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tiæ arcendæ agi si vicinus opus fecerit, ne aqua, quæ alioquin decurrens agro meo proderat, huic prosit? Ofilius igitur et Labeo putant agi non posse, etiam si intersit me ad me aquam pervenire; hanc enim actionem locum habere, si aqua pluvia noceat, non si non prosit 1. Il y a donc une différence totale entre le cas où il s'agit d'un dommage matériel causé à quelqu'un, et celui où il n'est question que de priver un autre d'un profit qu'il percevait auparavant et la raison de cette différence consiste en ce que le dommage proprement dit attaque matériellement une propriété qui n'appartient qu'à son

en premier ordre, n'a à craindre aucune prescription contre son droit, car la jouissance du riverain inférieur n'est que le résultat d'une pure tolérance de sa part. La jouissance du propriétaire supérieur est une faculté qu'il tient de la disposition des lieux et dont il peut user ou ne pas user; son titre est perpétuel et proteste toujours contre toute possession qui tendrait à en paralyser les effets; sa volonté seule, dûment constatée au profit du propriétaire inférieur, peut donner des droits à ce dernier. Sans doute le riverain supérieur porte préjudice au riverain inférieur en s'emparant des eaux dont il a joui longtemps; mais il ne lui fait pas injure, comme disent les docteurs, il ne fait qu'user de son droit: S'il n'y a point de servitude contraire, dit Dunod (Prescription, p. 88), le propriétaire du fonds supérieur peut retenir ou détourner, dans son fonds, l'eau qui coule dans ce fonds ou dans le chemin qui le touche. » Cet auteur cite, à l'appui de sa doctrine, l'arrêt suivant : « Jean Vuillemin d'Arçon avait, de temps immémorial, détourné dans son verger, l'eau qui coulait au voisinage le long de la rue publique; le nommé Dornier, qui avait un héritage supérieur, l'y fit couler: Vuillemin se pourvut et fut débouté, sans aucun égard à la possession qu'il alléguait, par arrêt rendu au rapport de M. Masson de Braisnans, le 15 avril 1701, sur ce qu'il n'était censé avoir usé que par faculté, et qu'un autre habitant pouvait en user comme lui, en se prévalant de l'avantage du lieu. » La même question s'est présentée devant la cour de cassation et a été résolue de même. (Arrêt du 14 janvier 1823; Dalloz, t. 25, p. 159; S., 25, 173.)

1

L. 1, § 21, ff. de aqua et aquæ, lib. 59, tit. 3. Sic, Hennequin, p. 416.

Les lois, si naturellement protectrices de la propriété privée, paraissent s'éloigner beaucoup du but de leur institution quand elles s'occupent de l'expropriation pour cause d'utilité publique. On s'étonne, on s'émeut, il faut en convenir, à la vue d'un citoyen contraint d'échanger, contre un or qu'il ne demandait pas, un manoir riche de souvenirs, un champ fertile, ou des constructions favorables à l'exercice d'une utile industrie; toutefois il est facile de justifier cette exigence de la loi.

Faudra-t-il donc, en effet, que le territoire reste incessamment livré aux courses désastreuses de l'ennemi; que le torrent porte périodiquement TOME II, ÉDIT. FRANÇ.

mattre; tandis que quand il ne s'agit que d'un profit à percevoir à l'occasion d'une chose, profit qui n'est encore qu'en espérance et dans le futur, profit qui n'est point encore acquis, profit qui n'appartient encore à personne, tous les membres de la société qui se trouvent à portée d'en jouir, sont également appelés à recueillir les avantages attachés à son usage.

641. Art. 545. « Nul ne peut être con«traint de céder sa propriété, si ce n'est << pour cause d'utilité publique, et moyen<< nant une juste et préalable indemnité 2. » La même disposition se trouve aussi con

la dévastation dans la plaine? faudra-t-il même renoncer à la création de ce canal, de cette voie de communication, qui vont rendre au commerce, à la vie, des populations entières, parce que, dans son aveugle obstination et son froid égoisme, un propriétaire voudra paralyser l'exécution d'un plan tracé par la nécessité même, ou conseillé par les vues les plus sages et les plus généreuses?

