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écrit à la main qu'il distribue, et il les conclut par ces mots : « Il seroit aisé de défendre tous les autres jugemens et d'en faire voir la vérité. Cet examen feroit peut-être plus de tort aux Pères que le jugement; car on est libre de me croire ou de ne me pas croire ; mais si l'on apportoit en particulier des preuves de ces jugemens, tirées des écrits des Pères mêmes, peut-être que bien des gens ne suspendroient plus leurs jugemens, qui les suspendent à présent. » C'est ainsi qu'il s'humilie. Au lieu de demander pardon de ses téméraires censures, il prend un air menaçant contre les Pères; et il veut bien qu'on sache que s'il les entreprenoit, il leur feroit tant de tort, qu'on ne sauroit plus comment les défendre. Dieu le préserve d'un tel dessein; mais quand il l'auroit, Dieu, qui ne manque point à son Eglise, suscitera quelqu'un pour fermer la bouche à ce jeune docteur; et il doit être assuré de ne trouver dans cette entreprise, d'autres approbateurs que les hérétiques.

SECONDE REMARQUE.

Sentimens de l'auteur sur les douze chapitres de saint Cyrille. Omission essentielle.

L'endroit des ouvrages de saint Cyrille dont l'auteur a le plus parlé, est sa troisième lettre à Nestorius, qui est le plus important de tous ses ouvrages. Car cette lettre n'est pas de saint Cyrille seul, mais de tout le concile d'Egypte : elle est écrite en exécution de la commission adressée à saint Cyrille par saint Célestin contre Nestorius. Comme ce Pape lui avoit prescrit de marquer à Nestorius ce qu'il devoit confesser et rejeter, il réduit toute la doctrine de cet hérésiarque à douze propositions, qui en contenoient tout le venin, et conclut par ces douze fameux anathématismes, contre lesquels Jean d'Antioche s'est tant échauffé avec les Orientaux. M. Dupin prend leur parti, autant qu'il lui est possible de le faire, sans s'attirer ouvertement tous les catholiques sur les bras; et d'abord il omet deux faits, qui vont manifestement à la décharge de saint Cyrille : le premier, que Jean d'Antioche, les évêques d'Orient et Théodoret comme les autres, qui depuis écrivit avec tant d'aigreur contre les anathématismes, les virent

d'abord sans en être émus. M. Dupin demeure d'accord que ce fut Nestorius qui les excita à écrire contre 1; mais il n'a pas voulu voir que s'ils ont eu besoin d'être excités, ces chapitres ne leur avoient donc pas d'abord paru si mauvais : le venin et les hérésies qu'ils y trouvèrent depuis à toutes les pages, ne se faisoient point remarquer. En effet tous leurs reproches sont fondés sur de grossiers déguisemens des sentimens de saint Cyrille, et ne doivent pas être regardés comme une accusation naturelle de ces évêques, mais comme une récrimination inspirée par Nestorius. Aussi saint Cyrille sentit d'abord que Théodoret écrivoit « pour faire plaisir à quelqu'un, et faisoit semblant de ne pas entendre ses paroles, pour avoir lieu de les critiquer 2. »

Le second fait entièrement omis par M. Dupin, est remarqué par saint Cyrille lui-même en plusieurs endroits, et particulièrement dans son Apologie à l'Empereur 3. C'est d'un côté, que Jean d'Antioche ne fut pas plutôt arrivé à Ephèse, qu'il anathématisa saint Cyrille avec ses douze chapitres, «comme conformes à l'impiété d'Apollinaire, d'Eunome et d'Arius, blâmant les Pères d'Ephèse d'avoir fait un conventicule dans un esprit hérétique, pour empêcher la condamnation de ces chapitres ; » et d'autre part, que très-peu de jours auparavant, le même Jean d'Antioche avoit écrit à saint Cyrille, comme à un frère et à un collègue dans le sacerdoce, non-seulement avec estime, mais encore avec tendresse, se recommandant à ses prières, et lui témoignant que le désir de le voir et d'embrasser sa tête sainte et sacrée, le pressoit plus que toute autre chose d'arriver bientôt à Ephèse. On voit donc que saint Cyrille n'étoit pas alors si hérétique : la répréhension de ses chapitres n'étoit pas si sérieuse qu'il sembloit: on ne lui parloit point encore de les rétracter, et ils n'auroient pas été condamnés par Jean d'Antioche, s'il n'avoit pas voulu venger Nestorius. Ainsi par deux faits incontestables, l'accusation intentée contre saint Cyrille est une affaire de pique. Si notre auteur n'a pas vu des circonstances si révoltantes, où est la pénétration et

