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qui elle et son centre ne font qu'un ; il faut donc que son centre soit Dieu; car l'homme ne peut point par lui-même s'unir à Dieu, en sorte qu'il ne fasse qu'un avec lui. Or Jésus-Christ a toutes ces qualités; et lui seul les possède : il est visible aux yeux de notre foi, qui le croit et le voit réellement présent dans l'eucharistie. Quant aux autres qualités, il n'est pas nécessaire de les expliquer.

Objection.

On peut être chef et centre d'unité d'une religion par institution divine, sans être indéfectible; tel était le grandprêtre dans la religion judaïque. Pourquoi donc Dieu n'aurait-il pas pu établir un chef et un centre d'unité dans toute l'Eglise, sans lui donner l'indéfectibilité et l'infaillibilité ?

Observation. Quand même cela pourrait être, il resterait toujours à prouver qu'il l'a fait dans la personne de saint Pierre et du pape; or j'ai prouvé qu'il ne l'a pas fait.

Réponse.

1o L'objection suppose, ou que la synagogue était indė– fectible et infaillible, ou qu'elle était défectible et faillible. Si elle la suppose défectible, l'argument est ridicule et absurde; car, si la synagogue était défectible, le chef l'était, la condition du chef suivant la condition de la société. Si donc l'Eglise est indéfectible, le chef doit l'être, car sans cela point de parité dans l'objection.

2° Si l'objection suppose la synagogue indéfectible, l'argument sera en forme; mais l'adversaire aura à prouver qu'une société qui n'existe plus depuis dix-sept siècles et plus, et qui a condamné à mort celui qui était la fin de toute religion, était indéfectible et infaillible, S'il se réduit à dire que la synagogue n'était indéfectible et infaillible que jusqu'au temps que subsisterait la loi, je réponds que la condition du chef d'une religion était la condition de cette religion, et, par conséquent, si la synagogue était indéfectible pendant un temps, le chef devait l'être aussi : donc si l'Eglise est infaillible, le chef doit l'être aussi.

Troisième preuve, tirée de ces paroles de Jésus-Christ: « Je suis la vraie vigne et vous en êtes les branches; » et de celles-ci : « Je bâtirai mon Église sur cette pierre. »

Peut-on, en effet, douter que Jésus-Christ ne soit le chef unique et le centre de son Eglise après qu'il a assuré à ses apôtres qu'il était le cep de la vigne dont ils étaient les branches, et qu'il était la pierre sur laquelle il bâtiraît son Eglise, selon l'explication qu'un grand nombre de Pères donnent à ces paroles. Or le centre d'unité des branches d'une vigne est sans contredit le tronc qui produit les branches et auquel elles vont toutes aboutir; comme le centre d'unité d'un bâtiment à douze ailes est la pierre angulaire et fondamentale, sur laquelle porte tout l'édifice. Il est vrai que les apôtres sont appelés dans l'Ecriture des fondements de l'Eglise; mais ce n'est qu'en second et avec dépendance de Jésus-Christ. Je ne fais que montrer cette preuve, parce qu'elle porte l'évidence avec elle, et je viens au moyen que Jésus-Christ a choisi pour attirer tous les fidèles autour de lui comme autour de leur centre et n'en faire qu'un seul tout en lui et en son Père. Quel était-il ?

Moyen que Jésus-Christ a choisi pour ne faire qu'un seul tout de tous les chrétiens.

Je dis que ce moyen, digne de la puissance et de l'amour de notre Sauveur et de notre Dieu, est l'institution des sacrements, mais principalement du sacrifice eucharistique, où il se donne lui-même tout entier pour être notre nourriture sous les espèces ou apparences du pain et du vin, dont il change la substance en sa propre substance par les paroles et la bénédiction de ses ministres. C'est par ce moyen admirable et tout divin qu'il se rend toujours présent aux yeux de notre foi, qu'il nous unit tous entre nous et à lui pour être une seule hostie vivante et une victime qu'il offre perpétuellement à son père, à qui il nous unit; et, par cette union, il nous consomme dans l'unité de Dieu.

Quatrième preuve, tirée de l'institution du sacrifice eucharistique.

Jésus-Christ étant près d'offrir à son père sur la croix le

sacrifice de sa vie, change du pain et du vin en sa propre substance par sa bénédiction, et les distribue à chacun de ses apôtres, en leur disant : « Prenez et mangez, car ceci est mon corps; prenez et buvez, car ceci est mon sang, le sang qui cimente l'alliance nouvelle que je fais avec vous et avec tous ceux qui croiront en moi. » Après s'être ainsi uni et incorporé ses apôtres, il leur donne le pouvoir d'opérer le même changement dans le pain et dans le vin, en leur disant: « Toutes les fois que vous ferez ces choses, vous les ferez en mémoire de moi. » Après le repas eucharistique, Jésus-Christ fait en actions de grâces cette belle et sublime prière, rapportée au dix-septième chapitre de saint Jean. C'est dans cette prière que nous apprenons que Jésus-Christ dans l'Eucharistie est le centre de toute la religion chrétienne et de l'unité de toute l'Eglise.

