Page images
PDF
EPUB

cas où l'expropriation doit embrasser une plus ou moins grande étendue de terrain. 630. Mais, dans tous les autres cas où il n'est question que de prise de matériaux, les fouilles ordonnées à cet égard par l'autorité ne comportent que l'expropriation d'objets mobiliers, et non du fonds qui les recèle : en conséquence de quoi l'on ne doit point alors employer les nombreuses formalités que les lois exigent pour l'expropriation des héritages eux-mêmes 1. Dans ce cas, il faut toujours pourvoir à l'indemnité des propriétaires; mais tout doit être terminé à ce sujet par une convention arrêtée avec le préfet des lieux, ou, à défaut d'accord amiable, par une expertise administrativement faite à la participation du conseil de préfecture, comme on peut le voir dans la discussion longue et approfondie que nous avons consignée à ce sujet dans notre Traité du domaine public, no 309.

651. Si au contraire il est nécessaire de procéder à l'expropriation du fonds dont le sol doit être occupé à perpétuité par l'établis sement public, ou même lorsqu'il ne s'agit que de l'expropriation du possessoire ou de la dépossession temporaire des héritages dont l'occupation va devenir nécessaire à l'entrepreneur durant ses travaux dans le voisinage de l'établissement qu'il est chargé de construire, c'est à l'estimation d'un jury judiciaire qu'on doit recourir pour fixer l'indemnité due aux propriétaires dépossédés, ainsi que le tout sera exposé plus bas.

Il y a eu beaucoup de variétés dans les dispositions de nos lois sur les motifs et les formes de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Et d'abord, suivant l'article 4, titre 14, d'un décret du 11 septembre 1790, les demandes et contestations sur le règlement des indemnités dues aux particuliers à raison des terrains pris ou fouillés pour la confection des routes et autres ouvrages publics, devaient être portées aux directoires de districts, et ensuite à ceux de département, pour y statuer d'après les estimations faites par les juges de paix des lieux, accompagnés de leurs

[blocks in formation]

652. Mais comme, d'une part, le gouvernement est ici la partie principalement intéressée, puisque c'est sur lui que pèse la charge de l'indemnité qui est à payer aux propriétaires expropriés; et comme, d'autre part, les agents de l'autorité administrative sont sans indépendance, et restent toujours sous sa main, on a reconnu que ces diverses dispositions législatives n'étaient pas d'accord avec la raison, qui veut que personne ne puisse être juge dans sa propre cause: c'est pourquoi cette jurisprudence a été abolie par la loi du 8 mars 1810, qui a établi en principe que l'expropriation pour cause d'utilité publique ne pourrait plus être opérée à l'avenir que par l'autorité de justice, et au moyen d'une expertise judiciaire.

Est survenue depuis la loi du 58 mars 1831, portant des dispositions spéciales pour les cas où il y aurait lieu d'occuper tout ou partie d'une ou de plusieurs propriétés particulières pour y faire des travaux de fortification dont l'urgence ne permettrait pas d'accomplir les formalités prescrites par la loi du 8 mars 1810.

On doit encore placer dans cette série de dispositions législatives, l'article 10 de la loi de finance du 21 avril 1855, concernant les plus grands travaux à la charge de l'État, dont nous allons parler ci-après.

Mais la loi principale à laquelle on doit recourir, est celle du 7 juillet 1835, qui, dérogeant à celle du 8 mars 1810, a établi de nouvelles formes dans l'expropriation, et qui constitue le dernier état des choses sur cette matière 2.

Cette dernière loi a créé une grande innovation dans ce qui s'était observé précédemment, en ce qu'elle veut que l'indemnité ou le prix d'aliénation soit aujourd'hui fixé par un jury judiciaire, ainsi qu'on l'expliquera plus bas.

Il y a encore une autre loi du 20 mars 1855, qui n'est relative qu'aux routes départementales, et dont les dispositions sont peu multipliées.