3 Conc.

1 P. 702. - Adv. impug. Theodor., Conc. Eph., III part., cap. III.Eph, ibid., cap. XIII. Conc. Eph., Sent. post., act. I. III part., cap. XIII.

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Apol. ad Imper.,

l'exactitude dont il se glorifie? et s'il les omet volontairement, comment peut-il s'excuser envers saint Cyrille?

TROISIÈME REMARQUE.

Subtilité et ambiguïté mal objectées aux douze chapitres.

Nous avons vu ce que notre auteur a supprimé sur cette matière voyons ce qu'il en dit. « A l'égard, dit-il, des chapitres de saint Cyrille, qui ont fait tant de bruit, il faut avouer que ces douze propositions étoient fort subtiles, et qu'il y en avoit quelques-unes qui pouvoient avoir de mauvais sens. Elles étoient fort subtiles 1. » Après les remarques précédentes, on doit entendre ce langage de M. Dupin: il est répandu dans tout son livre. Comme on sait qu'il n'approuve guère la doctrine de saint Augustin, il se plaît aussi à la traiter de subtile, de délicate, d'abstraite. Il en fait autant de celle que saint Cyrille a opposée à Nestorius. Mais après tout, il est bien certain que ces douze propositions ne furent pas inventées en l'air par saint Cyrille : il les fallut opposer à autant de propositions de Nestorius, qui, comme nous avons vu, contenoient tout le venin de son hérésie. On les trouve très-bien expliquées dans la Lettre de saint Cyrille; et Nestorius se sentit si bien frappé au vif, qu'il opposa aussitôt aux anathématismes de saint Cyrille douze anathématismes contraires. C'étoit donc ici, non pas une recherche subtile et curieuse, mais des propositions essentielles à la matière, par rapport à Nestorius. C'est aussi ce qui fait dire avec confiance à saint Cyrille lui-même, qu'il n'a rien écrit dans ses anathématismes qui ne fût utile et nécessaire 3. Ce qu'il a écrit pour les défendre n'est pas moins sérieux, et il ne songeoit à rien moins qu'à subtiliser.

« Quelques-unes de ces douze propositions, poursuit notre auteur, pouvoient avoir de mauvais sens; mais il n'est pas vrai qu'elles n'en pussent point avoir de bons, ainsi que le croyoient les Orientaux *. » Mais d'où viendroit une semblable ambiguïté à un homme aussi bien instruit de cette matière qu'étoit saint

1 P. 780. anath. IV.

2 Tom. II, II part., p. 592, etc. - Apol. adv. Orient., ad + P. 782.

Cyrille, et qui s'étudioit plus que jamais à parler correctement ? Elle n'est que dans l'esprit de l'auteur, qui par une fausse équité se fait un honneur de tenir les choses comme en balance entre saint Cyrille et les partisans de Nestorius. Ceux-ci n'ont pas tout le tort il y avoit un bon et un mauvais sens dans les propositions de saint Cyrille : c'est tout ce qu'on peut tirer de M. Dupin en faveur de ce Père.

Mais encore, quel étoit ce mauvais sens de saint Cyrille? Tout ce que ses ennemis lui ont objecté, c'est qu'il confondoit les deux natures. Mais l'auteur demeure d'accord « qu'il les distingue si nettement dans sa seconde lettre à Nestorius, que celui-ci est obligé de l'avouer 1. » Il ne restoit qu'à ajouter qu'il ne les distingue pas avec moins de clarté dans la troisième, dont il n'a pas plu à M. Dupin de parler, puisqu'il y répète plusieurs fois et précisément les mêmes choses qui, selon lui, ont rendu la seconde si claire, et que ses anathématismes énoncent formellement que Jésus-Christ étoit Dieu et homme 2.

