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MANDEMENT

DE

MONSEIGNEUR L'ÉVÊQUE DE MEAUX,

Pour la publication de la Constitution de notre saint Père le Pape Innocent XII, du 12 de mars 1699, portant condamnation et défense du livre intitulé: EXPLICATION DES MAXIMES DES SAINTS SUR LA VIE INTÉRIEURE, etc.

JACQUES BENIGNE par la permission divine Evêque de Meaux : aux doyens ruraux, curés et vicaires, et à tous les fidèles de notre diocèse, salut et bénédiction en Notre-Seigneur.

Dans l'obligation où nous sommes de condamner les fausses spiritualités, même dans les livres où elles paroissent avec leurs plus belles couleurs, quoique toujours sans l'autorité de l'Ecriture et sans le témoignage des Saints; nous parlerons avec d'autant plus de confiance, que cette condamnation est précédée d'une Constitution apostolique, où la foi de saint Pierre et de l'Eglise romaine, mère et maîtresse des Eglises, s'est expliquée en ces termes :

Condamnation et défense faite par notre très-saint Père Innocent par la Providence divine Pape XII; du livre imprimé à Paris en 1697, sous ce titre Explication des Maximes des Saints sur la vie intérieure, etc.

INNOCENT PAPE XII, pour perpétuelle mémoire.

Comme il est venu à la connoissance de notre Siége apostolique, qu'un certain livre françois avoit été mis au jour sous ce titre EXPLICATION des Maximes des Saints SUR LA VIE INTÉRIEURE, PAR MESSIRE FRANÇOIS DE SALIGNAC FENELON, archevêque duc de Cambray, précepteur de Messeigneurs les ducs de Bourgogne, d'Anjou et de Berry. A Paris, chez Pierre Auboüyn, Pierre

Emery, Charles Clousier, 1697; et que le bruit extraordinaire que ce livre avoit d'abord excité en France, à l'occasion de la doctrine qu'il contient, comme n'étant pas saine, s'étoit depuis tellement répandu, qu'il étoit nécessaire d'appliquer notre vigilance pastorale à y remédier; Nous avons mis ce livre entre les mains de quelques-uns de nos vénérables Frères les Cardinaux de la sainte Eglise romaine, et d'autres Docteurs en théologie, pour être par eux examiné avec la maturité que l'importance de la matière sembloit demander. En exécution de nos ordres, ils ont sérieusement et pendant un long temps examiné dans plusieurs congrégations, diverses propositions extraites de ce même livre, sur lesquelles ils nous ont rapporté de vive voix et par écrit ce qu'ils ont jugé de chacune. Nous donc, après avoir pris les avis de ces mêmes Cardinaux et Docteurs en théologie, dans plusieurs Congrégations tenues à cet effet en notre présence, désirant autant qu'il nous est donné d'en haut prévenir les périls qui pourroient menacer le troupeau du Seigneur qui nous a été confié par ce Pasteur éternel; de notre propre mouvement et de notre certaine science, après une mère délibération et par la plénitude de l'autorité apostolique, CONDAMNONS ET RÉPROUVONS, par la teneur des présentes, LE LIVRE SUSDIT, en quelque lieu et en quelque autre langue qu'il ait été imprimé, de quelque édition et de quelque version qui s'en soit faite, ou qui s'en puisse faire dans la suite, d'autant que par la lecture et par l'usage de ce livre, les fidèles pourroient être insensiblement induits dans des erreurs déjà condamnées par l'Eglise catholique : et outre cela, comme contenant des propositions, qui, soit dans le sens des paroles, tel qu'il se présente d'abord, soit eu égard à la liaison des principes, SONT TÉMÉRAIRES, scandaleuses, malsonnantes, offensent les oreilles pieuses, sont pernicieuses dans la pratique, et même erronées respectivement. Faisons défense à tous et un chacun des fidèles, même à ceux qui devroient être ici nommément exprimés, de l'imprimer, le décrire, le lire, le garder et s'en servir, sous peine d'excommunication, que les contrevenans encourront par le fait même et sans autre déclaration. Voulons et commandons par l'autorité apostolique, que quiconque aura ce livre chez soi, aussitôt qu'il

aura connoissance des présentes lettres, le mette sans aucun délai entre les mains des Ordinaires des lieux, ou des inquisiteurs d'hérésie nonobstant toutes choses à ce contraires. Voici quelles sont les propositions contenues au livre susdit, que nous avons condamnées, comme nous venons de marquer, par notre jugement et censure apostolique, traduites du françois en latin.

I. Il y a un état habituel d'amour de Dieu, qui est une charité pure et sans aucun mélange du motif de l'intérêt propre... Ni la crainte des châtimens, ni le désir des récompenses, n'ont plus de part à cet amour. On n'aime plus Dieu ni pour le mérite, ni pour la perfection, ni pour le bonheur qu'on doit trouver en l'aimant 1.

II. Dans l'état de la vie contemplative ou unitive, on perd tout motif intéressé de crainte et d'espérance".

III. Ce qui est essentiel dans la direction, est de ne faire que suivre pas à pas la grace avec une patience, une précaution et une délicatesse infinie. Il faut se borner à laisser faire Dieu, et ne (porter) jamais au pur amour, que quand Dieu par l'onction intérieure commence à ouvrir le cœur à cette parole, qui est si dure aux ames encore attachées à elles-mêmes, et si capable ou de les scandaliser ou de les jeter dans le trouble 3.