Au milieu de ce nombreux concours de lois qui se sont successivement modifiées ou abrogées par suite des leçons de l'expérience, on comprend facilement l'embarras qui se présente d'abord à l'imagination de l'écrivain ou du professeur chargé de les expliquer.

Nous nous abstiendrons d'entrer dans un rapport détaillé de toutes les formalités qui doivent accompagner l'expropriation dont il s'agit ici ce travail serait toutefois inutile,

:

2 V. la loi belge du 17 avril 1855 qui abroge les titres 3 et 4 de la loi du 8 mars 1810.

parce qu'il ne pourrait être que la copie des divers articles de la loi, et que ces formalités sont tellement multipliées, que les agents chargés des diverses opérations qui sont à faire, ne peuvent guère y vaquer qu'en ayant la loi sous les yeux, pour pouvoir s'assurer qu'ils n'oublient rien de ce qu'elle prescrit. Cependant, en examinant le contrat d'expropriation successivement, soit en ce qui touche à sa cause, soit en ce qui concerne les mesures préalables à son exécution, soit en ce qui nécessite l'intervention du pouvoir judiciaire pour le consommer, soit en ce qui touche à ses effets vis-à-vis des tiers, nous espérons que, parvenus à ce dernier terme, nous aurons suffisamment expliqué le système de la loi, pour le rendre intelligible à tous les lecteurs, et leur en faire suffisamment sentir les diverses applications.

SECTION II.

DE LA CAUSE DU CONTRAT D'EXPROPRIATION POUR MOTIF D'UTILITÉ PUBLIQUE, ET DES DIVERSES MANIERES D'EN FAIRE L'APPLICATION, D'APRÈS LA DIVERSITÉ DES CIRCONSTANCES.

635. Pour être légitime, toute expropriation forcée doit avoir sa cause dans un engagement auquel il faut satisfaire, non par la cession gratuite, mais par la vente du fonds; mais, comme l'aliénation, quand elle est forcée, ne procède pas immédiatement de la volonté du propriétaire, il faut que l'autorité publique intervienne pour déclarer légitime et rendre exécutoire la cause du contrat.

C'est ainsi que, pour qu'un créancier ordinaire puisse faire opérer l'expropriation forcée de son débiteur, il faut que la cause de la dette soit reconnue dans un titre rendu exécutoire par l'autorité compétente.

Le même principe nous conduit à dire, par analogie ou identité de motifs, que, quand il s'agit du devoir imposé par le contrat social à chaque citoyen de concourir, par ses moyens personnels, aux avantages de la chose publique, pour que son obligation devienne forcément exécutoire, il faut aussi que le besoin social ou la cause qui exigent l'aliénation soient vérifiés et reconnus par l'autorité compétente, et que cette autorité ait statué spécialement sur l'application locale du contrat d'expropriation: autrement tout resterait dans le vague et l'anarchie.

654. Et ce qu'il faut bien remarquer, c'est que ce droit d'expropriation ne repose pas seulement sur une obligation personnellement imposée aux membres du corps politique, mais qu'il est fondé aussi sur une servitude légale imposée à tous les fonds dont la

concession ou l'occupation peut être jugée nécessaire à l'exigence des services publics : en sorte que le propriétaire, quel qu'il soit, étranger ou Français, peut également être dépossédé de la même manière.

Mais l'action dont il s'agit ici ne s'appliquant qu'à des intérêts publics, l'autorité qui doit en être initialement saisie ne peut se trouver dans le pouvoir judiciaire, qui, quant à l'ordre civil, ne fut institué que pour statuer sur les intérêts privés des citoyens. Cette action en déclaration et vérification de cause d'expropriation pour motif d'utilité publique, n'appartient donc qu'à la législature, ou au pouvoir exécutif, ou à l'administration publique, suivant la diversité des cas que nous allons ranger dans les trois catégories suivantes, telles qu'elles nous sont signalées par les lois.

