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C'est donc, en droit positif comme en droit d'équité naturelle, un principe au-dessus de toute contradiction, que le possesseur de bonne foi doit être indemnisé dans les proportions et suivant les règles qu'on vient d'expliquer, de toutes les impenses nécessaires ou utiles qu'il a faites dans le fonds dont il souffre l'éviction; mais doit-il être réciproquement passible de quelques restitutions ou indemnités envers le propriétaire de l'héritage, lorsqu'au lieu de l'améliorer, il en a négligé l'entretien, ou l'a même positivement détérioré, en démolissant des constructions utiles qui y avaient été faites?

Non, dit le jurisconsulte Ulpien, attendu que, le vrai propriétaire étant le maître d'user et d'abuser de sa chose, le possesseur de bonne foi n'a commis aucune faute en négligeant ou détériorant le fonds qu'il croyait lui appartenir: Tunc enim, quia quasi rem suam neglexit, nulli querela subjectus est 1.

570. Le sénat, dit encore le mème jurisconsulte romain, a voulu pourvoir avec équité au sort des possesseurs de bonne foi, de manière à ce qu'il ne leur fut imputé aucun dommage, et que, d'autre part, ils ne pussent s'enrichir en retenant aucune partie de la chose dont ils ont à souffrir l'éviction. Ainsi, quelques dépenses qu'ils aient faites avec les biens de la succession dont ils étaient en possession, tout ce qu'ils auront dissipé et perdu, dans l'opinion où ils étaient qu'ils abusaient de leurs propres biens, ils ne seront point obligés d'en tenir compte; ils ne seront pas censés s'être enrichis des biens de l'hérédité s'ils les ont donnés, pas même quand ils auraient récompensé par ce don quelqu'un à qui ils avaient des obligations; mais s'ils avaient reçu des présents en reconnaissance de leurs libéralités, ces cadeaux seront considérés comme les ayant enrichis, et comme une espèce d'échange dont l'objet doit être sujet à restitution. Consuluit senatus bona fidei possessoribus, ne in totum damno adficiantur, sed in id duntaxat teneantur, in quo locupletiores facti sunt. Quemcunque igitur sumptum fecerint ex hæreditate, si quid delapidaverunt, perdiderunt, dùm re sua se abuti putant, non præstabunt; nec si donaverint, locupletiores facti videbuntur, quamvis ad remunerandum sibi aliquem naturaliter obligaverunt. Planè si remunerationes acceperunt, dicendum est eatenùs locupletiores factos, quatenus acceperunt; velut genus quoddam hoc esse permutationis 2.

571. Il est sensible que si le don fait par le

1 L. 31, § 3, ff. de hæred. petit., lib. 5, tit. 3. 1 L. 25, § 11, ff. de hæred. petit., lib. 5, tit. 3.

possesseur avait eu lieu pour l'acquit d'une obligation pesant sur lui, comme si, père de famille, il avait cédé la chose en dot à un de ses enfants, il devrait être obligé à la restitution de même valeur, attendu que s'il n'avait pas fait la donation sur le bien d'autrui, il lui aurait fallu prendre la chose sur le sien, pour satisfaire à la dotation qu'il a voulue.

Ces décisions, que nous avons puisées dans la loi romaine, ont été aussi consignées dans les articles 1651 et 1632 du Code civil, dont le premier porte que, lorsqu'à l'époque de l'éviction la chose vendue se trouve diminuée de valeur, ou considérablement détériorée, soit par la négligence de l'acheteur, soit par des accidents de force majeure, le vendeur n'en est pas moins tenu de restituer la totalité du prix; à quoi l'autre article ajoute : Mais si l'acquéreur a tiré profit des dégradations par lui faites, le vendeur a droit de retenir sur le prix une somme égale à ce profit, attendu qu'on ne doit pas s'enrichir aux dépens d'autrui.

De tout ce qui vient d'être dit résultent deux conséquences remarquables qui nous restent à signaler:

572. La première, que le possesseur de bonne foi qui répète ses impenses n'est plus aujourd'hui, comme sous l'empire de la loi romaine 3, tenu d'imputer en compensation la valeur des fruits qu'il a perçus sur le fonds, puisque le Code veut au contraire que le prix de ses améliorations lui soit payé, même après le jugement d'éviction qui l'a déclaré exempt de toute obligation ou restitution de fruits;

573. La seconde, que le propriétaire ne doit tenir au possesseur de bonne foi aucun. compte spécial à raison des impenses purement voluptuaires ou d'agrément, puisque le maximum de ses obligations ne s'étend qu'au remboursement d'une somme égale à celle dont le fonds se trouve augmenté de valeur; qu'il peut même opter pour le payement du prix de la main-d'œuvre et des matériaux, s'il est moindre que celui de la plusvalue de son héritage, et retenir gratuitement cet excédant de valeur comme un bénéfice accessoire à son droit de propriété.

