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Les cours d'équité n'admettent point de jurés; elles subviennent par elles-mêmes au jugement des actions pour lesquelles il faudrait créer une nouvelle espèce de writ, et qui, par cette raison, ne pourraient pas être reçues dans les tribunaux ordinaires. Elles entretiennent le cours de la justice, qui se trouverait interrompu. Elles ont la faculté de nommer une commission pour recevoir les dépositions des témoins absents, et le privilége de déférer le serment soit à l'une, soit à l'autre des parties.

En résumant ce qui vient d'être dit, on est forcé de convenir que le jury civil des Anglais se recommande faiblement par son utilité. Cela tient-il à l'appareil des formes, aux involutions des procédures qui l'enveloppent, aux ouvertures de recours qui le dégradent, ou bien au vice essentiel de son application dans les procès civils? Je vais essayer de répondre; je rattacherai à la question l'analyse des débats qui se sont élevés chez nous, en 1790, lorsqu'on a proposé d'y introduire cette institution.

L'ordre judiciaire était détruit; on voulait reconstruire à neuf, et le terrain ne manquait pas aux nouveaux plans.

Depuis quelques années les publicistes anglais étaient en grande vogue; on les traduisait, ils se répandaient et commençaient à faire connaître leurs usages et leur jurisprudence. On vantait prodigieusement la législation criminelle de la Grande-Bretagne, parce que les idées se dirigeaient plus généralement vers cet objet; et, il faut en convenir, la nôtre ne gagnait pas à la comparaison. Nous devions à l'humanité de Louis XVI l'abolition de la question préparatoire; mais le cruel isolement de l'accusé, la privation d'un conseil,

(1)Le chancelier Poyet fut l'auteur de l'ordonnance de 1559 « En matière criminelle, portait l'art. 162, ne seront les parties aucunement ouïes par conseil ni ministère d'aucune personne.» Vide tyrannicam istius impii Poyeti opinionem. (Dumoulin.)

Quelques années après, Poyet, accusé de péculat, de violence et d'abus de pouvoir, réclama de la commission chargée de le juger, l'assistance d'un conseil, «< parce qu'il craignait beaucoup n'avoir pas puissance et entendement suffisants, étant mal-aisé de beau

le secret de la procédure, l'arbitraire des peines, révoltaient encore les esprits contre la dureté de l'ordonnance de 1670; on chargeait d'imprécations la mémoire de Poyet et de Pussort (1), et l'on évoquait partout les ombres plaintives des victimes auxquelles la justice en deuil ne pouvait offrir d'autres expiations de ses erreurs, que des arrêts de réhabilitation.

Les circonstances étaient favorablement préparées pour l'admission du jury en matière criminelle; il fut reçu avec enthousiasme, et peu de voix essayèrent de le repousser.

Mais ce n'était point assez pour l'ardeur ment des jurés au civil. Ce fut une des disdes réformateurs; ils proposèrent l'établisseconstituante, et, pour l'éloquence et le profond eussions les plus remarquables de l'assemblée savoir de M. Tronchet, l'occasion d'un beau triomphe.

Les partisans du jury, à la tète desquels se montra M. Adrien Duport, puisaient leurs principaux arguments dans les exemples de l'Amérique et de l'Angleterre; c'était la magie du temps. Cependant ils avaient trop d'habileté pour ne pas dégager leur système de l'entourage monstrueux des procédures anglaises. Ils firent donc une critique assez rude de toutes les fictions surannées et de toutes les complications judiciaires de nos voisins, de leurs formules d'actions, de leurs remèdes de loi; et, planant au-dessus de ces imperfections, ils remontèrent vers le principe des opérations de l'entendement, pour réduire l'art de juger à sa plus simple expression.

Ils disaient: On ́n'est pas assez accoutumé à considérer que la décision d'un procès n'est autre chose qu'un syllogisme, dont la majeure

coup parler sans faillir, et que ce qu'il avait à dire ne pouvait être sans impertinence et ineptie, comme fait d'un homme troublé par la captivité. » On lui répondit : « Patere legem quam ipse tuleris : C'est toi qui l'as faite, souffre-la.» Il aurait dû la souffrir le dernier. Il fut degradé et condamné à 100,000 livres d'amende. Cette ordonnance de 1539 servit de base à Pussort pour la rédaction de celle de 1670; Lamoignon s'y opposa de toutes ses forces, et D'Aguesseau n'a pas eu le courage de l'abolir !