N'est-il pas juste, au contraire, que la propriété privée qui, sans l'intervention de la puissance civile, ne serait bien souvent qu'une illusion, s'impose des sacrifices envers cet ordre social, garantie de tous les droits, source de toutes les sécurités? N'est-il pas raisonnable aussi de présumer que chaque membre d'une association a tacitement promis de consentir à tous les sacrifices que l'intérêt général réclamerait? Chaque citoyen ne doit-il pas s'appliquer cette belle pensée d'un empereur: Quod communiter omnibus prodest, hoc private nostræ utilitati præferendum? (C. L. uniq., § 14, lib. 6, tit. 51.)

L'expropriation pour cause de nécessité ou même d'utilité publique est la condition de l'existence des sociétés civiles; par cela même, cette indispensable modification d'un droit sacré se trouve fondée en justice comme en raison; du reste, on comprend que, dans la dépossession pour cause d'utilité publique, le souverain * n'exerce pas un droit de propriété; mais qu'il fait usage de ce droit suprême d'administration, de ce domaine éminent, sans lequel il ne peut pas accomplir ses devoirs envers les gouvernés. Le souverain exproprie, comme il lève des tributs; on comprend encore que le propriétaire dépossédé doit recevoir, dans le payement d'une indemnité, l'équivalent de la propriété qu'il abandonne. Une entreprise qui doit profiter à tous ne doit pas peser de tout son poids sur un seul.

«

Si le magistrat politique, dit l'auteur des « lois civiles, veut faire quelque édifice public, quelque nouveau chemin, il faut qu'il indem«nise. Le public est à cet égard comme un par<< ticulier qui traite avec un particulier; c'est « bien assez qu'il puisse contraindre un citoyen << à lui vendre son héritage et qu'il lui ôte ce « grand privilége qu'il tient de la loi, de ne pou

*Le souverain, expression que l'on emploie ici pour désigner le pouvoir central, sous quelque forme politique qu'il soit constitué.

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CHAPITRE XIX. —

a voir être forcé d'aliéner son bien (liv. 26, a chap. 15). »

Il faut qu'il y ait indemnité, c'est la condition sine qua non; mais cette indemnité sera-t-elle préalable à la dépossession? On reconnaît bientôt qu'en thèse générale du moins, il faut résoudre cette question par l'affirmative.

L'État est un débiteur difficile à contraindre; il existe, pour les gouvernements, une force d'inertie d'autant plus invincible que cette dette, qui est celle de tout le monde, n'est précisément celle de personne.

Il importe donc que le propriétaire d'une usine ou d'un palais n'échange pas l'opulence contre les lenteurs et les fatigues d'une liquidation administrative; en thèse générale, nous le répétons, l'indemnité doit être préalable. A ces réflexions puisées dans l'essence même du principe, il faut joindre quelques souvenirs empruntés à son histoire.

L'inviolabilité de la propriété privée et cependant la possibilité de son déplacement, quand l'intérêt public l'exige, se retrouvent chez les Hébreux (Paralipomenes, lib. 1, chap. 21); et il est permis de croire que, sur ce point, la législation hébraïque formait le droit commun de l'antique Orient. Ce n'est sans doute qu'au moyen d'un remplacement proportionné à la valeur de chaque terrain employé qu'ont pu s'établir chez les Assyriens, chez les Babyloniens et dans la vallée du Nil, ces digues, ces lacs, ces vastes canaux dont les débris ont fait l'admiration de la postérité.

