Page images
PDF
EPUB

DU

DOMAINE DE PROPRIÉTÉ.

CHAPITRE XIII.

DE LA POSSESSION.

433. La possession est aussi un des principaux moyens d'acquérir la propriété ou le domaine des choses.

Et d'abord, elle est l'acte exécutoire de l'acquisition qui a lieu par le droit du premier occupant.

Ensuite, c'est par son exercice que le possesseur acquiert les fruits du fonds par lui possédé.

Enfin, lorsqu'il s'agit de meubles, la possession vaut titre (2279), jusqu'à ce que tout tiers intéressé prouve son droit de propriété.

Nous croyons donc qu'il sera éminemment utile d'exposer ici ce que c'est que la possession, ses diverses espèces, et les différents effets qu'elle produit; cet exposé servira au moins de notions préliminaires pour l'intelligence de ce que nous avons à traiter plus amplement par la suite.

Nous diviserons ce chapitre en trois sections :

Dans la première nous verrons ce que c'est en général que la possession; dans la seconde nous traiterons des diverses espèces ou qualifications de la possession; et dans la troisième nous rappellerons l'énumération des principaux effets de la possession.

SECTION PREMIÈRE.

ce que c'est en GÉNÉRAL QUE LA POSSESSION.

434. La possession consiste dans la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons, à titre de maître, par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom (2228).

Nous disons d'abord dans la détention d'une chose que nous tenons, ce qui se rapporte directement aux choses corporelles, telles que TOME 2, ÉDIT. FR.

les meubles d'un appartement, les maisons et les champs qui sont physiquement soumis à l'action du possesseur.

453. Et comme au physique la détention ou l'occupation d'une chose ne peut avoir lieu en même temps par plusieurs, il faut dire aussi qu'au moral et en droit, la même chose ne peut être solidairement possédée par plusieurs personnes : Plures eamdem rem in solidum possidere non possunt : contra naturam quippè est ul, cùm ego aliquid teneam, tu quoque id tenere videaris. Non magis enim eadem possessio apud duos esse potest, quàm ut tu stare videaris in eo loco in quo ego sto, vel in quo ego sedeo, tu stare videaris 1.

Nous disons en second lieu, ou dans la jouissance d'un droit que nous exerçons, ce qui doit être entendu des choses incorporelles, comme les servitudes foncières lorsqu'elles sont d'une nature telle qu'on puisse les acquérir par la prescription.

Nous disons en troisième lieu, que nous tenons ou que nous exerçons à titre de maitre, parce que la possession est le moyen naturel par lequel le maître retient sa chose en sa puissance.

Nous ajoutons enfin, que nous tenons ou que nous exerçons, soil par nous-mêmes, soit par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom. C'est ainsi que le mineur ou le commettant acquièrent eux-mêmes et retiennent la possession par le fait de leur tuteur ou de leur fondé de pouvoir, et que le propriétaire possède par le fait de son locataire ou fermier, où par celui du dépositaire chargé de conserver les choses confiées à sa garde.

456. On possède les fonds en les cultivant, et recueillant les fruits qu'ils produisent, ou en les donnant à ferme; on possède les maisons en les habitant ou les louant.

On possède les meubles en les employant à son service, ou en les louant à d'autres, ou

'L. 5, § 5, ff. de acquirend. possessione, lib. 41, tit. 2.

en les confiant à d'autres qui les gardent à notre disposition. La possession des choses incorporelles, telles que les servitudes, s'exerce par l'usage qu'on en fait.

La propriété n'étant véritablement utile que par la jouissance des choses auxquelles elle s'applique, la possession et le droit de propriété sont naturellement liés l'un à l'autre; quelquefois même on les confond dans le langage ordinaire : c'est ainsi qu'on dit d'un homme riche, qu'il a de grandes possessions, pour dire qu'il a des propriétés considérables. D'où il résulte qu'un testateur qui, s'exprimant dans ce langage, lèguerait ses possessions à Jacques, lui ferait un legs de propriété, et non un simple legs de jouissance ou d'usufruit, parce qu'en s'exprimant ainsi, ce serait comme s'il avait dit: Je lègue ce que je possède : Interdùm proprietatem quoque verbum possessionis significat: sicut in eo qui possessiones suas legasset respon sum est 1.

Mais dans les principes de la jurisprudence le droit de propriété et la possession, pris par opposition ou par corrélation de l'un à l'autre, sont, quoique s'appliquant à la même chose, totalement différents.

