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Selon ces règles cette proposition: On ne peut pas dire que Marie soit Mère de Dieu, détruit plus que ne pose celle-ci : On peut dire que Marie est Mère de Dieu. Car ce qu'exclut la première est universel, et ce que pose la seconde ne l'est pas. Pour vérifier la première, il faut qu'on ne puisse dire en aucun sens : Marie est Mère de Dieu pour vérifier la seconde, il suffit qu'on le puisse dire en un certain sens, quoique ce ne soit pas le sens propre. Ainsi cette proposition des sociniens: On peut dire que Jésus-Christ est Dieu, et celle-ci des calvinistes: On peut dire que l'Eucharistie estle corps de Jésus-Christ, sont des propositions captieuses, qui affoiblissent la vérité et conduisent à l'erreur. Il en est de même de celle-ci : On peut dire que la sainte Vierge est Mère de Dieu; et pour confondre ceux qui soutiendroient qu'on ne le peut dire, ce qu'on a à leur opposer, c'est non-seulement qu'on le peut dire, mais encore qu'on le doit pour parler correctement, et que la proposition est véritable dans la propriété du discours.

M. Dupin, qui fait tant l'habile, est si peu instruit de ces régularités du langage théologique, qu'encore à présent dans sa Réponse il use de circuit sur ce terme de Mère de Dieu, et croit avoir satisfait à tout, en disant « qu'il est consacré par l'usage de l'Eglise, qu'il faut s'en servir, et que ceux qui ne voudroient pas s'en servir devroient être considérés comme hérétiques. » Avec tout ce long discours, il reste encore cette échappatoire, qu'il s'en faut servir par respect, et qu'en refusant de le faire, on ne sera pas pour cela hérétique formel, mais seulement présumé et considéré comme tel. Que ne dit-il nettement et à pleine bouche, que ce terme est propre, naturel, vrai à la lettre et dans la rigueur du discours, et que c'est pour cette raison qu'il a passé naturellement dans le langage de l'Eglise? Craint-il de condamner trop formellement Nestorius et ses défenseurs ?

1 Rép., p. 7.

SEPTIEME REMARQUE.

Proposition de foi que M. Dupin taxe d'excès.

Le second chef d'accusation est d'avoir mis ces propositions : Le Verbe est mort, Dieu est mort, et les autres de cette nature, au rang des excès que la postérité n'a pas suivis1. Voici ce qu'il répond: « On ne trouvera pas que M. Dupin condamne absolument ces expressions: LE VERBE EST NÉ, IL EST MORT, etc. Il remarque seulement qu'elles ont été rejetées de quelques catholiques, aussi bien que cette expression qui est semblable: UN DE LA TRINITÉ EST MORT. 2. » Jamais il ne parlera correctement. M. Dupin ne condamne pas absolument ces expressions : c'est de même que s'il disoit : Je ne condamne pas absolument cette proposition Jésus-Christ est Dieu; ou celle-ci : Ce qu'on reçoit dans l'Eucharistie est le corps de Jésus-Christ : ce qui veut dire qu'on les condamne à la vérité, mais non pas absolument, et qu'elles peuvent se soutenir en quelque façon. C'est encore une autre erreur à M. Dupin de dire que quelques catholiques ont rejeté ces propositions: UN DIEU EST MORT, etc.; car ces prétendus catholiques ne sont que les partisans de Nestorius, qui n'auroient jamais été reçus dans l'Eglise s'ils avoient persisté à les rejeter.

Quand notre auteur compare ces expressions à celles de cette proposition: Un de la Trinité est mort, il ne songe pas que ce qui souleva d'abord quelques esprits contre cette proposition, c'est qu'elle parut nouvelle dans sa forme; mais que les propositions dont il s'agit: Un Dieu est né, un Dieu est mort, ont toujours été en ces mêmes mots dans la bouche de tous les fidèles, comme l'unique fondement de leur espérance, et qu'on n'en a non plus été surpris que de celle-ci: Un Dieu est homme, sans laquelle il n'y a point de christianisme.

Voilà donc non-seulement dans la Bibliothèque de l'auteur, mais dans ses dernières réponses, de nouvelles matières de censures, et ses défenses sont des erreurs. Mais après tout et dans le fond, il donne le change: ce qu'il veut maintenant avoir dit, 1 P. 783. - 2 Rép., p. 7.

c'est que quelques catholiques ont rejeté ces propositions: ce qu'il a dit en effet dans son Histoire du concile d'Ephèse, c'est qu'elles sont excessives, et qu'on ne les a pas suivies depuis. Ces deux choses n'ont rien de commun entre elles, sinon qu'elles sont mauvaises et insoutenables toutes deux, mais la dernière beaucoup plus, puisqu'elle est formellement hérétique.

:

est

Et pour montrer que notre auteur ne s'en peut laver, songeons seulement au dessein qu'il s'étoit proposé. Il entreprenoit de faire voir la cause des différends entre les Orientaux et les Egyptiens et il la fait consister en ce que les Orientaux ne comprenoient pas « comment on pouvoit attribuer à Dieu les qualités de la nature humaine, et qu'au contraire les Egyptiens poussoient cette communication d'idiomes à des excès qu'on n'a pas suivis depuis. » C'est ce qu'il avoit à expliquer; et pour le faire, il ajoute : « Nestorius rejetoit ces expressions: UN DIEU EST NÉ, IL EST MORT les évêques d'Orient avoient aussi quelque peine à les admettre, et ils vouloient qu'on y ajoutât quelques modifications. Saint Cyrille et les Egyptiens s'en servoient en toutes sortes d'occasions ils ne faisoient point de difficulté de dire: L'IMMORTEL EST MORT, UN DIEU EST CRUCIFIE. » C'étoient donc là ces excès des Egyptiens qu'il nous vouloit expliquer, et que la postérité n'a pas suivis. Ces excès étoient de dire en toutes sortes d'occasions : Un Dieu est né, un Dieu est morT': il ne le falloit pas dire si souvent, pour épargner les oreilles des amis de Nestorius: saint Cyrille et les Egyptiens y devoient trouver la même difficulté qu'y trouvoient les Orientaux. C'est à quoi tendent tous les discours de M. Dupin. Encore à présent et dans sa Réponse au Mémoire, il ne sait presque quel parti prendre sur ces propositions, quoiqu'elles soient aussi certaines que celle-ci : Un Dieu est homme: elles peuvent être vraies, il ne les condamne pas absolument : quelques catholiques les ont rejetées : chacun avoit ses raisons : ce sont là des questions de subtilité, sur lesquelles on ne s'entend pas, tant la matière est abstraite. C'est le langage que les sociniens tâchent de mettre à la mode, quand ils parlent des grands mystères qui font l'objet de notre foi. M. Dupin n'est pas de leur

1 P. 784.

sentiment, je le crois; mais c'est toujours trop à un catholique et à un docteur d'en avoir pris une si forte teinture.

C'est encore un manifeste affoiblissement de la saine doctrine que de ranger, comme il a fait', ces propositions: Un Dieu est né, un Dieu est mort, parmi celles que l'usage de l'Eglise a introduites. Car c'est avoir oublié que l'Eglise même a démontré aux nestoriens par la bouche de saint Cyrille et de ses autres docteurs, que ces propositions, qu'on prétend introduites par l'usage, sont de l'Ecriture et formellement les mêmes que celle-ci de saint Paul Celui qui est sorti des Juifs selon la chair est Dieu béni au-dessus de tout; et que celle-ci du même Apôtre: Celui qui étoit en la forme de Dieu et égal à Dieu, a été obéissant jusqu'à la mort'; et que celle-ci encore du même saint Paul: Dieu manifesté en chair, qui constamment étoit dès lors dans le texte grec, et cent autres de cette force, pour ne point parler de celleci de saint Jean: Le Verbe est Dieu, et ce même Verbe, qui est Dieu, a été fait homme .

CHAPITRE IV.

Les sentimens de l'auteur sur saint Cyrille, Nestorius, et les partisans de

Nestorius.

PREMIERE REMARQUE.

L'auteur en général peu favorable aux écrits de saint Cyrille contre

Nestorius.

Si notre auteur a osé excuser les dogmes de Nestorius, il ne faut pas s'étonner qu'il ait un si grand penchant à favoriser sa personne. C'est l'esprit qu'on voit régner dans tous ses écrits; et qu'au contraire il se plait visiblement à charger sur saint Cyrille.

L'un et l'autre paroît à l'endroit où en parlant des cinq livres de ce Père contre Nestorius, encore que ce Traité soit un des plus convaincans contre cet hérésiarque, M. Dupin toutefois évite de dire qu'il l'ait convaincu en effet, et se réduit à dire « qu'il veut 1P. 151. 2 Rép., p. 3..-3 Rom., IX, 5. - Philipp., II, 6 et seq. B | Tim., 6 Joan., 1, 2, 14.

III, 16.

le convaincre d'erreur en ce qu'il divise Jésus-Christ en deux 1. C'est là sa perpétuelle imagination. On a vu, et on verra dans la suite, qu'il ne veut jamais avouer que Nestorius ait été bien convaincu sur ce point; en quoi il tâche d'affoiblir, non-seulement l'autorité de saint Cyrille, mais encore la cause même de l'Eglise.

En général notre auteur donne à saint Cyrille un caractère trop foible. Dans un endroit où il entreprend de prouver qu'il est bien aisé de faire beaucoup de livres comme ceux de ce Saint, il en rend cette raison: « Car, dit-il, ou il copie des passages de l'Ecriture, ou il fait de grands raisonnemens, ou il débite des allégories 2. » Voilà à quoi il rapporte tous les écrits de saint Cyrille, et c'est comme une division générale qu'il en fait. Un écrivain de ce caractère n'a l'air guère convaincant, surtout si l'on ajoute avec notre auteur, « que ce Père ne s'attache pas à resserrer son discours dans de certaines bornes, et qu'il abandonne entièrement sa main et sa plume à toutes les pensées qui lui viennent dans l'esprit. >>

Sans doute en s'abandonnant avec cet excès, on doit remplir son discours de pensées bien fausses, de bien mauvaises raisons; et si saint Cyrille n'a fait des écrits que de cette sorte, je ne sais pourquoi on a trouvé l'hérésie de Nestorius, non-seulement si habilement découverte, mais encore si puissamment réfutée dans ses écrits, qu'on n'a pas cru y devoir rien ajouter.

Saint Célestin lui écrit « qu'il a tout dit en cette matière; qu'il n'y a qu'à s'en tenir à ce qu'il enseigne; qu'il a pénétré tous les détours de l'hérétique; qu'il a si solidement appuyé la foi, qu'on ne peut pas après de si grandes preuves en être facilement détourné; que le triomphe de notre foi ne peut pas être plus grand qu'il est dans ses écrits où nos dogmes sont si puissamment établis, et les dogmes contraires si puissamment réfutés par les témoignages de l'Ecriture . » Ce n'est pas là vouloir convaincre Nestorius, c'est le convaincre en effet d'une manière à ne lui laisser aucune réplique.

Voyons néanmoins les trois chefs auxquels il rapporte tous les 1 Tom. III, part. II, p. 111. cap. xv.

2 Ibid., p. 121. 3 Epist. ad Cyr., I part.,

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