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Celui qui, pêchant dans une rivière, y a pris du poisson, et qui l'a consommé dans son usage, s'est-il donc rendu voleur envers l'État?

Et l'homme qui aura fait servir sur sa table des oiseaux pris dans ses filets, pourra-t-il donc être accusé d'improbité, pour avoir consommé un mets qui ne lui appartenait pas? Doit-on dire, enfin, que ces articles du Code civil comportent la révocation des dispositions de la loi du 28 août 1792, et de celle du 10 juin 1795, qui adjugent aux communes toutes les terres vacantes situées dans l'enceinte de leurs territoires?

361. Si c'était ainsi qu'on dût entendre ces articles de notre Code, en décidant toutes ces questions dans un sens affirmatif, il faut avouer qu'on aurait voulu en faire une énigme bien impénétrable, puisqu'on n'a encore trouvé personne qui se soit avisé de professer une pareille doctrine.

Pour saisir le véritable esprit des articles 539 et 713, qu'on vient de rapporter, et ne pas en étendre l'empire trop loin, il ne faut pas les séparer de l'article 714, portant que: «Il est des choses qui n'appartiennent à per« sonne, et dont l'usage est commun à tous. « Les lois de police règlent la manière d'en « jouir. >>

Des choses qui n'appartiennent à personne. Il y a donc encore des choses qui, n'ayant point de maître, n'appartiennent pas même à la nation ou à l'État, et qui, par conséquent, doivent encore aujourd'hui devenir la propriété du premier occupant, comme sont les coquillages que les flots de la mer repoussent sur ses bords.

362. Les lois de police règlent la manière d'en jouir. Ainsi les effets et les droits qui se rattachent à l'occupation des choses qui n'avaient point de maître, ou des choses nullius, ne sont pas déterminés et régis par un principe général et unique s'appliquant à toutes les espèces, mais par des lois particulièrement portées sur les diverses classes de choses très-disparates dont nous allons traiter ici.

Les pièces de monnaie que l'on jette au peuple dans les jours de fête, lors de l'avènement des princes, sont-elles acquises à titre de libéralité ou à titre d'occupation? Les commentateurs du droit romain sur le § 45 de rer. divis, sont divisés sur ce point. Heineccius soutient que ce n'est qu'à titre de pure occupation, parce que, dit-il, le maître a abandonné la propriété de l'objet avant qu'il soit passé entre les mains d'un autre, en sorte que celui qui s'en empare acquiert une chose abandonnée : « Qui illa spargit, eorum dominio verò sese abdicat, autequam quis ea apprehenderit. Quorum dominio nos abdicavimus, ca sunt derelicta. Res pro derelictis habitæ cedunt occupanti.»

On voit, par ces aperçus généraux, que. nonobstant les dispositions du Code civil, il y a encore beaucoup de choses dont la propriété s'acquiert par le droit de premier occupant, quoiqu'il y en ait beaucoup d'autres qui, délaissées de tout propriétaire, sont dévolues à l'État.

Pour nous conformer à cette distinction, nous diviserons ce chapitre en deux sections. Dans la première nous parlerons des choses qui, suivant les principes du droit ancien, s'acquièrent encore aujourd'hui par le droit de premier occupant.

Dans la seconde nous nous occuperons des choses qui, délaissées de tous, propriétaires particuliers, sont dévolues à l'État, conformément aux dispositions du Code civil.

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Vinnius, au contraire, veut que ce soit à titre de libéralité : régulièrement la personne gratifiée doit être certaine, puisque ordinairement c'est en sa seule considération que la libéralité est faite; cependant, dit-il, il est plus conforme à la nature des choses de regarder cet acte comme une tradition de l'objet; parce que le propriétaire n'en a pas abdiqué la propriété pour qu'il restát abandonné, mais bien pour qu'il fût acquis à celui qui s'en emparerait. Celui qui abandonne une chose, non laborat ut alius eam accipiat, quod facit, is qui pecuniam spargit,»

En effet, la circonstance, le lieu et le fait même de la dispersion des pièces de monnaie caractérisent sufisamment une libéralité; et si celui qui

ACQUISITION DE LA PROPRIÉTÉ A TITRE DE PREMIER OCCUPANT.

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Les grands lacs, dit Bentham (Traité de législat., t. 1er, p. 258), les grandes rivières, les grandes baies, et surtout l'Océan, ne sont pas occupés par des propriétés exclusives. On les considère comme n'appartenant à personne, ou pour mieux dire, comme appartenant à tous.