437. L'un est naturellement la cause de l'autre.

C'est ainsi que l'acquisition du droit de propriété se trouve être la cause légitime de la possession que l'acquéreur est en droit d'exiger à l'égard de la chose acquise.

C'est ainsi, au contraire, que la possession est véritablement la cause du droit de propriété, lorsque ce droit nous est acquis par la prescription; comme elle est aussi la cause du domaine lorsqu'il s'agit d'une chose qui, n'appartenant à personne, devient la propriété du premier occupant, telle que le gibier ou le poisson pris ou arrêté dans les faits de chasse ou de pêche.

458. La possession, considérée en ellemême, diffère principalement du domaine en ce qu'elle se rapporte aux faits de la jouissance, tandis que le domaine est tout dans le droit de propriété.

La possession peut donc être séparée du domaine, et se trouver dans les mains de l'un tandis que le domaine reste dans celles de l'autre, comme cela arrive dans le cas où un homme achète une chose, et en reçoit la délivrance d'une autre personne qui n'en était pas propriétaire alors il en acquiert véritablement la possession par la tradition qui

[blocks in formation]

lui en est faite, et néanmoins il n'en acquiert pas le domaine.

459. Puisque la possession consiste dans la détention exercée en esprit de maître sur l'objet possédé, la règle générale est qu'elle ne peut s'acquérir que par l'occupation ou la saisine corporelle de la chose, jointe à l'intention d'en être véritablement possesseur.

Nous disons que telle est la règle générale, parce qu'il y a exception à l'égard de l'héritier, qui, sans tradition ni occupation corporelle, est saisi de plein droit de la possession des choses dont le défunt était luimême possesseur lors de son décès ce qui est fondé sur ce que la personne de l'héritier est, dans le droit, considérée fictivement comme n'étant que la continuation de la personne du défunt.

440. Mais à part le cas de la saisine que la loi accorde de plein droit à l'héritier, deux choses sont nécessaires pour la prise de possession car il faut que celui qui veut s'en investir le manifeste par quelques actes corporels et extérieurs, et que ces actes indiquent, de sa part, l'intention de s'emparer de la chose: Et adipiscimur possessionem corpore et animo; neque per se animo, aut per se corpore 2.

Comme la possession doit être essentiellement publique pour être légitime, sa prise ou son transport ne peuvent résulter d'opérations purement mentales: voilà pourquoi la première condition à laquelle son investiture est subordonnée, exige qu'elle se rattache à des faits corporels et extérieurs de l'homme.

Quoique l'occupation corporelle de la chose soit la marque la plus ordinaire et la plus infaillible de la prise de possession, néanmoins le signe de cette investiture peut consister dans d'autres actes extérieurs, au moyen desquels la prise ou le transport de la possession seraient indiqués ou expressément, ou seulement d'une manière tacite ou symbolique.

441. Ainsi, lorsqu'un homme me vend son héritage, qu'il me l'indique corporellement comme libre de toute autre possession, j'en suis saisi de l'investiture, quoique je n'y sois pas encore entré: Aut si vicinum mihi fundum mercato venditor in meâ turre demonstret, vacuamque se possessionem tradere dicat, non minùs possidere cœpi, quàm si pedem finibus intulissem3.

Ainsi encore la tradition des clefs de la

3 L. 18, § 2, ff. de acquirend, poss., lib. 41,

tit. 2.

cave où sont renfermés les vins vendus, comporte symboliquement la délivrance des vins eux-mêmes Et vina tradita videri, cùm claves cellæ vinariæ emptori traditæ fuerint 1.

442. Il faut en second lieu, pour caractériser la vraie possession, que le possesseur ait l'intention de retenir la chose à titre de maître autrement l'occupation ne serait plus qu'un fait purement matériel, incapable de produire aucun effet dans le droit. Ainsi un homme qui se saisit d'un meuble pour l'examiner, ou qui entre dans un fonds pour y faire sa promenade, n'est point en possession, parce qu'il est sans volonté de se rendre maître de la chose : Qui jure familiaritatis amici fundum ingreditur, non videtur possidere, quia non eo animo ingressus est, ut possideat, licèt corpore in fundo sit 2.

Il résulte de là qu'un individu privé de l'usage de la raison ne pourrait, seul et par lui-même, prendre la vraie possession d'une chose, puisqu'il ne saurait avoir la volonté morale de l'acquérir : Furiosus et pupillus sine tutoris auctoritate non possunt incipere possidere, quia affectionem tenendi non habent 3.

