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tion dans les mêmes termes, et un autre de la cour de Cassation, du'18 novembre 1861, se range implicitement au même avis.

Enfin, un dernier arrêt de la cour de Cassation, du 12 janvier 1864, a décidé qu'en matière de bail verbal non encore exécuté, un interrogatoire sur faits et articles pourrait être ordonné, non pour fournir des présomptions simples, puisqu'elles ne peuvent pas plus être admises que la preuve orale, mais pour obtenir des aveux. L'arrêt casse, par suite, la décision attaquée qui était basée sur de simples présomptions résultant d'un interrogatoire.

Nous retrouvons partout cette même argumentation dont l'évidence semble s'imposer : les art. 1341 et suivants contiennent les règles de la confiance qui doit être accordée aux témoignages, et, sous ce rapport, le commencement de preuve par écrit est appelé à jouer un rôle important; mais, pour le bail verbal non exécuté, le législateur, dérogeant à ces règles, à celle de l'art. 1347, aussi bien qu'à celle de l'art. 1341, s'est livré à une innovation afin de remédier à des inconvénients particuliers, et il a écarté la preuve testimoniale, malgré la confiance qu'elle pouvait mériter, afin de tarir dans leur source des procès trop regrettables. Les arrêts, les travaux préparatoires du Code civil, et les textes historiquement interprétés des ordonnances de 1566 et de 1667, mettent en lumière cette distinction essentielle entre les cas où la preuve par témoins est écartée pour cause de suspicion légitime, et ceux où elle est proscrite à cause des lenteurs, des frais et des complications qui l'accompagnent. Ils nous démontrent, en même temps, que si le commencement de preuve par écrit peut lui donner le crédit qu'elle n'aurait pas à elle seule, et faire lever à cet égard l'interdit dont elle est frappée par l'art. 1341, il demeure sans action sur les involutions et les longueurs des procès, et n'a, sous ce rapport, aucune valeur.

Les jurisconsultes se sont généralement rangés à cet avis. Zachariæ et Duvergier cependant ont adopté l'opinion contraire, et ont déclaré ne voir aucun motif pour ne pas attribuer au commencement de preuve par écrit son effet ordinaire. « En général, » écrit ce dernier auteur, là où le commen«< cement de preuve a créé une vraisemblance, la preuve par << témoins peut élever une certitude légale. » Les travaux pré

paratoires du Code répondent qu'il ne s'agit nullement, en cette matière, de la certitude que la preuve testimoniale peut fournir. Cette preuve est écartée pour des raisons tout autres, et on a très-explicitement déclaré, qu'au point de vue de l'ordre public, il valait mieux ignorer la vérité, que la tenir d'elle.

7. Le bail verbal n'est pas la seule convention que le législateur ait affranchie des dispositions des art. 1341 et suivants. L'art. 2044 place la transaction dans une situation identique quand il dit : « ce contrat sera rédigé par écrit. »

Le commentaire officiel de ce texte donné par le tribun Albisson ne laisse, ce nous semble, aucun doute à ce sujet : « La seule condition que le projet ajoute, » disait ce orateur, « et qui devait l'être par rapport à la nature particulière de la transaction, c'est qu'elle soit rédigée par écrit ; ce <qui est infiniment sage, car la transaction devant terminer « un procès, c'eût été risquer d'en faire naître un nouveau << que d'en laisser dépendre l'effet de la solution d'un problème « sur l'admissibilité ou les résultats d'une preuve testimoniale. » C'est en ce cas, comme en matière de bail verbal, à raison des complications qu'elle rapporterait dans le procès que la preuve testimoniale est proscrite, sans égard pour la confiance qu'elle pourrait inspirer.

