Page images
PDF
EPUB

jamais répondre une seule aux passages exprès qu'on lui a produits1, ni faire même semblant de les voir.

CHAPITRE X.

Inutilité des autres passages sur cette matière.

Après cela il est inutile de rapporter toutes les terribles exagérations que l'auteur se donne la peine de transcrire, comme pour étourdir les lecteurs et effrayer ceux qui ne savent pas que ce sont là des transports d'une ame qui se sent toute pénétrée de la corruption que notre nature porte dans son sein depuis le péché.

Quant à ce qu'on croit consentir aux violentes tentations, nous verrons bientôt ce que c'est, et je ne veux parler ici que du désespoir, qui n'est manifestement qu'exagération.

Que sert donc de remplir un livre des passages où la bienheureuse et tant d'autres se plaignent si amèrement, qu'il n'y a en eux que malice? Ce n'est là au fond qu'une explication de ce que disoit le saint Apôtre : Je ne trouve point de bien en moi3: c'est-à-dire dans ma chair, dans ma convoitise: et un peu après : Je ne fais pas le bien que je veux: mais je fais le mal que je ne veux pas ce qui n'empêche pas qu'on ne dise avec une entière confiance Malheureux homme que je suis! et: Qui me délivrera? la grace de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur3.

Que si l'espérance même semble s'éclipser, c'est encore ce que disoit le même saint Paul: Contra spem, in spem: En espérance, contre l'espérance. Après cela, il ne reste plus de difficulté, et il seroit même inutile de produire les autres auteurs, qui sont tous résolus en celui-ci, s'il ne falloit montrer une fois combien de riens on tâche de faire valoir.

[blocks in formation]

CHAPITRE XI.

Suite des auteurs.

Ile auteur: saint François de Sales: Vie de ce saint par M. l'évêque d'Evreux.

Ier PASSAGE.

« Il fallut enfin, dans les dernières presses d'un si rude tourment, en venir à cette terrible résolution, que puisqu'en l'autre vie il devoit être privé pour jamais de voir et d'aimer un Dieu si digne d'être aimé, il vouloit au moins, pendant qu'il seroit sur la terre faire tout son possible pour l'aimer de toutes les forces de son ame, et dans toute l'étendue de ses affections... Le démon vaincu par un acte d'amour si désintéressé, lui céda la victoire1. »

II PASSAGE.

« Il a porté dans sa jeunesse un assez long temps une impression de réprobation. »

RÉPONSE.

Il a porté cet état, il a pris la résolution en cessant d'aimer dans la vie future, d'aimer toujours dans celle-ci : mais il a fait tout cela avec une pleine sécurité qu'il n'en seroit rien; il l'a fait par un de ces pieux excès que nous avons tant expliqués ; je l'avoue autrement, c'est le faire blasphémer; et en approuvant son blasphème, blasphémer soi-même.

Ce qui étonne dans l'auteur du nouveau système, c'est qu'il ose dire que saint François de Sales, aussi bien que Blosius et les autres dans de semblables épreuves, sont bien éloignés de cette pleine sécurité. Mais c'est combattre ouvertement les principes des saints: c'est faire de la piété une forcenée qui désespère de son salut, que de lui ôter l'assurance que cette sorte de damna

1 Princ. prop., p. 45. • Ibid., p. 53. Meaux à quatre Lett., p. 23.

-

3 IIe Lett. en rép. à celle de M. de

tion ne peut pas être. On peut voir cette vérité expliquée à fond dans un autre endroit 1; mais ceci suffit.

CHAPITRE XII.

Suite des auteurs.

IIIe auteur: frère Laurent.

Nous verrons donc encore paroître le frère Laurent, qu'on a expliqué si clairement et tant de fois. « Il s'étoit toujours gouverné par amour sans aucun autre intérêt, sans se soucier s'il seroit damné, ou s'il seroit sauvé a.

» Il avoit une très-grande peine d'esprit, croyant certainement qu'il étoit damné. Tous les hommes du monde ne lui auroient pas ôté cette opinion... Cette peine lui avoit duré quatre ans..... Depuis il ne songeoit ni à paradis ni à enfer. Toute sa vie n'étoit qu'un libertinage et une réjouissance continuelle. »

Cette autorité est si importante, qu'on la répète jusqu'à trois fois, tant on y a de confiance: on y ajoute « qu'il avoit quelquefois désiré de pouvoir cacher à Dieu ce qu'il faisoit pour son amour, afin que n'en recevant point de récompense, il eut le plaisir de faire quelque chose purement pour Dieu. >>

RÉPONSE.

