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roit pas eu le Pape dans son unité; ce qu'on ne niera point qui n'ait toujours été de la règle et réputé fondamental en ces occasions. Mais laissons ces raisonnemens, quoique indubitables et démonstratifs, puisque nous pouvons agir par actes.

NEUVIÈME REMARQUE.

L'auteur omet les articles les plus nécessaires à la matière qu'il traite.

Cet auteur a bien rapporté que la lettre de saint Célestin, et celle de saint Cyrille qui procédoit en exécution, avoient été lues dans le concile; mais il n'a pas voulu voir la suite de cette lecture. C'est que Pierre prêtre d'Alexandrie, qui faisoit la fonction de promoteur, demanda qu'on informàt le concile si ces deux lettres, ou pour mieux parler, ces deux sentences, l'une primitive, l'autre exécutoire, avoient été signifiées à Nestorius 1. Ce fut en conséquence de cette réquisition, que les deux évêques que saint Cyrille avoit chargés de les rendre à Nestorius, certifièrent le concile qu'ils les lui avoient rendues «en main propre, en présence de tout le clergé et de plusieurs autres personnes illustres. » Qui ne voit donc qu'on posoit le fondement de la sentence qu'on prononça le même jour, où l'on fit mention expresse de la lettre de Célestin, en conséquence de laquelle on procédoit, et que la procédure du concile étoit tellement liée avec celle de ce pape et de saint Cyrille, qu'elles ne faisoient toutes deux qu'une seule et même action.

Et c'est ainsi qu'on l'explique en termes formels dans la seconde action, aux légats spécialement députés au concile, en leur disant au nom du concile même, « que le saint Siége apostolique du trèssaint évêque Célestin ayant donné par sa sentence la forme et la règle, Tv, à cette affaire, le concile l'avoit suivie et avoit exécuté cette règle. » Projectus un des légats remarque aussi que tout ce qui se faisoit dans le concile « avoit pour fin de mener à son dernier terme et à sa parfaite execution, πέρας πληρέστατον, ce que le Pape avoit défini. »

Et dans la troisième action, après que le prêtre. Philippe et les deux évêques légats eurent consenti à la sentence du concile, 1 Act. I. 2 Act. II.

saint Cyrille dit que par là «< ils ont exécuté ce qui avoit déjà été ordonné par le pape Célestin 1; » de sorte qu'on voit toujours que tout procède en exécution de cette sentence.

Et en remontant à la source, on trouve en effet que Cyrille étoit chargé de deux choses par la commission de Célestin : l'une de prescrire à Nestorius la forme de son abjuration : l'autre, après le terme écoulé, s'il refusoit de la faire, de pourvoir à cette Eglise : Illicò tua sanctitas illi Ecclesiæ prospiciat ; c'étoit-à-dire de chasser en effet de l'Eglise de Constantinople, Nestorius qui la ravageoit; ce qui ayant été tenu en suspens par la convocation du concile général, le jugement de saint Célestin ne put avoir sa pleine exécution que dans le concile, et après que Nestorius y eut été cité canoniquement; de sorte que saint Cyrille, sans avoir besoin de nouvelle prorogation, demeura toujours revêtu du pouvoir du Pape jusqu'à ce que la condamnation de Nestorius eût eu son entier effet; et le concile avoit raison de le regarder comme toujours revêtu de l'autorité du saint Siége, puisqu'il vouloit procéder en vertu de la sentence du Pape, l'affaire se consommant par ce moyen avec le commun consentement de toute l'Eglise, c'est-à-dire du chef et des membres, du Pape et des évêques, à quoi saint Célestin, saint Cyrille et tout le concile vouloient venir.

Et comme tout ce qui s'est fait dans le concile tendoit à une entière exécution de la commission originaire de saint Cyrille, et à lever les obstacles qu'on y opposoit, je ne vois pas où peut être la difficulté, qu'il continue d'en user, non-seulement dans la première action, mais encore dans toute la suite, et même depuis l'arrivée des trois légats, afin que toute l'action contre Nestorius, depuis le commencement jusqu'à la fin, fùt plus uniforme, plus suivie, et pour ainsi dire plus une.

Il n'y a donc plus de difficulté dans cette affaire, si ce n'est qu'on veuille répondre avec notre auteur, « qu'encore que saint Cyrille ait conservé dans le concile la qualité de député du Pape, il ne s'ensuit pas qu'il ait présidé en cette qualité 2. » Mais qu'estce qui auroit pu empêcher qu'il ne l'eût fait; et ne voit-on pas assez clairement combien cette qualité a donné de poids et de suite à

1 Act. III. - 2 P. 778.

toute la procédure du concile? Mais c'est trop raisonner contre des hommes qui opposent des raisonnemens à des actes, des subtilités à des pièces authentiques, et des conjectures à des faits constans. Pour ceux qui ont peine à croire que l'autorité du saint Siége ait dès lors été si grande et si révérée, même dans les conciles généraux, ils doivent apprendre par cet exemple à se défier de certaines gens trop hardis et trop prévenus, puisqu'enfin voilà les actes dans leur pureté; et si l'auteur les a supprimés, de même qu'il a tronqué la sentence du concile, il ne faut pas souffrir davantage qu'il induise les simples en erreur.

DIXIÈME REMARQUE.

La présidence attribuée par M. Dupin à Juvenal patriarche de Jérusalem, contre les actes du concile.