PREMIÈRE CATÉGORIE.

655. Cette première catégorie comprend les espèces où les travaux à exécuter doivent entraîner les plus grandes dépenses à la charge de l'État, et où il n'y a pas de circonstances urgentes qui en exigent de suite l'établissement. Alors on doit recourir à la décision des chambres, comme étant, en première ligne, chargées de la protection et de la défense du trésor public.

C'est à cette première classe que s'applique l'article 10 de la loi de finance du 21 avril 1852, déjà citée plus haut, et qui, porte que << nulle création, aux frais de l'Etat, d'une << route, d'un canal, d'un grand pont sur un << fleuve ou sur une rivière, d'un ouvrage « important dans un port maritime, d'un « édifice ou d'un monument public, ne pourra << avoir lieu à l'avenir qu'en vertu d'une loi << spéciale ou d'un crédit ouvert à un chapitre << spécial du budget.

་་

«La demande du premier crédit sera né<«< cessairement accompagnée de l'évaluation « totale de la dépense.

« A l'avenir aucune route départementale « ne sera élevée au rang des routes royales « qu'en vertu d'une loi. »

A quoi l'article 5 de la loi du 7 juillet 1833 ajoute :

<< Tous les grands travaux publics, routes « royales, canaux, chemins de fer, canalisa<«<tion des rivières, bassins et docks, entre

[ocr errors][merged small]

DEUXIÈME CATÉGORIE.

656. Par exception à ce qui vient d'être signalé dans la catégorie précédente, celle-ci comprend,

1o L'exécution des travaux d'une moindre importance, sur quoi les dernières expressions du même article portent :

« Une ordonnance royale suffira pour au«toriser l'exécution des routes, des canaux «<et chemins de fer d'embranchement de « moins de vingt mille mètres de longueur, « des ponts, et de tous autres travaux de « moindre importance.

« Cette ordonnance devra être également "précédée d'une enquête.

« Ces enquêtes auront lieu dans les formes « déterminées par un règlement d'adminis«tration publique. »

2o Cette même catégorie comprend aussi le cas où il y aurait lieu d'occuper tout ou partie d'une ou de plusieurs propriétés par ticulières pour y faire des travaux de fortifications ou des travaux de marine royale dont l'urgence ne permettrait pas d'accomplir les formalités ordinaires. Alors, sans prendre égard au montant de la charge à supporter par le trésor public, une ordonnance royale déclarant qu'il y a urgence, serait suffisante pour faire légalement exécuter les travaux, conformément au prescrit de la loi du 30 mars 1831, sauf toutefois qu'à l'égard des propriétaires ou autres parties intéressées qui n'auraient pas accepté les offres d'indemnité de l'administration, on doit en faire régler le montant par le jury judiciaire dont on parlera ci-après.

TROISIÈME CATÉGORIE.

657. Cette classe se rapporte aux routes départementales, pour l'établissement desquelles la loi n'exige qu'une ordonnance royale fondée sur le vote du conseil général, qui aura été précédé d'une enquête administrative (loi du 20 mars 1835), conformément au prescrit de l'article 3 de la loi du 7 juillet 1833.

SECTION III.

DES MESURES ADMINISTRATIVES ET PRÉPARATOIRES DE L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE.

658. L'expropriation dont il s'agit ici ne devant avoir lieu que pour cause d'utilité publique, cette cause est la première chose dont la vérification et la réalité soient à rechercher par l'administration: il s'agit de faire de grandes dépenses à la charge de l'État,

et d'estimer si elles pourront être compensées par les bénéfices que le public pourra ressentir de l'exécution des travaux qui sont à entreprendre; il faut porter ses aperçus plus ou moins loin dans le futur, soit sur les diffi cultés qui seront à vaincre dans les travaux, soit sur les résultats plus ou moins probables qu'on pourra s'en promettre; ici c'est une grande route qu'il s'agit d'établir, et elle doit passer sur des flancs de montagnes escarpées, là où des éboulements et des avalanches terribles seraient à redouter; ou il faut la tailler dans des rochers, ou la faire traverser par quelque voie souterraine pour franchir d'un côté de la montagne à l'autre.