Il n'y a pas de raison pour limiter la pêche de l'Océan. La multiplication de la plupart des espèces de poissons paraît inépuisable. La prodigalité, la magnificence de la nature à cet égard, surpasse tout ce que l'on peut concevoir. L'infatigable Lewenhoek avait estimé le nombre des œufs d'une seule morue au delà de dix millions. Ce que nous pouvons prendre et consommer, dans cet immense magasin d'aliments, n'est absolument rien, comparé à la destruction qui s'opère par des causes physiques que nous ne saurions ni prévenir ni affaiblir. L'homme en pleine mer, avec ses nacelles et ses filets, n'est que le faible rival des grands dominateurs de l'Océan. Il ne fait pas plus de ravages parmi les petites espèces que les baleines; quant aux poissons des rivières, des lacs, des petits golfes, les lois prennent pour leur conservation des précautions efficaces et nécessaires.

Où il n'y a point de raison de jalousie, point de crainte de voir diminuer le fonds de la richesse par le nombre des concurrents, il faut laisser à chacun le droit de premier occupant, et encourager toute espèce de travail qui tend à augmenter l'abondance générale.»>

L'ordonnance de la marine du mois d'août 1681 est encore le droit commun en cette matière; elle a été seulement modifiée dans plusieurs de ses détails par diverses lois ou règlements. Mais un principe général qui domine cette matière, c'est que toutes les pêches maritimes sont libres et qu'elles ne sont pas limitées, ni quant aux temps, ni quant aux personnes, ni quant à la qualité des poissons *.

La pêche en haute mer est entièrement libre;

Les poissons royaux n'appartiennent au domaine que lorsqu'ils sont trouvés échoués sur le rivage.

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excepturus sit; et tamen, quia vult, quod quisque exceperit, ejus esse, statim dominum efficit 1. Assurément il n'y a rien de mieux acquis, puisque l'un veut donner, et que l'autre s'empresse de recevoir.

$ 2.

DU DROIT D'OCCUPATION ET D'ACQUISITION QUI A LIEU PAR LE MOYEN DE LA PÊCHE 2.

365. Le poisson renfermé dans les étangs

la pèche sur les côtes est soumise à quelques règlements et à quelques interdictions, qui proviennent soit de ces règlements, soit des traités entre les puissances, Par exemple, la pêche de la morue a été, entre la France et les puissances étrangères, l'occasion d'une distribution de hâvres, côtes ou places de pêcher, où chacun a le droit exclusif de pêcher. Des interdictions sont prononcées contre certains instruments de pêche, d'autres sont soumis à des formes déterminées. Des règles de discipline sont établies à l'égard des pêcheurs. — V. l'ord. de 1681, liv. 5, tit. 1er et suiv., et les arrêtés belges du 19 janvier 1820, sur la pêche le long des côtes du royaume, et du 12 sept. 1825, approuvant le règlement sur la pêche dans l'Escaut. Un arrêté du 11 juin 1814, et un autre du 23 mai 1824, renferment un ensemble de dispositions sur l'exercice de la chasse et de la pêche, mais il ne parait pas que le premier ait été publié dans les provinces méridioferait croire qu'il a été dans l'intention du gounales, et y soit obligatoire; cependant le second vernement de le rendre exécutoire.

§ 2. De la Pêche fluviale.

La pêche fluviale, considérée sous le point de vue politique, contribue, avec la pêche maritime, à former des hommes à l'art si utile et si important de la navigation; c'est en conduisant la barque du pêcheur que la plupart des matelots commencent leur apprentissage.

Considérée comme source de production, elle est pour l'État une branche du revenu public, comme elle est, pour chaque riverain des petites rivières, une branche de leur revenu privé. Sous l'un et l'autre rapport, l'intérêt est assez grand pour que la pêche soit soumise à des lois de police

et de conservation : aussi ces considérations ont-elles donné lieu à des règlements sur la pêche; les premiers remontent au XIIIe siècle. Le titre 31 de l'ord, de 1669 est relatif à la pêche; ces règlements et ordonnances n'étant plus en harmonie avec nos institutions sociales, ont été abolis par les lois de la révolution. Un décret du 8 frimaire an II avait déclaré la pêche libre à tout le monde; elle fut restituée exclusivement au domaine public dans les rivières navigables par la loi du 14 floréal an X. Un avis du conseil d'État, des 27 et 30 pluviose an XIII, a reconnu qu'elle appartenait exclusivement aux riverains des petites rivières.