On a dit, dans quelques ouvrages, que la législation des Romains se taisait sur la théorie qui nous occupe en ce moment; c'est une erreur, comme le prouvent une loi du code relative à l'estimation des édifices que doivent remplacer des constructions d'utilité publique, et une loi du Digeste qui ne permet l'exploitation des carrières situées dans le terrain d'autrui que sous la condition d'une indemnité préalable *.

En France, ou pour mieux dire en Europe, la double maxime de la disposition facultative et de l'indemnité préalable remonte à des temps éloignés. Ce qui, sur quelques points de l'Occident européen, ne se lisait pas dans les lois se

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** Aux obsèques de Guillaume le Conquérant, au moment où son cercueil allait descendre dans les caveaux de l'abbaye de Saint-Etienne de Caen, qu'il avait fondée, l'évêque de Lisieux ayant exhorté les assistants à prier pour le prince, et à lui pardonner s'il avait offensé quelqu'un d'entre eux, un nommé Ascelin éleva la voix, et dit que la place où l'église était bâtie avait été autrefois la cour de la maison de son père; que Guillaume s'en était rendu maître par violence; qu'il la réclamait et s'opposait de la part de Dieu a ce que le corps de l'usurpateur fùt enterré dans l'héritage de ses pères. La vérite de ces plaintes ayant été attestée par les assistants, les seigneurs et les évêques apaisèrent Ascelin en lui donnant une somme d'argent. (Maximes

trouvait déjà dans les mœurs; comme le prouvent un trait de l'histoire de Normandie, rapporté par les auteurs des maximes du droit public français **, et l'anecdote plus connue du moulin de Sans-Souci.

Chez les Anglais, chaque dépossession particulière devait être l'ouvrage de la législation.

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«De tous les intérêts publics, dit Blackstone, « le plus essentiel, c'est la protection des droits << privés des individus, conformément à la loi municipale; dans ce cas et autres semblables (hypothèses d'utilité publique précédemment indiquées), la législation peut seule intervenir et obliger l'individu à donner son consentement. » (Blackstone, t. 1. lib. 1, chap. 1, des Droits absolus des individus.

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Dans la partie orientale de l'Europe, chez les peuples modernes de l'Asie, dans l'Indoustan, la propriété n'est pas moins en honneur. Chose remarquable! dans ces contrées, où la liberté individuelle, où la vie même rencontrent si peu de garanties, le respect pour la propriété foncière est poussé jusqu'à l'oubli d'un droit inhérent à toute association civile bien organisée. Les gouvernements de l'Orient, non-seulement n'abusent pas du droit d'expropriation pour cause d'utilité publique; mais ne savent pas en faire usage. C'est du moins ce qu'il est permis de conclure de certains faits attestés par un écrivain digne de foi ***,

En France, et sous l'ancienne monarchie, la propriété privée ne pouvait être protégée que par ordonnance, mais du moins l'assistance du pouvoir royal ne lui manquait-elle pas. Le retrait d'utilité publique avait ses conditions, même avant l'ordonnance de 1303, qui substitua l'ezpropriation pour cause d'utilité publique, à l'ancienne dénomination. Les bases de toute cette législation se trouvent nettement posées dans les lettres patentes données par Charles VI au mois d'août 1407, et dans lesquelles il est rappelé que l'État a le droit de se faire céder les terrains nécessaires à la défense de la frontière: pour le bien, tuition et défense de notre peuple et l'utilité de la chose publique de notre royaume, en par nous faisant condigne recompensation à ceux desquels nous prendrons lesdits biens. Il y aurait

du Droit public français, page 92, édition 1775.) V. aussi Histoire de la Conquête de l'Angleterre, par Augustin Thierry, 2 vol., p. 318, 3o édit.

