont toujours enseignée aux fidèles. Quant aux choses dont on dispute dans les écoles, il n'est pas nécessaire d'en parler ici, puisqu'elles ne sont pas de la foi catholique. Il suffit de reconnaître un chef établi de Dieu. » Il dit ensuite que le Saint-Siége ou l'Église de Rome est le centre de l'unité catholique.

On voit, par cet extrait, que le célèbre écrivain donne comme deux vérités de foi : 1° que le pape est le chef de l'Église établi de Dieu comme successeur de saint Pierre ; 2o que l'Église de Rome est de droit divin, reine, ou première de toutes les Églises et le centre de toute l'unité catholique.

Voilà, comme on voit, les deux principes de M. Nicole donnés comme deux vérités de foi; mais en ayant montré

suffisamment la fausseté par la Tradition, il me suffit de faire voir que notre auteur n'est pas uniforme dans ses principes de foi, me réservant de prouver ailleurs que ce qu'il nous donne pour deux vérités n'est rien moins que vrai.

Il n'est pas uniforme dans ses principes. Ici, il dit que l'Église romaine est le centre de l'unité, et, dans d'autres ouvrages, il dit que par l'Église romaine les uns entendent l'Église même de Rome, les autres l'Église universelle, en tant qu'elle reconnaît l'évêque de Rome comme son chef. Il admet ces deux définitions, d'où naissent nécessairement plusieurs systèmes différents et opposés entre eux.

Variété de doctrine et de sentiments

parmi les ultramontains.

Le Saint-Siége n'étant autre chose dans l'idée des ultramontains que l'Église ou le diocèse de Pierre, il doit y avoir nécessairement variété de systèmes, dès que, par le diocèse de Pierre, les uns entendent toute l'Église, les autres une Église particulière.

1° Ceux qui prétendent que saint Pierre a été le pasteur et l'évêque des apôtres doivent croire qu'il a été le chef visible ou l'évêque de toute l'Église, et, par conséquent, ils doivent croire que le pape l'est aussi et que les évêques ne sont que ses délégués.

2o Ceux qui prétendent, comme les gallicans modernes, que saint Pierre n'a point été l'évêque des apôtres, mais uniquement le premier entre eux, et qu'il a eu une Église particulière à gouverner, doivent croire que saint Pierre n'a point été le chef visible de l'Église, simplement le premier des apôtres, et, par conséquent, que le pape n'est que le chef des ministres et que le Saint-Siége est l'Église particu lière de Rome. Voilà donc deux sentiments tout à fait opposés, puisqu'ils ne donnent pas la même idée du Saint-Siége.

3. Entre les gallicans modernes, les uns prétendent que saint Pierre, en qualité de chef des apôtres, a eu une surveillance et une juridiction sur les apôtres. Les autres veu

lent que sa primauté n'ait été qu'une primauté de rang sans juridiction.

4° Entre les gallicans modernes, les uns veulent que l'Église de Rome soit le centre d'unité et, par conséquent, qu'elle soit indéfectible; les autres veulent que ce soit le pape, de sorte que, si l'Église de Rome vient à périr, le pape placera son siége ailleurs, et les évêques de cet endroit seront indéfectibles.

Voilà au moins quatre systèmes différents parmi les gallicans modernes. Le système des ultramontains se divise aussi, au moins, en deux. Car tous ne regardent pas l'Église universelle comme le diocèse de saint Pierre, mais l'Église particulière de Rome; d'autres le renferment ou dans la personne du pape seul, ou dans le ministère de Rome, en sorte qu'on ne le dit infaillible dans ses décisions que lorsqu'il prononce ex cathedra, c'est-à-dire à la tête de son clergé.

Aucun de ces sentiments ne peut être de foi.

Ces sentiments différents entre eux sont tous suivis et enseignés parmi les gallicans modernes. Cependant l'auteur cité donne le premier de ceux des gallicans modernes comme un dogme de la foi catholique, par conséquent, ou les autres sentiments qui diffèrent essentiellement du P emier en quelque chose sont opposés à la foi, ou s'ils n'y sont pas opposés, il faut que le premier ne soit pas un article de foi. Si le premier n'est pas un article de foi, pourquoi le donne-t-on comme tel? Et s'il l'est, pourquoi admet-il un autre sentiment qui contredit le premier? Car l'un dit que l'Église de Rome est le Saint-Siége, et l'autre que c'est l'Église universelle; tantôt, c'est le SaintSiége qui est le centre de l'unité, tantôt le pape seul, tantôt pape à la tête de ses cardinaux. Est-il donc indifférent de dire que c'est, ou le pape seul, ou le pape à la tête de ses cardinaux, ou l'Église entière de Rome, ou l'Église universelle qui est le centre de l'unité. L'Église universelle est in

le

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