Verset 19. « Je me sanctifie, dit ce divin Sauveur à son Père, ou je me sacrifie moi-même pour eux, afin qu'ils soient entre eux mêmes sanctifiés ou sacrifiés dans la vérité. Le but que je me propose, ô mon Père, en me sacrifiant à vous pour mes disciples, est de les mettre en état de vous être sacrifiés eux-mêmes très réellement et dans la vérité.

Verset 20 et 21. « Je vous demande pour premier fruit et premier effet de mon oblation et de la leur, qu'ils soient tous unis, et que comme vous, mon Père, êtes en moi et moi en vous, ils soient eux-mêmes un en nous. « Mais par quel moyen ferai-je qu'ils soient un en nous et une même chose avec nous? Cela est déjà fait, ô mon Père. Je viens de faire ce grand miracle en leur faveur; et voici le moyen que j'ai choisi.

Verset 22. « Je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un. »

En unissant mon humanité à votre Verbe, qui est un avec vous, vous avez uni l'homme à vous, et par cette union substantielle et personnelle de la divinité à l'humanité, vous m'avez fait homme-Dieu, et dès lors vous avez mis

l'homme en état de vous être sacrifié, comme une hostie d'agréable odeur. Telle est la gloire que vous m'avez donnée en tant que je suis homme : eh bien! mon Père, j'ai fait la même grâce à mes disciples; je les ai élevés à la même gloire, à laquelle vous avez élevé mon humanité ; j'ai thangé du pain et du vin en ma propre substance, et je la leur ai donnée en nourriture: par ce moyen je les ai nourris de ma chair et de mon sang; ma chair et mon sang font donc partie de leur chair et de leur sang. Leur chair et leur sang unis substantiellement à leur âme sont donc unis substantiellement à ma chair et à mon sang unis substantiellement à mon âme ou à mon humanité toute entière, et puisque mon humanité est unie substantiellement à votre Verbe, leur humanité est aussi unie à ma personné divine; mais ma personne divine et la vôtre étant une même substance, ils vous sont donc par conséquent unis.

Verset 23. « Je suis en eux et ils sont en moi. »

On voit par ces quatre versets que Jésus-Christ donne la manducation de l'Eucharistie comme la consommation de l'unité de tous ses disciples en lui et par lui en Dieu son père pourquoi donc irions-nous ailleurs chercher un centre d'unité ?

Cinquième preuve : « Nous tous qui participons à un même pain, nous ne formons qu'un seul corps. » (1. cor. X. 17.)

Peut-on dire d'une manière plus claire et plus énergique que ne le fait ici l'Apôtre, que l'unité du corps des chrétiens. a pour cause leur participation au même sacrifice? JésusChrist sacrifié pour nous est donc le lien qui nous unit tous; il est donc le centre où nous allons tous aboutir, nonseulement en tant qu'il est notre fin dernière, mais encore en tant qu'il nous unit entre nous pour ne faire avec lui et par lui qu'un seul tout, qu'il offre et sacrifie sans cesse à son Père, comme une seule et même victime.

La chose peut s'éclaircir par un exemple. Représentons donc cette vérité par un cercle. Qu'est-ce que le centre d'un cercle? C'est le point du milieu où tous les rayons

vont aboutir et qui les unit entre eux pour ne faire avec lui qu'un seul tout. Otez ce centre, alors tous les rayons forment autant de corps séparés qu'il y a de rayons. Rétablissez-le; alors tous les rayons sont réunis pour ne faire qu'un seul tout. C'est que ce point du milieu appartient à tous les rayons, en sorte qu'il n'y en a pas un qui ne puisse dire ce milieu est un de mes points et fait partie de moi. Or, tel est Jésus-Christ à l'égard de tous les chrétiens fidèles; nous allons tous aboutir à lui comme à une partie de nous-mêmes; nous lui sommes tous incorporés par la réception des sacrements, surtout par la manducation de son corps; et nous devenons la chair de sa chair et les os de ses os. Il n'y a aucun de nous qui ne puisse et ne doive dire très réellement Jésus-Christ m'appartient; il fait partie de moi, ou plutôt je fais partie de lui; il est mon chef, et je suis un de ses membres; et puisque tous peuvent le dire, nous avons donc tous une partie qui nous est commune et qui nous unit tous pour ne fáire avec elle qu'un seul tout et comme un seul homme. D'où il suit que JésusChrist est véritablement notre chef et notre centre.

Sixième preuve.

Jésus-Christ seul était chef et centre d'unité de son Eglise pendant sa vie; lui seul l'est donc encore aujourd'hui. Personne ne révoquera en doute que Jésus-Christ n'ait été chefet centre d'unité pendant sa vie : or, s'il l'a été, il l'est encore; car supposons que Jésus-Christ n'ait jamais quitté la terre, et que cependant sa société se soit accrue et étendue jusqu'aux extrémités du monde par la prédication de ses ministres; dans ce cas-là, il serait certainement le chef et le centre de l'unité; il est de foi que Jésus-Christ en s'élevant dans le ciel n'a jamais quitté la terre. « Voilà, dit-il à ses apôtres, que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles; j'y suis non-seulement par mon esprit, mais encore très réellement et personnellement par ma présence dans l'Eucharistie. En conséquence, Jésus-Christ, par son ascension n'a pas cessé d'être l'unique chef et l'unique centre de toute son Église.

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