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qu'elles se faisoient selon l'ordre des séances, dans lesquelles le registre ne varie point.

On ne voit donc point pourquoi M. Dupin affecte de refuser au saint Siége jusqu'à la première place, dans un concile où tout est rempli des marques de sa supériorité par-dessus tous les siéges de l'univers, sans excepter les plus élevés.

CHAPITRE II.

Suite des Remarques sur la procédure, par rapport au concile.

PREMIÈRE REMARQUE.

Mauvaise idée que l'auteur en donne.

Notre auteur ne traite pas mieux le concile, qu'il a fait le Pape; et parmi les particularités d'une si sainte assemblée qu'il se glorifie d'avoir découvertes, en voici une en effet bien nouvelle : « C'est que le sort en étoit pour ainsi dire entre les mains de l'empereur, et que le succès du concile dépendoit de la résolution que la Cour prendroit 1. » Voilà déjà une foible idée qu'on nous donne d'un si grand concile, l'un de ceux que saint Grégoire a presque égalés aux quatre Evangiles. Quoi! si la Cour eût continué à favoriser les amis de Nestorius, comme elle avoit fait au commencement, les décrets du concile seroient demeurés sans force, et Nestorius auroit triomphé? M. Dupin n'ignore pas combien cet hérésiarque a de défenseurs parmi les protestans, et, ce qui en est une suite, combien le concile d'Ephèse y a d'ennemis. Il ne falloit pas les flatter dans le sentiment où ils sont, que tout ce qui s'y est passé n'a été que politique et intrigue. C'est une idée que les libertins prennent aisément. Ils regardent les conciles comme des assemblées purement humaines, où l'on suit les mouvemens que donnent les Cours et des raisons politiques. Les hérétiques vaincus, lorsque les princes secondent les sentimens de l'Eglise, regardent leur condamnation comme l'effet de l'autorité des rois. Encore aujourd'hui les dioscorites donnent le nom de Melchites

1 P. 723.

ou de Royaux aux défenseurs du concile de Chalcédoine. On ne peut flatter davantage ceux qui font de la religion une politique, qu'en disant avec notre auteur que le sort des conciles œcuméniques, c'est-à-dire celui de la foi, est entre les mains des puissances, et que le succès dépend des résolutions que prennent les Cours. Voilà déjà une découverte qui n'est pas heureuse; mais ce qu'il y a de plus pitoyable, c'est qu'elle n'a pas la moindre appa

rence.

Pour dissiper cette fausse idée, il ne falloit que se souvenir, d'un côté, de la faveur de Nestorius, qui avoit trompé l'empereur et engagé toute la Cour dans ses intérêts; et de l'autre, de la fermeté du peuple, qui ne laissa pas pour cela d'abandonner publiquement son patriarche; de celle du clergé et des religieux, qui souffrirent une cruelle persécution; de celle de saint Célestin, qui se crut obligé du haut de la Chaire de saint Pierre d'animer tout le monde à la souffrance; enfin de celle de saint Cyrille, qui ne se ralentit jamais, et qui écrivit à l'empereur et aux impératrices contre la doctrine de cet hérésiarque, encore que ce prince le trouvât mauvais, jusqu'à l'accuser avec des paroles menaçantes non-seulement de troubler tout l'univers, mais encore de vouloir mettre la division dans sa famille et de soulever les impératrices, c'est-à-dire, sa femme et sa sœur, contre lui. Toute l'Eglise étoit sur ses gardes, et se préparoit au martyre plutôt que de céder à l'erreur, dans le temps où M. Dupin lui reproche d'avoir été si dépendante des mouvemens de la Cour.

Peut-être que le concile fut intimidé, et que les choses changèrent de face depuis que Jean d'Antioche, avec son concile schismatique, eut tout troublé à Ephèse. Mais le contraire parut, lorsque l'empereur surpris, ayant fait arrêter saint Cyrille et Memnon évêque d'Ephèse, et ayant exigé des choses qui induisoient la nullité des décrets du concile, les Pères demeurèrent inflexibles. L'auteur avoue qu'il fut résolu de n'entendre à aucun accord avec Jean et les évêques de son parti, «qu'ils n'eussent souscrit à la condamnation de Nestorius, demandé pardon de ce qu'ils avoient fait, et que saint Cyrille et Memnon ne fussent rétablis 1. »

1 P. 726.

TOM. XX.

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C'est ce qui paroit dans le mandement du concile à ses députés. Mais on auroit vu combien les Pères étoient inflexibles dans cette résolution, si notre auteur avoit rapporté cette clause de leur mandement : « Sachez que si vous manquez à un de ces points, le saint concile ne ratifiera pas ce que vous aurez fait, et ne vous recevra pas à sa communion'; » et ces paroles d'une de leurs lettres « On nous accable, on nous opprime; il faut en informer l'empereur qui ne le sait pas; et en même temps on doit savoir que quand on devroit nous faire mourir tous, il n'en sera autre chose que ce que Jésus-Christ notre Sauveur a ordonné par notre ministère 2; » et celles-ci d'une lettre de saint Cyrille : « On n'a pu persuader au concile de communiquer avec Jean; mais il résiste, en disant : Voilà nos corps : voilà nos églises voilà les villes tout est en votre puissance; mais pour nous faire communiquer avec les Orientaux (fauteurs de Nestorius), jusqu'à ce qu'ils aient cassé ce qu'ils ont fait contre Cyrille et contre Memnon, cela ne se peut en aucune sorte 3. >>>

Voilà comment le concile étoit dans la dépendance de la Cour; à quoi si l'on ajoute la résolution invincible du pape saint Célestin et de tout l'Occident, loin de dire que tout dépendoit de la résolution que la Cour prendroit, on auroit dù dire, ce qui est certain, que la résolution de la Cour céda, comme il étoit juste, à la fermeté du concile et à l'autorité de l'Eglise.

