Page images
PDF
EPUB

19. » M. l'archevêque de Paris a suivi la même con-duite, » etc. '.

RÉPONSE.

20. Je défendrai donc tout ensemble par une seule et même raison la conduite de ce prélat et la mienne. Pour la mienne, elle consiste en deux choses: dont l'une est ce que je condamne dans Madame Guyon; et l'autre est ce que j'y excuse: ce que j'y condamne est encore subdivisé en deux points, dont l'un regarde ses erreurs, et l'autre regarde sa conduite.

21. Pour les erreurs, l'attestation porte: « que je l'ai reçue aux sacremens au moyen des actes qu'elle avoit signés devant moi. >> Or ce qu'elle y avoit signé, c'étoit, comme l'avoue M. de Cambray, la formelle condamnation de ses livres comme contenant «une mauvaise doctrine, et toutes ou les principales propositions réprouvées dans les Articles d'Issy.»

22. S'il y avoit quelque erreur singulièrement pernicieuse dans la doctrine, c'étoit la suppression des demandes et des actions de graces. Or j'avois pourvu à ce point en lui prescrivant dans l'acte qu'elle souscrivoit, « de faire au temps convenable les demandes, et autres actes de cette sorte, comme essentiels à la piété, et expressément commandés de Dieu, sans que personne s'en puisse dispenser, sous prétexte d'autres actes prétendus plus parfaits ou éminens, ni autres prétextes quels qu'ils soient. » Ainsi signé dans l'original: † J. BENIGNE, évêque de Meaux, J. M. B. DE LA MOTHE-GUYON: en date du 1er de juillet 1695.

23. Quiconque saura comprendre où consiste le quiétisme, verra que non-seulement il étoit condamné en général, mais encore en particulier expressément proscrit par ces paroles: par où aussi se justifie clairement ce qui est porté dans la Relation3, qu'on a fait en particulier condamner par actes à madame Guyon, les principales propositions du quiétisme auxquelles aboutissoient toutes les autres. La plus sévère critique peut-elle rien opposer à cette condamnation des erreurs?

24. Pour les conduites particulières de madame Guyon, qu'y

[blocks in formation]

avoit-il de plus efficace pour la réprimer, « que les défenses par elle acceptées avec soumission, d'écrire, enseigner et dogmatiser dans l'Eglise, ou de répandre ses écrits imprimés ou manuscrits, ou de conduire les ames dans les voies de l'oraison ou autrement? » Qu'y a-t-il à craindre de ses visions, de ses prophéties, ni en général de ses livres imprimés ou manuscrits, quand on les défend tous également? Et en général, qu'y a-t-il à craindre de la direction d'une personne, à qui « on défend d'écrire, enseigner, dogmatiser, diriger ou conduire sous quelque prétexte que ce soit? » Que M. l'archevêque de Cambray, qui n'aspire plus qu'à se justifier en m'accusant, pousse sa critique où il voudra, il ne trouvera rien d'omis dans cette attestation qu'il a rapportée ; et si madame Guyon avoit été fidèle à des soumissions si expresses, l'affaire étoit finie de son côté. Je suis donc autant irrépréhensible à réprimer sa conduite qu'à condamner ses erreurs.

25. Il y a un point où je lui ai laissé déclarer ce qu'elle a voulu pour sa justification et son excuse, et c'est celui des abominables pratiques de Molinos, où mon attestation porte que je ne l'ai << point trouvée impliquée, ni entendu la comprendre dans la mention que j'en avois faite dans mon Ordonnance du 16 avril 1695. » C'est qu'en effet je ne voulois pas entamer cette matière pour des raisons bonnes alors, mais qui pouvoient changer dans la suite: ce qui après tout n'étoit pas tant justifier madame Guyon, que suspendre l'examen de ce côté de l'affaire. Ainsi j'ai tàché, selon la parole et l'exemple de Jésus-Christ, à garder toute justice, et à satisfaire également à tout ce que la charité et la vérité me demandoient.

26. De cette sorte mon attestation, que M. l'archevêque de Cambray a produite pour me convaincre, a démontré mon entière justification puisque ce prélat n'accuse M. de Paris que de la même conduite, il faut qu'il se taise à son égard comme au mien. J'ajouterai seulement que M. l'archevêque de Paris a plus fait que moi, et que les expresses contraventions à des paroles souscrites, dont madame Guyon a depuis été convaincue, ont obligé ce prélat à de plus grandes précautions envers cette femme: en sorte 1 Rép. à la Relat., chap. 1, p. 16.

que s'il faut jamais produire les actes entiers, au lieu que M. de Cambray les a donnés par lambeaux, et avec des additions supposées, ils le couvriront encore plus de confusion qu'il ne l'est par l'évidence de ce que j'ai dit, et par l'impossibilité de prouver la moindre chose de ce qu'il avance.

§ VII. S'il est vrai que je n'aie rien répondu sur le sujet de
madame Guyon.

M. DE CAMBRAY.

27. Tout l'artifice de M. de Cambray est de me représenter toujours comme un homme qui ne répond rien1, à qui ensuite il compose des réponses à sa fantaisie, en supprimant les miennes qui sont sans réplique. En voici un exemple : « Pourquoi M. de Meaux se vante-t-il de me convaincre de faux ? En avouant le fait que j'avance, c'est-à-dire la communion de Paris qu'il lui donna de sa propre main, il ne répond rien (remarquez ce mot) aux fréquentes communions qu'il lui a permises à Meaux pendant six mois, sans lui avoir jamais fait avouer ni rétracter ce fanatisme, où elle se croyoit la femme de l'Apocalypse, et l'épouse audessus de la mère. »

RÉPONSE.