443. Quoique la possession ne s'acquière que animo simul et corpore, ou qu'autant que l'intention de l'acquérir est manifestée par des actes extérieurs de main-mise de la part du possesseur, néanmoins, quand il s'agit d'une chose qui nous appartient, la possession se conserve solo animo, ou avec la seule intention de la retenir, parce que, la chose étant une fois civilement constituée sous la puissance d'un maître, elle ne peut en sortir d'elle-même et sans une cause étrangère qui vienne l'en soustraire: Licèt possessio nudo animo acquiri non possit, tamen solo animo retineri potest 4.

Ainsi celui qui délaisse la culture de son fonds n'en conserve pas moins la possession tant que nul autre ne s'en est publiquement emparé dans la vue de le posséder lui-même d'une manière permanente: Quemadmodùm nulla possessio acquiri nisi animo et corpore potest, ila nulla amittitur, nisi in quâ utrumque in contrarium actum est 5.

444. Nous disons la culture de son fonds: car si l'héritage appartenait à un autre, et que le possesseur actuel fut seulement en voie de le prescrire, le délaissement de tous actes possessoires comporterait, après un certain temps, la cessation ou l'anéantisse

[blocks in formation]

ment de la possession, sans qu'il fût permis de dire qu'il l'eût conservée par la seule intention de la retenir, ainsi qu'on l'expliquera plus bas.

Il n'en est pas du domaine comme de la possession, lorsqu'il s'agit de leur conservation.

445. Le domaine reste à son maître tant que celui-ci ne l'a pas aliéné au profit d'un autre par un acte positif et accepté de la part de l'acquéreur. Jusque-là le propriétaire du fonds aura beau dire et protester qu'il n'en veut point, et qu'il l'abandonne: car, même dans cet état de choses, et tant qu'il ne sera rien survenu de plus, la propriété restera la sienne; tandis qu'il suffit de délaisser la possession avec l'intention d'en rester privé, pour qu'on doive dire qu'on n'a plus là qualité de possesseur: Differentia inter dominium et possessionem hæc est, quòd dominium nihilominus ejus manet qui dominus esse non vull; possessio autem recedit, ut quisque constituit nolle possidere 6.

La raison de cette différence consiste en ce que la possession est plus en fait qu'en droit, et ne résulte que d'actes extérieurs; tandis que le domaine est tout en droit, inhérent à la personne de son maître jusqu'à ce qu'il y en ait un acte de mutation consenti avec d'autres.

SECTION II.

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES OU DES DIFFÉRENTES QUALIFICATIONS DE LA POSSESSION.

Pour nous conformer à l'ancien langage usité sur cette matière, nous distinguerons La possession réelle et proprement dite; La possession improprement dite, ou la quasi-possession;

La possession de bonne foi;

La possession de mauvaise foi; La possession civile ou de droit; La possession purement naturelle ou de fait;

Et la simple détention.

§ 1er.

SUR LA POSSESSION RÉELLE ET PROPREMENT DITE.

446. La possession réelle et proprement dite est celle qui a lieu sur les choses corporelles soit mobilières, soit immobilières,

4 L. 4, cod. de acquir. possess., tib. 7, tit. 32. 5 L. 8, ff. de acquir. possess., lib. 41, tit. 2; et 1. 153, ff. de regul. jur.

L. 17, ff. de acquir. possess., lib. 41, tit. 2.

comme sont les meubles meublants d'un appartement, les maisons, les champs, etc., etc. Elle est appelée possession réelle proprement dite, parce qu'on conçoit que ces choses sont susceptibles d'être physiquement saisies ou occupées par leur maître.

§ 2.

Il existe encore plusieurs autres textes, soit dans le Digeste, soit dans le Code, contenant des dispositions semblables sur le même sujet: au point que Justinien, statuant sur la manière d'appliquer la prescription de dix ans entre présents, et de vingt ans entre absents, veut qu'on se conforme à la même règle, soit qu'il s'agisse de fonds de terre, soit que le litige porte sur des droits incor

SUR LA POSSESSION IMPROPREMENT DITE, OU LA QUASI- porels de servitude quelconque : Eodem ob

POSSESSION.

447. La possession improprement dite, ou la quasi-possession, est celle qui s'applique aux choses incorporelles, telles que les servitudes sur quoi il ne peut être inutile de signaler brièvement ici les diverses modifications qui ont existé dans les lois sur cette matière.

