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dit-il, à Flavien qui étoit son évêque, ce patriarche étoit engagé par son propre intérêt à soutenir les Orientaux contre les Egyptiens, parce que l'évêque d'Alexandrie lui contestoit ses prérogatives, au lieu que l'évêque d'Antioche et les Orientaux y avoient consenti. Il fit donc en sorte que dans un concile assemblé à Constantinople, Eusèbe, évêque de Dorylée, intentât une action contre Eutyche. » Si vous demandez où M. Dupin a pris cela, il ne vous rapportera aucun auteur; et en effet il n'y en a point. C'est là encore une de ces particularités que lui seul a découvertes. Flavien étoit un saint c'étoit un martyr reconnu, vénéré, invoqué par tout le concile de Chalcédoine : l'erreur d'Eutyche attaquoit directement le fondement de la foi, et renversoit l'économie de l'incarnation. Ce motif ne suffisoit pas à un saint et à un martyr pour lui faire entreprendre d'attaquer un hérésiarque: c'est l'intérêt de Flavien qui l'y engagea : c'est ce qui lui fit susciter Eusèbe de Dorylée pour faire un procès à ce vieillard insensé : c'est la jalousie des Siéges qui a fait naître dans l'Eglise tout ce tumulte : les raisons tirées de la religion sont trop vulgaires, et les critiques ne flatteroient pas assez le goût des gens du monde, s'ils ne leur donnoient des moyens pour tout attribuer à la politique et à des intérêts cachés. Quand on veut donner ce tour aux affaires, on a un grand avantage, c'est qu'on n'a pas besoin de preuves: il n'y a qu'à insinuer ces motifs secrets: la malignité humaine les prend d'elle-même.

CINQUIÈME REMARQUE.

Foiblesse de M. Dupin en défendant le concile et saint Cyrille.

Bien que le concile d'Ephèse soit certainement un de ceux dont la procédure est la plus régulière et la conduite la plus sage, en sorte que la majesté de l'Eglise catholique n'éclate nulle part davantage, et qu'un si heureux succès de cette sainte assemblée soit dû principalement à la modération et à la capacité de saint Cyrille nous avons déjà remarqué que les hérétiques anciens et modernes n'ont rien oublié pour décrier et le concile et saint Cyrille

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son conducteur. Nous avons vu quelques traits de notre auteur sur ce sujet en voici d'autres bien plus dangereux.

Vers la fin de l'histoire de ce concile ', il ramasse tout ce qu'on peut dire de plus apparent, et tout ensemble de plus aigre pour y montrer une précipitation et une animosité peu digne d'une si grave assemblée et de saint Cyrille qui la conduisoit; mais quand il vient à répondre, son style perd sa vigueur, et il n'y a personne qui n'ait ressenti qu'il poussoit bien plus fortement l'attaque que la défense. Et d'abord on craint pour sa cause, lorsqu'on entend ce discours : « Voilà les objections que l'on peut faire contre la forme du concile d'Ephèse; je ne les ai ni dissimulées, ni affoiblies, afin de faire voir qu'il n'est pas impossible de répondre à ce qu'on peut dire de plus fort. » On voit un homme peiné de ces objections, et qui loin de faire sentir le manifeste avantage de la bonne cause, croit faire beaucoup pour elle en disant qu'il n'est pas impossible de la défendre. On remarquera dans la suite que tout est foible dans cet auteur pour la défense du concile. Voyons si ces objections sont si terribles.

La plus apparente est celle-ci : « La manière dont la chose est jugée, semble prouver clairement que c'étoit la passion qui faisoit agir saint Cyrille et les évêques de son parti; qu'ils vouloient, à quelque prix que ce fùt, condamner Nestorius, et qu'ils ne craignoient rien tant que la venue des évêques d'Orient, de peur de n'être pas les maîtres de faire ce qu'il leur plairoit; car dès la première séance ils citèrent deux fois Nestorius, lurent les témoignages des Pères, les lettres de saint Cyrille avec ses douze chapitres, et les écrits de Nestorius, et dirent tous leurs avis. Jamais affaire n'a été conclue avec tant de précipitation: la moindre de ces choses méritoit une séance entière 3. » Quand on objecte 'si fortement, il faut répondre de la même sorte: autrement on se rend suspect de prévarication. Voici tout ce que je trouve sur ce sujet dans notre auteur: que « si l'on a jugé Nestorius dans une seule séance et dans un même jour, il doit s'en prendre à lui, parce qu'il n'a pas voulu comparoître: qu'il étoit facile de le condamner comme contumace: qu'il étoit visible qu'il avoit nié que

1 P. 769.2 P. 772.3 P. 773.

la Vierge pût être appelée Mère de Dieu, et qu'il se servoit d'expressions qui sembloient diviser la personne de Jésus-Christ; qu'il a été cité par trois fois selon la discipline des canons qu'il n'est pas nécessaire selon les lois ecclésiastiques, que ces citations se fassent en différens jours que c'étoit le zèle et non pas la passion qui faisoit agir saint Cyrille 1. »

Je demande en bonne foi, si les doutes sont bien levés par ces réponses? « On pouvoit tout faire en un jour contre un homme que l'on condamnoit par contumace. » Cela est bon pour la personne; mais la question de la foi s'instruit-elle de cette sorte ? et n'est-ce que formalité? On nous dit bien « qu'il étoit visible que Nestorius avoit nié qu'on pùt appeler Marie Mère de Dieu; » mais pour l'autre chef d'accusation, qui étoit pourtant le principal, s'il divisoit la personne, M. Dupin nous dit : Il sembloit, ce qui charge plus le concile qu'il ne l'excuse, puisque c'est le faire juger sur un fait qui n'étoit pas bien constant. « Il n'est pas nécessaire que les citations se fassent en jours différens ; » c'est assez pour faire voir qu'à toute rigueur on pouvoit juger; mais ce procédé à toute rigueur et d'un droit étroit, si l'on n'y ajoute autre chose, est odieux et souvent réputé inique; d'autant plus que la première citation n'étoit que du jour précédent, et qu'ainsi l'on expédie une affaire de la dernière importance en deux jours. Ce qu'on dit du zèle de saint Cyrille est une allégation qu'on ne soutient d'aucune raison et qui ne persuade guère le monde, toujours plus enclin à croire le mal que le bien. Il falloit, ou ne pas entreprendre la cause, ou mieux répondre.

