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sentence: Le Seigneur JÉSUS, » etc. On voit de quelle importance étoient ces paroles, pour faire voir l'autorité de la lettre du Pape, que le concile fait aller de même rang avec les canons; mais tout cela est supprimé par notre auteur, qui met ces mots à la place': « Nous avons été contraints, suivant la lettre de Célestin, évêque de Rome, à prononcer contre lui une triste sentence, » etc.

On ne peut faire une altération plus criante. Autre chose est de prononcer une sentence conforme à la lettre du Pape, autre chose d'être contraint par la lettre même, ainsi que par les canons, à la prononcer. L'expression du concile reconnoît dans la lettre du Pape la force d'une sentence juridique, qu'on ne pouvoit pas ne point confirmer, parce qu'elle étoit juste dans son fond et valable dans sa forme, comme étant émanée d'une puissance légitime. Ce n'est pas aussi une chose peu importante que dans une sentence juridique le concile ait donné au Pape le nom de Père. Supprimer de telles paroles dans une sentence, et encore en faisant semblant de la citer: «Elle fut, dit-il, conçue en ces termes; » et les marques accoutumées de citation étant à la marge, qu'est-ce autre chose que falsifier les actes publics?

Ces sortes d'omissions sont un peu fréquentes dans la Bibliothèque de M. Dupin; mais il les fait principalement lorsqu'il s'agit de ce qui regarde l'autorité du saint Siége. Les Pères de Saint-Vannes l'ont convaincu d'avoir supprimé dans un passage d'Optat, ce qui y marquoit l'autorité de la Chaire de saint Pierre', et il ne s'en est défendu que par le silence. On en a remarqué autant dans un passage de saint Cyprien; et l'on voit maintenant le même attentat dans la sentence du concile d'Ephèse.

CINQUIÈME REMARQUE.

Suite des affectations de l'auteur à omettre ce qui regarde les prérogatives du saint Siége: observations sur celles qui regardent le concile de Chalcédoine.

Par une semblable raison, il supprime encore dans la relation du concile à Célestin3, l'endroit où il est porté que le concile ré

1 Hist. du Concil., etc., II part. du tom. III, p. 708. 3 P. 718. Conc. Eph. Act. v.

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2 Tom. II, p. 33.

servoit au jugement du Pape, l'affaire de Jean d'Antioche et de ses évêques, encore qu'on eût prononcé contre eux. Il y a trop d'affectation à faire toujours tomber l'oubli sur les choses de cette nature, quoiqu'elles soient des plus importantes qu'on pût observer, et qu'il fût aisé à M. Dupin de les marquer en un mot.

Pendant que nous sommes sur cette matière, il est bon de mettre ici les autres remarques de semblables omissions dans l'Histoire du concile de Chalcédoine.

Il rapporte ce qui fut fait sur le sujet de Théodoret, que les commissaires de l'empereur firent entrer dans le concile, « à cause, dit-il, que saint Léon l'avoit reconnu pour légitime évêque, et que l'empereur avoit ordonné qu'il assisteroit au concile1. » Il n'oublie rien pour l'empereur, et il a raison; mais il falloit d'autant moins altérer ce qui regarde le Pape, que c'étoit le fondement de ce qu'ordonnoit l'empereur. Le texte dit : « Qu'on le fasse entrer, parce que l'archevêque Léon lui a rendu son évêché Restituit ei episcopatum archiepiscopus Leo. » C'étoit si bien là ce qu'on vouloit dire, qu'on le répète encore une fois; et les commissaires remarquent que saint Léon l'a rétabli dans son Siége: Restituit ei proprium locum.

L'auteur ne craint point de changer ces termes : De lui rendre son évêché, de le rétablir dans son Siége, en celui de le reconnoître pour légitime évêque, qui peut convenir à tout le monde, et que M. Dupin lui-même attribue à Flavien, dans ce même fait de Théodoret. « Flavien, évêque de Constantinople, le reconnut, dit-il, pour un évêque catholique. » Que fait donc ici le Pape plus que Flavien? rien du tout, selon notre auteur; mais beaucoup selon les actes du concile, puisque le Pape rétablit, rend l'évêché par un acte de juridiction, qui ne pouvoit convenir à l'évêque de Constantinople sur Théodoret. C'est pourquoi il est marqué dans la suite, que ce rétablissement de Théodoret s'étoit fait par un jugement de saint Léon: Ut ecclesiam suam recipiat, sicut sanctissimus Leo archiepiscopus judicavit. Le Pape est donc regardé comme le juge de tous les évêques, puisqu'il l'étoit de celui-ci, quoiqu'il fût du patriarcat d'Antioche; et tout le con1 P. 832. 2 Act. 1.3 P. 196. Act. VIII.

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cile applaudit, en s'écriant: Post Deum Leo judicavit. Est-il permis à un historien de supprimer ces circonstances? et ce qui est plus mal encore, de les déguiser, en substituant un terme équivoque et vague à des termes précis et formels ?

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Il tombe dans la même faute, lorsque parlant du même Théodoret et du recours qu'il eut à saint Léon, lorsqu'il fut injustement déposé, il dit que cet évêque après avoir complimenté saint Léon sur la primauté, sur la grandeur et sur les prérogatives de son Eglise, lui parle de son affaire; comme si c'étoit un simple compliment de reconnoître la supériorité du Siége de Rome, qui, comme parle Théodoret, avoit le gouvernement de toutes les églises du monde, et non pas le fondement nécessaire du recours qu'il avoit à lui. C'est entrer dans l'esprit des Grecs schismatiques, qui dans le concile de Florence vouloient prendre pour honnêteté et pour compliment, tout ce que les Pères écrivoient aux papes pour se soumettre à leur autorité.