En remontant au premier âge de la jurisprudence romaine, on voit que les servitudes ne s'acquéraient pas par l'usucapion, c'est-àdire par l'occupation, même sur tradition: Incorporales res traditionem et usucapionem non recipere manifestum est 1. La raison de cela, c'est que ce genre de prescription acquisitive devant avoir lieu par le laps de deux ans pour les immeubles, et d'un an pour les meubles, il fallait au moins que, dans un délai aussi court, la possession fùt signalée comme une chose très-positive, ce qui ne pouvait avoir lieu à l'égard des choses incorporelles.

En ce qui touche à la prescription, elle fut, même sous les lois du Digeste, un moyen d'acquérir les droits de servitude, au moins par la quasi-possession immémoriale: Duc tus aquæ cujus origo memoriam excessit, jure constituti loco habetur 2; et cela s'appli quait aux servitudes discontinues comme aux autres en sorte que, nonobstant que l'usage et l'écoulement des eaux ne fût déterminé que par l'œuvre de l'homme qui allait les puiser, et non par la disposition des lieux, le droit d'en jouir n'en restait pas moins acquis par la possession immémoriale: Si tamen lex agri non inveniatur, vetustatem vicem legis tenere: sanè enim et in servitutibus hoc idem sequimur; ut, ubi servitus non invenitur imposita, qui diù usus est servitute, neque vi, neque precariò, neque clàm, habuisse longâ consuetudine vel ex jure impositam servitutem videatur 3.

L. 43, § 1, ff. de acquirendo rerum dom., lib. 41, tit. 1.

L. 3, § 4, ff. de aquá quotidianâ, lib. 43,

tit. 20.

L. 1, § 23, ff. de aquá et aquæ pluv. arcend., lib. 39, tit, 3.

servando et si res non soli sint, sed incorporales, quæ in jure consistunt, veluti ususfructus et cæteræ servitutes 4: en sorte que, d'après cette dernière loi, les servitudes devaient, comme les fonds de terre eux-mêmes, être prescriptibles par dix et vingt ans, quelle qu'en fût d'ailleurs l'espèce.

Ainsi, en dernière analyse, dans le système de la jurisprudence romaine pure, la quasipossession opérait, sur la prescription acquisitive de toutes les servitudes indistinctement, les mêmes effets que la possession réelle et proprement dite sur l'acquisition des fonds de terre.

448. Cependant, et quoique le droit romain fùt généralement notre législation primordiale, les dispositions qu'il renferme sur cette matière, et que nous venons de rapporter, n’avaient pas été accueillies de la même manière dans toute la France.

Suivant l'article 186 de la coutume de Paris, nulle servitude ne pouvait s'acquérir sans titre.

Il y avait des provinces où les servitudes continues et apparentes s'acquéraient par la prescription, mais seulement après trente ans de possession; et les discontinues, seulement par la possession immémoriale 5.

449. Enfin le Code civil est heureusement venu abroger toutes ces discordances en établissant pour règle générale que les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans (690), et que les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titre; que la possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière (691).

4 L. 12 in fine, cod. de præscript. longi temp., lib. 7, tit. 35.

5 En Brabant les servitudes discontinues s'acquéraient par la prescription trentenaire. Br., 12 fév. 1818; 24 janv. 1821 et 9 mai 1838, J.de B., 1818, 1, 222; 1821, 1, 101, et 1859, 2, 364.

Les auteurs de notre Code civil ont adopté le système le plus rationnel sur la nature de la possession en fait de servitude.

Et en effet, lorsqu'il s'agit d'une servitude discontinue qui n'est fondée sur aucun titre, on peut dire et l'on doit ordinairement présumer que les faits de jouissance par lesquels on prétend l'avoir exercée, n'étaient que des actes de familiarité et de tolérance qui, n'ayant d'autre cause que les convenances d'un bon voisinage, ne doivent enfanter aucun droit dans l'avenir, parce qu'autrement on ne se prêterait pas à les souffrir, et qu'ainsi ceux qui, par leur rapprochement, sont destinés à vivre dans l'union, seraient sans cesse entraînés dans des discordes affligeantes pour la paix publique.

