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de l'un et de l'autre; mais la possession de l'acquéreur du fonds vendu par le fermier ne sera qu'une possession équivoque, par la raison que le propriétaire général du domaine, continuant à recevoir tout son fermage, et par conséquent le fermage même du fonds vendu, on ne pourra lui opposer, sur cet objet, aucune interruption de possession; tandis qu'au contraire on opposera à l'acquéreur que sa possession étant cachée sous le voile d'un fermage, et n'indiquant aucune mutation visible dans la personne du cultivateur, il y a là un vice occulte qui affecte sa prétendue possession, et la rend incapable de nuire au vrai propriétaire du domaine.

474. 6o La possession, pour être vraiment civile, doit être exercée à titre de propriétaire car la possession exercée à titre de fermier, dépositaire, gardien, etc., etc., n'appartient point à celui qui l'exerce materiellement, et qui n'en est que l'instrument: pourquoi la prescription acquisitive, qui est l'effet civil de la vraie possession, ne peut profiter qu'à celui qui possède à titre de

maître.

475. La possession civile doit en outre être fondée sur un titre juste, vrai ou présumé.

Nous disons d'abord sur un titre juste (2265): ce qui ne doit point être entendu d'un titre quelconque conforme aux principes de l'équité ou de la justice dans son espèce; mais d'un titre qui soit, par sa nature, translatif de propriété (2259), comme une vente, un échange, une donation, un legs au moyen d'un tel titre, l'acquéreur auquel la chose est livrée, se trouve revêtu de la possession civile de cette chose, lors même que celui dont il l'a reçue n'en était pas le véritable maître.

476. Nous disons encore sur un titre vrai ou présumé. Le titre est vrai ou réel lors qu'il existe réellement et de fait, et n'est point nul par défaut de formes (2267).

Le titre présumé n'a rapport qu'à la prescription de trente ans, contre laquelle il n'est plus permis d'opposer ni la nullité, ni le défaut de titre, ni la mauvaise foi du possesseur (2262), parce que le long délai de cette prescription fait présumer tout ce qui est possible.

Néanmoins, si, après la plus longue possession, il paraissait que le possesseur n'est, dès le principe, entré en jouissance qu'en vertu d'un titre précaire, comme en qualité de fermier, de dépositaire, d'usufruitier, etc., etc., et qu'il ne prouvât pas qu'il y eût eu par la suite interversion dans son titre, comme il ne serait plus possible de présumer un titre

juste là où l'on ne verrait qu'un titre précaire, on devrait appliquer à sa cause la maxime Melius est non habere titulum quàm habere vitiosum, et l'exclure de ses prétentions à la prescription acquisitive du fonds (2256 et 2237), par la raison que la possession de la chose ainsi détenue n'appartient pas au détenteur, qui ne la retient ou ne la garde que pour un autre.

477. Lorsqu'il s'agit de prescrire par dix et vingt ans de possession jointe à un juste titre, la loi n'exige la bonne foi qu'au moment de l'acquisition (2269): en sorte que la mauvaise foi survenue depuis, n'interrompt pas le cours de cette prescription.

Et lorsqu'il s'agit de la possession de trente ans, l'usurpateur même ou ses successeurs, qui n'auraient eu d'autre titre primitif que les faits de violence par lesquels le véritable propriétaire aurait été dépouillé, deviennent propriétaires légitimes aux yeux de la loi civile, s'il y a eu de leur part jouissance paisible et continuée pendant les trente ans à dater du moment où la violence a cessé (2235).

Ainsi la mauvaise foi qui aurait existé dès le principe n'est point un obstacle au cours de la prescription de trente ans, comme la mauvaise foi survenue après l'acquisition n'interrompt pas celui de la prescription de dix et vingt ans.

La possession peut donc être civile quoique accompagnée de mauvaise foi, puisque dans l'un et l'autre des cas qu'on vient de signaler, elle produit un effet civil; et c'est par cette raison que nous avons simplement défini la possession civile, celle qui est approuvée par la loi, de manière à produire les avantages de la prescription.