A côté de ce motif, l'exposé de M. Bigot-Préameneu semble en avoir placé un second : « Un droit douteux, »> dit-il, « et la certitude que les parties ont entendu balancer et régler « leurs intérêts, tels sont les caractères qui distinguent et qui « constituent la nature de ce contrat. C'est en quelque sorte un jugement que les parties ont prononcé entre elles, et «elles ne doivent plus être admises à s'en plaindre. S'il en « était autrement, les transactions ne seraient elles-mêmes « qu'une nouvelle cause de procès. C'est l'irrévocabilité de ce « contrat qui le met au rang de ceux qui sont les plus utiles " à la paix des familles, et à la société en général. Il suffit qu'il soit certain que les parties ont entendu traiter à ces « conditions. »

On pourrait, au premier abord, induire de ces paroles que le législateur s'est préoccupé du dégré de certitude que pouvaient apporter les diverses sortes de preuves, et qu'à ce point de vue l'art. 2044 appartient au même ordre d'idées que l'art. 1341. Mais on doit remarquer que l'exposé des motifs

ne parle que de cette certitude invincible qui résulte d'un acte écrit, à l'heure même où la transaction est invoquée ; et non de celle que pourraient produire ultérieurement, d'une manière plus ou moins complète, des dépositions de témoins. La preuve écrite, plus certaine que la preuve orale, est à ce titre seule admise pour établir les transactions qui ont besoin d'une certitude toute spéciale. Si M. Bigot-Préameneu n'avait entendu parler que de la certitude légale ordinaire, telle que l'ont organisée les art. 1341 et suivants, il ne l'aurait pas considérée comme l'un des caractères distinctifs de la transaction. Comme le tribun Albisson, il écarte tous problèmes sur l'admissibilité ou les résultats d'une preuve testimoniale, et il exige cette certitude spéciale qui résulte d'un acte écrit ou d'un aveu, et qui s'impose sur l'heure sans complications et sans désordres.

Deux arrêts, l'un de la cour de Caen du 12 avril 1845, l'autre de la cour de Pau du 1er août 1860, ont ainsi interprété la pensée du législateur.

« Considérant, » dit le premier, « que les termes de l'art. «< 2044 sont impératifs; que l'intention du législateur à cet « égard, attestée par le rapporteur de la loi au Tribunat, est <«< conforme à la raison, et suggérée par la nature même des <«< choses; que l'on devait, en effet, éviter que la transaction, « destinée à terminer les procès, en fit naître de nouveaux << par la solution des problèmes sur l'admissibilité ou les « résultats de la preuve testimoniale; qu'elle est d'ailleurs « presque toujours un acte compliqué, se formant de conces«sions respectives, dont le sens et la portée ne sauraient être <«< abandonnés sans dangers aux souvenirs vagues et incertains « de témoins fortuits; que les motifs et le texte de l'art. 2044 « se réunissent donc ici pour repousser la preuve testimoniale, « et qu'ils reçoivent leur application lors même qu'il y a <«< commencement de preuve par écrit, puisqu'en semblable «hypothèse le commencement de preuve par écrit ne remé<< dierait pas à l'insuffisance de la preuve testimoniale. »

« Attendu,» dit le second, « qu'aux termes de l'art. 2044, « la transaction doit être rédigée par écrit; que ce texte de <«<loi- a créé une exception au principe général posé dans « l'art. 1347, qui autorise la preuve vocale quand il existe un « commencement de preuve par écrit ; que l'intention du lé

a gislateur, exprimée par le rapport au Tribunat, a été d'em« pêcher qu'il ne s'élève des contestations à l'occasion de l'existence de ces sortes de contrats, qui n'ont lieu eux« mêmes que pour prévenir ou terminer des contestations; « qu'il n'a pas voulu en subordonner la preuve aux chances « toujours incertaines des enquêtes; etc. »

Un arrêt de la cour de Bordeaux, du 5 février 1857, rendu en matière commerciale, est à peu près conçu dans les mêmes termes : « Attendu, » dit-il, « que l'art. 2044 exige que la « transaction soit passée par écrit; que le but des transac«tions est d'éteindre les contestations; qu'il répugne à la « nature d'un tel contrat d'en livrer la preuve aux chances ◄ toujours incertaines des enquêtes, laissant ainsi les voies « ouvertes aux procès, et substituant le litige sur l'existence « de la transaction, au litige sur le fond; qu'il n'y a pas lieu « de distinguer entre les matières civiles et les matières commerciales, les inconvénients et les dangers étant les « mêmes, etc. >>

La jurisprudence a donc depuis longtemps démontré que l'art. 2044 est conçu dans un autre esprit que les art. 1341 et suivants.