*** En 1775, le palais des archives venait d'être la proie des flammes; le grand-seigneur, pour garantir le nouvel édifice d'un semblable malheur, avait voulu qu'il fût isolé de toute autre construction, ce qui rendait nécessaire l'acquisition de plusieurs maisons contigues. Tous les propriétaires consentirent à ce que l'intérêt public réclamait si manifestement. Seule, une vieille femme déclara qu'aucune indemnité ne pourrait lui tenir lieu de son héritage. Offres et menaces ne purent l'ébranler, et il parut que ce serait une sorte de coup d'État qu'il était impossible de se permettre que d'employer la force. La maison demeura donc sur pied, et lorsqu'on demandait au sultan pourquoi il n'usait pas de sa puissance : C'est chose impossible, répondait-il. c'est sa propriété.

(Législation orientale, par M. Anquetil Duperron, 1778, 3 partie, e section: Propriété des biens en Turquie, p. 123, 143 et suiv.)

signée dans nos diverses constitutions, entre autres dans l'art. 9 de la charte du 14 août 18501. Cette expropriation forcée repose sur le principe qui veut que ce qui est exigé pour satisfaire aux besoins et à l'utilité de tous, soit préférable aux intérêts privés et individuels; mais c'est là un objet que nous ne faisons encore ici qu'énoncer, et sur lequel nous allons revenir pour en approfondir la théorie, et exposer les règles qui s'y rattachent.

642. Art. 546. « La propriété d'une chose e soit mobilière, soit immobilière, donne « droit sur tout ce qu'elle produit, et sur « ce qui s'y unit accessoirement, soit natu«rellement, soit artificiellement.

« Ce droit s'appelle droit d'accession. » Nous avons déjà précédemment traité, avec une étendue suffisante, ce qui concerne soit la fructification, soit le droit d'accession; et

done injustice à ne dater la sécurité des propriétaires que de la constitution de 1791, qui, du reste, consacra, d'une manière explicite, et le droit et le devoir de l'État envers la propriété privée. (Art. 17, Const., 14 sept. 1791; art. 1, loi du 28 sept.,- 3 oct. 1791.)

La Convention nationale, qui a dépossédé tant de propriétaires et publié tant de lois spoliatrices, a cependaut affecté le plus grand respect pour le droit de propriété considéré en thèse générale et par abstraction. Aussi, une loi du mois d'avril 1795 a-t-elle dit qu'aucune expropriation pour cause d'utilité publique ne pourrait avoir lieu qu'en vertu d'une loi spéciale, ce qui était importer dans notre droit le principe de la législation anglaise; et dans l'art. 19 de son acte constitutionnel, la Convention a copié l'article 17 de la constitution de 1791, en ajoutant quelque chose à l'énergie de l'expression *.

On sait que la constitution de 1793 demeura sans exécution; celle du 23 août 1795 qui lui succéda commit, en rappelant le principe, une omission que l'on peut croire intentionnelle. L'expérience avait démontré combien il était difficile que l'indemnité fût toujours préalable; aussi l'acte constitutionnel de l'an III, art. 10, ne parla-t-il que de la juste indemnité des propriétés dont l'intérêt public exigeait le sacrifice. (La Constitution de l'an VIII se tait sur ce principe.) Le précieux adjectif, alors supprimé, a reparu dans l'art. 545 du code civil: Nul, dit cet article, ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. C'est aussi le Code civil qui a réduit à la seule condition d'utilité publique, la nécessité publique exigée jusque-là **.

* Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété, sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité légalement constatée l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. Constitution de 1793, art. 19.

**La charte de 1814, en consacrant de nouveau,

si nous rappelons encore ici cet article, ce n'est que pour le tenir toujours groupé aux quatre autres qui, avec lui, se rapportent directement au droit de propriété et à ses divers attributs.

643. Art. 552. « La propriété du sol em<< porte la propriété du dessus et du dessous. «Le propriétaire peut faire au-dessus « toutes les plantations et constructions qu'il « juge à propos, sauf les exceptions établies « au titre des servitudes ou services fonciers.

«Il peut faire au-dessous toutes les con«<structions et fouilles qu'il juge à propos, et << tirer de ces fouilles tous les produits qu'el«<les peuvent fournir, sauf les modifications <«<et règlements relatifs aux mines, et des « lois et règlements de police.