478. Cet effet civil que la loi attache à la possession paisible et continuée pendant le temps prescrit, est nécessité par des motifs d'ordre public, pour donner plus de stabilité aux propriétés des citoyens, qui seraient sans cesse exposés à être troublés dans leur jouissance s'ils ne pouvaient jamais être à couvert, comme dans un retranchement inexpugnable, derrière le rempart de leur possession; et ce qu'il faut bien remarquer, c'est que, sans le secours de la prescription, ce sont les propriétés les plus anciennes qui seraient les moins assurées, par rapport au danger d'en avoir perdu les titres.

D'ailleurs la possession est l'indice le plus naturel du domaine, parce que la propriété est destinée à être possédée par son maître; et s'il arrive accidentellement qu'un homme possède ce qui ne lui appartient pas, le propriétaire qui le voit et qui le souffre, ou qui est présumé le voir et le souffrir, sans

réclamer, pendant tout le temps déterminé pour la prescription, est censé avoir reconnu les droits du possesseur, ou avoir au moins tacitement consenti à la translation du domaine opérée par la loi, et dès lors il ne doit plus être recevable à revenir contre ce qu'il a souffert.

$6.

SUR LA POSSESSION NATURELLE OU DE FAIT.

479. La possession purement naturelle, considérée par opposition à la possession civile, est celle qui ne produit point les avantages de la prescription du fonds, par la raison que la qualité même du possesseur l'oblige à le rendre à son véritable maître. Telle est la possession de l'usurpateur durant le temps de la violence par laquelle le vrai propriétaire a été dépouillé : car alors la prescription acquisitive ne court point à son profit (2253), quoiqu'il ait bien l'intention de posséder en maître pour lui-même. Telle est aussi la possession de l'usufruitier sur les biens soumis à sa jouissance: Naturaliter videtur possidere is qui usumfructum habet1; comme encore celle du mari sur les biens dotaux de sa femme, à l'égard desquels la loi (1428) veut qu'il ait le droit d'exercer seul les actions possessoires.

La possession de l'usufruitier et celle du mari sont parfaitement réelles, en tant que l'un et l'autre retiennent bien réellement le fonds, et qu'ils ont l'un et l'autre un jus in re qui leur est propre, et qu'ils exercent pour eux-mêmes, et en vertu duquel ils peuvent exercer les actions possessoires soit dans leur intérêt personnel, soit dans celui du propriétaire foncier, dont ils sont chargés de conserver les droits.

480. Néanmoins leur possession, en tant qu'elle s'applique au fonds ou à la nue propriété du fonds, n'est que naturelle, et non pas civile, parce que, sous ce point de vue, ils ne sont que gardiens et détenteurs précaires de la chose qu'ils sont chargés, par leur titre même, de conserver et de rendre au propriétaire.

A l'égard de l'usurpateur, quoique sa possession naturelle soit plutôt une jouissance de fait qu'une possession de droit, néanmoins elle n'est pas privée de tous effets civils: car l'usurpateur même a les actions possessoires pour se faire maintenir dans sa jouissance, si

'L. 12, ff. de acquirend. possess., lib. 41, tit. 2. V. sur cela l'art. 23 du Code de procédure. 'V.1.3, §§ 20 et 23, ff. de acquirend. possess., lib. 41, tit. 2.

elle a déjà pacifiquement duré un an; parce que, dans les questions de complainte, on n'examine que le seul fait de la possession exercée en esprit de maître pour maintenir le possesseur alors paisible, sans remonter à la cause des vices dont cette possession a pu étre d'abord affectée, lesquels ne peuvent plus être combattus que dans les débats sur le pétitoire 2.

$7.

SUR LA SIMPLE DÉTENTION.

