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CHAPITRE XXVII.

Note sur l'involontaire en Jésus-Christ.

il s'est

La variation de l'auteur sur ce sujet est surprenante excusé de cette parole sans faire ce qu'il falloit pour en purger son livre. Flatté par de complaisans défenseurs, il l'a soutenue comme bonne, ainsi qu'il est démontré dans la Réponse à quatre lettres, où je renvoie le lecteur. Il cesse de la soutenir dans la note sur la quinzième proposition: il la défend de nouveau dans une nouvelle Lettre, et il ne sait quel parti prendre. Ce qui est certain, c'est que pour établir la conformité des ames peinées avec Jésus-Christ notre parfait modèle, il l'a mise dans l'involontaire, qui en Jésus-Christ, comme en nous, n'avoit aucune communication avec la partie supérieure.

CHAPITRE XXVIII.

Conclusion de cet ouvrage : l'auteur du nouveau systéme imagine de vains embarras.

J'ai rapporté environ quarante passages pour les comparer à quatorze ou quinze propositions condamnables, sur le seul sujet des épreuves, et il ne s'est trouvé nulle ressemblance qu'informe et confuse entre les uns et les autres, pas même dans les écrits de saint François de Sales, qui est celui dont on vante le plus la conformité. Cependant, comme s'il l'avoit démontrée, l'auteur du nouveau système nous veut faire imaginer un embarras invincible dans la condamnation de son livre des Marimes; et il tâche d'intéresser l'Eglise romaine dans sa cause, par ces paroles: « L'Eglise romaine même a un intérêt capital de soutenir ce langage (prétendu des mystiques et des saints auteurs) qu'elle a, pour ainsi dire, tant de fois canonisé avec les saints qui l'ont parlé dans leurs écrits. Autrement les hérétiques, les libertins et tous les autres hommes peu affectionnés au saint Siége, ne man

1 Max., p. 122. — 2 Rép. à quatre Lett., n. 20. — 3 Princ. prop., p. 64. — ↳ Max., p. 122, 123.

queroient pas de dire que cette Eglise varie selon les temps, qu'elle cède aux impressions passagères, et qu'elle censure aujourd'hui ce qu'elle donnoit hier pour la règle de la perfection. Par exemple, elle paroît condamner dans mon livre des propositions qui sont visiblement BIEN PLUS précautionnées que plusieurs de saint François de Sales, dont elle dit dans son office solennel : Par ses écrits pleins d'une doctrine céleste, il a éclairé l'Eglise, et a montré un chemin assuré et uni pour arriver à la perfection. Je laisse à juger, si c'est un bon moyen de détruire les quiétistes, et de remédier à tant d'autres maux de l'Eglise, que de faire dire à tous ses ennemis qu'elle ne peut décider qu'en variant et en se contredisant elle-même 1. »

Un auteur qui écrit en cette sorte, perd le respect, et semble vouloir épouvanter l'Eglise romaine en lui montrant, pour la rebuter, une discussion infinie et embarrassante de tant de passages, qui ne sont pas moins autorisés que ceux de saint François de Sales.

Mais Dieu a donné à son Eglise des règles certaines pour trancher ces difficultés. Et premièrement la tradition se conserve toujours par certains actes publics et si notoires, que les novateurs eux-mêmes ne les peuvent nier. Ainsi la divinité du Fils de Dieu paroissoit dans l'adoration qu'on lui rendoit dans tous les temps, et qu'Arius trouvoit établie. La tradition du péché originel étoit conservée dans le baptême des enfans, et celle de la nécessité aussi bien que de l'efficace de la grace, par les prières de l'Eglise. Les mêmes prières de l'Eglise décident encore la question d'aujourd'hui et on voit trop clairement que les vœux qu'elle pousse au ciel pour le salut, qui n'est autre chose au fond que la consommation de l'amour, ne peuvent pas y être contraires.

Sur cela nous avons l'aveu solennel de l'adversaire, puisqu'il est lui-même demeuré d'accord, que les motifs intéressés qu'il ôte aux parfaits « sont répandus dans tous les livres de l'Ecriture sainte, dans tous les monumens les plus précieux de la tradition; enfin, dans toutes les prières de l'Eglise 2. »>

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Nous n'avons pas besoin d'examiner avec lui sa nouvelle explication de l'intérêt propre; et il suffit pour en condamner l'auteur, que ce qu'il ôte aux parfaits sous ce nom est cela même qui est répandu de son aveu dans l'Ecriture, dans la tradition et dans les prières que le Saint-Esprit dicte à l'Eglise catholique.

Si, voyant ce pas avancé qui renversoit tout le système, il a voulu retourner en arrière, et soutenir que les motifs de l'intérêt propre n'étoient pas ceux de l'espérance chrétienne; loin d'avoir affoibli par là ce que l'on concluoit naturellement contre lui, il n'a fait que l'affermir, puisqu'après tout il est certain que les motifs de l'espérance chrétienne sont en effet répandus dans toute l'Ecriture, dans tous les monumens de la tradition, dans toutes les prières de l'Eglise de sorte que c'étoit parler naturellement que de les avoir expliqués par ces termes.