Il continue: « Si saint Cyrille eût présidé en cette qualité, il est certain qu'à son défaut les autres légats du Pape eussent dû présider en sa place, et avoir le premier rang. Or il est constant que ce ne furent point eux, mais Juvénal de Jérusalem qui présida à la quatrième et à la cinquième action, dans lesquelles saint Cyrille parut comme suppliant 1.» J'admire ces Messieurs avec leur il est constant, quand ce qu'ils donnent pour si constant est constamment faux. Voici les actes de la quatrième session : « Le saint concile assemblé, et les évêques séant dans l'Eglise appelée Marie, à savoir Cyrille d'Alexandrie, qui tenoit aussi la place du très-saint Célestin archevêque de l'Eglise romaine, Arcadius évêque et légat du Siége de Rome, Projectus évêque et pareillement légat du même Siége, et Philippe prêtre et légat, Juvénal évêque de Jérusalem, Memnon évêque d'Ephèse, » etc. Il me semble qu'il est bien constant par ces actes et par le registre du concile, qu'Arcadius et les autres légats, sans excepter Philippe qui n'étoit qu'un prêtre, sont placés immédiatement après saint Cyrille, et au-dessus de Juvénal. Rien par conséquent n'étoit moins constant que ce premier rang que M. Dupin lui vouloit donner d'une manière si affirmative.

1 P. 768.

Je ne sais s'il a voulu nous donner pour acte de présidence dans cette quatrième action, quelques endroits où Juvénal prend la parole le premier; mais cela lui est commun avec beaucoup d'autres, comme avec Flavius de Philippes, avec Firmus de Césarée en Cappadoce, et cela même en présence de saint Cyrille, à qui la présidence n'est point contestée. On voit la même chose dans tous les conciles; et en vérité il est pitoyable d'adjuger la présidence à Juvénal dans la quatrième action, sans en avoir la moindre raison, si ce n'est celle-là qui n'est rien.

Nous avons dit que la séance n'étoit rapportée, ni dans la cinquième session, ni dans la septième, et que c'étoit une marque qu'elle étoit allée à l'ordinaire pour la sixième, les rangs sont marqués distinctement comme on vient de voir dans la quatrième; et M. Dupin ne nous dira pas qu'ils ne le sont que dans le latin; car il sait bien que le commencement de cette session manque entièrement dans le grec, à cause que ces choses de solennité sont sujettes à être omises par les copistes, comme trop connues et aisées à suppléer par les autres actes. Il est d'ailleurs bien assuré que le latin est ancien et authentique, qu'il est conforme à l'ancienne version, qui étoit celle dont l'Eglise latine se servoit de tout temps, et que M. Baluze nous a donnée, qu'il est plus complet que le grec, ce qui oblige notre auteur lui-même à suppléer par cet ancien latin d'autres actes où le grec est pareillement défectueux. Ce fait est constant; et ainsi la préséance de tous les légats au-dessus du patriarche de Jérusalem est très-bien établie par le registre des séances, qui est la preuve la plus décisive qu'on puisse alléguer en cette occasion. Voyons si le reste des actes répond à cela.

ONZIÈME REMARQUE.

Autres actes sur la même chose.

Il y a parmi les lettres du concile après l'action sixième, un mandement adressé aux députés qu'on avoit envoyés à l'empereur, qui est intitulé en cette sorte: «A Philippe prêtre, tenant la place de Célestin très-saint évêque du Siége apostolique, et aux

très-religieux évêques Arcadius, Juvénal, etc., le saint et œcuménique concile assemblé à Ephèse, salut1. » Voilà ce qu'écrit en corps le concile, qui savoit le rang que chacun tenoit dans son assemblée. Les légats sont nommés devant Juvénal; et si l'on met le prêtre Philippe devant Arcadius qui en étoit l'un, c'est pour la même raison qu'on voit ce prêtre prendre la parole presque partout au-dessus des autres légats, et signer immédiatement après saint Cyrille, non-seulement devant le patriarche de Jérusalem, mais encore devant les évêques Arcadius et Projectus ses compagnons dans la légation.

En un autre endroit pourtant le concile nomme les évêques les premiers, et le prêtre Philippe après eux; mais Arcadius est nommé à la tête des autres évêques, et même devant Juvénal. Dans la lettre écrite au concile par les évêques qui se trouvoient à Constantinople, ces évêques, qui savoient le rang que les églises tenoient dans le concile, font ainsi l'adresse : « Aux saints évêques Célestin, Cyrille, Juvénal, Firmus, Flavien, Memnon, assemblés dans la métropole d'Ephèse, les évêques qui sont à Constantinople. » Voilà le rang des églises exactement gardé. Les patriarches sont préférés, et le Pape est mis à la tête. On savoit bien qu'il n'étoit pas présent en personne; mais on lui écrit selon la coutume, comme tenant la première place, parce qu'il la tenoit par ses légats. Ce rang étoit bien connu par les puissances séculières, aussi bien que par les évêques; et c'est par cette raison que l'empereur écrivant au concile, fait l'adresse en cette sorte : A Célestin, Rufus, etc., et voilà encore l'ordre des conciles bien marqué, et le Pape mis à la tête comme celui qui y tenoit naturellement le premier rang.

Il est vrai qu'il y a deux endroits où Juvénal signe devant les légats, soit qu'il y ait quelque confusion dans ces signatures, comme on sait qu'il y en arrive souvent, soit qu'en effet on n'y prît pas toujours garde de si près, et qu'on signât comme on se trouvoit. Mais le gros est constamment pour les légats, même à l'égard des signatures, puisqu'on trouve partout dans les actes 2 Act. II, III. 3 Relat. ad Imp., ibid.

1 Mandatum quod sancta, etc. Act. V.

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