La rivière serait-elle navigable que si elle était

(324), viviers ou réservoirs, appartient au propriétaire de ces objets (564), parce que, les possédant immediatè et per se, il en est le maître : en conséquence de quoi l'étranger

entretenue par les communes qu'elle parcourt, le droit de pêche appartiendrait à ces communes dans l'étendue de leurs territoires respectifs; c'est là la conséquence qu'on pourrait tirer de la loi du 16 septembre 1807. En effet, suivant l'art. 28 de cette loi, les départements ou arrondissements qui, par l'ouverture d'un canal de navigation, par le perfectionnement de la navigation d'une rivière, seraient jugés devoir recueillir une amélioration à la valeur de leur territoire, seront susceptibles de contribuer aux dépenses des travaux : ces contributions ne peuvent s'élever au delà de la moitié de la dépense, le gouvernement doit fournir l'excédant. De la combinaison de l'art. 1er de la loi du 15 avril avec l'art. 28 de la loi de 1807, il en résulte évidemment que les communes, qui ont été imposées, devront jouir du droit de pêche dans les rivières qu'elles ont aidé à réparer, dans la proportion de leur part contributive dans les frais; aussi ce droit a-t-il été reconnu leur appartenir lors de la discussion de la loi devant les chambres.

Si l'État a cédé un canal à une compagnie, ce n'est plus à l'État que la pêche appartient, mais à la compagnie qui entretient le canal; car elle est un ayant-cause à son égard, et, en cette qualité, le représentant dans ses charges et dans ses droits, elle doit exercer à son profit le droit de pêche. (Cass., 29 juillet 1828.)

Les fleuves et les rivières navigables ou flottables et leurs accessoires étant des dépendances du domaine public, on ne peut y acquérir par prescription un droit de pêche, exceptionem longi temporis nihil valere ad obtinenda loca jure gentium publica. Malgré cette maxime, le droit romain admettait la prescription du droit de pêche dans certaines parties du fleuve, jus piscandi in diverticulo fluminis proprium unius esse potest, et hoc quidem fit longâ consuetudine. (Cujas, sur la loi præscriptio, til. de usurp, et usucap. ff.)

L'ord. de 1669 faisait aussi exception en faveur de certaines jouissances; mais c'est là une exception, comme le dit M. Troplong (Prescript., no 135), pour droits acquis dans des temps où les droits de l'État étaient mal définis : elle n'a pas tiré à conséquence pour l'avenir.

Malgré cet ancien principe de notre droit public qui frappait d'inaliénabilité tous les droits domaniaux dont faisait partie le droit de pêche dans les fleuves, plusieurs concessions de ce droit avaient été faites. Mais tous les droits de pêche dans les fleuves, de quelque manière qu'ils aient été obtenus, par possession ou concession gratuite ou onéreuse, ont été supprimes comme entachés de féodalité, et le conseil d'État a toujours repoussé les prétentions tendantes à les réhabiliter. Aussi la Cour de cassation a-t-elle décidé que la possession, même immémoriale, lorsqu'elle ne remonte pas à une époque antérieure à l'édit de 1566, qui a consacré le graud principe de l'inaliénabilité du domaine de l'État,

ne pourrait s'en emparer ou le détruire sans se rendre coupable de vol, et s'exposer à être poursuivi en justice criminelle 1.

366. Mais tant que le poisson est en mer

ne peut établir un droit de pêche dans une rivière navigable (Arr. du 9 nov. 1856.)

La féodalité avait attribué un droit exclusif de pêche dans les petites rivières, tantôt au seigneur haut-justicier, tantôt au seigneur féodal. Après la cessation de ce régime, il s'éleva des doutes sur l'attribution de ce droit; appartenait-il aux communes ou aux riverains? Un avis du conseil d'Etat, du 27 pluviose an XIII, vint lever les doutes à cet égard; il est ainsi conçu :

« Le conseil d'Etat qui, d'après le renvoi de S. M., a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur celui du ministre de ce département, relatif à la question de savoir à qui des propriétaires riverains ou des communes appartient la pêche des rivières non navigables; Considérant,

1° Que la pêche des rivières non navigables faisait partie des droits féodaux, puisqu'elle était réservée en France, soit au seigneur haut-justicier, soit au seigneur du fief;