481. La simple détention est entièrement dans le fait elle a lieu dans les mains du fermier, du locataire, du commodataire, du dépositaire, et de tout gardien préposé à la conservation de la chose 3. Toutes les personnes de ces diverses qualités, et autres qui n'exercent qu'une détention précaire, retiennent bien la possession, ou sont dans la possession pour autrui, mais elles ne possèdent pas elles-mêmes: Aliud est enim possidere, longè aliud in possessione esse; deniquè rei servandæ causâ, legatorum damni infecti, non possident, sed sunt in possessione custodiœ causâ 4. Dans tous ces cas la possession civile et de droit appartient toujours au maître du fonds, quoiqu'elle soit exercée en fait par le ministère d'un autre, comme fondé de pouvoir de la part du propriétaire pour agir en son nom sur ce point: Nam possidet cujus nomine possidetur; procurator alienæ possessionis præstat ministerium 5.

482. Le fermier, quoique jouissant par l'effet de son bail, n'a qu'un droit personnel à exercer envers son bailleur, en vertu de leur convention; il n'est toujours pas le possesseur du fonds, puisqu'en cas de trouble qui ne serait pas une pure voie de fait (1725), la loi lui refuse jusqu'au droit d'intenter l'action en complainte pour se faire maintenir en jouissance (1727).

Il résulte de là qu'il y a une différence bien réelle entre la possession que nous appelons naturelle, et la simple détention.

Et d'abord en ce qui concerne l'usurpateur, même durant le temps de laviolence, il possède pour lui-même, comme si la chose lui appartenait, tandis que le dépositaire ou le fermier ne la détiennent point en esprit de maître.

485. A l'égard de l'usufruitier, outre qu'il jouit aussi pour lui-même, c'est qu'il a dans la chose un droit réel qui consiste dans un

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démembrement de la propriété du fonds, droit à raison duquel il peut intenter l'action possessoire en maintenue ou en réintégrande, comme le mari peut exercer les mêmes actions possessoires à raison des biens dotaux de son épouse; le dépositaire, le fermier, le commodataire et le simple gardien ne retiennent la chose qu'au nom d'autrui, c'est-à-dire dans l'intérêt du maître qui est le véritable possesseur; tandis qu'eux n'ont que les actions personnelles qui peuvent résulter de leurs conventions d'après les circonstances et la nature des contrats dans lesquels ils ont stipulé.

SECTION III.

DES PRINCIPAUX EFFETS DE LA POSSESSION.

484. 1o La possession ou la prise de possession fut le principe générateur de la propriété c'est par elle que les diverses choses extérieures et susceptibles d'occupation privée, qui furent dès la création du monde offertes aux hommes par le Créateur, et qui n'appartenaient encore à personne, parce qu'elles étaient indistinctement offertes à tous, devinrent naturellement et successivement la propriété des premiers occupants: Quoniam id quod nullius est, occupantis fit1. Et encore aujourd'hui même que les biens ont été partout divisés en propriétés particulières entre les membres des diverses nations, il existe encore beaucoup de choses qui, restant sous l'empire de la règle primitive, deviennent la propriété du premier occupant. Tels sont les animaux sauvages pris ou tués à la chasse, et les poissons arrêtés par les filets des pêcheurs dans les rivières ou la mer. Omnia igitur animalia quæ terrâ, mari, cœlo capiuntur, id est, feræ bestia, et volucres et pisces, capientium fiunt 2; on doit dire la même chose des coquillages trouvés au bord de la mer.

485. 2o Arrivant aux objets qui nous sont propriétairement acquis, on doit admettre la règle qui veut que, toutes choses égales d'ailleurs, la cause du possesseur l'emporte sur celle de celui qui ne possède pas, puisque la possession est un indice naturel de la propriété et maîtrise de l'objet sur lequel on a élevé du litige. In pari causâ possessor potior haberi debet 3: d'où dérive cette autre règle judiciaire, que le possesseur n'a rien à prouver pour conserver son droit, tant que pour

