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en paix la victoire qui ne peut manquer à la vérité, et le sentiment des sages qui prend toujours le dessus.

En effet on sent dans le monde, qu'ils sont rebutés par cette incroyable hardiesse de nier tout jusqu'aux faits les plus innocens, et d'assurer sans preuve tout ce qu'on veut, jusqu'à m'accuser deux et trois fois d'avoir révélé une confession générale qui ne m'a jamais été faite. Qui peut croire que M. de Paris, que M. de Chartres, des prélats, pour taire ici leurs autres louanges, d'une piété et d'une candeur si connue, avec qui je suis uni comme on voit dans tous les actes publics, me fussent contraires en secret, jusqu'à détourner M. de Cambray d'approuver mon livre, qu'ils ont eux-mêmes approuvé, et jusqu'à s'unir pour sauver le sien qu'ils rejetoient avec moi comme plein d'erreurs? Quand nous n'aurions que l'avantage d'être trois irréprochables témoins d'une même vérité, et des juges qu'il a choisis, dont selon les canons il est obligé de suivre la foi, devons-nous craindre, que les gens désintéressés nous refusent leur croyance? Pour dire un mot de moi en particulier, et sur un fait dans le fond très-indifférent, étois-je indigne d'être invité par M. de Cambray à faire son sacre : moi qu'il appeloit, quoique indigne, son père et son maître : moi à qui il avoit soumis et soumettoit sa doctrine comme à un homme en qui il regardoit non pas un très-grand docteur, car c'est ainsi qu'il daignoit parler, mais Dieu même? Cependant il se récrie contre ce fait, comme s'il étoit au-dessous de lui d'être sacré de mes mains et au lieu que les évêques ont accoutumé de se tenir honorés par le ministère d'un consécrateur, et qu'on croit en recevoir une grace, celui-ci ne cesse de me reprocher un empressement ridicule1: de quoi? de faire une cérémonie? de m'autoriser davantage contre M. de Cambray? car que peut-on imaginer dans cette occasion qui m'ait pu faire briguer comme une faveur, l'honneur de le sacrer? Mais après tout je n'ai pas dessein de m'arrêter davantage à un fait de nulle importance, et je laisse à M. de Cam1 Rép. à la Relat., chap. IV, VII, p. 92, 93, 130.

bray le plaisir d'en dire tout ce qu'il voudra. Ce qu'il y a d'important, c'est de bien connoître l'affectation de tout nier, et de faire finesse des moindres choses.

Ceux qui prendront les tours d'esprit pour des faits, et toutes les belles paroles pour des vérités, n'ont qu'à se livrer à M. de Cambray, il saura les mener loin. Pour passer à un autre exemple, le monde approuvera-t-il le semblant de ne pas connoître ce religieux de distinction qui voulut avec amitié lier entre nous une conférence 1, comme je l'ai raconté dans ma Relation"? Personne ici n'a méconnu ce religieux, et ce n'est que pour ceux qui sont éloignés que je nommerai avec honneur le Père confesseur du Roi. Il a lui-même raconté le fait à vingt personnes illustres, et avec sa noble franchise il dit encore aujourd'hui à quiconque le veut entendre, que sur la proposition de la conférence la réponse de M. de Cambray fut beaucoup plus dure que je ne l'ai rapportée. Assurément je ne ferai pas dépendre la cause de ce fait particulier, après avoir établi les faits essentiels par des preuves littérales et incontestables. Prendra-t-on sérieusement sur une simple allégation, sans preuves et sans témoins, tout, ce qu'imagine M. de Cambray de mes hauteurs, de mes vanteries, de mes confidences, de mes perpétuels emportemens, de mes larmes feintes, et des autres faits de cette nature avancés en l'air par un homme qui est fàché de voir à la fin toutes ses finesses découvertes, et ne sait quelle raison en rendre au public? Je ne le crois pas; et plusieurs amis me conseillent de me fier à la solidité de mes preuves. D'autres disent qu'il faudroit en effet s'en tenir là: s'il n'y avoit que les ames fortes qui se mêlassent de juger de ce différend: si une cabale irritée, dont les ressorts se découvrent dans tout le royaume, ne s'appliquoit pas à surprendre les infirmes, et qu'il ne fallut pas leur donner des précautions salutaires contre les piéges les plus fins qu'on ait jamais tendus aux ames simples. Puisque ce dernier parti est visiblement celui de la charité, j'y

1 Rép. à la Relat., chap. vII, p. 135.

2 Relat., VIIIe sect., n. 5.

donne les mains. Pour éluder des faits convaincans, M. de Cambray a fait les derniers efforts, et a déployé toutes les adresses de son esprit. Dieu l'a permis pour me forcer à mettre aujourd'hui en évidence le caractère de cet auteur, afin que la vérité, s'il se peut, n'ait plus rien à craindre de son éloquence. Je ne pourrai éviter un peu de longueur dans le dessein que je me propose d'insérer ses propres paroles et de longs passages dans ce discours. Je voudrois malgré ses redites continuelles, pouvoir ici rapporter toute sa Réponse et le suivre page à page : l'étendue démesurée d'un tel ouvrage m'en a seule détourné: mais je choisirai tous les endroits importans; et le livre de M. de Cambray étant entre les mains de tout le monde, je ferai si bien que tout équitable lecteur me rendra le témoignage d'avoir rapporté au long ce qu'il contient de plus fort.