Quant au titre d'archevêque qu'on donnoit au Pape dans le concile de Chalcédoine, il ne falloit pas oublier que c'étoit alors dans l'Eglise grecque le terme de la plus grande dignité, et qu'on le donnoit au Pape avec une emphase et une force particulière, puisque saint Léon est appelé l'archevêque de toutes les églises, ou, comme porte le latin, le Pape de toutes les églises; ce qui revient à l'endroit de la relation du concile au Pape, où les Pères le reconnoissent « pour leur chef, pour celui à qui la garde de la vigne a été commise par le Sauveur, et se considèrent comme ses membres » Tu autem sicut caput membris præeras.

Il ne faut point dire, ni que ces choses sont peu importantes, puisqu'elles sont si essentielles; ni qu'elles sont trop communes, puisqu'on en rapporte de moins rares; ni qu'elles sont trop longues à déduire, puisqu'il n'y falloit que peu de lignes. Certainement supprimer dans l'histoire de deux conciles si célèbres, dont nous avons les actes tout entiers, et dont on nous promettoit un récit mieux circonstancié que celui de tous les autres historiens; supprimer, dis-je, tant de choses sur l'autorité du Pape, qui y devoit éclater partout, comme elle fait dans la vérité à toutes les pages, 1 P. 274.- 2 Act. IV.

et déguiser tant d'autres faits par de foibles ou de fausses traductions, c'est induire les fidèles à erreur, et faire perdre à l'Eglise ses avantages.

SIXIÈME REMARQUE.

Bévues et altérations sur la présidence de saint Cyrille dans le concile d'Ephèse, comme tenant la place du Pape.

Après ce qu'on vient de voir, il ne faut pas s'étonner si notre auteur fait tant d'efforts pour déposséder le Pape de sa présidence dans le concile d'Ephèse, par les dissimulations et les altérations que nous allons voir. Voici par où il commence : « Saint Cyrille prend dans la souscription de la première, de la seconde et de la troisième action, la qualité de tenant la place de Célestin 1. » Vous diriez qu'il ne l'auroit pas dans les autres; mais le nouvel historien se trompe en tout. Saint Cyrille n'a jamais pris cette qualité dans les souscriptions: elle lui est donnée dans le registre du concile, à l'endroit où sont rapportés l'ordre, la séance et la qualité des évêques; et elle lui est donnée, non-seulement dans la première, dans la seconde et dans la troisième action, qui sont celles où M. Dupin s'est restreint; mais encore très-expressément et en mêmes termes dans la quatrième et dans la sixième, et s'il n'en est point parlé dans la cinquième et dans la septième, c'est que la séance n'y est point marquée; mais on sait que c'est toujours en supposant que tout s'y étoit passé à l'ordinaire. Voilà d'abord un mauvais commencement pour un homme dont on vante tant l'exactitude. Voyons la suite.

SEPTIÈME REMARQUE.

Suite des erreurs de M. Dupin sur la présidence de saint Cyrille.

«Je croirois plutôt, continue-t-il, que saint Cyrille ayant eu cette qualité avant le concile, l'a conservée dans le concile même, quoiqu'il ne l'eût plus. » Que veulent dire ces mots : A conservé une qualité qu'il n'avoit plus? Etoit-ce erreur? étoit-ce mensonge? étoit-ce entreprise et attentat? Mais le contraire paroît en ce qu'il

1 P. 768.

a conservé cette qualité avec l'approbation de tout le concile même qui la lui donne, comme on vient de voir; en ce qu'il l'a conservée en présence d'Arcadius, de Projectus et de Philippe, légats spécialement députés au concile; en ce que les légats loin d'y trou ver à redire, approuvent expressément les actes où on la lui donne, en ce que le pape Célestin ne l'a pas non plus trouvé mauvais; en ce qu'il est demeuré notoire dans tout l'univers, qu'il avoit cette qualité dans le concile, et que tous les historiens en sont d'accord, comme l'auteur en convient. Il est donc faux que ce patriarche ait pris une qualité qu'il n'avoit pas 1.

Que sert maintenant de demander « où l'on voit que le Pape l'ait commis pour assister en son nom au concile avec ses légats, ou qu'il lui ait prorogé pour cet effet le pouvoir qu'il lui avoit donné?» Tout cela, c'est disputer contre un fait constant, et opposer les conjectures de de Dominis ennemi de la papauté, à des actes de treize cents ans qu'on n'a jamais révoqués en doute. Nous demandons à notre tour: Pourquoi affecter dans un concile une qualité qu'on n'a pas, et qui ne donne aucun avantage, puisque saint Cyrille, à ce que l'on prétend, auroit toujours présidé sans cela? Qu'on nous rende raison de cette conduite.

HUITIEME REMARQUE.

Source de l'erreur de M. Dupin: il n'a pas voulu prendre garde à
la procédure du concile.

Après tout, il est bien aisé de comprendre que c'est ici une suite de l'erreur de M. Dupin que nous avons vue. Il a voulu compter pour rien ces paroles de la sentence du concile : « Nous, contraints par les saints canons, et par la lettre de notre saint Père Célestin; » il les a supprimées, et n'a pas voulu se souvenir que le concile procédoit en exécution et en confirmation de la sentence du Pape. Quelle merveille que saint Cyrille, qui étoit commis pour l'exécuter, ait continué jusqu'à la fin d'agir en vertu de sa commission? Sans cela, le concile auroit manqué d'une chose absolument nécessaire, qui étoit l'autorité du saint Siége, et n'au

1 P. 767.

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