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est le fait, la mineure la loi, et le jugement la conséquence. Il est d'une évidente nécessité qu'on soit d'accord sur la majeure, avant de pousser plus loin le raisonnement ; une première opération est donc indispensable pour la détermination du fait; la seconde consiste dans la comparaison du fait à la loi.

La question n'est plus que de savoir si ces deux opérations doivent être confiées aux mêmes personnes.

Pour tout ce qui n'est pas la loi et ce qui n'exige pas une étude particulière, pour tout ce qui est le fait, où le bon sens et des connaissances locales suffisent, il faut en revenir aux idées primitives, au jugement des pairs, qui, placés dans les mêmes circonstances que les parties, exposés aux mêmes accidents, doivent être justes autant par intérêt que par devoir.

Charger un tribunal de prononcer à la fois sur le fait et sur le droit, c'est forcer, pour ainsi dire, le juge à se séparer de lui-même et à détruire toute harmonie entre les facultés de son intelligence. Il est difficile de supposer qu'un homme veuille et puisse appliquer franchement la loi à un fait dont l'existence lui aura paru douteuse; il disputera sur le droit, sur ses rapports avec l'espèce; de là naîtront les subtilités, les équivoques et les incertitudes dans les jugements, au lieu d'une décision simple et naturelle.

Mais, si les jurés ont pronnoncé verè dictum sur le fait, ce sera alors comme une révélation de la vérité; et le juge, élevé dans une sphère d'impassibilité, n'ayant pris aucune impression dans un examen qui lui est étranger, n'aura plus qu'à laisser tomber les paroles de la loi, sans que sa conscience en murmure.

J'emprunterai au discours de M. Duport une observation plus imposante, et qui, dans tous les systèmes, méritait d'ètre recueillie; ses adversaires eux-mêmes n'en n'ont pas méconuu la gravité.

« Je pars de la supposition que les jugement doivent toujours être rendus à la pluralité des suffrages (1), et je dis que, lorsqu'on

(1) Cette supposition était vraie, elle l'est encore.

va aux voix, sans que le fait soit constaté, il est très-commun que celui qui a la majorité en sa faveur perde son procès. En effet, chaque juge, en donnant son avis, peut être déterminé, soit par la vérité des allégations, c'est-à-dire par le fait, soit par la force des principes, c'est-à-dire par la loi. Un certain nombre de juges peut être déterminé par la première de ces considérations, les autres par la seconde; et cependant, lors de la collecte des voix, ils sont obligés de se réunir à l'un des deux avis, sans quoi la majorité relative ou la minorité réelle déciderait les questions : alors le juge qui croit le fait sûr et la loi douteuse, et celui qui croit la loi claire et le fait douteux, sont comptés ensemble pour la même opinion, quoiqu'ils diffèrent d'avis du blanc au noir, et le plaideur, qui a eu en sa faveur la majorité sur le droit, et la majorité sur le fait, perd son procès.

<< Prenons un exemple. Pierre veut se soustraire au payement des créances dues par son grand-père. Ses moyens, pour cela, sont de dire 1o que son père a renoncé à la succession de son grand-père; 2o que les créances demandées ne sont pas légitimes. Paul, au contraire, prétend, et qu'il n'y a pas eu de renonciation, et que les créances sont légitimes. Voilà deux questions, l'une de fait, et l'autre de droit. Maintenant, il faut savoir qu'excepté sur les nullités et fins de non-recevoir, il est défendu aux juges d'opiner par moyens, et qu'ils doivent donner leur avis sur les conclusions des parties, lesquelles sont toujours tendantes en général à adjuger la demande ou à la rejeter.

