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Démons

tration par

de Dieu.

créature: mais pour être le motif second et moins principal, il ne s'ensuit pas qu'il soit séparable; de sorte que le dénouement de toute la difficulté est que l'Ecole, comme je l'ai dit1, a bien ordonné et arrangé, mais non jamais séparé les motifs d'aimer.

11. La parole de Dieu y est expresse: « Vous aimerez le Seila parole gneur votre Dieu: » le Seigneur : il est excellent et parfait dans sa nature votre Dieu: il est communicatif: il vous ordonne de l'aimer, «< afin que vous soyez heureux: ut benè sit tibi: parce qu'il vous est uni: patribus tuis conglutinatus est Dominus: aimez donc le Seigneur votre Dieu ama ergò Dominum Deum tuum. » Voilà les motifs unis et inséparables exprimés dans le précepte: l'Ecole vient là-dessus, et arrange ces motifs sans les séparer le premier et le spécifique, comme elle parle, est l'excellence de Dieu considéré en lui-même : le second et moins principal, mais néanmoins inséparable dans le précepte même, est qu'il est nôtre, ce qui emporte qu'il est communicatif: la charité regardée dans son motif primitif et spécifique est indépendante de ce motif; l'Ecole le dit, et on l'en peut croire sans péril: la charité est indépendante de la vue de Dieu communicatif, comme d'un motif second et moins principal, excitatif et augmentatif, mais néanmoins inséparable du premier; l'Ecole ne le dit pas, et il n'étoit pas permis à M. de Cambray de l'avancer.

Ma pensée

12. Ainsi quand il me reproche à toutes les pages 3 « que je mal prise. mets la source du quiétisme dans l'amour indépendant de la béatitude, et de Dieu communicatif et communiqué, il m'impose, comme on vient de voir, puisque je ne fais que rejeter un mauvais sens que je démontre contraire à toute l'Ecole.

mes senti

M. de

même.

Preuve de 13. Telle est la doctrine que nous soutenons contre Molinos, mens par contre Malaval, contre madame Guyon, contre M. de Cambray Cambray qui est venu le dernier de tous leur prêter toutes ses plus belles couleurs. J'ai montré qu'il est lui-même demeuré d'accord que je distinguois les objets de la charité « premiers et seconds, et que j'établis l'excellence de la nature divine mise en elle-même. comme l'objet primitif et spécifique de la charité 3, » qui est le

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but de l'Ecole : tout ce que dit ce prélat pour obscurcir mon sentiment appartient au fond, et n'empêche pas qu'il ne soit constant dans le fait, de son propre aveu, que l'autorité de l'Ecole est entière dans tous mes écrits.

1

Autre

fausse im

14. Quand donc il me dit ailleurs : « Il est visible que vous n'admettez le motif secondaire de la charité que pour apaiser putation. l'Ecole par cette mitigation apparente,» il me donne un dessein indigne d'un théologien : mais en même temps il oublie que j'ai pris ces termes et cette doctrine des deux princes de l'Ecole, saint Thomas et Scot, comme je l'ai démontré ailleurs 2.

15. Et quand ce même prélat veut qu'on croie sur sa parole et sans preuve, que j'ai voulu condamner l'amour désintéressé3, dans la défense duquel expressément je fais concourir tous les docteurs scolastiques, comme il paroît par tous les endroits qu'on vient de citer, la bonne foi lui devoit avoir imposé silence.

cours et

fait mal

pose.

16. Lorsqu'il met en fait cet article : « L'Ecole, qu'on m'oppo- Vains dissoit sans cesse, s'est tournée contre M. de Meaux sur la charité : >> on diroit qu'il a obtenu contre moi le décret du moins de quelque fameuse Université; mais cela n'est pas, et il a tenté vainement de soulever les plus célèbres.