D'ailleurs, qu'est-ce que c'est que la possession qui se rattache à ce genre de servitudes? Prenons pour exemple l'exercice d'un passage sur le fonds d'autrui certes celui qui en use ne possède point l'héritage sur lequel il passe; il ne retient aucune chose corporelle en sa puissance; il n'a que le transit à pied levé sur le fonds, sans en rien emporter il n'a donc aucune possession véritablement réelle; il ne doit donc point avoir les avantages de la prescription, parce qu'un effet ne peut être sans cause.

:

450. Au contraire, lorsqu'il s'agit d'une servitude continue et apparente, les conséquences en sont toujours assez graves pour écarter toute présomption de familiarité et de précaire, et elle s'exerce d'ailleurs sur des objets matériels et permanents qui en rendent la possession fixe et visible, au moyen desquels elle se trouve transformée en possession corporelle et véritable, et doit par conséquent opérer la prescription.

Prenons, entre autres, pour exemple, le droit que l'un peut avoir de faire déverser les eaux de son couvert dans le jardin de l'autre, ou d'avoir un aqueduc à travers des fonds intermédiaires pour amener l'eau d'une

V. la dissertation faite à ce sujet dans notre Traité du Droit d'usufruit, t. 8, p. 283, nos 3545 et suivants.

2 La jurisprudence française et la doctrine des auteurs sont unanimes sur ce point. Garnier, Tr. des actions poss., p. 156, et Troplong, des Presc., no 249, Carré-Chauveau, sur l'art. 23, C. de procédure. sont de cet avis. L'action possessoire, dit Troplong, est fondée sur une présomption de propriété; elle a pour but d'obtenir que, jusqu'à preuve contraire de la propriété, le lait se trouve uni au droit apparent; or, quand le droit apparent n'existe pas, quand on ne peut pas se dire propriétaire, même putatif, on est sans intérêt pour demander la possession, qui, en règle générale, ne doit jamais

fontaine dans la cour de sa maison : certes les droits de cette nature sont d'une importance telle, qu'il serait absurde d'en attribuer l'exercice à une simple tolérance ou à des égards réciproques de bon voisinage : la familiarité la plus cordiale ne va pas jusque-là.

D'autre part, le couvert de l'édifice d'où s'opère la chute des eaux sur le fonds voisin, et l'aqueduc qui nourrit la fontaine de la maison, sont des choses visibles et permanentes; ce sont des fonds qui, comme moyen de transmission des eaux, ont une existence physique, et qui sont possédés comme tels par celui qui use de la servitude.

Il y a donc ici absence de tout précaire, et possession vraiment publique et continue pour opérer la prescription.

451. On doit encore placer en dehors du précaire la possession d'une servitude même discontinue dont l'exercice comporte la perception d'une partie notable des fruits du fonds, telle que serait le droit d'usage à la coupe du bois dans une forêt, soit parce qu'alors la possession porte plutôt sur le matériel du fonds que sur un simple droit incorporel de servitude; soit parce qu'en ce cas il n'y a pas moyen d'attribuer une semblable possession à la tolérance bénévole du maître de la forêt, pour en conclure qu'il ne doit y avoir qu'une jouissance précaire dans l'usager 1.

Deux conséquences remarquables résultent de cette discussion :

452. La première, que quand il s'agit de l'usage d'une simple servitude discontinue qui n'est point fondée en titre, et qui est déniée d'un côté et prétendue de l'autre, celui qui la revendique ne serait pas recevable à former sa complainte au possessoire pour vaincre la résistance éprouvée de la part de l'autre, puisque, suivant les principes de notre Code, ces sortes de servitudes ne sont pas susceptibles d'une vraie possession 2.

Il en serait autrement si la servitude était

abandonner la propriété la possession n'est censée être alors qu'une suite d'actes de tolérance de la part du propriétaire. (Voy. aussi Garnier, p. 46; Poncet, no 74; Rauter, no 395.) La jurisprudence en Belgique a varié sur cette question. Des arrêts de la cour de Brux., des 17 mai 1819, 12 fév. 1820 et 21 déc. 1825 (J. de B., 1826, 1re, p. 60; et J. du 19o s., 1826, 3o, p. 150), ont decide que l'action en complainte est admissible même, en cas de servitude non susceptible d'être acquise par la seule prescription. Cette cour a pensé que le but des interdits possessoires est de conserver la paix publique; que le défendeur de l'action en complainte n'est pas par là privé de l'exercice de son droit par la voie de l'action pétitoire, negatoria servitutis, s'il y a lieu. La cour de Liége,

« PreviousContinue »