20 Que l'abolition de la féodalité a été faite, non au profit des communes, mais bien au profit des vassaux qui sont devenus libres dans leurs personnes et dans leurs propriétés ;

30 Que les propriétaires riverains sont exposés à tous les inconvénients attachés au voisinage des rivières non navigables, dont les lois, d'ailleurs, n'ont pas réservé des avant-bords aux usages publics; que les lois et arrêtés du gouvernement les assujettissent à la dépense du curage et à l'entretien de ces rivières, et que, dans les principes de l'équité naturelle, celui qui supporte les charges doit aussi jouir du bénéfice;

4o Enfin, que le droit de pêche des rivières non navigables, accordé aux communes, serait une servitude pour les propriétés des particuliers, et que cette servitude n'existe pas aux termes du Code civil;

Est d'avis que la pêche des rivières non navigables ne peut, dans aucun cas, appartenir aux communes; que les propriétaires riverains doivent en jouir, sans pouvoir cependant exercer ce droit autrement qu'en se conformant aux lois ou règlements concernant la pêche, ni le conserver lorsque, par la suite, une rivière, aujourd'hui réputée non navigable, deviendrait navigable; et qu'en conséquence, tous les actes de l'autorité administrative qui auraient mis des communes en possession de ces droits doivent être déclarés nuls. »

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ou en rivière, qu'il y jouit de sa liberté naturelle, il n'appartient à personne: il est res nullius, et il devient la propriété du premier occupant qui s'en empare.

En fait de pêche comme moyen d'acquérir

'Dans notre législation, le droit de pêche ne dérive pas d'un simple droit d'usage, cela n'est vrai qu'à l'égard de la pêche maritime; car la mer est au rang des choses communes, au rang des choses non susceptibles d'appropriation, mais seulement d'usage; tandis que le droit de pêche dans les fleuves et dans les rivières navigables ou flottables, ou même dans les petites rivières, dérive du droit de propriété lui-même.

En effet, la pêche est un des fruits de la propriété foncière (Exposé des motifs de la loi du 15 avril 1829, par M. Boutiller) : elle est un émolument du domaine public, dans les rivières navigables ou flottables, comme elle n'est qu'un émolument du domaine privé dans les petites rivières. Il ne peut y avoir aucun doute, dans le premier cas, en présence de l'art. 538, qui déclare dépendance du domaine public les fleuves et les rivières navigables ou flottables; mais il n'est pas aussi certain que le droit de pêche dans les petites rivières dérive du domaine privé, de l'appropriation du lit. En effet, dans la législation romaine, les petites rivières comme les grandes étaient une dépendance du domaine public; la féodalité en avait fait une propriété privée des seigneurs; mais les lois de la révolution ayant détruit le domaine féodal, elles retombèrent par ce fait sous la législation romaine. Aussi des auteurs modernes les regardent-ils encore comme une dépendance du domaine public, et n'accordent-ils le droit de pêche aux riverains qu'à titre de droit d'usage. C'est là l'opinion de MM. Merlin et Proudhon. (Dom. publ., 888.) Mais cette opinion est fortement combattue par M. Troplong (Prescr. no 145), par Toullier (t.3, no 144) et par Garnier (no91).

Il n'entre pas dans notre objet de développer tous les moyens apportés à l'appui de l'une ou de l'autre opinion; car nous ne traitons pas du régime des eaux, de la propriété des fleuves et des rivières, mais seulement de l'exercice du droit de pêche comme moyen d'acquérir la propriété; et sous ce rapport peu importe que cet exercice dérive du droit de propriété du lit des rivières ou d'un simple droit d'usage. Néanmoins nous citerons les motits les plus saillants de l'opinion de M. Troplong, motits qui nous ont décidé à l'adopter, sans nous déguiser toutefois qu'elle est susceptible de fortes objections qu'on peut voir dans les auteurs ci-dessus cités. Lette question, dont la solution touche à beaucoup d'intérêts, est une des plus difficiles du Code.

L'auteur, après avoir reconnu que, par l'abolition du domaine feodal, le droit romain sur la propriété des petites rivières fut en quelque sorte ressuscité, de manière qu'on pût dire avec lui: Flumina autem omnia publica sunt, continue ainsi : « Mais cet état de choses fut-il définitif? ne subit-il pas des modifications ultérieures? L'État resta-t-il dans son droit de propriété absolue? On va voir que non.

la propriété du poisson, il faut en distinguer de trois espèces, qui sont : la pêche pratiquée dans la mer; celle qui est exercée dans les rivières navigables et flottables, et celle qui n'a lieu que dans les petites rivières 1.