La sentence des Orientaux, dans leur conciliabule3 accuse saint Cyrille de mêler ensemble la doctrine d'Arius, d'Eunome et d'Apollinaire; mais bien constamment, et de l'aveu de M. Dupin, il n'y en a pas un seul trait.

On a encore objecté à saint Cyrille qu'il parloit souvent de Verbe fait chair, ce qui ressentoit l'erreur d'Apollinaire'; mais il ne faisoit en cela que copier saint Jean; et pour exclure l'erreur d'Apollinaire, il a expliqué cinq cents fois, et même dans cette lettre où ses anathématismes sont contenus, que la chair dont il parloit étoit animée d'une ame raisonnable et intelligente. M. Dupin en convient encore ; et je ne sais après cela dans quel endroit il peut, ou trouver ce mauvais sens des paroles de saint Cyrille, ou en marquer aucun qui ne soit l'effet d'une haine aveugle, telle qu'étoit celle de Nestorius et de ses amis, contre saint Cyrille. En effet nous venons de voir par des faits constans, que Jean d'Antioche et les évêques d'Orient, loin d'avoir aperçu d'abord

1 P. 777.

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2 Epist. Cyr, ad Nest., I part., cap. xxvi, n. 8. Anath., II, X, etc. - Act Conciliab., post. Act. 1, Sent.- Alex. Hier., in Collect. Lup., cap. LVII.

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dans les chapitres de saint Cyrille tout cet amas d'hérésies qu'ils y condamnèrent après, eurent besoin d'être excitées pour les y voir, et ne les ont condamnées qu'en haine de la condamnation de Nestorius. Aussi est-il arrivé que visiblement tous les reproches de Théodoret, grand homme d'ailleurs, mais en cet endroit trop passionné pour être cru, ne sont que chicane. Ainsi tous ces mauvais sens de saint Cyrille sont l'effet de l'entêtement de ses adversaires, et de la préoccupation de M. Dupin, qui les favorise autant qu'il peut, comme la suite le fera paroître encore plus clairement.

QUATRIÈME REMARQUE.

Suite de cette matière : fausse imputation faite à saint Cyrille.

Voici le comble de l'injustice dans notre auteur. Pour obliger son lecteur à croire que saint Cyrille a excédé, et que ses chapitres ont un mauvais sens, il met en fait que saint Cyrille en est luimême convenu1. Cet aveu de saint Cyrille m'est inconnu : il est de l'invention de M. Dupin, qui aussi n'ose rien citer pour le prouver. Jamais saint Cyrille n'a rien affoibli dans ses anathématismes, qui n'étoient pas tant les siens que ceux d'un concile de toute l'Egypte ; et loin d'y trouver de l'obscurité ou de l'équivoque, il déclare dans sa réponse à Théodoret, qu'il n'y a rien d'embarrassé, ni de difficile à entendre. S'il en a publié une explication pour fermer la bouche à ses ennemis, ç'a été avec cette Préface: « Quelques-uns prennent mal ce que j'ai écrit, ou par ignorance, parce qu'ils n'entendent pas véritablement la force de mes paroles, ou parce qu'ils veulent défendre les impiétés de Nestorius; mais la vérité n'est cachée à aucun de ceux qui sont accoutumés à bien penser 3. »

Il écrit dans le même sens à Donat, après l'accord: « Tout ce que nous avons écrit est conforme à la droite et irrépréhensible croyance, et nous ne désavouons aucun de nos ouvrages. Car nous n'avons dit quoi que ce soit sans y bien penser; » ou, comme porte l'ancienne version de cette lettre, « nous n'avons rien dit

1 P. 780.—2 Adv. Theodor., III part., Præf.—3 Explan. XII capit., præf., Conc. Eph., part. III, c. I.

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