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II. Démons

M. de

dans sa

pastorale.

premier

de cette

tration.

bord dans votre livre vous faisiez donc voir que vous entendiez comme les autres, ces deux termes sur lesquels tout le livre roule ce qu'ayant changé depuis par de nouvelles explications qui n'avoient plus rien de commun avec celle-là, deux vérités se sont découvertes : l'une que votre première Défense vous a paru insoutenable, puisque vous étiez contraint de l'abandonner : et l'autre, que vos secondes Défenses d'amour naturel et de principe intérieur n'étoient pas du premier dessein de votre livre, puisque votre Explication aux pressans argumens de M. de Chartres, n'en disoit mot.

La Démonstration de M. de Chartres consiste principalement tration de dans les oppositions que ce prélat a montrées entre cette preChartres mière Explication et celles qui ont commencé à paroître après Lettre dans votre Instruction pastorale. Il ne faut point ici perdre le Aveu du temps à prouver cette opposition. Votre Instruction pastorale fait principe rouler, comme on vient de voir, tout le dénouement de votre démons- livre des Maximes sur deux choses, qu'il faut toujours avoir devant les yeux premièrement, sur l'intérêt propre, que vous prétendez avoir pris pour un amour naturel de nous-mêmes 2 : et secondement, sur le terme de motif, que vous dites avoir entendu, non comme l'objet ou la fin qui nous détermine à vouloir, mais comme le principe (intérieur) d'amour par lequel on agit, et la passion qui remue le cœur ; tout cela ne se trouve point dans votre première Explication adressée à M. de Chartres; vous en convenez, et c'est aussi ce qui paroît par la seule lecture: par conséquent de votre aveu propre, vous avez manifestement varié sur le fond de votre livre, et vos secondes Explications ont démenti les premières.

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Cet aveu est évident par votre Première Lettre en réponse à la Lettre pastorale de M. de Chartres; puisque pour sauver la variation manifeste de vos écrits dans le dénouement essentiel de votre système, votre seul expédient est de convenir que dans cette première Explication, ce n'est pas votre véritable sentiment que vous avez exposé à ce prélat; « que vous vous êtes

1 Lett. past. de M. de Ch., p. 66-69. 2 Inst. past. de M. de Cambray, p. 9, 12, 93, 100, 101, 103. - 3 Ibid., p. 10, 11.

accommodé à sa pensée et à son langage: et que vous avez procédé avec lui par cette sorte d'argument que l'Ecole appelle ad hominem'. » Voilà toute votre Réponse, et il s'agit maintenant d'examiner si cela est ainsi que vous prétendez dans votre Lettre. Pour amener vos lecteurs à votre pensée, vous proposez un système étrange de votre livre des Maximes vous supposez « que, sans avoir jamais voulu donner un double sens à ce livre, il ne laisse pas d'être vrai qu'il a été pris en deux sens différens: >> non point par des ignorans, ou par des personnes indisposées contre vous, mais par vos meilleurs amis et vos défenseurs car vous ajoutez ces paroles: «Divers habiles théologiens que je consultai, dites-vous, depuis le grand éclat contre mon livre, me pressèrent beaucoup de me borner à la première Explication, » qui étoit celle où l'intérêt propre se prend pour le salut éternel et pour l'objet de l'espérance chrétienne : « et ils m'assuroient tous qu'ils soutiendroient sans peine le texte du livre dans le même sens, sans recourir à l'autre, » qui étoit celui de l'intérêt propre pris pour l'amour naturel. Bien plus : « Dans la suite, poursuivez-vous, il me revint de Rome que divers savans théologiens y pensoient précisément la même chose 3, c'est-à-dire qu'ils soutenoient le texte du livre au sens de l'intérêt propre pris pour le salut; mais vous êtes, dites-vous, demeuré ferme au sens de l'amour naturel, qui selon vous, étoit le vôtre; voilà déjà une étrange idée : un livre qui a un double sens, non point en un endroit seulement, mais dans tout son texte, que d'habiles théologiens veulent soutenir dans un sens qui étoit contraire à l'intention de l'auteur qu'ils avoient dessein de favoriser que de savans défenseurs du même auteur à Rome étoient de même sentiment, persuadés par conséquent qu'ils entendoient mieux l'auteur que l'auteur ne s'entendoit lui-même. Un pareil système est unique dans le monde, et vous n'en sauriez rapporter d'exemple. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est que vousmême vous soutenez ces deux sens, et que tout fidèle que vous vous fassiez au sens de l'amour naturel, qui dès le commence