«lly a douze juges. Sept sont d'avis qu'il n'y a pas eu de renonciation; mais de ces sept, quatre pensent que les créances ne sont pas légitimes: les cinq autres juges pensent que les créances sont légitimes, mais qu'il y a eu renonciation. Paul avait donc en sa faveur, sur la question de fait, sept juges contre cinq; il avait, sur la question de droit, huit juges contre quatre. On prend les voix : les quatre juges qui pensent que les créances ne sont pas légitimes, mais qu'il n'y a pas renonciation, et les cinq qui pensent que les créances sont légitimes, mais qu'il y a renonciation,

sont comptés ensemble. Paul perd son procès, avec une majorité de neuf contre trois. »

L'orateur citait d'autres exemples et présentait d'autres combinaisons ; il en concluait que deux choses naturellement simples peuvent se changer, par leur amalgame, en un tissu de difficultés, et redevenir, par une heureuse division, ce qu'elles étaient d'abord.

Le système du jury s'accommodait parfaitement avec les craintes de ceux que le souvenir des parlements obsédait encore; ils trouvaient une garantie contre le pouvoir et les entreprises de la magistrature, dans son isolement et dans l'amoindrissement de son importance. Car avec des jurés on n'aurait point eu de cours d'appel, point de grands corps judiciaires; seulement on aurait établi des juges chargés spécialement de maintenir l'intégrité de la loi et de casser les jugements rendus contre ses dispositions, sans qu'il leur fût permis d'entrer dans le fond des affaires.

Les uns proposaient d'attribuer à des juges de paix, dans chaque canton, la connaissance des causes d'une mince valeur, et de leur donner en même temps les scellés, les tutelles et les émancipations. Les autres s'opposaient à ce que l'on fît de ces juges un élément ou un degré de la juridiction contentieuse; ils voulaient les revêtir seulement du caractère de conciliateurs ou d'arbitres volontaires, et n'y point mêler la rigidité et le pouvoir de la loi; ils rejetaient toutes les distinctions de compétence, pour le premier ou le dernier ressort, et de justices particulières pour les procès de telle ou telle valeur. Ils voulaient des magistrats aussi éclairés, aussi nombreux, et tout autant de précautions pour obliger un pauvre à quitter sa chamière et le champ qui le fait vivre, que pour contraindre le riche à s'imposer quelques privations.

Le projet d'un autre mode de jury fut présenté; on lui fit l'honneur de dire qu'il était ingénieux. Le temps change les aspects, et je doute fort aujourd'hui que les plus vifs amants de la nouveauté fussent assez éperdus pour ratifier un pareil jugement.

Voici ce projet avec ses principaux détails: « On formerait chaque année une liste de

jurés sur laquelle tous les hommes de loi seraient enregistrés. En matière civile, les hommes de loi entreraient pour les cinq sixièmes dans la composition du jury; on convoquerait un jury spécial pour les causes importantes et difficiles, et les affaires ordinaires seraient décidées par le jury commun.

« Ces jurés prononceraient sur la question de fait et sur la question de droit; le juge n'aurait à faire aucune opération de jugement; simple directeur de justice, il ne serait que l'organe authentique de la décision arrêtée par les jurés.

Dans le chef-lieu du département, les jurés seraient toujours en exercice; on établirait même deux chambres pour suffire à l'expédition des affaires. Dans les districts, on tiendrait seulement des assises à trois époques de l'année.

« Les jurés seraient au nombre de dix en matière civile, et de quinze en matière criminelle; mais à chaque formation, et dans la prévoyance des récusations, il faudrait en présenter dix-huit pour le civil, et vingt-sept pour le criminel. »

Pour peu que l'on aborde le fond de ce système, on voit que l'auteur prenait des jugeurs pour des jurés; car ses hommes de loi, décidant le fait et le droit, ne ressemblaient pas plus à des jurés, que les Scabini et les francs hommes de fief dont j'ai parlé dans le chapitre précédent. Il en faisait des instruments d'une judicature mobile, sans responsabilité aucune, et perdus dans la foule après le jugement. Le nombre nécessaire des hommes de loi venant à manquer, la fortune des plaideurs, l'honneur, la liberté, la vie des accusés, tout était abandonné aux lumières douteuses du reste de la cité sur l'application du droit. Tous les hommes de loi étant mis en réquisition pour juger, les parties ne pouvaient plus trouver ni guides ni conseils pour leur défense.

Mais ce n'était pas la plus grande difficulté.