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Il peut faire au-dessous toutes constructions et fouilles qu'il juge à propos. Comme on le voit par l'étendue illimitée du pouvoir

L'art. 545 renferme sans doute une théorie complète; mais qu'est-ce, en matière de législation, qu'une proposition abstraite, si des lois organiques n'en ont pas réglé l'application? Et ces lois, c'est au droit administratif qu'il faut les demander. Tout ce qu'il est possible d'en dire ici, c'est que l'administration, investie par la loi du 16 septembre 1807 du triple pouvoir de déclarer l'utilité publique, d'ordonner l'expropriation et d'influer outre mesure sur la fixation de l'indemnité par la nomination de deux experts sur trois, se vit rejetée dans une situation d'infériorité relativement à la propriété privée, par les dispositions de la loi du 8 mars 1810.

D'interminables lenteurs et la faveur qu'obtient toujours la propriété privée dans l'esprit des experts et même dans celui des magistrats lorsqu'elle se trouve en lutte avec le trésor public, amenèrent trop souvent de fâcheux résul

tats.

Aussi, c'est au milieu d'un besoin de réforme universellement senti que la loi du 7 juillet 1853 a paru.

Cette loi, respectant dans ses bases essentielles la doctrine des expropriations, telle que la charte de 1850, art. 9, la reconnaît et que l'art. 545 l'exprime, s'est, du reste, modelée sur les usages des Etats-Unis et sur ceux de l'Angleterre. Le droit de fixer l'indemnité est remis à un jury. Des formes abrégées, mais suffisamment protectrices, assurent au gouvernement la prompte réalisation des plans arrêtés.

L'ordonnance du 18 septembre 1833 et celle du 18 février 1834 déterminent la manière de mettre en pratique les règles posées par la loi. (Hennequin, p. 197 et suiv.

'Const. belge, art. 11.-Loi belge du 17 avril

1835.

art. 8, la nécessité de l'indemnité préalable, et en rapportant les lois contraires à ses dispositions, a implicitement abrogé la disposition de la loi du 18 mars 1810, article 19, qui permettait aux tribunaux de mettre l'administration en possession avant la fixation de l'indemnité.

qu'a le propriétaire de pratiquer des fouilles dans son fonds, la loi ne lui prescrit aucune limite où il doive s'arrêter.

Sauf les modifications résultant des lois relatives aux mines, et des lois et règlements de police. Le droit qui appartient au propriétaire d'opérer des fouilles dans son terrain est donc limité dans deux cas : 1° lorsqu'il est question de l'exploitation de quelque mine, pour la jouissance de laquelle il faut un acte de concession du gouvernement, comme on le verra plus bas; 2o lorsque les lois ou règlements de police s'opposent à ce qu'il soit fait des creux, soit à ciel ouvert, soit souterrains, qui pourraient compromettre la sûreté des passages, des rues ou des chemins.

Si nous nous arrêtions à ces notions générales, nous laisserions encore le lecteur dans un vague trop pénible sur tout ce qui touche à la propriété foncière.

Nous venons de voir

Que l'utilité publique peut exiger le sacrifice de la propriété individuelle, au moyen d'une juste indemnité;

Que le propriétaire d'un fonds est en droit de percevoir les divers avantages inhérents à sa superficie;

Qu'il peut aussi profiter des fouilles faites dans l'intérieur de son héritage;

Mais que ce droit de fouilles peut être limité par la découverte des mines qu'on trouve dans le sein de la terre.

Ce sont là autant de choses qui se rapportent à la propriété foncière, mais qui néanmoins sont tellement disparates entre elles, que nous devons les traiter séparément, pour ne pas trop fatiguer le lecteur. C'est pourquoi chacune d'elles formera le sujet d'un des chapitres suivants, en commençant par l'expropriation pour cause d'utilité publi

que.