Elle n'a qu'un mot : l'excès, l'exagération sortent partout dans les paroles de ce bon religieux : il croyoit être damné sans perdre pourtant cette pleine sécurité dont nous avons tant parlé après les saints Pères : tout est fini par cette réponse.

Mais que veut-il dire dans le fond sur le paradis et sur l'enfer, dont il ne se soucie point? Un autre mot le va expliquer. Il ne s'en soucie point du tout; et cela ne lui sert de rien ; à Dieu ne plaise c'est se déclarer supérieur à David et à Moïse, aussi bien qu'à saint Paul qui l'a loué. Il ne s'en soucie point, pour s'en occuper uniquement, principalement, finalement; c'est ce qu'il

:

1 Trois Ecrit, quæst. imp.· dessus, ch. VI, 8e et 9e princ.

2 Princ. prop., p. 45. — Ibid., 53, 99.

- Ci

veut dire, et il sent qu'il se faudroit oublier soi-même plutôt que d'oublier Dieu, qui lui est plus cher que lui-même: C'est ce qui n'est pas en dispute; et tout ce qui est au-delà ne peut être pris à la lettre sans une erreur insensée. « Sa vie, dit-il, est un libertinage et une réjouissance perpétuelle: » sans inquiétude, sans trouble, il est plus libre, il est plus content que tous les hommes du monde.

Au reste quelque excessifs que soient ces passages, je n'y vois point, non plus que dans les autres, le sacrifice absolu, ni l'impossible réalisé, ni l'absolue incapacité de raisonner, ni l'acquiescement simple à sa juste condamnation, ni les autres expressions qui font voir le déréglement du nouveau système, où l'on enchérit sur les expressions les plus exagératives.

CHAPITRE XIII.

Sur le désir de cacher à Dieu ce qu'on fait pour lui.

Pourquoi ce désir ? Pour aimer Dieu purement et sans récompense ne le peut-on sans cela, et sans faire Dieu aveugle? On le peut sans doute : mais c'est là, dit-on, un moyen de faire connoître la pureté de son amour. A qui le faire connoìtre, à Dieu ou à nous ? Ce n'est pas à Dieu, qu'on suppose n'en rien savoir: c'est donc à vous, pour vous donner le plaisir de connoître que vous aimez purement, vous le voulez ôter à Dieu. C'est donc vous que vous regardez, et non pas lui. Quoi! si vous ne supposez des absurdités, Dieu ne saura pas que vous l'aimez purement? Bon gré, malgré, il faut bien entendre dans ce discours les saintes folies, le saint enivrement de l'amour.

CHAPITRE XIV.

Sur l'acquiescement simple: passages de saint François de Sales.

L'embarras du nouveau système paroît principalement dans l'acquiescement simple avec le consentement d'un directeur à la perte de l'intérêt propre, et ce qui est encore plus clair à sa juste condamnation de la part de Dieu, que croit mériter une ame

qui se regarde invinciblement comme criminelle; ce qui emporte nécessairement la damnation. Pour parer ce coup, l'auteur a recours à saint François de Sales; et, dit-il', le terme d'acquiescement simple « est précisément celui dont saint François de Sales se sert pour ces occasions. » Précisément, c'est tout dire; mais examinons les passages.

Ier PASSAGE.

« Entre tous les essais de l'amour parfait, celui qui se fait par l'acquiescement de l'esprit aux tribulations spirituelles, est sans doute le plus fin et le plus relevé. »

RÉPONSE.

La proposition de l'auteur regarde l'acquiescement à la juste condamnation de la part de Dieu le passage produit pour la soutenir, regarde l'acquiescement à la tribulation spirituelle: deux choses très-différentes : c'est ainsi que l'auteur est précis.

II PASSAGE.

Il ne reste plus à l'ame « que la fine suprême pointe d'esprit, laquelle attachée au cœur et bon plaisir de Dieu, dit par un trèssimple acquiescement: 0 Père éternel! mais toutefois ma volonté ne soit pas faite, mais la vôtre 3. »

RÉPONSE.

Le sens est: 0 Père éternel! je voudrois bien être quitte de cette privation des consolations et de cette peine accablante: mais je me soumets. Il s'agit donc de cette peine particulière, et non pas en général de la juste condamnation que mérite de la part de Dieu l'ame criminelle.

III PASSAGE.

« Le sacré acquiescement se fait dans le fond de l'ame en la suprême et plus délicate pointe de l'esprit. »

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PreviousContinue »