L. 30 in fine, ff. de acquirendo rerum dom., lib. 41, tit. 1.

2 L. 1 in fine, ff. eodem. Voy. encore, et surtout le 12, aux Institut. de rerum divisione.

l'évincer on n'allègue aucune raison ou aucun titre qu'il ait à combattre : In speciali actione non cogitur possessor dicere pro quâ parte ejus sit: hoc enim petitoris munus est, non possessoris 4. Jusque-là sa défense ne consiste qu'à dire : Je possède parce que je possède; et tant qu'il est reconnu ou avoué que sa partie adverse ne possède pas, ou est étrangère à la possession, elle est non recevable à lui opposer aucun vice qui pourrait être dans la sienne: Justa enim an injusta adversùs cæteros possessio sit, in hoc interdicto nihil refert. Qualiscunque enim possessor, hoc ipso quòd possessor est, plus juris habet quàm ille qui non possidet 5.

Tout cela dérive de ce que la possession étant naturellement liée à la propriété, le possesseur est présumé propriétaire jusqu'à ce que celui qui veut lui contester son droit ait fourni la preuve du contraire.

486. 3o C'est par la possession que la propriété est utile au maitre qui perçoit les revenus et émoluments du fonds, ou qui emploie les meubles à son usage.

4o Le possesseur de la chose d'autrui qui en jouit de bonne foi, est comparé au véritable maître, en sorte qu'il fait les fruits siens tant qu'il les perçoit en bonne foi (349).

5o La possession civile produit, au profit du possesseur, les avantages de la prescription, lorsqu'elle a duré pendant le temps prescrit par la loi.

6o Une action immobilière peut être intentée en revendication du domaine, ou seulement en déguerpissement de la possession: sous l'un et l'autre rapport elle est différemment qualifiée ou dénommée.

487. Celle qui a pour objet le droit de propriété ou la revendication du domaine, est appelée action pétitoire ou au pétitoire.

Celle au contraire qui n'a pour objet que le fait de la possession, est appelée action possessoire.

C'est le possesseur qui doit toujours remplir le rôle de défendeur sur la demande formée au pétitoire, puisque la présomption de propriété est en sa faveur jusqu'à la preuve contraire.

Lorsque la contestation est intentée au possessoire, celui qui, en fait, est reconnu possesseur paisible depuis un an, doit être maintenu 6; et l'effet du jugement de maintenue est, ainsi qu'on l'a déjà indiqué, de rejeter sur la partie adverse la charge de fournir la preuve de son droit de pro

3 L. 128, ff. de regul. jur., lib. 50, tit. 17. 4 L. 73, ff. de rei vindicat., lib. 6, tit. 1. 5 L. 2, ff. uti possidetis, lib. 45, tit. 17. 6 Art. 23 du Code de procédure.

priété, si elle veut ensuite agir au pétitoire. 488. Il résulte de là que, lorsqu'il y a contestation tant sur le fait de la possession que sur le droit de propriété, c'est la question du possessoire qui doit être décidée la première, parce qu'il faut avant tout connaitre quel est celui des deux contendants qui, agissant sous la qualité de demandeur, doit prouver son droit de propriété; et quel est au contraire celai auquel, sous sa qualité de défendeur, il suffira de dire: «< Dès que je possède, la chose « est présumée m'appartenir tant qu'on n'aura pas prouvé qu'elle est dans le domaine d'un autre. » Et antè quæratur uter ex litigatoribus possidere, et uter petere debeat: namque nisi antè exploratum fuerit ulrius eorum possessio sit, non potest petitoria actio institui, quia et civilis et naturalis ratio facit ut alius possideat, et alius à possidente petat 1.

Ces deux contestations sont tellement distinctes, que la loi 2 défend de les cumuler pour les faire décider par un seul et même jugement soit parce que, comme on l'a déjà dit, on ne pourrait plus qualifier les parties dans la cause, ni distinguer le demandeur du defendeur; soit parce que l'ordre de nos juridictions résiste essentiellement à une pareille cumulation de procédure, attendu que les actions possessoires doivent être portées d'abord par-devant les juges de paix 3, tandis que toutes les demandes au pétitoire sont dévolues aux tribunaux d'arrondissement.