Suivant le projet, dix-huit personnes auraient été prises sur la liste pour former chaque jury civil, et vingt-sept pour chaque jury criminel: total, quarante-cinq ; il en aurait fallu

habituellement le double, pour le service de deux chambres dans le chef-lieu du départe ment, sans compter ce qu'auraient exigé, de temps à autre, les jurys spéciaux. Or, il n'est pas possible de garder les mèmes personnes en exercice durant toute l'année; et c'est déjà beaucoup de les arracher à leurs travaux et à leurs affaires pendant un mois. La liste des jurés aurait donc dù se composer, dans chaque chef-lieu, de douze fois quatre-vingt-dix noms, c'est-à-dire de mille quatre-vingts, et, dans chaque district, en se bornant à n'y tenir des assises qu'à trois époques de l'année, de quatre cent cinquante environ. Pouvait-on raisonnablement se flatter de réunir, dans chaque chef-lieu de département et dans chaque chef-lieu de district, un pareil nombre de gens instruits, éclairés, capables de juger et les questions de fait et les questions de droit?

Il est vrai que les spéculateurs promettaient de rendre la législation assez simple pour que tout le monde fût en état de la comprendre et de l'appliquer, et pour qu'il fût permis de prendre au hasard des juges dans la foule.

Je passe sur les doctrines politiques qui occupèrent une grande place dans cette discussion. La plupart de ceux qui semèrent le vent ont péri dans la tempête, lorsque les fureurs de l'anarchie sont venues, sur leurs pas, s'établir entre la destruction des anciens pouvoirs et la création des nouveaux.

Cependant le principe de l'établissement du jury, en toutes matières, avait pris une grande faveur, et l'assemblée paraissait impatiente de le décréter, lorsque M. Tronchet vint apporter

(1) Le retrait lignager était de droit accordé aux parents de celui qui avait vendu quelque héritage propre, de le retirer des mains de l'acquéreur, en remboursant le prix et les loyaux coûts du contrat; ce droit était admis dans toutes les coutumies, sauf diverses modifications relatives aux choses qui pouvaient en être l'objet, et aux personnes qui pouvaient l'exercer.

Les auteurs se sont épuisés à rechercher l'origine du retrait lignager; il est vraisemblable que c'était une conséquence de la règle qui défendait anciennement, en France, de vendre à d'autres qu'aux proches parents son aleu, ou bien patrimonial, et

à la tribune le calme de la raison, les conseils de la sagesse et l'autorité d'une expérience révérée.

« Abstraction faite de tous les abus de la procédure et de la législation des Anglais, la forme particulière de leur jugement par jurés, en matière civile, est et sera toujours impraticable parmi nous. »

Voilà la proposition de M. Tronchet; je regrette de ne pouvoir donner ici que les principaux traits de sa démonstration.

« L'obstacle invincible, disait-il, résulte des principes fondamentaux qui différencient notre législation de celle d'Angleterre.

<< En Angleterre, toutes les actions ont leur formule particulière, et presque tout, en fait, se décide par la preuve testimoniale. En Angleterre, cette preuve est supérieure à la preuve par écrit; son autorité est telle, qu'on y a adopté pour principe qu'un seul témoin peut suffire.

« Chez nous, au contraire, c'est un principe fondamental que la preuve par écrit est la seule admise pour toute demande qui excède 100 livres ; si l'on excepte le retrait lignager (1), nos actions ne sont point soumises à des formules propres, et dont leur succès puisse dépendre.

« De la différence de ces principes fondamentaux, sort la conséquence que ce qui, en Angleterre, peut se pratiquer facilement, quoique non sans de grands inconvénients, devient absolument impraticable en France.

«En Angleterre, l'objet sur lequel doit porter le jugement est toujours un point simple et unique fixé par l'issue de la cause, c'està-dire par la question prise entre les parties.

qui ne laissait que la libre disposition des acquêts. Pour aliéner son aleu, il fallait le consentement des héritiers présomptifs.

L'assignation en retrait devait contenir offre de bourse, deniers, loyaux coûts, et à parfaire. L'huissier se présentait avec une bourse à la main, et les offres étaient réitérées à toutes les époques de la procédure: ces formalités et beaucoup d'autres, qu'il serait inutile de rappeler, etaient tellement de rigueur, que la moindre omission entraînait la déchéance du retrait, et l'on disait : Qui cadit à syllabâ, cadit à toto. Le retrait lignager a été aboli par la loi du 13 juillet 1790.