Qu'il dise après cela tant qu'il voudra, que ces motifs ne sont point les surnaturels, mais ceux des affections naturelles, cette explication trouvée après coup ne sert qu'à faire voir que, comme tous les autres novateurs, il se sent condamné par les paroles que l'impression de la foi commune avoit fait couler naturellement de sa plume; et quelles que soient maintenant ses expressions, il sera toujours véritable que les motifs dont il parloit, et qu'il vouloit ôter aux parfaits, étoient « des motifs répandus partout, des motifs révérés1, » et des moyens révélés de Dieu « pour réprimer les passions, pour affermir toutes les vertus, et pour détacher les ames de tout ce qui est renfermé dans la vie présente. » C'est ce que porte le шe article vrai: le faux concourt dans le même. sens, puisqu'il y est avoué que ces précieux motifs qu'on entreprend d'ôter aux parfaits, « sont les fondemens de la justice chrétienne, je veux dire, poursuit l'auteur, la crainte qui est le commencement de la sagesse, et l'espérance par laquelle nous sommes sauvés. »

Après cela vouloir réduire ces fondemens de la justice chrétienne, et tous ces motifs révérés qui ont tout le bon effet et toutes les propriétés qu'on vient d'entendre, aux magnifiques expressions de l'Apocalypse et des prophètes, où la gloire des 1 Max., p. 33. - Ibid., p. 38.

enfans de Dieu est si vivement représentée par des images sensibles qu'elles en pourroient exciter l'amour naturel : c'est un détour si visible, c'est un si manifeste affoiblissement de ce que la vérité avoit inspiré d'abord, que les oreilles chrétiennes ne le peuvent plus entendre que comme un jeu d'esprit dans la matière du monde la plus grave.

Ainsi on est étonné, quand on entend un auteur se glorifier que les saints parlent comme lui, et qu'ils sont même beaucoup moins précautionnés: car à quoi attribuerons-nous le sacrifice absolu, avec toutes ses circonstances et avec l'acquiescement simple à sa juste condamnation? Est-ce une expression des saints? Point du tout on ne trouve rien de semblable dans leurs écrits. Est-ce donc une précaution du livre des Maximes pour adoucir les expressions des pieux auteurs? Au contraire, c'est ce qu'il y a de plus excessif et de plus outré dans ce livre. Laissant à part ces excès déjà traités ailleurs, lequel des saints a parlé comme on vient d'entendre parler dans l'article ш vrai et faux, un homme qui se glorifie d'être le plus précautionné de tous les mystiques, et d'avoir rendu plus corrects les premiers d'entre eux?

Après cela peut-on s'imaginer que l'Eglise puisse être en peine du fond de sa décision, ou s'inquiéter des passages qu'on lui objecte des siècles précédens? Les doctes savent que les ariens en avoient contre la divinité du Fils de Dieu d'aussi apparens, et en aussi grand nombre que ceux qu'on nous objecte. Mais sans s'étonner ni de leurs expressions, ni de leur sainteté, ni de leur nombre, l'Eglise a su distinguer le fond qui a toujours été constant d'avec les expressions qui n'ont pas toujours été également précautionnées. Car si l'auteur du nouveau système se sent luimême obligé à réduire saint François de Sales à des expressions plus correctes, il a reconnu qu'avant les disputes on peut être beaucoup moins précautionné que depuis qu'elles sont émues, et qu'il ne faut pas s'étonner qu'on trouve quelque chose à expliquer et à tempérer dans les plus grands saints, sans préjudice du fond, qui demeure toujours inaltérable.

Quand donc aujourd'hui on veut faire craindre à l'Eglise romaine que ses ennemis, qui sont ceux de la vérité et de Jésus

Christ, lui objecteront une doctrine variable, différente selon les temps, on est affligé de voir cette objection des hérétiques, des libertins et des autres hommes peu affectionnés au saint Siége, relevée par un évêque qui doit savoir combien l'Eglise romaine est au-dessus de tels discours. Elle sait bien qu'en l'état où Dieu a mis la vérité en ce lieu d'exil, il y aura toujours de quoi lui faire un mauvais procès; mais elle sait qu'il y a aussi un point décisif par où l'on tranche les difficultés et l'on concilie tous les passages. Au reste elle est incapable de s'émouvoir de la malignité des contredisans dont elle aura toujours à essuyer les oppositions et même les railleries tant qu'elle sera sur la terre. Accoutumée dès l'origine du christianisme à prendre le point de la décision, le fond, dis-je encore une fois, le fond ne la met jamais en peine; et quand il se trouveroit quelques saints auteurs qui se seroient quelquefois écartés de la vérité avant qu'elle fùt bien reconnue, elle ne les dégraderoit pas de l'état ni de l'honneur de la sainteté, parce qu'elle suppose toujours qu'ils portoient dans leur sein la soumission qui les a sanctifiés.

Mais aujourd'hui, Dieu merci, nous ne sommes point en ce cas; les propositions du nouveau système ne se lisent dans aucun des saints: il en faut outrer les passages pour y trouver quelque idée de ces étranges propositions. Il faut outrer saint François de Sales et lui faire avouer au pied de la lettre que privé de voir et d'aimer Dieu dans la vie future, il ne cessera de l'aimer du moins dans celle-ci il faut outrer de la même sorte une Angèle de Foligny et les autres pieux auteurs, pour leur faire parler le langage du livre des Maximes. Ainsi tous les embarras dont on tâche d'envelopper cette question en multipliant les passages des saints auteurs, disparoissent comme un vain nuage.

1 Princ. prop., p. 127.

:

FIN DES PASSAGES ÉCLAIRCIS.

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