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Offre de

M. de

17. Il me fait pourtant ailleurs une belle offre et c'est d'assembler l'Ecole, pour lui faire dire ce qu'elle a cru depuis cinq Cambray cents ans. Que prétend-il? quoi? de mettre ensemble toutes les écoles, ou d'en consulter quelques-unes sur une matière qui va être jugée par le Pape? C'est ce qu'il demande; et il ne cesse de nous proposer quelque nouveau procédé. Il a fait ce qu'il a pu pour émouvoir les Universités : il les a sérieusement averties de prendre garde à un prélat qui par de secrètes machinations avoit entrepris de détruire leurs communes notions: » il a tâché d'exciter l'Eglise romaine : « Voilà, dit-il, mes sentimens sur la charité; voilà ce qui mérite d'être examiné de bien près par l'Eglise romaine, et ce que je suppose que M. de Meaux lui soumet aussi absolument que je lui ai soumis mon livre : c'est là

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Déclara

tion à M.de

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dessus, dit-il ailleurs', que nous pouvons demander au Pape un prompt jugement: c'est là-dessus que M. de Meaux doit être aussi soumis que moi c'est cette soumission qu'il devoit avoir promise il y a déjà longtemps, par rapport à toutes les opinions singulières que j'ai recueillies de son premier livre : » c'est celui sur les Etats d'Oraison. Vain artifice pour introduire une nouvelle question, et faire donner des examinateurs à mon livre comme au sien. Mais il crie en vain rien ne s'émeut: ma foi, qui n'est suspecte en aucun endroit, ne demande point de décla ration particulière de ma soumission; c'est que je m'attache au chemin battu par nos pères : je ne veux point donner un spectacle au monde ami de la nouveauté, ni étaler de l'esprit, en montrant qu'on peut tout défendre. On a vu ailleurs ce qui s'est passé sur mon livre et les récriminations de M. de Cambray n'ont eu d'autre effet que de faire voir d'inutiles tentatives pour embrouiller une affaire toute en état.

:

2

18. Nous déclarons done à M. l'archevêque de Cambray qu'on Cambray. ne lui fera jamais de procès sur des opinions d'Ecole : tous les passages qu'il cite de moi au préjudice d'une déclaration si expresse, sont tronqués ou pris manifestement à contre-sens : je ne puis pas entreprendre ici cette discussion déjà faite; que le lecteur en fasse l'épreuve : il verra qu'on m'impose partout, et que les passages contre lesquels M. de Cambray se récrie le plus, sont justement ceux où son tort est plus sensible.

Vain argu

ment de

disputes de

19. Il fait connoître que ma foi sur la charité lui étoit suspecte M. de il y avoit déjà longtemps, et dès le commencement qu'il me mit Cambray tire de mes en main l'affaire de madame Guyon. « Je n'ignorois pas, dit-il, Sorbonne. Son opinion sur la charité, qu'il avoit déjà publiée avec beaucoup de vivacité dans les thèses où il présidoit. » Malheureuse vivacité, s'il en reste encore à mon âge, qui m'attire tant de reproches de M. l'archevêque de Cambray ! Il faudroit pourtant marquer les excès où elle m'auroit emporté. Mais quoi ! mes disputes de Sorbonne seront une preuve contre moi; et si selon la coutume pour exercer un habile répondant, je m'avise de lui proposer avec force quelque argument contre de saines doctrines, 1 Rép., p. 169. - 2 Relat., VIe sect., n. 7. - 3 Rép., p. 24.

M. de Cambray m'en fera un crime? C'est ce qu'on présume quand on se voit en état de faire valoir par son éloquence jusqu'aux moindres choses.

