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romaine dont l'Eglise de France n'a jamais reconnu l'autorité, que ne ferait-il pas dans des circonstances plus graves?

L'Union publie, sur la communication qui lui en est faite, un bref du pape, en réponse à l'adresse des catholiques du diocèse de Nantes, envoyée au mois d'avril 1860 et signée par plusieurs milliers de personnes.

« C'est avec une bien grande consolation, y est-il dit, que nous avons reçu votre lettre si pleine des sentiments de piété filiale, de confiance, de dévouement et de respect dont vous êtes animés pour nous.

>> Vous nous l'avez écrite pour prendre part à nos douleurs, au milieu de cette violente tempête soulevée contre nous et ce Saint-Siége du bienheureux Pierre, par des hommes puissants et pervers.

>> Un semblable témoignage d'amour nous cause une joie d'autant plus grande que chaque jour devient plus manifeste le dessein, formé par tous les ennemis de l'Eglise catholique, de détruire complétement le patrimoine du Saint-Siége.

» Ce dessein, le roi de Sardaigne l'a récemment mis à exécution, lorsque, en pleine paix et sans provocation aucune, il a jeté ses armées sur les provinces de notre domaine temporel. >>

Le pape engage ensuite les signataires de l'adresse nantaise à continuer de prier pour demander à Dieu qu'il mette fin aux afflictions de l'Eglise et qu'il fasse éclater sa puissance divine.

Nous espérons bien que la puissance divine mettra fin aux afflictions de l'Eglise en détruisant cette puissance temporelle que la papauté a usurpée, qui lui a fait manquer à ses devoirs les plus essentiels, qui a été la cause la plus directe de tous les maux dont l'Eglise est affligée depuis tant de siècles.

Pour tous les articles non signés : L'abbé GUETTÉE.

PARIS. — IMPRIMERIE DE DUBUISSON ET ce, RUE COQ-HÉRON, 5.

CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., I, 10.

DE LA PRIMAUTÉ DU PAPE.

EST-ELLE DE DROIT DIVIN OU DE DROIT ECCLÉSIASTIQUE?

(Deuxième article.)

Nous avons constaté que, jusqu'au seizième siècle, la doctrine de la primauté du pape de droit divin n'était pas la plus autorisée dans l'Eglise ; qu'elle n'eut pour elle que les partisans les plus exagérés des prétentions papales, fondées sur les fausses Décrétales, et que ces prétentions avaient soulevé, dans toutes les Eglises, la plus vive opposition. Cette opposition canonique se perpétua surtout en France. Mais après le seizième siècle, lorsque l'Eglise de France subit, malgré ses protestations réitérées, le joug du concordat conclu entre Léon X et François I, lorsque ce pape et ce roi eurent supprimé les élections pour se réserver la nomination des évêques et des plus gros bénéficiers, l'ultramontanisme commença à s'infiltrer peu à peu dans notre Eglise. Ceux qui aspiraient aux bénéfices, aux évêchés, gardèrent vis-à-vis de la cour de Rome de plus grands ménagements. Les jésuites, qui se répandirent alors en France malgré les lois, mais sous l'influence de la maison de Lor

raine et des Médicis, s'appliquèrent à combattre sourdement l'enseignement traditionnel de la France touchant la papauté. De là une génération d'ultramontains qui se manifestèrent avec trop de fracas durant la Ligue pour que l'on puisse douter de leur existence. Les débris de la Ligue ne périrent pas avec cette conjuration; au commencement du dix-septième siècle, l'ultramontanisme avait en France des adeptes décidés dans les théologiens formés par les jésuites, et le Parlement se vit obligé de proscrire les ouvrages des Bellarmin, des Suarez, des Santarelli, et d'autres non moins prononcés sur la question.

Malgré ces condamnations, l'ultramontanisme avait fait de tels progrès, qu'il osait condamner à son tour l'ancienne doctrine, que plusieurs théologiens osaient formuler dans toute sa précision, comme Simon Vigor et Richer. Ils donnèrent même à cette doctrine le titre de richerisme, pour donner à penser qu'elle n'était qu'un système propre à un homme dont ils faisaient un schismatique. L'opinion publique était ainsi faussée peu à peu. Quelques évêques, vendus à la cour de Rome par calcul et par ambition, mirent leur autorité épiscopale au service de cette mauvaise cause. Ces évêques devinrent de plus en plus nombreux à mesure que les jésuites exercèrent plus d'influence auprès des rois. On sait quelle fut leur puissance sous la régence de Marie de Médicis et sous Louis XIV. Ils s'emparèrent de la feuille des bénéfices, et, par là, ils eurent à leur disposition tous les ambitieux qui aspiraient aux biens et aux dignités de l'Eglise. Le nombre en a toujours été grand. Un très petit nombre d'évêques furent nommés en dehors de leur influence. Trop habiles pour combattre de front toutes les doctrines gallicanes, ils favorisèrent la création, pour l'extérieur seulement, d'une école mixte, dans laquelle entrèrent naturellement tous les hommes timides qui, sans embrasser les théories ultramontaines, n'osaient pas professer des doctrines qui n'avaient l'appui, ni du roi, ni du pape, et que des évêques avaient flétries comme schismatiques.