28. Je ne réponds rien, dit-il, je n'ai rien fait avouer à madame Guyon? N'est-ce rien répondre, que de dire qu'on lui a laissé les sacremens, à cause de sa soumission absolue, et réitérée par tant de déclarations de vive voix, et par tant d'actes souscrits de sa main? Pour venir au particulier, M. de Cambray oseroit-il dire que je n'ai rien déclaré à madame Guyon de mes sentimens contre ses erreurs, que le public connoissoit après ce qui est écrit dans les Etats d'Oraison sur la signature des Articles; et sur sa souscription aux censures du 16 et du 25 avril 1695, contre ses livres comme contenant une mauvaise doctrine? Veut-on venir aux conduites particulières de cette femme? n'ai-je pas dit que je commençai par défendre ces absurdes communications de 2 Ibid., p. 33. 3 Inst. sur les Etats

1 Rép. à la Relat., chap. 1, p. 32. d'Or., liv. X, n. 21.

graces; et que madame Guyon répondit qu'elle obéiroit à cette défense aussi bien qu'au commandement « donné exprès pour l'empêcher de se mêler de direction, comme elle faisoit avec une autorité étonnante 1?» M. de Cambray ne lit pas le livre qu'il réfute; il ne lit que ce qui convient à sa prévention et à l'avantage qu'il veut prendre, en disant qu'on ne lui répond jamais rien.

:

29. Pour peu qu'il eût consulté mon livre, il y auroit lu que le 4 de mars 1694, j'écrivis une grande lettre à madame Guyon, où je lui marquois tous mes sentimens « sur ces prodigieuses communications, sur l'autorité de lier et délier, sur les visions de l'Apocalypse, et les autres choses que j'ai racontées 2. » Voilà donc une réponse précise sur les chefs où l'on assure que je ne réponds rien. J'ajoute que la réponse de madame Guyon, qui suivit de près cette grande lettre, étoit très-soumise; et s'il en faut dire les termes pour contenter M. de Cambray, madame Guyon y répète à chaque ligne: « Je me suis trompée : j'accuse mon orgueil, ma témérité, ma folie; et remercie Dieu qui vous a inspiré la charité de me retirer de mon égarement: je renonce de tout mon cœur à cela je consens tout de nouveau qu'on brûle mes écrits et qu'on censure mes livres, n'y prenant aucune part. » Il s'agissoit donc tant de la doctrine que de la conduite: car ma lettre du 4 de mars lui représentoit également ses excès, ses égaremens, ses erreurs insupportables et insoutenables dans les termes, dans les choses mêmes et sur le fond; dans les expressions, dans les sentimens; contre la raison, contre l'Evangile, contre l'esprit de l'Eglise elle répond à tout cela en avouant, en se soumettant sans réserve: n'est-ce rien lui faire avouer, que de lui faire avouer toutes ces choses? On nous la représente comme une personne qui nous soutenoit qu'elle n'avoit jamais eu aucune erreur de celles qu'on lui faisoit condamner; cette lettre montre un esprit tout contraire: ajoutez toutes les défenses portées dans les actes, et dans la propre attestation que M. de Cambray produit. Il ose dire après cela que je n'ai rien répondu, lui qui sait, qui voit de ses yeux toutes mes précises réponses, dans ma Relation, dans un livre qu'il a en main, et sur lequel il travaille. Non-seulement 1 Relat., 11e sect., n. 3, 4, 9. 2 lbid., n. 21.

j'ai répondu, mais encore ma réponse est irréprochable. J'ai les deux lettres dont il s'agit: la mienne dans une copie que j'en retins alors, et celle de madame Guyon en original la seule crainte d'embarrasser le lecteur d'une longue et inutile lecture m'empêcha de les produire. Mais enfin M. de Cambray veut-il n'avoir jamais vu ces lettres mentionnées dans ma Relation, ou veut-il les avoir vues? Ce qu'il lui plaira; car il lui faut laisser le champ libre, pour dire ce qu'il veut avoir vu ou non s'il les a vues, et que madame Guyon, qui lui rendoit compte de tout, les lui ait communiquées, il m'accuse à tort de n'avoir satisfait à rien, puisqu'il paroît par ces lettres que j'ai satisfait à tout. Mais s'il veut n'avoir rien vu de tout cela, et qu'il m'accuse cependant au hasard, et sans en rien savoir, d'avoir manqué à tous mes devoirs, il est le plus injuste de tous les accusateurs, et il dit tout à sa fantaisie.

30. Il répond peut-être dans l'humeur contredisante qui le tient, qu'il falloit rendre ces lettres publiques: quoi? dans le temps qu'on espéroit de ramener une ignorante soumise? quel prodige d'inhumanité? Il faut noter publiquement les erreurs publiques : il faut même découvrir les plaies cachées, quand elles paroissent irrémédiables et contagieuses: voilà les règles de l'Evangile, que j'ai suivies le contraire est outré ou foible.

:

§ VIII. Réflexions sur l'article second.

31. On voit d'abord qu'il n'y a rien de sérieux dans le discours de M. de Cambray : ce ne sont que jeux d'esprit, que tours d'imagination. Tout ce qui lui fait si fort estimer madame Guyon, dans tout autre auroit produit un effet contraire: il ne garde pas même l'ordre des temps. Pour fonder l'estime qu'il fait commencer environ en 1689, il allègue des lettres et des actes de 1694 et de 1695. C'est vouloir montrer qu'il l'estime encore, depuis même qu'elle est condamnée par les prélats qu'il appelle en témoignage. Il n'y a que la lettre de 1683 de feu M. de Genève, qui précède la date que M. de Cambray a donnée au commencement de son estime. Mais cette lettre éloigne madame Guyon comme la peste

« PreviousContinue »