574. La même option n'appartient point aux créanciers hypothécaires à l'égard du tiers acquéreur. Lorsque celui-ci est évincé par expropriation faite à leur requête, il a toujours droit de répéter vis-à-vis d'eux ses impenses et améliorations jusqu'à concurrence de la plus-value de l'héritage, mais

3 L. 48 et 65, ff. de rei vindicat., lib. 6, tit. 1; et 1. 37, ff. de hæred. petit., lib. 6, tit. 3.

sans égard à la question de savoir si le prix des matériaux et de la main-d'œuvre est moindre ou non que celui de la mieux-value (2175), parce que de simples créanciers ne peuvent revendiquer un avantage que la loi n'attache qu'au droit de propriété; que le tiers acquéreur est lui-même propriétaire jusqu'à son éviction; et que, ne devant rien personnellement aux créanciers qui l'exproprient, il suffit qu'il représente le gage dans la valeur pour laquelle il avait été affecté à leurs créances.

575. Mais, quoique le propriétaire qui exerce l'action en revendication ne puisse être directement tenu qu'au remboursement des impenses utiles faites par le possesseur de bonne foi sur le fonds revendiqué (1634), néanmoins, si l'éviction a lieu par suite d'une vente faite de mauvaise foi de la part du vendeur, celui-ci est obligé de rembourser à l'acquéreur évincé toutes les dépenses, même voluptuaires et de pur agrément, qu'il a faites à l'héritage (1655); parce que l'obligation de garantie résultant du contrat de vente, jointe à celle qui résulte aussi du dol, s'étendent à l'entière indemnité de l'acheteur qui avait été trompé.

576. Encore que le possesseur de mauvaise foi ait le droit de répéter le prix de toutes ses impenses, même voluptuaires, ainsi que celui des matériaux, tandis que celui de bonne foi peut être forcé de s'en tenir au montant de la plus-value du fonds, il ne faut pas conclure de là que le premier soit placé dans une position plus favorable que le possesseur de bonne foi.

Et d'abord, il est obligé de souffrir la compensation de la valeur des fruits qu'il a percus, puisque la loi l'en constitue débiteur; tandis que le possesseur de bonne foi, étant exempt de faire aucun rapport de fruits, n'est obligé de souffrir aucune compensation semblable avec le prix des améliorations qui peut lui être dû.

En second lieu, le propriétaire ne peut pas mettre le possesseur de bonne foi dans la dure nécessité d'enlever les matériaux de ses constructions pour rétablir les lieux dans

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leur état primitif; tandis qu'en imposant à volonté cette loi au possesseur de mauvaise foi, le maître du fonds peut le forcer indirectement à abandonner ses constructions à vil prix.

Enfin, quoique le possesseur de bonne foi ait le droit de retenir la possession du fonds jusqu'à ce qu'il soit indemnisé des constructions qui lui sont dues, on ne pourrait justement accorder la même faveur au possesseur de mauvaise foi, attendu que le dol n'a jamais été considéré comme pouvant être la cause méritoire d'un privilége pour le fripon, et que la maxime Spoliatus ante omnia restituendus, s'oppose invinciblement à une pareille prétention.

SECTION IV.

DE LA PLANTATION.

577. Quoique en général ce qui a été dit dans la section qui précède, s'applique à la plantation des arbres comme à la construction des ouvrages établis sur le sol, néanmoins nous avons cru qu'il ne serait pas absolument inutile d'ajouter encore ici cette petite section pour y signaler ce qu'il y a de spécial dans le droit d'implantation.

Les arbres deviennent, par implantation, les accessoires du sol, et appartiennent au propriétaire du fonds sur lequel ils sont nourris.

Ainsi celui qui transplante dans son héritage un arbre appartenant à un autre, en acquiert le domaine par droit d'accession, mais à la charge d'en payer la valeur, et même de supporter les dommages-intérêts qui peuvent avoir lieu, comme lorsqu'il s'agit de matériaux enlevés à leur maître pour construire un édifice (554).