On verra dans les articles suivans qu'il m'insulte perpétuellement sur des faits sans preuve, pendant que je prouve le contraire par lui-même et par actes: que sa réponse se dément partout: qu'il défend plus que jamais madame Guyon: qu'il change l'état de la question, et me fait dire à chaque page tout le contraire de ce que je dis. Commençons: et dès l'Avertissement voyons ses vains avantages et ses vains triomphes.

SUR LA

RÉPONSE A LA RELATION SUR LE QUIÉTISME.

ARTICLE PREMIER.

Sur l'Avertissement.

§ I. Du recours aux procédés, et s'il est vrai que je n'aie point répondu aux dogmes.

M. DE CAMBRAY.

1. «Avant que d'éclaircir à fond l'histoire de madame Guyon, dont on m'accuse sans fondement de ne condamner pas les livres, je ne demande au lecteur qu'un moment de patience, pour lui faire remarquer quel étoit l'état de notre dispute, quand M. de Meaux a passé de la doctrine aux faits '. » C'est ainsi que commence l'Avertissement de M. de Cambray, et il suppose ces faits comme constans : « J'ai prouvé à ce prélat, dans ma Réponse à la Déclaration et dans mes dernières lettres, qu'il avoit altéré mes principaux passages pour m'imputer des sentimens impies, et il n'a vérifié aucun de ces passages suivant ses citations. J'ai montré des paralogismes qu'il a employés pour me mettre des blasphèmes dans la bouche, et il n'y répond rien. » C'est là qu'il rapporte au long toutes ses demandes et toutes ses objections; et il suppose, comme si c'étoit un fait avéré, que je n'y ai fait aucune réponse. Après quatre pages de cette sorte, où il allègue sans aucune preuve tout ce qu'il lui plait sur mon impuissance à répondre, il conclut en cette sorte: « Dans cet embarras, l'histoire de madame Guyon paroît à M. de Meaux un spectacle propre à faire oublier tout à coup tant de mécomptes sur la doctrine.» Et 1 Rép. à la Relat., Avert., p. 3.

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2 Ibid.

un peu après : « Mais est-il juste de croire qu'il parle sans prévention sur des choses secrètes, et qu'il n'allègue que quand il manque de preuves pour les publiques? Avant que d'être reçu à alléguer des faits secrets, il doit commencer par vérifier toutes les citations de mon texte que je soutiens dans mes réponses qu'il a altérées 1. » Et enfin : « Voilà, conclut-il, le point de vue, d'où le lecteur doit regarder cette nouvelle accusation. >>

RÉPONSE.

2. J'arrête dès ce premier pas un sérieux lecteur, pour lui demander s'il croit que cette dispute soit un jeu d'esprit, où il soit permis de dire tout ce qu'on veut, pourvu qu'on ait de belles paroles. On diroit à ces beaux discours, que M. l'archevêque de Cambray n'a jamais parlé des procédés: qu'il n'a pas dit que le nôtre étoit si étrange et si odieux, que le récit n'en trouveroit aucune créance parmi les hommes: que ce n'est pas lui qui nous a pressé le premier par cent reproches amers, à répondre aux faits qu'il nous objecte. Mais encore que je doive bientôt relever cette circonstance; pour commencer maintenant par quelque chose de plus décisif, s'il est vrai, comme on le suppose, que je sois passé aux faits et aux procédés, avant que d'avoir satisfait aux dogmes, je veux bien que l'on accorde à M. de Cambray tout l'avantage qu'il demande : mais si au contraire il est évident que je ne suis venu aux procédés, qu'après avoir établi les dogines par mes écrits précédens; si ma Relation sur le quiétisme n'est qu'une suite de la Réponse à quatre lettres de ce prélat; réponse qu'il a vue, qu'il a citée; que j'ai finie, en lui déclarant qu'après avoir traité tout le dogme par principes démonstratifs : « je n'avois plus à le satisfaire que sur les faits et les procédés, puisqu'il le demandoit avec tant d'instance : » peut-on dire avec la moindre couleur, que je ne viens aux procédés que par impuissance de répondre aux dogmes?

1 Rép. à la Relat., p. 8. 2 Ibid., p. 10. dessous, n. 17, 18. 5 Rép. à quatre Lett.

3 Rép. à la Décl., p. 6.

Ci

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