489. Toutes ces contestations sur le possessoire ne sont relatives qu'aux immeubles. En fait de meuble, la possession vaut titre, sans préjudice de l'action pétitoire qui appartient à celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose, pour la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve, sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient (2279).

490. 7° On distingue deux espèces d'actions en fait de possessoire : ce sont l'action en complainte, et l'action en réintégrande.

Celui qui, sans avoir été écarté de la jouissance de son fonds par des actes de violence, apprend qu'un autre s'en est emparé, ou y a exercé des actes de possession propres à faire croire qu'il est dans le dessein de s'en emparer en tout ou en partie, a l'action en complainte pour faire cesser le trouble qu'il éprouve dans sa jouissance.

Celui qui a été expulsé par force, a l'ac

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tion en réintégrande pour se faire rétablir par autorité de justice dans la possession qui lui a été ravie par violence; et le jugement rendu sur la répression de cette voie de fait doit, au besoin, porter condamnation à la contrainte par corps contre le délinquant (2060).

491. Dans le jugement à rendre sur l'action en réintégrande, on doit faire l'application de la maxime Spoliatus ante omnia restituendus; c'est-à-dire qu'on doit d'abord s'assurer du fait de la violence exercée par l'une des parties contre l'autre : Ante omnia violentiæ causam examinari præcipimus 4; et que, sans s'arrêter à aucune autre considération qu'à celle du délit de violence, on doit, avant tout, en ordonner la répression, en condamnant le délinquant à délaisser la chose entre les mains de celui auquel il en avait par force arraché la possession. Tout cela est fondé sur ce qu'il ne peut jamais être permis à personne de se rendre justice à soi-même, et que le bon ordre exige que toute voie de fait illégale soit réprimée 5.

492. Une conséquence remarquable qui résulte de là, c'est qu'en supposant qu'une personne étrangère se soit, sans emploi de la force, mise en possession de mon héritage; qu'averti de ce fait, et survenu ensuite, j'aie chassé par violence cet intrus de son indue possession, pour me replacer moimême dans la jouissance de mon fonds; que dans cet état de choses je sois assigné en réintégrande par ce possesseur violemment par moi déjeté je ne serai pas recevable à alléguer pour défense dans cette cause que c'est moi qui suis le propriétaire, et même le seul possesseur légitime du fonds; attendu que jusque-là il ne peut être question que de faire statuer sur le fait de la violence dont je suis accusé Ante omnia violentiæ causam examinari præcipimus. En sorte que, ce fait ayant été une fois constaté, je n'en devrai pas moins être condamné à déguerpir d'une possession que je n'aurai reprise qu'en voulant me rendre justice à moi-même et par l'emploi de la force.

Mais quand j'aurai satisfait au jugement de réintégrande, et à supposer que je sois encore à délai utile, je pourrai à mon tour assigner ma partie adverse au possessoire, attendu que jusque-là le tribunal n'aura statué que sur le fait de la violence, sans juger du mérite de la possession qui m'appartenait lorsque l'étranger est venu s'emparer de mon héritage.

5 Cette règle n'est point applicable en matière d'ouvrages d'utilité publique. (Br., 13 oct. 1821; J. de B., 1821, 2, 214.)

493. 8° Il nous reste à dire encore quelque chose touchant l'accession qui a lieu dans la possession lorsque la chose change de maître.

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Le principe général posé par l'art. 2235 du Code est que,« pour compléter la pres<«<cription, on peut joindre à sa possession « celle de son auteur, de quelque manière << qu'on lui ait succédé, soit à titre univer«sel ou particulier, soit à titre lucratif ou « onéreux. La raison de cela, c'est que celui qui acquiert une chose d'un autre, entend naturellement en acquérir tous les accessoires qui peuvent lui être avantageux; et cette disposition de la loi, disant qu'on peut joindre, et non pas qu'on doit joindre à sa possession celle de son auteur, suppose bien évidemment que l'acquéreur peut abdiquer la possession de son auteur, lorsqu'élant vicieuse, elle lui serait contraire au lieu d'être à son avantage.