De là le gallicanisme moderne, qui admit les principes les plus contradictoires, qui prit un peu de l'ultramonta nisme et un peu de l'ancien gallicanisme, pour en former un système incohérent. Les adeptes de ce système cherchèrent à l'appuyer sur des preuves traditionnelles. Ils acceptèrent de confiance plusieurs textes des Pères de l'Eglise, que l'école ultramontaine avait dénaturés ; ces textes passèrent dans l'enseignement théologique et furent admis avec d'autant plus de confiance que personne n'osait les discuter.

Lors des querelles entre Port-Royal et les jésuites, les évêques de la création de ces derniers, et qui étaient en même temps les évêques de cour, se réunirent par ordre de Louis XIV pour accepter les bulles pontificales. Ces bulles avaient été sollicitées par le roi lui-même; les jésuites s'étaient portés garants de leur acceptation. Les évêques de cour ne manquèrent pas de souscrire aux vœux du roi, et élaborèrent ces fameux procès-verbaux, qui reçurent l'approbation des ultramontains et qui sont en complet désaccord avec ceux des anciennes assemblées du clergé de France. La volonté de Louis XIV était une loi pour la plupart des évêques, et l'on ne peut lire sans dégoût le récit de leurs criminelles complaisances.

Lorsque les bons rapports de ce roi avec les papes mena cèrent de se rompre, les évêques de cour épousèrent la querelle et se rangèrent du côté du roi. Quelques anciens gallicans espérèrent remettre enfin en honneur les vieilles doctrines. Bossuet se plaça en intermédiaire entre les uns et les autres; il ne voulait ni servilisme royal, ni rupture avec Rome; il chercha donc un moyen-terme. En toutes circonstances, Bossuet se montra l'homme de la conciliation, l'homme pratique par excellence. Il ne crut pas le moment opportun pour remonter à la source des prétentions papales, il ne songea qu'à trouver une doctrine qui, en ménageant les tendres oreilles des Romains, comme il disait (Lettre 91e au cardinal d'Estrées) ne serait pas la con

sécration de l'ultramontanisme. Ce fut sous cette préoccupation que furent rédigés les quatre articles de 1682. Pour les faire accepter par la cour de Rome, Bossuet eut le tort de les accompagner de son sermon sur l'unité, morceau oratoire d'une éloquence incontestable, mais dans lequel il fut trop inspiré par le désir de faire accepter les quatre articles par la cour de Rome. Ce désir, qui ne devait pas être réalisé, lui inspira trop de ménagements, trop de complaisances; le discours sur l'unité fut plutôt une pièce diplomatique qu'un sermon doctrinal, et le génie de Bossuet ne put y surmonter les obstacles qui naissaient de la nature même du projet qu'il avait conçu. Nous rendons justice à la pureté de ses motifs; nous ne le blâmons pas de n'avoir considéré les choses que dans la sphère fort circonscrite des événements qui le préoccupaient exclusivement. L'homme de génie vit comme tout autre de la vie de son siècle, et celui surtout qui se trouve mêlé aux affaires ne peut pratiquement poursuivre immédiatement une solution qui est encore éloignée de deux siècles du temps où il vit.

La foule des hommes prudents était avec Bossuet. Élevés dans une doctrine qui tenait un juste milieu entre l'ultra-montanisme et l'ancien gallicanisme, ils ne remontaient pas à l'origine des questions. La plupart n'y songeajent même pas; ils suivaient sans défiance un enseignement qui leur avait été donné dans leur jeunesse. Ceux qui auraient pu éclairer la question par des études approfondies s'en gardaient bien, de peur de s'attirer les anathèmes du parti jésuitique. Les hommes les plus indépendants, comme le docteur Launoy, n'osaient aborder les questions en ellesmêmes que dans leurs lettres confidentielles. De toutes ces circonstances, il résulta nécessairement que le gallicanisme moderne dut s'identifier pour ainsi dire avec l'esprit public en France, jusqu'au moment où l'ultramontanisme triomphant viendrait le combattre au nom même de ses principes, le convaincre d'inconséquence et le tuer avec ses propres

armes.

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