20. Si je suis suspect sur la charité par mes argumens de Sorbonne, d'autre part je suis outré sur cette matière dans les thèmes que je donnois à Monseigneur le Dauphin1. C'étoit en abrégé l'Histoire de France: M. de Cambray n'y trouvoit rien à reprendre, puisque cette Histoire abrégée a fait partie des leçons de Monseigneur le duc de Bourgogne, et souvent on m'a fait l'honneur de m'admettre à cette lecture. Voici maintenant ce qu'on y trouve c'est que j'y ai rapporté l'Instruction de saint Louis à sa fille Isabelle, où il lui disoit : « Ayez toujours intention de faire purement la volonté de Dieu par amour, quand vous n'attendriez ni punition ni récompense. » Qu'y a-t-il de nouveau dans ces paroles? Ce sont là de ces suppositions impossibles qu'on trouve dans tous les livres : la question est si en les faisant on peut s'empêcher de nourrir secrètement dans son cœur le chaste amour de la récompense, qui est Dieu même et si cette récompense, au lieu d'affoiblir le pur amour, n'est pas un moyen de l'enflammer, de l'accroître, de le purifier davantage, n'est-ce pas amuser le monde que de tirer un avantage particulier des paroles dont tout le monde est d'accord? J'en dis autant de cette femme tant louée par saint Louis, « qui vouloit brùler le paradis, et éteindre l'enfer, afin qu'on ne servit Dieu que par le seul amour. » Quoi? le paradis qu'elle vouloit brûler, étoit-ce l'amour éternel causé par la vision de la beauté infinie et par la parfaite jouissance du bien véritable? Vouloit-elle éteindre dans l'enfer la peine d'être privé de Dieu; et son dessein étoit-il de rendre les hommes insensibles et indifférens à cette privation? S'ils n'y sont pas insensibles, ils sont donc sensibles au désir de cet amour éternel qui rend les hommes bienheureux. Si l'on dit que le désir de cet amour, au lieu d'enflammer l'amour pur, l'affoiblit et le dégrade, ou qu'on le puisse séparer de l'amour de Dieu, on confond toutes les idées et de la raison et de la foi. Je n'en veux pas davantage, et avec cette seule vérité toutes les excla1 IIIe Lett. de M. de Cambray pour servir de rép. à celle de M. de Meaux, p. 49.

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Etranges

paroles de

mations de M. l'archevêque de Cambray tombent dans le froid. 21. Je suis étonné de ces paroles : « Pour moi je n'ai jamais M. l'arche- proposé ce pur amour à Monseigneur le duc de Bourgogne1: » Cambray par où il achève de nous montrer qu'il n'y a rien de sérieux dans thèmes. ses discours : car en premier lieu comment peut-il dire qu'il n'a

vêque de

sur ces

Dernière

conclusion

pur amour

Cambray.

jamais proposé cet amour à Monseigneur le duc de Bourgogne? N'étoit-ce pas lui en parler assez, que de lui faire lire avec attention et approbation cet abrégé de l'histoire, qui avoit fait le sujet des thèmes de Monseigneur le Dauphin? En second lieu quelle finesse trouve-t-il à n'avoir jamais parlé d'un tel amour au grand prince qu'il instruisoit? où étoit l'inconvénient de lui faire lire les sentimens de saint Louis? Ne sont-ils pas en effet, comme il remarque lui-même que je l'ai dit dans cet abrégé, un héritage que ce saint roi a laissé à ses descendans, plus précieux que la couronne de France? Pourquoi priver de cet héritage Monseigneur le duc de Bourgogne si capable de le recueillir? En troisième lieu, ce pur amour, que saint Louis enseignoit à ses enfans, est-il d'une autre nature que celui que toute l'Ecole attache à la charité toujours désintéressée selon saint Paul? En quatrième lieu, il montre donc que sous le nom de pur amour il entendoit son pur amour du cinquième rang: c'est celui-là que j'accuse d'être la source du quiétisme; et nous devons louer Dieu s'il ne l'a jamais enseigné à Monseigneur le duc de Bourgogne, puisqu'il n'a jamais dû ni le défendre lui-même, ni l'enseigner à personne; n'y ayant rien de plus indigne de la théologie chrétienne que d'établir un pur amour qu'on n'ose proposer aux enfans de Dieu, ni même en entretenir un âge innocent.

22. C'est néanmoins pour ce pur amour que combat M. de contre le Cambray il combat pour un pur amour, qui non-seulement est de M. de inaccessible aux saintes ames, mais encore les trouble et les scandalise. Nous lui laissons ce pur amour, puisqu'il veut mettre sa gloire à le défendre, et nous soutiendrons celui qu'on enseigne aux chrétiens depuis l'âge le plus tendre jusqu'à la vieillesse la plus avancée.

1 Rép., p. 50. - 2 Max. des SS., p. 34, 35.

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