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testoit pas moins Nestorius, qui le nioit d'une autre manière, en niant l'union hypostatique. En un mot, de quelque sorte qu'on le nie, on rejette également le fondement de la foi; et on ne peut s'excuser d'être en effet de l'erreur de Paul de Samosate, puisque bien que d'une autre manière on convient toujours avec lui que Jésus-Christ n'est pas Dieu, et que celui que nous adorons est une pure créature.

SECONDE REMARQUE.

Seconde erreur que la manière dont Nestorius nioit la divinité de JésusChrist pouvoit être dissimulée.

On ne doit pas se persuader, comme l'insinue notre auteur, que ce fussent là des subtilités où le peuple n'entroit pas, et où il eùt été bon de ne pas le faire entrer. « La chose étant mieux examinée, on connut bientôt, dit-il, que l'erreur de Nestorius étoit plus subtile (que celle de Paul de Samosate). Saint Cyrille le reconnut lui-même, et il avoua qu'il eût été mieux de ne point remuer cette question. » Je ne comprends pas ce qu'il veut dire : Saint Cyrille le reconnut lui-même. C'est donc à dire que saint Cyrille étoit un de ceux qui s'étoient trompés sur le sentiment de Nestorius. Personne ne le dira, puisqu'il est constant que dès la première lettre qu'il écrivit sur cette matière, qui fut celle aux solitaires d'Egypte, il pénétra si bien les sentimens de cet hérésiarque, qu'on ne voit pas que depuis il y ait rien découvert de nouveau. Mais voici où notre auteur en veut venir: « C'est, dit-il, que saint Cyrille avoua lui-même qu'il eût été mieux de ne pas remuer cette question. » Que veut-il dire? est-ce que saint Cyrille reconnut et avoua qu'il eût été mieux que Nestorius n'en eùt jamais parlé? qui en doute? Ce n'est pas là de quoi il s'agit : ce n'est pas ce qu'il falloit dire; saint Cyrille reconnut et avoua lui-même, puisqu'il ne pouvoit jamais en avoir douté. C'est donc qu'il eût mieux valu laisser Nestorius en repos, et ne pas faire tant de bruit d'une si subtile erreur, comme si elle n'eût pas regardé d'assez près le fondement de la foi. Voilà ce qu'on insinue et ce qu'on ose attribuer à saint Cyrille.

TROISIÈME REMARQUE.

Cette erreur mal imputée à saint Cyrille : passage de ce Père.

:

Mais où est-ce encore que saint Cyrille fit cette reconnoissance et cet aveu? L'auteur nous l'apprend ailleurs par ces mots : « Les moines d'Egypte furent les premiers à remuer ces questions subtiles et à les agiter entre eux s'en étant trouvé plusieurs qui soutinrent le parti de Nestorius, saint Cyrille d'Alexandrie, qui étoit d'avis contraire, écrivit une grande lettre à ces moines, dans laquelle, après les avoir avertis qu'il eut beaucoup mieux valu ne point remuer ces sortes de questions abstraites, qui ne peuvent être d'aucune utilité, il se déclare contre le sentiment de Nestorius, en prouvant par plusieurs raisons qu'on doit appeler la Vierge Marie MÈRE DE DIEU 1. » Voilà toujours les idées de M. Dupin ces matières étoient abstraites, c'est-à-dire plutôt raffinées et curieuses que solides et nécessaires, et on n'en pouvoit tirer aucune utilité. Nestorius étoit d'un avis, saint Cyrille étoit d'avis contraire, au fond il eût mieux valu ensevelir cela dans l'oubli, sans se mettre en peine si la sainte Vierge étoit proprement Mère de Dieu, ou non. Selon ces belles idées, le lecteur est induit à croire que toute la peine qu'on se donna pour terminer ces questions étoit inutile; mais il jugeroit toute autre chose, si on lui rapportoit sincèrement les sentimens de saint Cyrille dans cette lettre aux solitaires : « J'apprends, dit-il, qu'il y a des gens qui s'insinuent parmi vous avec des paroles enflées, dont ils abusent le peuple, et qui osent révoquer en doute si la sainte Vierge doit être appelée MÈRE DE DIEU 2. » Il ajoute qu'il est étonné qu'on puisse émouvoir une telle question, ou douter d'une vérité dont la tradition est si constante dans l'Eglise. Il dit même qu'il auroit mieux valu que ces disputes ne fussent jamais venues dans leurs solitudes. Ce n'est pas à eux à se jeter dans des considérations si subtiles, et la simplicité de la foi leur étoit meilleure. On voit donc que ce qu'il reprend, c'est qu'on traite cette vérité pour en douter, pour en faire une matière de dispute parmi les solitaires; mais 1 P. 686.- Epist. Cyr. ad Monac., Conc. Eph., I part., cap. II.

qu'au reste il en fait voir l'importance, puisqu'il ne s'agit de rien moins que de renverser le concile de Nicée, le fondement de la piété et celui du culte des chrétiens.

QUATRIÈME REMARQUE.

Troisième erreur : que la manière dont Nestorius nioit que Jésus-Christ fût Dieu étoit une dispute de mots.