« Le titre de la propriété du Code civil fut publié en 1804; et, chose singulière, après avoir classé les rivières navigables et flottables parmi les dépendances du domaine public (art. 538), il garde le silence sur les petites rivières.

« Ce n'est que dans le chapitre intitulé: Du droit d'accession, qu'on trouve quelques dispositions indirectes qui peuvent mettre sur la voie d'une question que le législateur romain avait cru devoir résoudre sans hésitation. Voyons le parti qu'on peut tirer de ces textes.

« Après avoir décidé, dans l'art. 560, que les îles qui se forment dans les lits des rivières navigables appartiennent à l'État, le Code établit dans l'article suivant que les îles nées dans les rivières non navigables sont la propriété des riverains. Notez bien que ces deux dispositions sont écrites sous la rubrique du droit d'accession, et que l'art. 560 applique très-rationnellement aux rivières navigables la règle que l'accessoire suit le principal.

« C'est en effet parce que l'État est propriétaire de ces rivières et de leur lit que l'accessoire surgi dans leur sein est la propriété de l'État. L'art. 560 n'est que le corollaire de l'art. 538. « Or, lorsque nous voyons le législateur se montrer si logique dans l'art. 560, pourronsnous supposer que tout d'un coup il soit demeuré infidèle et à son titre et aux lois du raisonnement dans l'art. 561? Ne devrons-nous pas dire que l'attribution au riverain de l'ile née dans la rivière non navigable est une preuve que le principal, c'est-à-dire le lit, appartient à ce même riverain; de même que l'attribution à l'État de l'ile née dans les rivières navigables découle de la propriété de l'Etat sur le fleuve et sur son lit? Puisqu'il s'agit d'accession dans ce chapitre du Code, n'est-ce pas par la force du droit d'accession que l'ile de la rivière non navigable appartient au riverain, et à quoi accède-t-il? Est-ce au rivage? Non; car autrement il faudrait donner aux riverains l'ile des rivières navigables, l'ile accède au lit; elle est l'accessoire, la partie inhérente et indivisible du lit. Là où est la propriété du lit se trouve la propriété de l'île. Voila l'argument donné par l'art. 560; il ne saurait être fautif dans l'art. 561. (V. Recueil de Duvergier, 1829, p. 121.)

L'auteur, en poursuivant son argumentation, repousse les objections qu'on lui peut faire; il dit que si le lit de la rivière qui s'est détournée ailleurs appartient au propriétaire de l'héritage sur lequel elle s'est ouvert un nouveau cours, c'est parce que l'État, en se dépouillant volontairement du lit de la rivière, n'a pas abdique complétement son droit au profit du riverain; qu'il y a apporté cette condition qu'il pourrait en disposer à titre d'indemnité au profit de celui dont une partie du champ était envahie par la même rivière; qu'il était libre de partager ses faveurs ainsi qu'il le jugerait convenable; que

567. EN MER, la pêche, ou plutôt le droit de pêche, appartient également à tout le monde, parce que la mer n'est exclusivement dans le domaine de personne, ni d'aucune puissance et de là il faut conclure que le poisson pris dans cette espèce de pêche appartient nécessairement à celui qui s'en est saisi, puisque la prise en doit être considérée comme le fruit du droit de premier occupant licitement pratiqué sur une chose qui n'appartenait à personne.

568. LORSQU'IL S'agit de rivières navigables et flottables, c'est à l'État seul que le droit de pêche appartient, pour l'amodier à son profit en sorte qu'il est défendu à tout individu non amodiateur ni pourvu de licence, de pêcher dans cette double classe de rivières, autrement qu'à la ligne flottante tenue à la main, sous peine d'être condamné à l'amende statuée par les lois 1.

La raison pour laquelle le droit de pêche n'appartient ici qu'à l'État, c'est que les grandes rivières dont il s'agit, font, sous tous les rapports, partie du domaine public.

Ici se présente naturellement la question de savoir si le poisson pris dans ces rivières par celui qui n'y avait pas le droit de pèche, devient la propriété du premier occupant, comme s'il avait été pêché en mer; ou si, au contraire, ce pêcheur par contrebande ne peut consommer le poisson qu'il a pris, ou le vendre à son profit, sans se rendre coupable de vol.

