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différents services de la guerre réclame avec tant d'instance. Je me vois donc forcé de vous écrire de nouveau que je ferai connaître aux consuls de la République les autorités qui apporteraient de l'insouciance dans l'exécution de la loi du 4 vendémiaire dernier; j'aime à croire, citoyens administrateurs, que vous avez été jusqu'à ce jour arrêtés par des obstacles que vous n'avez pu vaincre; je vous invite, en conséquence, à m'informer de quelle nature ils peuvent être, afin que je puisse les lever sur-le-champ.

Je vous recommande spécialement de stimuler le zèle des administrations municipales et de tout faire pour répondre aux intentions des consuls.

Salut et fraternité.

ALEX. BERTHIER. »

Il s'agit, dans cette lettre et les suivantes, des premiers préparatifs concernant cette prétendue armée de réserve qui, bien qu'objet de risée pour les puissances coalisées, devait se tenir prête à fondre sur l'Italie par le Saint-Bernard et dont Genève allait devenir le quartier général. D'autres lettres, des généraux Sauret et d'Estourmel, nous apprennent que le département du Léman avait à fournir 40,000 chevaux, à ajouter aux 2000 mulets de bât qu'on se procurait à Besançon. Genève et son territoire étaient encore, non sans contestation, exempts de ces réquisitions, qui retombaient d'autant plus lourdement sur le reste du département. Mais on espérait déjà que les Genevois fourniraient bon nombre de volontaires aux troupes de pied et de cheval dont on activait la levée. On remarquera que dès lors jusqu'au mois de mai, les ordres de préparatifs devinrent toujours plus pressants. Le 7 mai, peu de jours avant le départ pour le Valais, le général Dupont « réquisitionnait des bateaux et des petites charrettes, pour transporter à Villeneuve les approvisionnements qui devaient y être versés. »

De Madame Naville-Rilliet à Madame Galiffe-Naville, à Préverenges; de Genève, le 27 janvier 1800.

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Je portai hier, à la Société, chez Madame Palard, les compliments de ton mari. On me recommande beaucoup de l'engager à venir à Genève l'hiver prochain. Je le prie de ne point dire non et d'attendre les événements pour prendre une résolution quelconque.

Je voudrais, vu ta disette de nouvelles, t'envoyer une gazette bien fournie; mais il faudrait avoir de quoi et ensuite ne pas craindre que quelque curieux ne lût ma lettre avant toi. On dit que c'est un M. de Watteville qui commande la Légion fidèle à la place de M. de Roverea, qui est entré au service de Russie. Sur 173 journaux, le Gouvernement en a supprimé 160 et recommandé aux 13 restants prudence et discrétion.

Le bruit s'est répandu ce matin que M. Desportes et son frère étaient arrivés à Genève pour aller au pays de Vaud en mission. On croit savoir que c'est une bourde; la vérité est qu'ils sont partis de Paris, y laissant leurs familles fort contentes de ce qu'ils allaient faire.

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Madame Pictet-Turrettini est allée avec son gendre à Paris, pour soigner sa fille qui est très-mal, chez M. Bontems. On voulait préparer la malade à voir sa mère ; celle-ci n'a pas eu la patience ni la prudence d'attendre ; elle s'est jetée sur le lit de sa fille qui s'est évanouie. J'ai vu son père aujourd'hui qui était inquiet des suites. Madame Lullin-Pictet est de retour en France. Elle attend à Calais des passeports; elle avait été en Angleterre au secours de son fils mis, dit-on, en prison pour les dettes de sa femme.

Je compte retourner à Céligny lundi prochain. Madame de Tournes-Both a loué l'appartement de feu Madame Sales, dans la maison Dassier, abandonnant la jouissance de Plonjon à sa nièce Archer, qui en devait avoir ensuite la propriété.

Armée d'Italie. De Suchet, général de division, chef de l'étatmajor général, à l'administration centrale du département du Léman; du quartier général de Nice, le 25 pluviôse an VIII (14 février 1800).

« Il y a déjà quelque jours, Citoyens administrateurs, qu'en vous envoyant l'arrêté du général en chef, du 17 nivôse, je vous ai fait sentir la nécessité de faire promptement rejoindre los conscrits ou réquisitionnaires qui se trouvent encore, contre le vœu de la loi, dans l'étendue de votre département.