SIXIÈME REMARQUE.

Les réponses les plus décisives omises par notre auteur.

Dans le fond, ces objections sont moins que rien, pourvu qu'on veuille répondre ce qu'il faut. Et d'abord on ne s'étonneroit pas de voir, comme il est porté dans l'objection, les évêques demeurer enfermés depuis le matin jusqu'au soir, si l'on avoit daigné observer la coutume des conciles. Dans la seule première séance du

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son conducteur. Nous avons vu quelques traits de notre auteur sur ce sujet en voici d'autres bien plus dangereux.

Vers la fin de l'histoire de ce concile 1, il ramasse tout ce qu'on peut dire de plus apparent, et tout ensemble de plus aigre pour y montrer une précipitation et une animosité peu digne d'une si grave assemblée et de saint Cyrille qui la conduisoit; mais quand il vient à répondre, son style perd sa vigueur, et il n'y a personne qui n'ait ressenti qu'il poussoit bien plus fortement l'attaque que la défense. Et d'abord on craint pour sa cause, lorsqu'on entend ce discours : « Voilà les objections que l'on peut faire contre la forme du concile d'Ephèse; je ne les ai ni dissimulées, ni affoiblies, afin de faire voir qu'il n'est pas impossible de répondre à ce qu'on peut dire de plus fort 2. » On voit un homme peiné de ces objections, et qui loin de faire sentir le manifeste avantage de la bonne cause, croit faire beaucoup pour elle en disant qu'il n'est pas impossible de la défendre. On remarquera dans la suite que tout est foible dans cet auteur pour la défense du concile. Voyons si ces objections sont si terribles.

La plus apparente est celle-ci : « La manière dont la chose est jugée, semble prouver clairement que c'étoit la passion qui faisoit agir saint Cyrille et les évêques de son parti; qu'ils vouloient, à quelque prix que ce fùt, condamner Nestorius, et qu'ils ne craignoient rien tant que la venue des évêques] d'Orient, de peur de n'être pas les maîtres de faire ce qu'il leur plairoit; car dès la première séance ils citèrent deux fois Nestorius, lurent les témoignages des Pères, les lettres de saint Cyrille avec ses douze chapitres, et les écrits de Nestorius, et dirent tous leurs avis. Jamais affaire n'a été conclue avec tant de précipitation: la moindre de ces choses méritoit une séance entière 3. » Quand on objecte 'si fortement, il faut répondre de la même sorte: autrement on se rend suspect de prévarication. Voici tout ce que je trouve sur ce sujet dans notre auteur: que « si l'on a jugé Nestorius dans une seule séance et dans un même jour, il doit s'en prendre à lui, parce qu'il n'a pas voulu comparoître: qu'il étoit facile de le condamner comme contumace: qu'il étoit visible qu'il avoit nié que

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la Vierge pût être appelée Mère de Dieu, et qu'il se servoit d'expressions qui sembloient diviser la personne de Jésus-Christ; qu'il a été cité par trois fois selon la discipline des canons : qu'il n'est pas nécessaire selon les lois ecclésiastiques, que ces citations se fassent en différens jours que c'étoit le zèle et non pas la passion qui faisoit agir saint Cyrille 1. »

Je demande en bonne foi, si les doutes sont bien levés par ces réponses? « On pouvoit tout faire en un jour contre un homme que l'on condamnoit par contumace. » Cela est bon pour la personne; mais la question de la foi s'instruit-elle de cette sorte? et n'est-ce que formalité? On nous dit bien « qu'il étoit visible que Nestorius avoit nié qu'on pùt appeler Marie Mère de Dieu; » mais pour l'autre chef d'accusation, qui étoit pourtant le principal, s'il divisoit la personne, M. Dupin nous dit : Il sembloit, ce qui charge plus le concile qu'il ne l'excuse, puisque c'est le faire juger sur un fait qui n'étoit pas bien constant. « Il n'est pas nécessaire que les citations se fassent en jours différens; » c'est assez pour faire voir qu'à toute rigueur on pouvoit juger; mais ce procédé à toute rigueur et d'un droit étroit, si l'on n'y ajoute autre chose, est odieux et souvent réputé inique; d'autant plus que la première citation n'étoit que du jour précédent, et qu'ainsi l'on expédie une affaire de la dernière importance en deux jours. Ce qu'on dit du zèle de saint Cyrille est une allégation qu'on ne soutient d'aucune raison et qui ne persuade guère le monde, toujours plus enclin à croire le mal que le bien. Il falloit, ou ne pas entreprendre la cause, ou mieux répondre.

SIXIÈME REMARQUE.

Les réponses les plus décisives omises par notre auteur.

Dans le fond, ces objections sont moins que rien, pourvu qu'on veuille répondre ce qu'il faut. Et d'abord on ne s'étonneroit pas de voir, comme il est porté dans l'objection, les évêques demeurer enfermés depuis le matin jusqu'au soir, si l'on avoit daigné observer la coutume des conciles. Dans la seule première séance du

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