IV. Dans l'état de la sainte indifférence, l'ame n'a plus de désirs volontaires et délibérés pour son intérêt, excepté dans les occasions où elle ne coopère pas fidèlement à toute sa grace *.

V. Dans cet état de la sainte indifférence, on ne veut rien pour soi; mais on veut tout pour Dieu : on ne veut rien pour être parfait ni bienheureux pour son propre intérêt; mais on veut toute perfection et toute béatitude, autant qu'il plaît à Dieu de nous faire vouloir ces choses par l'impression de sa grace.

VI. En cet état on ne veut plus le salut, comme salut propre, comme délivrance éternelle, comme récompense de nos mérites, comme le plus grand de tous nos intérêts; mais on le veut d'une volonté pleine, comme la gloire et le bon plaisir de Dieu, comme une chose qu'il veut, et qu'il veut que nous voulions pour lui".

1 Explic. des Maximes, etc., p. 10, 11, 15, etc. 3 lbid., p. 35. — Ibid., p. 49, 50. 5 Ibid., p. 52.

2 Ibid., p. 23, 24, etc. 6 lbid., p. 52, 53.

VII. L'abandon n'est que l'abnégation ou renoncement de soimême, que Jésus-Christ nous demande dans l'Evangile, après que nous aurons tout quitté au dehors. Cette abnégation de nousmêmes n'est que pour l'intérêt propre... Les épreuves extrêmes où cet abandon doit être exercé, sont les tentations par lesquelles Dieu jaloux veut purifier l'amour en ne lui faisant voir aucune ressource, ni aucune espérance pour son intérêt propre, même éternel 1.

VIII. Tous les sacrifices que les ames les plus désintéressées font d'ordinaire sur leur béatitude éternelle sont conditionnels... Mais ce sacrifice ne peut être absolu dans l'état ordinaire. Il n'y a que le cas de ces dernières épreuves où ce sacrifice devient en quelque manière absolu 2.

IX. Dans les dernières épreuves une ame peut être invinciblement persuadée d'une persuasion réfléchie, et qui n'est pas le fond intime de la conscience, qu'elle est justement réprouvée de Dieu 3.

X. Alors l'ame divisée d'avec elle-même, expire sur la croix avec Jésus-Christ, en disant : O Dieu, mon Dieu! pourquoi m'avez-vous abandonné? Dans cette impression involontaire de désespoir, elle fait le sacrifice absolu de son intérêt propre pour l'éternité *.

XI. En cet état une ame perd toute espérance pour son propre intérêt mais elle ne perd jamais dans la partie supérieure, c'està-dire dans ses actes directs et intimes, l'espérance parfaite, qui est le désir désintéressé des promesses .

XII. Un directeur peut alors laisser faire à cette ame un acquiescement simple à la perte de son intérêt propre, et à la condamnation juste où elle croit être de la part de Dieu ".

XIII. La partie inférieure de Jésus-Christ sur la croix ne communiquoit pas à la supérieure son trouble involontaire 7.

XIV. Il se fait dans les dernières épreuves pour la purification de l'amour, une séparation de la partie supérieure de l'ame d'avec l'inférieure... Les actes de la partie inférieure dans cette sépara

1 Explicat. des Max., etc., p. 72, 73. - Ibid., p. 90, 91.6 Ibid., p. 91.

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2 Ibid., p. 87. 3 Ibid. Ibid., p. 90. 7 lbid., p. 122.

tion, sont d'un trouble entièrement aveugle et involontaire, parce que tout ce qui est intellectuel et volontaire est de la partie supérieure 1.

XV. La méditation consiste dans des actes discursifs qui sont faciles à distinguer les uns des autres..... Cette composition d'actes discursifs et réfléchis est propre à l'exercice de l'amour intéressé 2.

XVI. Il y a un état de contemplation si haute et si parfaite, qu'il devient habituel, en sorte que toutes les fois qu'une ame se met en actuelle oraison, son oraison est contemplative et non discursive. Alors elle n'a plus besoin de revenir à la méditation, ni à ses actes méthodiques".

XVII. Les ames contemplatives sont privées de la vue distincte, sensible et réfléchie de Jésus-Christ en deux temps différens :... premièrement, dans la ferveur naissante de leur contemplation:... secondement une ame perd de vue Jésus-Christ dans les dernières épreuves *.

XVIII. Dans l'état passif,.... on exerce toutes les vertus distinctes, sans penser qu'elles sont vertus: on ne pense en chaque moment qu'à faire ce que Dieu veut, et l'amour jaloux fait tout ensemble qu'on ne veut plus être vertueux (pour soi), et qu'on ne l'est jamais tant que quand on n'est plus attaché à l'être 3.

XIX. On peut dire en ce sens que l'ame passive et désintéressée ne veut plus même l'amour en tant qu'il est sa perfection et son bonheur, mais seulement en tant qu'il est ce que Dieu veut de nous ".

XX. Les ames transformées,.. en se confessant doivent détester leurs fautes, se condamner et désirer la rémission de leurs péchés, non comme leur propre purification et délivrance, mais comme chose que Dieu veut, et qu'il veut que nous voulions pour sa gloire".

XXI. Les saints mystiques ont exclus de l'état des ames transformées les pratiques de vertus 8.

1 Explic. des Max., etc., p. 121, 123.-2 Ibid., p. 164, 165.-3 Ibid., p. 176.Ibid., p. 19, 195. 5 Ibid., p. 223, 225. 6 Ibid., p. 226. -7 Ibid., p. 241. -8 Ibid., p. 253.

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