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<< Maintenant voyez, au contraire, quel est, parmi nous, l'effet de ce principe sage qui n'admet que les titres pour preuves des conventions au-dessus de 100 liv.

<< Il en résulte qu'à l'exception des actions possessoires et de quelques autres qui exigent la vérification d'un fait matériel, tout ce que nous appelons des questions de fait ne forme véritablement que des questions mixtes qui appartiennent plus au droit qu'au fait.

«S'agit-il d'une convention? La question n'est pas de savoir si elle est prouvée en fait, car il faut qu'il en existe un acte, dès lors que la convention excède 100 liv. : la question sera si les parties étaient capables de contracter, si la convention doit être entendue en tel sens ou en tel autre, etc.

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S'agit-il d'une donation, d'un testament? Le fait n'est pas douteux qu'il existe une donation, un testament; mais on demandera si le donateur avait la capacité de donner; si le donataire avait celle de recevoir; si les biens donnés étaient disponibles; quelle est la chose que le donateur a voulu donner; si la condition sous laquelle il a donné est accomplie ; toutes questions qui dépendent de l'application des lois et de quelques principes de droit.

«S'agit-il d'une succession? La question de savoir si j'y puis prétendre dépendra quelquefois du point de savoir si je prouve ma parenté et mon degré; mais ce sont des actes qui doivent prouver ce point de fait, et les difficultés que feront naître ces actes dépendront presque toujours des principes de droit.

(1) M. Tronchet ajouta à son opinion la note sui

vante :

« Je n'ai jamais prétendu qu'en jugement on ne pouvait pas séparer la question de fait de la question de droit, dans une affaire qui présente à la fois deux questions de cette nature à résoudre ; et, par conséquent, que l'on ne puisse pas trouver un expédient, pour remédier à l'inconvénient de l'usage qui assujettit les juges à confondre leurs opinions sur les deux questions, en n'opinant que sur la demande au

« La question même de savoir si j'ai renoncé ou non à une sucecssion, n'est point en général une question de fait. La loi dit que le fils est héritier de son père, s'il ne justifie point d'une renonciation par écrit : si je représente cette renonciation, la question n'est plus qu'une question de droit. Ma renonciation est-elle régulière en la forme? N'ai-je point fait acte d'héritier auparavant? Les actes que l'on m'impute étaient-ils de nature à supposer la volonté d'accepter la succession?

« Un plus long détail serait inutile; il suffit de dire qu'il n'est pas un homme, ayant quelque expérience des affaires, qui ne convienne que, d'après la nature de celles qui se présentent dans nos tribunaux, il n'en est pas une sur cent, de celles que nous appelons questions de fait, dans lesquelles la question de fait soit matériellement divisible de la question de droit (1).

<< Si l'on me demande : Pourquoi donc les jurisconsultes distinguent-ils si fréquemment les jugements de question de droit et ceux de question de fait ? je réponds ( et ma réponse achèvera d'éclaircir la matière) : Nous appelons un jugement en point de droit, un jugement qui décide une pure question de coutume ou d'ordonnance, tellement indépendante des circonstances de fait que sa décision peut s'appliquer à tous les cas semblables; nous appelons, au contraire, un jugement de fait, celui qui, quoiqu'il soit fondé sur une loi ou sur des principes généraux de justice et de morale, ne peut avoir d'application particulière qu'aux parties et à la circonstance dans laquelle elles se trouvent.

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Que l'on cesse donc d'équivoquer sur cette manière, peut-être impropre, de distinguer les affaires et les jugements, pour en

soutien de laquelle on emploie un moyen de fait et un moyen de droit.

« J'ai dit et je soutiens que, d'après le principe fondamental de notre jurisprudence française, qui n'admet, en général, que des preuves écrites sur un fait, ce que nous appelons question de fait ne peut être du ressort des jurés, lesquels nulle part ne sont et ne peuvent être des juges, mais de simples vérificateurs de preuves extérieures et matérielles, d'après lesquelles ils doivent se borner à attester qu'un fait existe ou non. »>

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