Ailleurs c'est un canal de navigation intérieure qu'on voudrait établir; et c'est surtout ce dernier genre d'entreprise qui peut être sujet à de grandes illusions, parce qu'il n'est pas donné à l'homme de deviner tous les secrets de la nature dans le jeu de l'élément liquide, qui sait trop souvent se moquer de nos prévisions. Les travaux de cette nature, portés successivement sur diverses localités particulières, peuvent quelquefois, et par le seul effet de la canalisation, opérer des causes d'insalubrité calamiteuse, par le séjour et la stagnation des eaux, qui, par le reflux provenant du choc des écluses, ou de la coïncidence accidentelle et imprévue de quelque torrent, vont inonder le voisinage même dans la partie supérieure; ou qui, s'infiltrant à travers les bords du canal, ou des sables cachés sous la superficie du terrain, vont créer des marécages sinistres dans la contrée inférieure. Il n'est pas jusqu'au cours du commerce qui n'ait aussi ses fantaisies parfois récalcitrantes. Enfin, l'on doit aussi se défier quelquefois des sollicitations chaleureuses qui sont faites par les habitants des localités, qui, en demandant l'établissement, sont loin d'y voir autre chose que la satisfaction de leurs intérêts personnels.

On voit par là qu'on ne peut trop méditer et recueillir trop d'instructions sur les probabilités des effets à venir, et des succès qui pourront résulter pour le public des entreprises de grands travaux à la charge de l'État.

659. Mais il ne s'agit pas seulement de la recherche des intérêts généraux de la société collectivement prise : il faut encore éviter, autant que possible, tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts particuliers des habitants des contrées où les travaux doivent être exécutés, et pourvoir à l'indemnité de ceux qui peuvent en souffrir quelques dommages.

Les mesures providentielles à prescrire par

l'administration se rapportent donc ici à deux chefs, dont le premier est relatif à la vérification de la cause de l'intérêt public par le balancement des dépenses qui sont à faire, avec les avantages qui doivent être à espérer de l'exécution de l'entreprise; et le second chef consiste à pourvoir aux indemnités dues aux individus des propriétés desquels on s'emparera pour former l'établissement qu'il s'agit de construire.

Les mesures à prescrire, soit en ce qui concerne l'appréciation de la cause de l'entreprise, soit en ce qui touche aux dépenses qu'elle doit occasionner, sont prévues et réglées par les ordonnances des 28 février 1851 et 18 février 1834 pour les ouvrages les plus importants.

Aux termes de ces ordonnances, qu'il faut voir, parce qu'il serait trop long d'en rapporter ici le contenu, il doit être d'abord fait, sur des bases très-larges, un avant-projet, à vue duquel la haute enquête administrative dont il est parlé doit être ouverte et exécutée en toute connaissance de cause.

660. Ce n'est qu'après ce premier préliminaire rempli, et lorsqu'il a été décidé que la construction serait entreprise, qu'on peut en venir à la discussion des intérêts privés des habitants des lieux qui seront occupés par les travaux et constructions; et c'est seulement ici que se présentent les faits d'expropriation qui seront à opérer sur les particuliers, d'après un second plan, sur lequel les lieux seront signalés en détail.

Observons d'abord, sur ce chef, qu'en tout ce qui touche aux mesures exigées pour le détail des expropriations, nous rentrons ici sous les prescriptions de la loi du 7 juillet 1833, qui a été spécialement portée sur cette matière, et dont nous allons très-sommairement signaler le contenu.