SECONDE REMARQUE.

Suite des fausses idées que donne l'auteur.

M. Dupin continue à nous donner cette idée de la toute-puissance des Cours dans les affaires de la religion, lorsqu'en parlant de l'accord de Jean d'Antioche et de ses évêques avec saint Cyrille et les orthodoxes, il parle ainsi : « L'empereur vouloit la paix, et il la falloit à quelque prix que ce fùt *. » En vérité, c'est donner des idées bien foibles de l'autorité ecclésiastique: A quelque prix que ce fût! L'auteur sait bien le contraire: il sait bien qu'on ne

1 Ep. Cath. post., vi, Mandat. Conc. ad Leg., ubi sup. C. P. ibid. - Epist. Cyr. Theop., etc., ibid. — P. 742.

3

Common, ad Cler.,

put jamais obliger saint Cyrille à rétracter la moindre partie de sa doctrine, ni aucun de ses anathématismes, ni à laisser affoiblir, pour peu que ce fùt, les décrets et l'autorité du concile d'Ephèse; au contraire, qu'on ne reçut les Orientaux qu'à condition de satisfaire l'Eglise catholique sur la foi, de détester les erreurs de Nestorius, de souscrire à la sentence rendue à Ephèse contre lui, et de reconnoître l'ordination de Maximien son successeur. Saint Cyrille, les autres évêques et le pape Sixte ne les recurent qu'à ce prix, et jamais ne l'auroient fait autrement. Il n'est donc pas véritable qu'il les fallût recevoir à quelque prix que ce fût. Il dira qu'il ne l'entend pas dans cet excès, et c'est par où je conclurai qu'il écrit donc sans réflexion, et qu'il ne sent, ni la force des mots, ni la conséquence des choses.

TROISIÈME REMARQUE.

Suite des mêmes idées : saint Cyrille rendu suspect.

L'auteur n'omet pas que le procès intenté par les Orientaux, tourna bien pour le concile; mais en vérité il le raconte d'une manière trop basse. « Quand, dit-il, les Orientaux vouloient parler à l'empereur de Nestorius, il ne les pouvoit souffrir son conseil étoit entièrement gagné : Acace de Berée, dans une lettre rapportée dans le Recueil de Lupus, accuse saint Cyrille d'avoir fait changer de sentiment à la Cour, en faisant donner de l'argent à un eunuque: on n'est pas obligé de croire ce que dit Acace de Berée, qui n'étoit pas des amis de saint Cyrille; mais il est toujours constant que l'empereur changea de disposition en fort peu de temps, et qu'il se résolut tout d'un coup de faire ordonner un autre évêque à Constantinople 1. »

Un autre auroit dit naturellement que l'empereur étoit revenu par l'évidence du fait, par le péril manifeste de la religion, par l'horreur qu'avoit tout le monde des impiétés de Nestorius, par les pieuses clameurs de tout le peuple «qui l'anathématisa hautement, une et deux fois, tout d'une voix 2,» par les vives et respectueuses remontrances du saint moine Dalmatius, qui décou1 P. 729.2 In conc. Eph., Epist. cath. Reser. episc., etc.

vrit à ce prince tout ce qu'on faisoit sous son nom sans qu'il le sût, et qui lui disoit : « Voulez-vous préférer à six mille évêques un seul homme, et qui encore est un impie? » Il y en avoit assez là pour obliger l'empereur et son conseil à changer fort promptement; mais on aime mieux donner à ce changement un air de corruption, et d'une corruption dont saint Cyrille, qu'on n'aime pas, fùt l'auteur. Dire que le conseil étoit gagné, et que l'empereur changea tout d'un coup, et rapporter à cette occasion le récit d'Acace de Berée, en remarquant foiblement qu'on peut bien ne l'en pas croire, c'est vouloir insinuer tacitement qu'on pourroit bien l'en croire aussi, ou qu'enfin ce changement sera arrivé par quelque intrigue semblable de saint Cyrille. Les raisons simples et naturelles des événemens ne suffisent pas à la pénétration des critiques; ce ne sont pas là ces particularités inconnues qu'ils se plaisent à débiter; il leur paroit plus d'esprit à donner un tour malin, même aux affaires de religion; et comme c'est celui-là que les raffineurs du monde aiment le mieux, c'est aussi celui-là qu'on est bien aise de présenter à leur esprit.

Mais si l'auteur vouloit parler des présens donnés, pourquoi s'attacher à saint Cyrille, et ne pas dire un mot de l'argent avec lequel ses envieux achetèrent des langues vénales, pour le calomnier auprès de l'empereur? C'est un fait dont ce patriarche prend à témoin l'empereur lui-même et toute la ville d'Alexandrie, qui connoissoit l'infàme conduite de ses délateurs. Il est étrange que notre critique n'observe que les reproches qu'on fait à saint Cyrille, et taise tous ceux qu'on faisoit à ses envieux.

QUATRIÈME REMARQUE.

Autre fausse idée que M. Dupin donne du saint martyr Flavien, dans son Histoire du concile de Chalcédoine.

C'est la pente de cet auteur de donner des idées suspectes des meilleures choses; et puisque l'occasion se présente ici de le remarquer, on en peut voir un nouvel exemple dans son Histoire du Concile de Chalcédoine: «Le jugement d'Eutyche appartenant,

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