La loi romaine ne refusait au propriétaire primitif de l'arbre le droit de le revendiquer, qu'autant qu'il avait déjà pris racine dans le fonds où il avait été transplanté 1. Mais d'après notre Code civil, il suffit qu'il ait été planté, pour qu'il ne soit plus permis de l'enlever (554) 2.

cette question (t. 4, no 374) : « Dans le droit romain, tant que l'arbre de l'un, planté sans sa participation sur le sol de l'autre, n'y avait pas encore pris racine, le maître pouvait le revendiquer. Chez nous, il ne le pourrait; l'art. 554 pe fait aucune distinction à cet égard. A cause des frais de plantation et de ceux qu'elle a occasionnés, la loi a pensé qu'il convenait que le propriétaire du sol eût le droit de conserver les plantes en en payant le prix, et en restant d'ailleurs soumis aux dommages-intérêts, s'il y a lieu. L'intérêt de l'agriculture le voulait ainsi..

En ce qui concerne les droits d'indemnité entre le maître du fonds et le possesseur de bonne ou mauvaise foi qui y aurait fait quelque plantation, on doit, en tous points, suivre les règles tracées dans la section précédente sur le fait des constructions (555). 378. Quoiqu'un arbre doive naturellement appartenir au maître du terrain d'où il tire sa substance, néanmoins il ne suffit pas qu'il -pousse simplement des racines dans un fonds pour en être une partie accessoire il faut que la tige soit dans l'héritage de celui qui veut le revendiquer pour le sien (672), et il ne devient commun entre les deux propriétaires de fonds adjacents, qu'autant qu'il s'élève dans la ligne mitoyenne des limites (675). 379. Lorsqu'il s'agit soit d'un mur de clôture, soit d'un mur de bâtiment, nous ne

Nous ne saurions partager cette opinion. L'article 554, il est vrai, ne fait pas de distinction, mais il ne faut pas toujours chercher l'interprétation d'un article dans sa seule rédaction, il faut aussi chercher à expliquer ses termes par ce qui le précède et le suit, par sa position relative. Cette règle d'interprétation nous servira à reconnaître le véritable esprit de l'art. 554. En effet, il n'est pas vrai que l'acquisition de l'arbre ou de la plante soit, dans cette circonstance, la récompense des travaux et des frais de la plantation; rien n'autorise à interpréter ainsi l'article 554, ces frais et ces travaux sont de si peu de valeur comparativement à la matière, qu'il n'est pas permis d'assimiler ce cas à celui d'une spécification. Bien loin de là, l'art. 554 est placé à la section première du chapitre 2 du titre de la propriété, et dans cette section la propriété s'acquiert par accession aux choses immobilières, la propriété de l'immeuble est le seul moyen d'acquérir; c'est par sa seule force et puissance que l'objet qui lui adhère est acquis au même maître. C'est là un point constant, et l'intérêt de la question ne consiste qu'à savoir dans quel moment l'objet adhère assez intimement à l'immeuble pour en faire partie. Nous ne pouvons croire que la plantation seule suffise, car la plantation n'est pas, comme la construction, le but, mais le moyen; elle est destinée à faciliter l'union, l'incorporation de l'arbre ou de la plante avec la terre pour qu'il en reçoive existence et accroissement. La simple jonction qui est l'effet de la plantation ne peut produire immédiatement ce résultat, il n'y a union parfaite que lorsque l'arbre a lié son existence avec le fonds en y faisant pénétrer ses racines; car c'est alors qu'il y a communauté ou plutôt unité d'existence; c'est alors que les sucs nourriciers en pénétrant l'arbre en font pour ainsi dire un objet nouveau par le développement et l'accroissement qu'ils lui donnent; jusque-là, l'arbre et le fonds ont eu une existence séparée et indépendante. Le fonds ne s'approprie l'arbre qu'en lui donnant la vie, alors on peut dire avec vérité que cette appropriation est l'oeuvre de sa force et puissance. L'instant de cette union se manifeste par le

lisons dans notre Code aucune disposition qui défende au propriétaire du fonds de porter sa construction jusqu'au bord de son terrain : il suffit, quand c'est une maison qu'on veut bâtir, que le constructeur s'abstienne de toute ouverture de porte ou de fenêtre ordinaire sur le fonds voisin, ainsi que d'y pratiquer aucun ouvrage avancé en saillie, tel qu'un balcon ou l'égout de son toit.