Pour que l'expropriation soit faite d'une manière éclairée, tant dans l'intérêt des propriétaires que dans celui de l'État qui doit en payer le prix, il faut d'abord que les fonds sur lesquels elle doit porter soient positivement indiqués, et que les particuliers auxquels ils appartiennent soient reconnus et avertis, afin qu'ils puissent faire leurs observations, et même former leurs contredites sur l'opération projetée : autrement ils se verraient en définitive condamnés sans avoir été entendus, ce qui serait contraire aux principes de l'équité.

661. Pour arriver à ce but, la première mesure à exécuter de la part de l'administration, consiste à faire opérer sur les lieux le tracé du canal, ou de la route, ou autre éta blissement qu'on veut construire.

Ce tracé une fois prévu et assis par l'œuvre

des ingénieurs, qui sont les éclaireurs locaux du pouvoir, l'administration doit les charger d'opérer la levée d'un plan parcellaire des terrains et bâtiments dont la cession leur parait nécessaire à l'exécution de l'entreprise. Toutefois les ingénieurs doivent opérer ce travail sur une base plus ou moins large, suivant les localités, attendu qu'en ce qui touche précisément au choix des fonds à exproprier, ces officiers instructeurs du préparatoire ne peuvent imposer la loi à l'administration, qui, par les diverses instructions qu'elle aura reçues, peut être portée à s'écarter plus ou moins du tracé précis qu'ils lui auront présenté d'abord.

662. Le plan des ingénieurs doit contenir en outre, et par commune, l'indication des noms de tous les propriétaires intéressés.

Ensuite de quoi un avertissement est collectivement adressé à ces propriétaires, par affiches et son de trompe, pour leur annoncer que le plan levé sur les lieux a été déposé au secrétariat de la commune, qu'ils sont invités à en prendre connaissance, et les avertir qu'il sera ouvert à la mairie un procès-verbal destiné à recevoir les déclarations, observations et contredits qui pourront y être consignés de leur part, et que l'on y recevra aussi les observations qu'ils jugeront à propos de fournir par écrit.

Il est ensuite institué à la sous-préfecture une commission présidée par le sous-préfet, et composée de quatre membres du conseil général de département ou du conseil d'arrondissement, désignés par le préfet, du maire de la commune où les propriétés sont situées, et de l'un des ingénieurs auxquels est confiée l'exécution des travaux : laquelle commission est chargée de recevoir les observations des propriétaires, même de faire les vues des lieux qu'elle peut juger nécessaires ou utiles pour mieux éclairer sa religion, et donner enfin son avis sur ce qu'elle croira le plus juste et le plus convenable dans la désignation et l'importance des fonds qui sont à occuper par l'établissement qu'on se propose d'exécuter.

C'est sur le vu des procès-verbaux de cette commission, comme encore de tous les autres documents qui peuvent y être annexés, ou recueillis d'ailleurs, que le préfet doit déterminer, par un arrêté motivé, les diverses propriétés qui doivent être cédées par les possesseurs qui en jouissent; et, par le même arrêté, le préfet doit indiquer aussi l'époque à laquelle l'administration publique pourra requérir sa mise en possession, sauf l'accomplissement des formes judiciaires dont il va être question ci-après.

SECTION IV.

pouvoir judiciaire, c'est qu'il opère sur les lieux, avec le concours d'un jury chargé

de l'intervention DU POUVOIR JUDICIAIRE DANS LES d'apprécier à leur juste valeur les fonds qui

EXPROPRIATIONS FORCÉES POUR CAUSE d'utilité PUBLIQUE.

665. L'action du pouvoir judiciaire n'en tre pour rien dans ce qui touche à la reconnaissance et déclaration de la cause d'intérêt public en vertu de laquelle l'expropriation est requise; et même les mesures préparatoires dont on vient de parler sont encore totalement étrangères à la compétence de ce pouvoir.

Cependant il y a trois choses qui sont subordonnées à sa mission:

La première consiste dans la vérification qu'il doit faire sur la question de savoir si toutes les formalités préalablement prescrites par la loi, pour rendre légale l'expropriation, ont été exactement remplies.

