Page images
PDF
EPUB

tion définitive la demi-union actuelle de l'Allemagne. » Puis toute la bande salariée suit par

tout.

La résistance de Bismarck à l'accession de Bade n'est pas une preuve de son désir d'éviter la guerre. Ce refus démontre uniquement sa volonté d'écarter la guerre folle, en attendant que la guerre sérieuse fût venue à maturité. Lasker lui-même en eût été convaincu, si le chancelier avait pu l'informer de ce qu'apportait en ce moment précis l'Espagnol Salazar arrivé en séjour à Berlin.

CHAPITRE II

LE COMPLOT HOHENZOLLERN EN ESPAGNE ET A BERLIN

I

Le duc de Montpensier avait pris une part active aux manoeuvres qui amenèrent l'échec de la candidature du duc de Gênes. Il ne s'était pas laissé adoucir par la proposition d'un mariage entre le jeune candidat et une de ses filles. « Si vous envoyez votre fils en Espagne, avaitil fait dire à la mère, priez pour lui. » L'échec de cette combinaison avait produit un violent désarroi; ses promoteurs, Zorilla et Martos, s'étaient retirés du ministère; des résolutions extrêmes avaient été agitées; on proposa à Serrano de faire un coup d'État : « Quand on fait un coup d'Etat, dit-il, il faut savoir pourquoi, et que ce soit pour fonder un ordre de choses dont on a réuni les matériaux. Pourquoi le ferais-je, moi? Pour prendre la couronne? Ce serait le comble du ridicule. Ma seule ambition est, comme les gladiateurs romains, de tomber en bonne posture.

On écarta ces solutions, et on s'en tint à un

ministère de conciliation unioniste-radical-progressiste. Topete que l'adoption d'une candidature autre que celle de Montpensier avait éloigné des affaires y revint. Zorilla fut élu président des Cortès. Les espérances, toujours en éveil, de Montpensier se ranimèrent, et ses amis recommencèrent leur campagne. Ils sollicitèrent à la fois Serrano et Prim. Serrano, toujours sensé, leur répondit : « Je ne veux point parler de cette solution, parce que je n'aime pas à me mordre la langue, mais c'est une folie. Je fais passer mes devoirs et ma responsabilité avant mes amis. >>

Prim joua le rôle d'un polichinelle. Au premier moment il crut aux chances de Montpensier et il les caressa. Castelar ayant proposé de déclarer incapables du trône tous les Bourbons de la branche aînée et de la branche cadette, Prim fit du rejet de cette proposition une question de cabinet: « J'ai accompli la révolution seulement pour renverser la Reine et sa dynastie, en laissant le reste à décider au pays; j'ai prononcé le mot jamais, non pas trois fois, mais six fois trois fois pour la reine Isabelle et trois pour son fils, le prince des Asturies, mais ce mot ne s'appliquait à aucune autre personne. Ce n'est pas à dire que le gouvernement favorise la candidature de Montpensier; non, le gouvernement juge opportun d'ajourner la question monarchique et il n'a aucun candidat. » La motion de Castelar fut rejetée par 150 voix contre 37 (24 janvier). Mais voilà que

Montpensier échoue dans sa candidature à Oviedo et à Avila (25 janvier), et que les manifestations contre lui se renouvellent sur tous les points du territoire. Prim se retourne et, avec sa désinvolture chevaleresque, passe de l'abstention bienveillante à l'hostilité déclarée. Les républicains lui ayant demandé l'éloignement du prince, il s'étonna « que la présence de Montpensier fût de nature à alarmer les esprits, et que le Cabinet tout entier, à l'exception de Topete, persistât dans son hostilité contre don Antonio de Bourbon ». Ce mot de Bourbon, souligné avec dédain par l'orateur, provoqua les bravos. Montpensier parut encore une fois disparaître de l'horizon.

Quelques amis de Prim le tàtèrent sur la candidature d'Espartero, duc de la Victoire1. << Aucun Espagnol, dirent-ils, n'est plus illustre et plus universellement respecté. Son élection serait une garantie pour la liberté car il ne pourrait donner le pouvoir qu'à Prim et à des libéraux éprouvés; enfin il est vieux; ce qui laisserait ouvertes les espérances prochaines aux républicains, aux montpensiéristes, à tous les ambitieux. » Prim, contraire à l'idée, parut ne pas la repousser. Il demanda seulement, avant toute démarche, le consentement d'Espartero. On fut obligé de convenir qu'on n'avait pas même parlé au vieux général. Un ami, Nadoz, se rendit auprès de lui avec l'autorisa

1. MUNTZ, t. II, p. 55.

tion de Prim et, malgré de vives insistances, rapporta un refus. Tous les candidats ainsi écartés, Prim se fit donner par le Régent et les Cortès le mandat d'en chercher un où, quand, et comment il le jugerait bon. Le voilà donc devenu le maître absolu de la situation. Hohenzollern entre en scène.

Bernhardi et Salazar, depuis qu'ils s'étaient concertés, avaient multiplié leurs démarches en faveur du candidat de Bismarck. Salazar le prônait auprès des Cortès et des hommes politiques, et Bernhardi parcourait les provinces en répandant le nom de son candidat; comme il parlait anglais avec perfection, on ne soupçonnait pas que cela vînt d'un Allemand. Le thème de tous deux était le même : « le prince appartenait à la famille royale d'une des premières nations de l'Europe; si on l'appelait au tròne il ouvrirait aux Espagnols un horizon plus large que les Pyrénées; si elle les voyait favoriser l'un de ses enfants, l'Allemagne resserrerait plus étroitement ses attaches avec eux et leur enverrait une portion de la belle population qui, aujourd'hui, porte aux États-Unis le capital, l'activité, l'habileté. » Quelques patriotes de vieille souche et de mémoire tenace reprochaient-ils au candidat son alliance avec les Murat': « C'est un titre de plus, répliquaient les deux compères; n'est-ce pas la trahison de Murat qui a achevé Napoléon Ier en 1814? »

1. La princesse Marie-Antoinette, aïeule de Léopold, était non pas la fille, mais la nièce du roi de Naples.

T. XIII.

3

« PreviousContinue »