Il n'en est pas de même en fait de plantation d'arbres: ici, abstraction faite de tous règlements et usages locaux qui l'établiraient autrement, la règle tracée par le Code civil est que la plantation ne doit avoir lieu qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les arbres de haute tige, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres arbres et haies vives (671) 1;

développement des racines, développement qui se fait sentir dans tout le corps de l'arbre par la vigueur qu'il lui donne ou qu'il lui conserve après le temps où il serait mort s'il n'avait puisé la vie dans le sol auquel il adhère. Il n'y a donc mutation de proprieté que dans ce moment, et nous adoptons pleinement sur ce point la doctrine du droit romain qui conservait la propriété de l'arbre à celui sur le sol duquel il avait été arraché, jusqu'à ce que cet arbre ou plante ait poussé des racines dans le fonds où il avait été transplanté. Le § 31, inst. de rer. div., est ainsi conçu Si tilius alienam plantam in solo suo posuerit, ipsius erit. Et ex diverso, si titius suam plantam in Mævii solo posuerit, Mævii planta erit, si modo utroque casu radices egerit: Antè enim quàm radices egerit, ejus permanet cujus fuerat. (V. Toullier, t. 3, no 127, conf.)

M. Duranton ne peut repousser cette décision sous prétexte qu'elle blesse les intérêts de l'agriculture, car il est inutile de faire remarquer que l'arbre, avant d'avoir pris racine, peut être transplanté ailleurs sans accroître les dangers de son existence. Les intérêts de l'agriculture ne sont pas d'ailleurs plus sacrés que ceux de la propriété, lorsque dans des circonstances rares ils se trouvent en opposition. Le même auteur a si peu de confiance dans sa doctrine qu'il consent à y faire exception lorsqu'il s'agirait de plantes exotiques que leur nouveauté et leur rareté rendraient précieuses; mais pourquoi cette exception? sur quoi la fonde-t-il? Ce n'est pas la valeur relative des objets qui, dans cette circonstance, règle leur attribution, et la même raison qui fait transférer la propriété d'une plante commune doit aussi faire transférer celle d'une plante rare; la loi ne peut avoir deux poids et deux mesures. Une plante rare peut devenir commune; une plante fort recherchée des amateurs peut être de peu d'importance pour ceux qui n'ont pas ce genre d'affection. Dans l'un et l'autre cas, nous ne devons pas nous écarter de l'esprit de l'art. 554, et nous croyons qu'il est tel que nous venons de l'expliquer.

1

Que tloit-on entendre par les mots un usage constant et reconnu de l'art. 671? C'est, disent

et que le voisin peut exiger que les arbres et haies plantés à une moindre distance soient arrachés (672) 1.

La raison de cette différence entre la construction des murs et la plantation des arbres est sensible: c'est qu'en croissant, les arbres peuvent étendre leurs rameaux et branchages jusque dans l'espace aérien qui est au-dessus du fond voisin, et qu'on n'a pas à craindre une pareille anticipation de la part des murs construits même sur les bords des héritages; et c'est pour réprimer celte anticipation, que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut contraindre l'autre à couper ces branches; et encore si ce sont les racines qui avancent dans son héritage, il a le droit de les y couper lui-même (672) 2.

580. Néanmoins, comme il s'agit ici d'une servitude continue et apparente, laquelle peut être acquise par prescription (690), si l'arbre de l'un qui se trouve près du terrain de l'autre, à une moindre distance que celle qui est réglée par la loi, avait été planté depuis plus de trente ans, le voisin ne pourrait plus exiger qu'il fut arraché 3.

581. Mais que devrait-on décider à l'égard des branches qui, dans la même hypothèse,

les jurisconsultes, une loi non écrite, fondée sur l'opinion universellement reçue par les gens instruits, et sur ce que toutes les conventions sont ainsi faites sans contradiction. Remarquez que les conventions peuvent être expresses ou tacites, et qu'ainsi, quoiqu'il n'y ait point de convention expresse ni écrite, si l'aspect des lieux présente à l'œil un mode parfaitement uniforme de planter, il y a convention tacite, et dès lors usage constant et reconnu. Favard, vo Servitude, sect. 2, § 5.