Sur quoi il faut distinguer la cause du successeur universel de celle du successeur à titre particulier.

494. Quand il s'agit d'un successeur universel ou à titre universel, comme il ne succède pas seulement dans la chose, mais qu'il succède aussi à la personne et dans les obligations de la personne, il faut dire que si le défunt n'était que détenteur à titre précaire, comme fermier, dépositaire, usufruitier, etc., son héritier ne pourra pas plus prescrire que lui (2236 et 2237), parce qu'il aura succédé à l'obligation perpétuelle de rendre qui pesait personnellement sur le dé funt 1.

493. Mais lorsqu'il s'agit d'un successeur à titre particulier, comme il ne succède à son auteur que dans la chose, et non dans les obligations personnelles de l'auteur même, il peut toujours commencer à prescrire luimême. C'est ainsi que celui qui a acheté d'un fermier a les avantages de la prescription du fonds dès son entrée en jouissance, si sa possession est ensuite suffisamment prolongée (2259).

Il résulte de là que quand il s'agit de statuer sur la prescription prétendue par celui qui a acheté le fonds de la part de celui qui n'en était que fermier, usufruitier, gardien ou détenteur à tout autre titre précaire, la longueur de la possession ne doit pas être comptée depuis la date de son titre, mais seulement depuis celle de son entrée réelle et publique en jouissance : autrement, et en faisant remonter le principe de la prescription plus haut que la prise publique de pos

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session, on reporterait l'effet avant le point initial de sa cause, et c'est là ce qui ne peut être.

CHAPITRE XIV.

DE LA TRADITION.

496. La tradition ou la délivrance consiste dans le transport de la chose en la puissance et possession de l'acquéreur (1604).

Quelques personnes pourraient penser, au premier coup d'œil, que nous ne suivons pas ici l'ordre naturel des choses; et dire que, la possession s'acquérant par la tradition, c'est ce chapitre -ci qui devrait être placé avant celui qui précède, par la raison qu'on doit s'occuper de la cause avant d'en venir à ses effets. Mais il faut considérer qu'en remontant au principe des choses, c'est par le droit de premier occupant qu'elles furent d'abord acquises à l'homme, sans aucun acte de tradition faite par un tiers; et que dans tout ce qui s'est passé ensuite, il n'y a toujours eu que le possesseur de la chose qui ait pu en faire la délivrance à un autre: pourquoi la possession reste toujours au premier rang.

Abstraction faite des choses qui s'acquièrent encore par le droit de premier occupant, c'est par la tradition des autres choses qu'on en acquiert la possession civile.

497. Souvent c'est aussi par la tradition accompagnée d'un titre juste et vrai, que le domaine des choses est transféré entre les mains du nouvel acquéreur.

Il résulte de tout cela qu'en traitant de la possession et du domaine, nous ne devons pas omettre d'ajouter ici quelques notions sur les règles de la tradition, puisqu'elle est la cause naturelle de l'une, et qu'elle s'associe à celle de l'autre.

Il ne suffit pas qu'une chose nous soit acquise en propriété pour que nous en soyons en possession: il faut de plus qu'elle nous ait été délivrée de la part de celui qui nous l'a cédée, et qui l'a encore retenue en sa puissance en sorte que si la délivrance nous en était refusée, nous ne pourrions légitimement nous en saisir par voie de fait : il fau drait recourir à l'autorité de la justice pour en obtenir l'ordre de remise: Creditores si adversùs debitores suos agant, per judicem id quod deberi sibi putant, reposcere debent 2. Cela doit être ainsi, soit parce que le débiteur d'une chose peut avoir de justes motifs de la retenir encore, soit parce que dans tous

• L. 7, ff. ad legem juliam de vi privatá, lib. 48,

tit. 7.

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