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de refus, de faire signer une adresse pour demander la réunion du pays de Vaud à la France, qui peut-être ne les eût pas désavoués, s'ils y avaient réussi. On les croyait en relations avec le général français Tureau, du Valais, et même avec l'ambassadeur français Verninac. Leur quartier général était à Saint-Sulpice. Ils furent enfin dispersés et leur chef condamné à mort par contumace. Plus tard on n'en vit pas moins plusieurs siéger dans la représentation nationale.

Le ministre de la police générale de la République au préfet du département du Léman, de Paris, le 10 prairial an X (30 mai 1802).

« Des bruits de toute espèce se répandent. Quoiqu'on soit habitué à ces sortes de résultats de la malveillance ou de l'imbécillité humaine, on se laisse continuellement abuser.

Je crois donc, Citoyen préfet, devoir vous prémunir contre les faux bruits, à l'aide desquels on cherche à inquiéter et à faire des dupes dans les départements. Paris est tranquille et ne peut être agité; aucun complot n'a menacé et ne menace les jours du premier Consul; il ne peut rien avoir à redouter de l'excès de travail et des veilles auxquels il se livre pour les intérêts de la République.

que

Quelques libellistes peuvent bien faire circuler un instant leurs grossiers mensonges dans l'ombre où ils se croient cachés; mais l'indignation et le mépris en font justice, avant même que la police en ait arrêté et puni les auteurs.

Le secrétaire-général,

HAVAS.

Le ministre de la police générale,
FOUCHÉ. »

Le conseiller d'Etat chargé de toutes les affaires concernant les cultes (circulaire), au préfet du département du Léman, de Paris, 18 thermidor an X de la Rép. u. et i. (6 août 1802).

« Le Gouvernement, Citoyen préfet, fera promulguer, le

27 du présent mois, les sénatus-consultes qui garantissent la stabilité de la République et le bonheur du meilleur des peuples. Il pense que dans les vues d'une Religion amie de l'humanité et de la patrie, chaque archevêque et évêque doit ordonner que, le même jour, ou le premier dimanche qui suivra la réception de la présente lettre, si elle ne vous parvient pas avant le 29, le Te Deum sera chanté dans toute l'étendue de son diocèse, après s'être concerté avec les préfets pour l'heure et la solennité de cette cérémonie religieuse. Votre zèle, Citoyen préfet, ne permet pas de douter que, dans l'exécution de cette mesure, vous ferez tout ce qui est convenable pour remplir les intentions du Gouvernement. J'ai l'honneur de vous saluer.

P.S.

PORTALIS. >>

J'ai l'honneur de vous observer que cette mesure est commune aux protestants et qu'il est utile d'en prévenir le Consistoire. »

Cette fois il s'agissait bien de la création du consulat à vie. Le même ministre écrivit également au Consistoire, et ce corps arrêta « qu'on ajouterait un article à la seconde prière du matin et qu'on chanterait le Cantique XI, qui était la traduction du Te Deum des catholiques (Notes extr. des Reg. du Consistoire, A. Cramer). >> Le Consistoire se tira

plus habilement encore, l'année suivante, de la nécessité de faire des prières à l'occasion de la déclaration de guerre à l'Angleterre il arrêta qu'on ferait une addition aux prières liturgiques « pour appeler les bénédictions du ciel sur les justes entreprises du Gouvernement. » Il fut plus sincère en 1804, dans ses actions de grâces, de ce que les jours du premier Consul ont échappé à l'odieuse conspiration tramée contre lui. (Ibid.) » Dès lors, on ne voit pas que l'autorité ecclésiastique genevoise se soit fait prier pour les Te Deum napoléoniens imposés à tout le clergé français.

Après cette prorogation indéfinie des pouvoirs du premier Consul, tout prit une marche plus ferme et plus régulière. L'instruction publique, entre autres, reçut une vigoureuse et salutaire impulsion. Mais nous remarquons aussi que les congés, les dispenses et les remplacements des militaires furent soumis à un examen beaucoup plus rigoureux qu'auparavant, alors que les déserteurs et les réfractaires semblaient augmenter en raison des rigueurs prononcées contre eux. On mit plus de soin aussi dans le choix des capitaines recruteurs.