Je viens aujourd'hui mettre sous vos yeux le nombre d'hommes que vous aviez à fournir, 2060, en même temps la force effective du bataillon que vous avez mis en marche, 689 hommes; de sorte que, sans calculer la réduction de cette force effective à celle des présents réellement arrivés à l'armée, dont la différence est si sensible qu'il est des bataillons, tels que ceux de la Lozère et du Tarn, qui sont arrivés à Nice en nombre de 30 et de 11 hommes, vous êtes toujours en reste pour compléter votre contingent, calculé sur la force du bataillon au moment de son départ du département, de 1371 conscrits, sans comprendre dans ce nombre les déserteurs du bataillon dont je viens de vous parler, et qui doivent être poursuivis avec suite, vigueur et célérité.

Ces hommes, Citoyens administrateurs, ne peuvent plus longtemps rester dans leurs foyers, sans accuser votre insouciance, sans danger pour la chose publique et sans subir l'application des peines que les lois prononcent contre eux.

Je ne saurais donc trop vous recommander, Citoyens administrateurs, d'user de tous les moyens qui sont entre vos mains, ainsi que de ceux que l'autorité militaire peut vous fournir, pour faire arriver promptement à leur poste ceux qui cherchent à en rester éloignés.

Que les moyens de vigueur succèdent, s'il le faut, à la voix de la persuasion; qu'une surveillance active et une inflexibilité

continue atteignent et fassent également rejoindre, sans exception, tous ceux que leur âge assujétit aux lois existantes sur la conscription et la réquisition.

Qu'aucun d'eux n'ait ni paix ni trève, qu'il n'ait satisfait aux engagements que la patrie lui impose; que l'activité de vos démarches atteste celle du Gouvernement, et qu'elle ne cesse que lorsque vous aurez rempli les devoirs que votre place vous impose et que tous les conscrits ou réquisitionnaires de votre département figureront dans les rangs que l'honneur et la loi leur assignent.

Je vous invite, Citoyens administrateurs, à m'accuser la réception de cette lettre et à me tenir exactement instruit des progrès et des résultats de vos opérations.

Pour le chef de l'état-major général, l'adjudant-général,

AUDRIEU. »

Du ministre de la police au commissaire du Gouvernement près l'administration centrale du département du Léman à Genève; de Paris, 26 pluviôse an VIII (15 février 1800).

« Je suis informé, Citoyen, que le canton de Cluse renferme un nombre considérable de prêtres émigrés et de déportés rentrés, qui en font journellement le théâtre des plus affreux désordres; on m'assure que, non contents d'y exercer le culte au mépris des lois, ils ne cessent de déclamer contre le Gouvernement dans des prédications incendiaires, dans le but, audacieusement avoué par eux-mêmes, de faire partager aux citoyens leur haine implacable pour l'ordre de choses actuel et de les exciter à la révolte contre l'autorité légitime.

Je vous charge de me faire connaître, dans le plus court délai possible, quelle est la situation politique du canton de Cluse et quelles sont les mesures prises par l'administration centrale pour arrêter le cours de ces désordres. Salut et fraternité.

FOUCHÉ. >>

Deux jours avant, Fouché avait signalé « les émigrés qui, abusant de la clémence du Gouvernement, rentraient en se faisant passer pour des fructidorés non émigrés. »

Du même ministre au même commissaire, du 29 pluviôse an VIII (18 février 1800).

« Avise, qu'il vient de notifier à tous les rédacteurs de journaux de Paris, de n'y rien insérer de relatif aux mouvements des armées de terre et de mer; ordre d'en faire autant pour les journaux qui s'impriment dans le département et d'arrêter tous ceux qui y contreviendraient. »

De Madame Naville-Rilliet à Madame Galiffe-Naville, à Préverenges; de Genève, 21 février 1800.

« Je te prie de dire à ton mari que j'ai passé dix-huit jours à Genève, mais que je ne compte pas y retourner de cinq ou six mois, en sorte que les compliments dont il me charge pour la Société du dimanche, et en particulier pour Madame Turrettini, seraient un peu vieux. J'espère qu'il apportera luimême ses hommages aux pieds de cette charmante femme l'hiver prochain, et qu'il fera comme tant d'autres, qui se divertissent sans avoir quatre sols dans leur poche. J'avoue que je ne sais pas comment ils font et que j'aurais bien voulu oser en demander le secret à bien des gens dont je crois connaître la position gênée et très-gênée. Beaucoup de gens se font apporter à manger et trouvent cela plus économique, comme Mesdames Scherer, Hogguer, Falquet, etc. Nous avons fait de même et nous nous en sommes bien trouvés. Mon mari a laissé à Jeannette, pour lorsque tu iras à Genève, 3 cuillers, 3 fourchettes et 3 petites cuillers d'argent, 2 couteaux, verres, assiettes, serviettes, draps, etc. Ainsi, chère sœur, ton petit ménage sera presque monté, etc.

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