Le vol consiste à s'emparer de la chose d'autrui; or, avant l'acte de pêche, le pois son pris par le pêcheur clandestin n'appartenait encore à nul autre: donc il n'y a pas de vol dans un fait de cette nature 2.

En ce cas l'acte de pêche est bien illicite, et peut donner lieu à des dommages-intérêts; mais il ne serait pas possible de trouver là

d'ailleurs il s'était fait des réserves dans l'intérêt public, et notamment au cas où, par des travaux d'art, la rivière serait convertie en un cours d'eau propre à la navigation; que le Code n'avait pas voulu apporter des entraves à ce droit de haute administration; qu'il n'avait laissé échap. per aucun mot qui pût laisser croire que l'État ne pourrait désormais faire rentrer dans son patrimoine les cours d'eau non navigables, dont il se dessaisissait fragments par fragments.

Loi du 14 floréal an X, en vigueur en Belgique. Celui qui prend du poisson avec la main, en plongeant dans une rivière navigable, commet le délit de pêche prévu par l'art. 14, loi du 14 flor. an X. Cet article n'autorise que la pêche à la ligne flottante, tenue à la main. (Cass., 7 août 1823; S., t. 24, 1, 71; Dalloz, t. 22, p. 190.) La pêche à la ligne flottante tenue à la main, permise dans les rivières navigables, peut y avoir lieu aussi bien en se plaçant

un véritable vol: en conséquence de quoi le droit de premier occupant conserve encore son empire en cette circonstance.

S'il est vrai qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 15 avril 1827 sur la pêche fluviale, le poisson saisi pour cause de délit doit alors être vendu au profit de l'État, ce n'est que par suite de la confiscation qui en est prononcée, et non par forme de restitution de chose volée.

En un mot, l'agent de l'État qui exerce les actions du maître sur la rivière, n'applique ici son œuvre qu'à la faculté de la pêche, et non aux poissons, qui ne sont dans le domaine de personne avant d'avoir été arrêtés.

369. A L'EGARD des petites rivières, autrefois le droit de pêche appartenait exclusivement au seigneur possédant fief sur les lieux; mais ce droit seigneurial fut aboli, comme tant d'autres, au commencement de notre révolution, par les lois qui anéantirent la féodalité en France 3: en sorte que, dans le nouvel ordre de choses, le droit de pêche sur les petites rivières se trouve converti en un droit purement foncier appartenant aux propriétaires riverains du cours d'eau, comme une dépendance inséparable de leurs héritages 4.

Il y a eu en France, dans les temps passés, beaucoup de lois et d'ordonnances touchant la pêche, mais aujourd'hui cette matière est entièrement régie par la loi du 15 avril 1829.

370. A cette loi il faut joindre une ordonnance du 15 novembre 1850.

C'est par ordonnance du roi que les limites de la pêche doivent être fixées. Quand il s'agit de l'extrémité inférieure d'un fleuve qui aboutit à la mer, la pêche maritime, qui est libre, s'exerce jusqu'aux limites fixées pour l'inscription maritime; et la pêche qui se fait au-dessus du point où les eaux cessent d'être salées, est soumise aux règles de police et de

sur l'eau dans une nacelle, qu'en restant sur le bord. (Br., Cass., 17 juin 1856, Bull.,1858, p. 313.) Le délit de pêche dans les eaux des particuliers, tombe sous l'application de l'art. 5, tit. 26; art. 28, tit. 32 et art. 1er, tit. 51, de l'ordon. de 1669. (Br., 27 décemb. 1858, J. de B., 1859, p. 277; Garnier, Régime des eaux, no 190. — Les délits de pêche, même dans les eaux des particuliers, doivent être punis des peines prescrites par l'ordonnance, sans que les tribunaux puissent réduire l'amende. (Cass., 3 sept. 1813. Dalloz, t. 22, p. 228.)

2

Voy. dans ce sens, Bruxelles, 20 juin 1840, J. de B., 1840, 514.

3 Voy. les lois des 25 août 1792 et 10 juillet 1793.

4 Le droit de pêche dans un cours d'eau, formant une propriété privée, ne peut être exercé par les propriétaires riverains autres que celui à qui le cours appartient. (Rejet, 3 mai 1830.)

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