CHAPITRE XX.

DE LA CHARGE QUI AFFECTE LE DROIT DE PROPRIÉTÉ POUR CAUSE D'UTILITé publique.

644. Quoique nous ayons encore un grand nombre de choses à dire touchant le droit de propriété, nous plaçons ici ce chapitre sur l'expropriation forcée pour cause d'utilité publique, attendu que ce point de doctrine est celui qui plane le plus généralement sur la matière.

Art. 545. « Nul ne peut être contraint de « céder sa propriété, si ce n'est pour cause « d'utilité publique, et moyennant une juste « et préalable indemnité. »

La même disposition se trouve aussi consignée dans nos diverses constitutions, entre

autres dans l'article 9 de la charte du 14 août 1830 1.

Nous diviserons ce chapitre en cinq sections dans la première, nous exposerons le principe rationnel de la matière, et nous ferons connaitre la série de nos lois sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Dans la deuxième, nous traiterons de la cause positive du contrat d'expropriation, suivant la nature des choses auxquelles on en doit faire l'application.

Dans la troisième, nous ferons connaitre les principales mesures administratives et préparatoires qui sont nécessaires pour consommer légalement cette espèce de vente.

Dans la quatrième, nous traiterons de la nécessité de l'intervention du pouvoir judiciaire pour rendre l'aliénation légitime.

Dans la cinquième, enfin, nous en indiquerons les effets à l'égard des tiers.

SECTION PREMIÈRE.

DU PRINCIPE RATIONNEL SUR LEQUEL EST FONDÉE L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLI QUE, ET DE LA SÉRIE de nos LOIS SUR CETTE MATIÈRE.

645. Puisqu'au prescrit du Code civil et de la charte constitutionnelle, quelque sacré que soit le droit de propriété dans les mains de son maître, celui-ci peut être contraint de le céder pour cause d'utilité publique, moyennant indemnité, nous devons examiner comment cette expropriation peut et doit avoir lieu, pour qu'on soit obligé de s'y soumettre.

Lorsqu'on est dans les termes du droit commun, et qu'on trouve un créancier qui, pour être payé, fait saisir et vendre les biens de son débiteur, il y a ordinairement peu de difficulté et d'embarras à vaincre dans l'instruction de cette procédure.

Et d'abord la cause de l'expropriation n'exige ni recherches ni explication; elle se trouve patemment dans le titre du créancier, dont il suffit que la légitimité soit avouée ou légalement reconnue, attendu que quiconque s'engage personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir (2092); mais quand il s'agit d'exécuter un projet d'expropriation pour cause d'utilité publique, il faut au contraire commencer par reconnaître la réalité de la cause déterminante; il faut préalablement s'enquérir de la question de savoir si, d'une part, cette cause est suffisante pour décider le

'Art. 11 de la Constitution belge.

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gouvernement au sacrifice des dépenses qui seront à faire pour l'exécution de l'entreprise, et si, d'autre part, elle est suffisante aussi pour priver de sa propriété l'homme qui n'est tenu d'aucun engagement explicite à ce sujet, et qui ne peut être tenu de souffrir le sacrifice qu'on lui demande, que par suite de la maxime qui veut que le bien public l'emporte sur les intérêts privés : maxime sur l'application de laquelle on peut se tromper de mille manières.

Dans la vente forcée, faite à requête du créancier sur son débiteur, les fonds à exproprier sont déterminés et connus; on ne peut en choisir d'autres que ceux qui sont dans le domaine et la possession du débiteur, et il n'y a aucune convenance locale à reconnaître à cet égard; mais, dans l'expropriation pour cause d'utilité publique, il en est tout autrement: il faut commencer ici par l'examen des lieux, les toiser exactement, en me. surer et vérifier les niveaux, en dresser les plans; il faut ensuite opérer, d'après les convenances locales, le tracé des ouvrages qui sont à établir, afin de connaître par là les fonds ainsi que les propriétaires des fonds qui seront à exproprier, comme devant être occupés par l'établissement qui est à construire.