Nous avons déjà introduit par anticipation, au volume précédent, le cadet des trois fils de l'ancien conseiller d'Etat et trésorier général Galiffe; élève de l'école militaire de Pfeffel, à Colmar, placé en 1795 comme cadet au service de Prusse, par l'intermédiaire de M. de Chagnian, puis enseigne au régiment de Holvède, devenu régiment de Manstein, il venait d'arriver à la lieutenance dans le régiment de Wartensleben. Aux autres recommandations qui lui avaient valu ses brevets, ses protecteurs avaient jugé bon d'ajouter des preuves en règle de la noblesse de sa famille, ce qui, joint aux nécessités de ce service essentiellement aristocratique, l'obligea à user de cette particule de, que les patriciens genevois n'employaient, même à l'étranger, qu'à leur corps défendant. Luimême avait vainement essayé de s'en affranchir, et ne s'y était résigné qu'après avoir remarqué, à son détriment, que cette abstention, bien loin de bénéficier à l'extrême modestie de son caractère, lui était imputée en sens inverse, jusqu'à faire suspecter ses opinions. Ses lettres franches et naïves n'ont d'autre mérite que de nous initier au ménage intérieur d'un des services les plus pénibles et les plus ingrats de l'époque, de celui, en tous cas, qui eut le plus gravement et le plus longuement à souffrir de la supériorité des armes

françaises. Sur plusieurs centaines de lettres, écrites au milieu des événements les plus fatals pour le pays qu'il servait, nous n'avons pas trouvé un seul mot sur les batailles nombreuses auxquelles il avait assisté ; ce n'est que par les témoignages libres de ses chefs et de ses frères d'armes, que sa famille apprenait à quel point le jeune officier genevois se faisait remarquer par l'abnégation, le dévouement et le sang-froid d'un courage à toute épreuve. C'est le type rare de l'officier consciencieusement résigné à son devoir, qu'il accomplissait en quelque sorte sans s'en douter et sans autre ambition. Nous le retrouverons au chapitre suivant.

Du lieutenant de mousquetaires, au service de Prusse, Ch.François de Galiffe à son père, « l'anc. conseiller B. de Galiffe, anc. seigneur trésorier général, à Genève (durch die Schweiz);» d'Erfurt, le 9 mars 1803.

« Mon très-cher père,

Ce n'est plus de Gnesen, mais bien d'Erfurt que je vous écris cette lettre. Je viens d'être placé comme lieutenant auprès du régiment du comte de Wartensleben, nouvellement créé et qui gardera cette ville pour garnison. Aussi imprévu qu'a été ce changement, aussi avantageux il est aussi pour moi, puisque je n'étais auprès de celui de Manstein que le 2me et qu'on m'a placé dans celui-ci comme le 15me second lieutenant. Je ne puis comprendre à qui je suis redevable de ce bonheur, M. de Manstein m'assurant qu'il n'y a point contribué; mais n'importe : je suis persuadé qu'il a seul travaillé à cela et qu'il le nie pour m'épargner des remercîments. Quatre cents officiers, dans l'attente que le Roi créerait des troupes, lui écrivaient pour être placés auprès des nouveaux régiments, et ils ont tous essuyé un refus. Un enseigne derrière moi reçut pour réponse : «Que Sa Majesté s'étonnait beaucoup que ses officiers vou<«<lussent mieux savoir que Lui ce qu'Il se proposait de faire, << et qu'Il lui conseillait en ami d'attendre son sort auprès de

« son régiment. » Pour moi, qui savais bien ce que coûtait un tel placement, je ne pris aucune peine pour cela, et vous pouvez juger de mon étonnement lorsque je reçus l'ordre de me rendre au plus vite à Erfurt, où je suis arrivé le 4 de ce

mois.

J'ai bien souffert en quittant un régiment où l'on avait commencé à me connaître et à m'aimer; le contentement pour ma conduite et le regret de me perdre que m'ont témoignés à mon départ mes supérieurs et tous mes camarades aussi bien que mes subalternes, ont été bien flatteurs pour moi, et en vérité un grand encouragement de persister sur la route qui m'a procuré tant d'amitié.

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M. de Manstein avait eu la bonté de me donner une lettre de recommandation pour le comte de Wartensleben, qui m'a reçu avec assez d'honnêteté; tout le monde le loue comme un excellent homme, mais on ne se cache pas qu'il est trèsfier.

Vous ne sauriez croire, très-cher père, combien je souffre de vous être de nouveau à charge; mais je ne dois pas vous cacher le vrai de ma situation. Non-seulement le voyage de 85 milles d'Allemagne que je viens de faire m'a beaucoup coûté, mais j'avais été obligé de faire faire diverses choses avant de partir et d'en acheter pour le voyage qui ne m'eussent pas sans cela été nécessaires.- J'ai dû laisser mes uniformes et autres affaires presque pour la moitié de leur valeur au porteenseigne qui arrive à l'enseigne par mon départ, et je suis obligé de m'équiper ici tout à neuf. Nous aurons déjà cette année une revue devant le Roi, qui prétend trouver en trois mois ses nouveaux régiments en ordre, et pour cela notre chef s'en rapporte en partie à ses officiers. A mon arrivée, j'ai été obligé de me faire faire quelques uniformes, avec culottes, vestes, bottes, cravates, chapeau avec une mince tresse d'or; enfin tout l'uniforme est autre que celui de Manstein; nous

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