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1 Ire Lett. de M. de Camb. en rép., p. 55, 56, 59, 67, 76. 2 Ire Lett., p. 55. - 3 Ibid., p. 63.

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ment, à ce que vous prétendez, étoit le vôtre; vous faites de si grands efforts dans toute une longue Explication à mettre le sens contraire dans l'esprit de M. de Chartres.

Voici la raison que vous en rendez, et il la faut rapporter dans vos propres termes. « Je ne voyois, dites-vous, nul inconvénient de dire qu'un livre pût être catholique en deux divers sens. Quand un livre, poursuivez-vous, est susceptible de deux sens, dont l'un est catholique et l'autre hérétique, on a sujet de craindre que le bon ne serve à déguiser le mauvais. Mais quand il ne s'agit tout au plus que d'une équivoque, dont les deux sens sont catholiques, elle n'a rien de dangereux ni de suspect. Je ne trouvois donc nul inconvénient à tâcher de vous montrer, pour finir vos alarmes, que dans le sens même que vous donniez aux termes d'intérêt propre et désintéressé, mon livre pouvoit être expliqué d'une manière correcte1. »

Vous croyiez donc alors, c'est-à-dire depuis très-peu, et dans vos dernières Réponses à M. de Chartres, que votre livre pouvoit s'expliquer d'une manière correcte, sans le dénouement d'amour naturel. Mais vous oubliez ce que vous aviez écrit un an auparavant à M. de Meaux, qu'en prenant l'intérêt propre pour le salut, qui est le sens que vous proposez à M. de Chartres, et sans l'amour naturel, vous ne pouviez qu'extravaguer de page en page et de ligne en ligne. Mais maintenant ce qui emportoit tant d'extravagances, est le même sens que vous donnez depuis comme correct à M. de Chartres.

Non-seulement vous dites à M. de Meaux, « que ce sens est de page en page et de ligne en ligne plein d'extravagance; » mais vous ajoutez que, pour soutenir ce sens, «il faudroit à tout moment soutenir que l'on espère sans espérer, qu'on désire pleinement sa béatitude dans un renoncement absolu à sa béatitude; ce qui, ajoutez-vous, n'est pas un système, mais un songe monstrueux et une extravagance impie. » Ainsi ce que vous marquiez à M. de Meaux, non-seulement comme insensé, extravagant, monstrueux, mais encore impie, tout d'un coup est devenu correct et catholique, quand vous avez écrit à M. de Chartres. 1 Ire Lett., p. 56.2 Ire Lett. à M. de Meaux, p. 46.

Il vaudroit bien mieux ne pas tant écrire, et parler plus conséquemment. Mais quand on se sent enveloppé de mille sortes de difficultés insupportables, et que pour parer à tant de coups, on ne songe qu'à multiplier ses écrits, en se couvrant d'un côté on s'expose de l'autre, et l'on ne peut rien dire de suivi.

Quoi qu'il en soit, et laissant à part les réflexions quoique justes sur vos embarras inévitables, vous trompez votre lecteur, en lui disant que votre livre étoit susceptible de deux sens corrects, puisqu'il y a un de ces sens, et c'est celui que vous donnez à M. de Chartres, qui selon vous-même, est plein d'extravagance et d'impiété.