646. Dans l'expropriation faite à requête du créancier sur son débiteur, le montant du prix est irrémissiblement fixé par les enchères; tandis que, dans la vente faite pour cause d'utilité publique, il ne peut y avoir d'enchères pour fixer l'estimation du fonds: il faut ici recourir à la décision d'une autorité qui en détermine la valeur, lorsqu'il n'y a pas à ce sujet d'accord volontaire entre l'administration publique et le propriétaire. 647. Dans la vente opérée à requête du créancier sur son débiteur, il y a unité de juridiction, parce qu'il n'y a que le tribunal civil de la situation du fonds qui doit prononcer sur toutes les difficultés que peut entrainer la procédure; toutes les règles à suivre se trouvent tracées dans le Code de procédure civile, et elles sont les mêmes, quelles que soient d'ailleurs les causes et les circonstances de l'expropriation. Quand il s'agit, au contraire, de l'expropriation pour cause d'utilité publique, il n'y a pas unité de compétence dans les autorités qui doivent y présider, et l'on y trouve, sous différents rapports, beaucoup de variété dans la procédure, partie administrative, partie judiciaire, instituée à cette fin.

On voit déjà, par ces aperçus, qu'il s'agit ici d'une procédure tout à fait particulière, et qui est entièrement placée en dehors des règles communes établies pour l'exécution des litiges ordinaires.

648. L'idée mère qui préside à cette matière, c'est que, comme, par l'effet du contrat social existant entre les divers membres du corps politique, ils sont eux-mêmes soumis à la servitude personnelle qui leur impose le devoir de concourir à la défense du pays, au maintien de la paix intérieure et de la tranquillité générale, chacun dans la mesure de ses forces et de sa capacité, suivant sa position sociale: de même, et à plus forte raison, l'on doit reconnaître que leurs propriétés sont grevées, suivant leur situation, de toutes servitudes nécessaires à la création et à l'entretien des divers établissements publics reconnus indispensables ou avantageux pour la défense et la sûreté de l'État; pour favoriser les causes de production des denrées nécessaires ou utiles à la vie des hommes; pour la communication des personnes, la circulation du commerce, et le bien-être général des habitants, sauf toutefois la juste indemnité due au propriétaire du fonds dont on vient s'emparer pour le faire servir à ces divers objets d'utilité collective.

Ainsi, quand il s'agit d'établir une route, un canal de navigation intérieure, une forteresse, là où il n'y en avait point encore, c'est en exerçant l'espèce de servitude générale dont nous parlons, que le gouvernement a le droit d'expropriation forcée sur les divers héritages particuliers ou communaux dont la concession est reconnue nécessaire à l'exécution de son entreprise.

649. Cependant, quand il s'agit d'un établissement public déjà existant, tel qu'un pont, une route, ou une forteresse, ou autres constructions, et qu'il n'est question que de pratiquer des fouilles dans les fonds particuliers du voisinage, ou qui sont à portée, pour y prendre les matériaux nécessaires à l'entretien et aux réparations de l'établissement, la servitude ne va pas jusqu'à entrainer l'aliénation du fonds sur lequel elle est exercée, à moins que cette aliénation ne soit provoquée par des circonstances particulières, comme si, pour assurer le maintien du service public par l'emploi des matériaux reconnus pour être spécialement d'une excellente qualité, il fallait établir, dans un héritage particulier, une carrière permanente qui dut demeurer accessoirement réunie à l'établissement public en contemplation duquel on s'en serait emparé : car alors il y aurait vraiment expropriation du fonds ou de la partie du fonds recélant la carrière qu'on aurait voulu exclusivement destiner à l'usage de l'État: en conséquence de quoi il faudrait recourir aux formes de l'expropriation pour cet objet, parce que les lois portées sur cette matière ne font aucune distinction entre les

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