L'esprit de la disposition des coutumes qui ordonne d'observer une certaine distance entre les plantations et l'héritage voisin, étant d'empêcher que les racines ne portent préjudice à l'héritage voisin, si l'héritage voisin auprès duquel les arbres sont plantés était une cour de maison ou toute autre place à laquelle les racines qui s'y étendraient ne portent aucun préjudice, le voisin étant dans ce cas sans intérêt, ne devrait pas être écouté à se plaindre que ces arbres ne sont pas dans la distance prescrite par la coutume. Pothier, Contrat de société, no 242. L. 13, ff. finium regundorum.

I

On ne peut demander que les arbres soient arrachés, sous le prétexte qu'ils avaient été, il est vrai, plantés à la distance prescrite, mais que par leur accroissement successif, ils ne se trouvent plus à cette même distance. Duranton, t. 5, no 388. Pourquoi le voisin peut-il couper les racines des arbres qui avancent sur son terrain et ne peut-il pas couper les branches? V. Delvincourt, 3, 57.

3

Duparc Poullain pensait, par application de l'art. 592 de la coutume de Bretagne, qu'après le

s'étendraient sur le fonds du voisin? Devraiton dire que, le droit de conserver l'arbre dans sa position étant acquis par la prescription, le droit d'extension des branches sur l'héritage voisin devrait être considéré comme acquis par le même moyen 4?

Pour soutenir que la prescription, en tant qu'elle s'applique à la position de l'arbre, doit s'étendre aussi à la position et à l'extension des branches, quelles qu'elles soient, on peut dire

Que le propriétaire de l'arbre n'exerce pas ici deux possessions différentes; qu'il n'en exerce qu'une, qui, s'appliquant généralement au corps de l'arbre et à toutes ses dépendances, embrasse nécessairement aussi les branches avec toute leur prolongation; qu'en conséquence il a également le droit acquis de conserver le tout dans l'état où il le possède;

Qu'on ne pourrait le prétendre autrement sans rencontrer de suite une difficulté insurmontable, en ce que, les branches d'arbres n'ayant ni extrait de naissance, ni titre constatant leur minorité ou majorité, il serait de toute impossibilité de vérifier la durée de la possession du propriétaire de l'arbre, de manière à remonter à l'époque fixe à laquelle

délai d'un an, le voisin ne pouvait plus demander que les arbres plantés trop près de son héritage fussent arrachés. Cette opinion ne peut plus être suivie sous le code. La seule possession que l'on puisse lui opposer est celle de trente ans.

Mais si les arbres étaient plantés antérieurement au code, il paraîtrait difficile aujourd'hui d'obtenir qu'ils fussent arrachés. Si les arbres plantés depuis plus de trente ans dans une moindre distance que ne l'exige la loi, venaient à périr ou à être abattus, ils pourraient être remplacés par d'autres arbres de même essence, pourvu que ce fût en même nombre et aux mêmes places. Toullier, t. 5, nos 514, 515.

4 Le propriétaire du fonds sur lequel des branches d'arbres s'avancent depuis plus de trente ans, a droit de les faire couper, même dans les pays où il n'existait point d'usage constant qui obligeât celui-ci à les souffrir. Il en est de mêine aussi à l'égard des branches d'arbres plantés à une distance moindre que celle voulue par les règlements ou usages locaux, arbres que le propriétaire a acquis, par la prescription, le droit de maintenir. Mais il faut adopter une décision contraire dans le cas où ces arbres doivent être maintenus par l'effet d'une convention expresse ou tacite dans le partage de deux fonds où dans Paliénation de l'un d'eux par celui qui était propriétaire de l'un et de l'autre. Duranton, t. 5, nos 396 et suiv. - Malleville, t. 2, p. 106. - Si le voisin n'a pas usé de son droit, de faire couper les branches, il est non recevable à se plaindre du dommage que pourrait lui avoir causé l'ombre des arbres. Dalloz, vo Servitudes, sect. 3, art. 2, § 6, no 8.

elles ont pris naissance, ou à laquelle elles ont, par leur accroissement, commencé à déborder sur le fonds du voisin;

Qu'enfin, la prescription du droit de conserver l'arbre tel qu'il a été planté, doit comporter aussi la prescription d'avoir, dans le futur, le droit à la prolongation des branches qui peuvent en naître, et qui en sont les parties naturellement et physiquement intégrantes, en sorte qu'on ne peut toujours trouver là qu'un même tout.