Mais ajoutons qu'outre ces deux sens que vous avouez, il faut de nécessité en reconnoître un troisième, qui est le mauvais, dont les prélats vous ont accusé. Leur Déclaration, pour ne point parler de leurs autres écrits, montre que sous le nom d'intérêt propre vous excluez l'espérance et le désir du salut; et sans entrer dans le fond, si vous leur donniez une réponse certaine, votre défense pourroit avoir de la vraisemblance. Mais il est constant que vous n'avez rien de fixe à leur opposer le sens de vos défenseurs n'est pas le vôtre. Celui de vos amis de Rome est différent de celui que vous soutenez en France et à Rome même. Celui qui est correct et catholique, en écrivant à M. de Chartres, étoit impie et monstrueux, en écrivant à M. de Meaux. Ainsi vous vous défendez douteusement, tout irrésolu et sans principe. Votre incertitude fait tomber votre réponse, et il n'y a plus qu'un seul sens dans votre livre, qui est le mauvais qu'on y trouve naturellement, et qui enferme l'exclusion et le sacrifice de l'espérance.

Dès là notre dispute est vidée par votre propre aveu, et ce n'est plus que par abondance de droit que j'entrerai dans le reste; mais il faut pourtant vous montrer dans le détail et par vousmême, en plusieurs manières, l'inconvénient où vous vous jetez par votre prétendu argument ad hominem.

IV.

Sur l'argu

Cet inconvénient est sensible par la définition que vous faites de cet argument. « Cessez, dites-vous à M. de Chartres, de m'ob- ment ad jecter la contrariété qui est entre ma Lettre imprimée dans votre

hominem.

ouvrage, et mon Explication suivante : ces deux pièces doivent être évidemment contradictoires dans le langage: » parce que telle est la nature « d'un argument ad hominem, où un auteur quitte son propre langage, et où il emprunte celui d'un autre homme pour tàcher de le persuader à sa mode, et en suivant ses préventions, ce qui, dites-vous, ne doit pas être conforme à l'autre Explication, où l'auteur parle naturellement dans l'usage contraire, qui est le vrai sens de ses propres paroles1. »

Mais, Monseigneur, vous dissimulez que lorsqu'on parle d'une manière si évidemment contradictoire à soi-même, la première chose à quoi l'on pense, c'est à prendre ses précautions, et qu'on croiroit visiblement amuser le monde, si l'on finissoit son discours sans exprimer une fois du moins sa propre pensée; au lieu, Monseigneur, par malheur pour vous, que dans toute une explication si longue et si étendue, où durant quinze grandes pages vous parlez ce langage étranger, vous ne dites pas un seul mot qui explique le seul sentiment que vous prétendez avoir dans l'esprit.

Oseroit-on, Monseigneur, vous demander si vous avez relu avec attention cette Réponse que vous nous donnez pour un argument ad hominem. Si vous l'avez relue, je ne comprends pas ce qui vous a empêché de remarquer non-seulement qu'il n'y a pas un seul mot qui marque que vous argumentiez par les principes de M. de Chartres; mais encore que depuis le commencement jusqu'à la fin vous écrivez comme un homme qui parle naturellement, et qui exprime ses propres pensées. On trouve à toutes les pages de votre Explication: Je crois que l'acte de charité, etc. Je crois que l'acte d'espérance, etc. Je dis : Je crois : Je suppose1: vous parlez toujours en votre nom, et il n'y a rien qu'on ressente moins dans tout votre discours qu'un air et un langage étranger. Vous commencez par ces mots : « Je dois, mon très-cher prélat, être plus prêt que le moindre de tous les fidèles, à rendre compte de ma foi à toute l'Eglise, et surtout à vous, qui êtes mon confrère, mon bon et ancien ami. » Est-ce par là que l'on commence

1 Ire Lett., p. 76. 2 Prem, rép. de M. de Camb. après la Lett. past. de M. de Chartres, p. 2, 4, etc.

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