Notre historien poursuit : « Saint Cyrille avoua lui-même qu'il eût mieux valu ne pas remuer cette question. Mais parce que Nestorius continuoit toujours à scandaliser les peuples, et à parler d'une manière contraire à celle de l'Eglise, sans vouloir changer, on fut obligé de le condamner. » L'auteur du Mémoire dit en ce lieu: « Vous diriez, à entendre parler M. Dupin, qu'il ne s'agissoit que de quelques expressions reçues dans l'Eglise, auxquelles Nestorius avoit peine à s'accommoder; et que tous les Pères, que tous les théologiens catholiques avoient donné dans l'illusion, lorsqu'ils ont jugé d'un commun accord qu'il ne s'agissoit de rien moins que de la divinité de Jésus-Christ 2. >>

M. Dupin pourra répondre qu'il a fait voir en d'autres endroits que la dispute avec Nestorius étoit effective, et non pas une dispute de mots, et j'en conviens; mais cela ne l'excuse pas: premièrement, parce qu'il ne suffit pas de dire bien en un endroit, et qu'il faut dire bien partout, et ne se laisser jamais imprimer des argumens ou des dogmes des hérétiques secondement, parce qu'il demeure toujours que selon lui la question, si JésusChrist est Dieu, de la manière dont Nestorius la traitoit, est une dispute de mots.

Voilà les deux particularités très-agréables aux sociniens, qui paroissent dans le passage que lui reproche l'auteur du Mémoire; mais en voici qui leur plairont encore davantage.

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CINQUIÈME REMARQUE.

La qualité de Mère de Dieu trop foiblement soutenue par M. Dupin.

Le même auteur du Mémoire lui objecte encore qu'il favorise le dogme de Nestorius; et je n'aurois point à parler de cette matière, si les réponses de M. Dupin ne m'y obligeoient.

L'accusation se réduisoit à deux chefs: le premier, que M. Dupin avoit parlé foiblement et indignement de ce terme : Mère de Dieu le second, qu'il avoit mis ces expressions des Egyptiens le Verbe est né, Dieu est né, il a souffert, il est mort, au rang de celles que la postérité n'a pas suivies. Sur cette double accusation, M. Dupin ne fait qu'éluder.

Pour le premier chef, qui regarde le terme de Mère de Dieu, ce qu'on lui objecte, c'est qu'au lieu de dire que cette proposition: Marie est Mère de Dieu, est véritable, naturelle, propre, et ne peut être niée ni révoquée en doute, sans renverser le mystère, notre théologien est content, pourvu qu'on assure qu'on peut dire que Marie est Mère de Dieu : que ce sont là de ces expressions innocentes que l'usage a introduites dans l'Eglise, et qui sont vraics en un sens3; comme s'il n'étoit pas vrai en toute rigueur et dans la propriété du discours, que la sainte Vierge est Mère de Dieu.

Or c'est de quoi M. Dupin ne se peut défendre. Toute l'excuse qu'il apporte à ce qu'il a dit, que cette expression: Mère de Dieu, est de celles qui sont vraies en un sens, c'est que ce n'est pas lui qui parle en cet endroit, mais Jean d'Antioche et les Orientaux, qu'il fait parler conformément à ce qu'ils écrivent à Nestorius. Il avoue donc que si c'étoit lui qui parlàt ainsi, il seroit digne d'être repris; mais il ne songe pas que si ce n'est pas lui qui parle, c'est lui-même qui fait parler les Orientaux de cette sorte, pour montrer qu'on ne les pouvoit pas soupçonner d'erreur. Je ne lui impute donc pas de les avoir fait parler comme il prétend qu'ils parloient, mais de s'être contenté de leurs discours et de cette pernicieuse interprétation du terme de Mère de Dieu, par laquelle 1 Mém., p. 1. — 2 P. 777. — 3 P. 153, 781.

3

on l'affoiblit en disant que cette expression est vraie en un sens. C'est de même que si l'on disoit qu'on est orthodoxe en disant que cette expression: Jésus-Christ est Dieu; ou celle-ci : Ce qu'on reçoit dans l'Eucharistie est le corps de Jésus-Christ; ou celle-ci : L'Eucharistie est un sacrifice, sont vraies en un sens. Or toutes ces expressions, loin d'être orthodoxes, sont un manifeste affoiblissement, ou plutôt un déguisement de la foi, puisqu'elles tendent à dire que ces propositions ne sont pas absolument véritables, ni en elles-mêmes, ni dans leur sens naturel; et au contraire, qu'elles ne le sont qu'avec restriction; ce qui est une erreur manifeste.

Il ne sert donc de rien à notre auteur de nous apporter de longs passages, où il reçoit l'union hypostatique et le terme de Mère de Dieu. Dès qu'il affoiblit cette expression d'une manière si pitoyable en d'autres endroits, et qu'il reconnoît pour orthodoxes ceux qui en corrompent le vrai sens, il est coupable. Qu'il soit catholique dans le fond..., pour moi je ne veux pas dire qu'il soit nestorien; mais il ne doit donc pas approuver des expressions qui dans leur sens naturel induisent l'erreur; et quand on les lui objecte, il faudroit avouer sa faute et s'humilier, au lieu d'insulter encore, et de triompher de son inconsidération dans des matières de cette conséquence.

SIXIÈME REMARQUE.

Suite de la même matière, et M. Dupin toujours coupable malgré ses vaines

excuses.

J'en dis autant de cette expression: « On peut dire que Marie est Mère de Dieu. » L'auteur, pour la soutenir, répond que Nestorius « ayant enseigné qu'on ne peut pas dire que Marie soit Mère de Dieu, ce qu'on avoit à prouver contre lui étoit qu'on le pouvoit dire1. » Il a oublié que Nestorius avoit écrit au pape Célestin, que cette expression: MÈRE DE DIEU, se pouvoit souffrir, et par conséquent qu'on pouvoit dire qu'elle étoit vraie en un sens; mais il a encore plus oublié les règles du bon raisonnement. 1 Rép., p. 4, 5. - Conc. Eph., I part., cap. XVI.

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