Nonobstant ces raisonnements, nous estimons que la décision contraire doit être adoptée, et qu'on doit dire que la prescription acquise du droit de conserver un arbre planté dans le voisinage, à une distance moindre que celle qui est déterminée par la loi, ne comporte pas la prescription acquisitive du droit de posséder l'extension des branches de cet arbre, quand elles se prolongent sur le terrain d'autrui.

Et d'abord, suivant la maxime In tantum præscriptum in quantum possessum, le propriétaire de l'arbre ne pourrait jamais prétendre à l'acquisition d'un droit qui s'étendit au delà des bornes de la possession: il faudrait done, dans tous les cas, qu'il prouvât sa possession de trente ans à dater de la prolongation des branches de son arbre; et cette charge de preuve lui serait d'autant plus rigoureusement imposée, qu'il s'agit ici d'une servitude, c'est-à-dire d'une matière où tout est de rigueur.

Vainement objecte-t-on la difficulté de faire une pareille preuve, parce qu'ici se présente cette autre maxime de droit, Sed non facit inutilem stipulationem difficultas præstationis 1, c'est-à-dire que la difficulté qui est en fait ne déroge point au droit des parties.

Mais il y a plus, et il faut convenir que les auteurs du Code ne se sont point arrêtés à toutes les argumentations proposées ci-dessus, lorsqu'ils ont statué généralement que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin, peut contraindre celui-ci à couper ces branches (672): car on voit par là que, statuant sans égard à la jouissance ou à ce qui s'est pratiqué du temps passé, ils n'ont considéré la possession de la prolongation des branches sur le fonds voisin que comme un objet de pure tolérance, qui n'acquiert pas de droit.

Telle a été leur pensée en prononçant la décision qu'on vient de rapporter, puisqu'elle est générale, qu'elle ne souffre aucune dis

1L.2, § 2, ff. de verbor. obligat., lib. 45, tit.1. La distance légale cesse d'étre applicable pour les arbres plantés dans les jardins ou endroits clos de murs, surtout à la ville : du moins

tinction, qu'elle est absolue, et sans admettre aucune restriction qui eût pour cause la possession plus ou moins longue de la prolongation des branches de l'arbre au-dessus du fonds voisin.

582. Ici se présente encore la question de savoir si l'article 671 du Code, qui, comme on l'a déjà vu, ne permet de planter des arbres de haute tige qu'à la distance de deux mètres ou de six pieds de la ligne séparative de deux héritages, serait applicable au cas où les fonds seraient séparés par un mur de clôture 2.

Si le mur séparatif des deux héritages était assez élevé pour qu'il dût parer à l'inconvénient de l'extension des branches de l'arbre sur le fonds voisin, nous croyons que le propriétaire de cet héritage ne pourrait exiger que l'arbre fut arraché, attendu qu'étant sans intérêt pour intenter une pareille demande, il devrait être déclaré non recevable à la proposer.

Mais il faudrait décider qu'au contraire l'action devrait être admise si le mur séparant les deux fonds n'était pas assez élevé pour mettre obstacle à l'extension des branches de l'arbre sur l'héritage voisin, attendu qu'alors ce serait comme si ce mur n'existait pas.

583. Nonobstant les règlements qui veulent que celui qui plante un arbre sur son terrain, s'éloigne à une certaine distance du fonds voisin, on trouve à chaque pas, dans les pays à fruits, des terrains garnis de plantations dont les arbres sont presque sur la ligne séparative des divers héritages : c'est surtout alors que, par application de l'article 671 du Code, il faut recourir aux usages locaux pour statuer sur les discussions qui peuvent s'élever entre les propriétaires dans l'exercice de leurs droits touchant aux arbres possédés par les uns et les autres.

Mais il y a particulièrement en cette matière une observation à faire sur l'importance de la destination du père de famille, parce que c'est surtout ici qu'elle exerce le plus communément son empire.

l'état

Lorsqu'en remontant plus haut que actuel des choses, on parvient à découvrir que deux fonds contigus ou voisins ont été anciennement possédés par le même propriétaire, et que c'est ce propriétaire qui y avait fait les plantations qu'on y trouve, alors il y a eu destination du père de famille, par l'effet de laquelle on doit, aux termes des art. 692

l'interdit ne compète alors que quand il y a dommage Propter radices, nec ramos, vel frondes. Rolland de Villargues. Dict. de Droit civil, vo Arbres, § 3, no 42.

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