La deuxième consiste à prononcer l'expropriation, quand il est une fois reconnu que ces formalités ont été accomplies, ou à prononcer, au contraire, et indéfiniment, le sursis à l'expropriation, si les formalités voulues par la loi n'en ont pas été fidèlement accomplies.

La troisième, enfin, consiste à fixer le taux ou le montant du prix de la vente, quand il n'y a pas eu à ce sujet un accord amiablement arrêté entre les propriétaires et l'administration publique.

664. Pour faire parfaitement sentir les principes de la haute équité qui ont nécessité l'intervention du pouvoir judiciaire dans les causes de cette nature, il suffit de remarquer l'immense disparité qui existe entre les contrats de vente ordinaires et les concessions de fonds exigées pour cause d'utilité publique.

Dans les ventes ordinaires, c'est le vendeur qui fait la loi aux contrats; ici, au contraire, ce sont les agents de l'autorité publique qui la lui imposent.

Quand il s'agit d'expropriation pour cause d'utilité publique, c'est un simple citoyen qui se trouve en lutte avec le gouvernement qui l'exige la force pourrait donc trop facilement l'emporter sur la justice, si la loi ne venait au secours du faible. C'est pourquoi, le droit de propriété étant, comme celui de la liberté des personnes, constitutionnelle ment placé sous l'égide du pouvoir judiciaire, il faut ici l'intervention des tribunaux, dont les membres, institués à vie, se trouvent fortifiés, dans l'exercice de leurs fonctions, par le sentiment de la plus grande indépendance.

Et ce qui complète ici toute l'énergie du

sont à céder d'où il résulte que les proprié taires n'ont à craindre aucune oppression ni surprise dans la fixation de l'indemnité qu'ils auront à recevoir.

C'est dans ces vues de haute équité qu'ont été conçus, sur la matière qui nous occupe, plusieurs articles de la loi du 7 juillet 1835, dont il nous reste à exposer les diverses dispositions.

663. Suivant le principe consacré par l'article 1er, l'expropriation pour cause d'utilité publique s'opère par autorité de justice; c'est-à-dire que c'est à l'autorité judiciaire qu'il appartient de prononcer la consommation du contrat d'aliénation, lorsqu'elle a reconnu que les formalités préparatoires ou préalables en ont été fidèlement accomplies.

«

Aux termes de l'article 2, «<les tribu<< naux ne peuvent prononcer l'expropriation « qu'autant que l'utilité aura été constatée « et déclarée dans les formes prescrites par << la loi 1.

« Ces formes consistent,

« 1o Dans la loi ou l'ordonnance royale qui autorise l'exécution des travaux pour « lesquels l'expropriation est requise;

20 Dans l'acte du préfet qui désigne les «<localités des territoires sur lesquels les tra<< vaux doivent avoir lieu, lorsque cette désignation ne résulte pas de la loi ou de l'or« donnance royale;

[ocr errors]

3o Dans l'arrêté ultérieur par lequel le « préfet détermine les propriétés particu«lières auxquelles l'expropriation est appli<< cable.

« Cette application ne peut être faite à « aucune propriété particulière, qu'après << que les parties intéressées ont été mises « en état de fournir leur contredit, selon les règles exprimées au titre 2. » Ce sont les règles que nous venons d'indiquer ci-dessus.

[ocr errors]

666. Après toutes les mesures que nous avons mentionnées jusqu'ici, et plusieurs autres qu'on peut voir plus amplement détaillées dans la loi, l'action doit être, à requête du ministère public, portée au tribunal d'arrondissement de la situation des biens, lequel, sur la production des pièces constatant l'accomplissement des formalités prescrites, prononce l'expropriation, et à défaut de convention amiable entre l'administration et les parties intéressées, nomme un de ses membres pour remplir les fonctions de directeur

1 V. l'art. 4 de la loi belge du 17 avril 1855, qui est conçu dans le même sens.

« PreviousContinue »