Ceux-ci déterminent, en règle générale, dans quelles conditions aura crédit la preuve orale, après avoir mis en balance les incertitudes ordinaires des témoignages, et la nécessité d'assurer l'exécution des engagements contractés.

L'art. 2044, au contraire, répond à d'autres préoccupations : la certitude ordinaire ne lui suffit pas. Si, au moment où la transaction sera alléguée, la preuve immédiate, irréfragable, n'en est pas faite par un aveu ou un acte écrit, il préfère la continuation du procès primitif aux complications, aux longueurs, aux débats que ferait naître, souvent sans profit, l'admission de la preuve orale.

Dans l'un et l'autre cas, de deux inconvénients on choisit le moindre. En thèse générale, la sécurité des relations sociales est un motif assez puissant pour faire pardonner à la preuve vocale ses incertitudes et ses imperfections, et on aime mieux s'exposer à quelques erreurs en la suivant, que laisser les obligations les plus usuelles sans garantie et sans preuve. Mais, en matière de transactions, il n'en est plus de même la certitude devient un élément

essentiel, car ce contrat équivaut à un jugement, et l'ordre public exige qu'elle s'impose sur l'heure.

Presque tous les auteurs s'étaient rangés à cet avis, et la question ne paraissait plus douteuse, lorsque la cour de Cassation, par un arrêt du 28 novembre 1864, a donné gain de cause à l'opinion contraire.

« Attendu,» dit l'arrêt, « que si l'art. 2044 déroge à la dis<< position de l'art. 1341, et impose la nécessité de l'écriture << comme moyen de preuve, alors même que l'intérêt engagé << dans la transaction est au-dessous de 150 fr., il laisse entière, « par cela même qu'il n'en dit rien, la disposition de l'art. «< 1347; qu'en effet la loi, en ce qui concerne la transaction, << n'est ni plus formelle dans son texte, ni plus absolue dans << ses prescriptions qu'en ce qui concerne les autres contrats; << que si elle veut, d'après l'art. 2044, que la transaction soit «< rédigée par écrit, elle exige par l'art. 1341 qu'il soit « passé acte de toutes choses excédant 150 fr.; qu'à la << vérité l'art. 2044 ne reproduit pas l'exception de l'art. 1347; << mais que l'exception est posée par ce dernier article en ter«< mes généraux qui s'appliquent à tous les contrats, et que, « pour en refuser le bénéfice à la transaction, il faudrait « une disposition expresse qui n'existe pas. >>

Comme on le voit, l'argument fondamental de la cour de Cassation consiste à dire que la transaction ne se distingue en rien des autres contrats, que l'art. 2044 n'est ni plus formel ni plus absolu que l'art. 1341, qu'il n'y a aucune raison pour sortir des règles ordinaires, et que la limite de 150 fr. est seule supprimée.

La cour de Nancy en a jugé autrement, et dans un arrêt fortement motivé du 5 décembre 1867 elle a repoussé en ces termes la doctrine nouvelle:

« Attendu que l'art. 2044 pose une règle applicable à tous « les cas, même à celui où l'objet de la transaction n'excède « pas 150 fr.; qu'il déroge ainsi à l'art. 1341, en même temps « qu'il manifeste la ferme intention de traiter le contrat dont il « s'occupe comme un contrat sui generis, soumis à des condi«tions exceptionnelles d'existence et de preuve; qu'on ne s'é« tonne point dès lors qu'il ait fait pour lui de l'écriture une << nécessité impérieuse et absolue; que cette nécessité s'expli« que à merveille quand on songe à la nature et à l'impor

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