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turages, tourbières et autres biens dont les habitans jouissent en commun, ou dont on ne tire aucun loyer; tous les édifices affectés à un service public: les emplacemens qui concourent à la salubrité des lieux ou à l'agrément des habitaus, sont également réservés.

On a excepté les bois, parce qu'ils sont distribués souvent en affouage aux habitans. Aliéner les bois ou les pâtures, c'eût été porter atteinte au bien être, aux habitudes, déranger toute l'économie de l'existence des communes. D'ailleurs les bois dans un grand état, et au degré de civilisation où nous sommes parvenus, doivent être administrés par des règles particulières. Peut-être convient-il que la propriété n'en soit ni trop divisée ni trop mobile; les économistes eux-mêmes, les plus grands ennemis de la main morte, avaient reconnu que les bois doivent faire l'objet d'une exception. Le droit de propriété consiste à pouvoir user et abuser. On est bien prêt de le violer, en voulant le restreindre, et si, par des réglemens, on veut empêcher d'abuser; cependant ce serait compromettre nos ressources pour notre chauffage, nos constructions maritimes et civiles, de ne pas soumettre l'usage de la propriété des bois à une surveillance et à des règles particulières.

Vous remarquerez avec quel soin tout ce qui peut tenir à P'utilité ou à l'agrément des communes a été réservé. Pour arrêter la main-mise de l'administration sur un immeuble, il suffira de la simple déclaration de la commune, portant que cet immeuble est utile ou agréable à la masse des habitans; sans cela, nous ne le dissimulons pas, les communes auraient pu souvent être privées de leurs jouissances les plus chères.

Les biens mis en vente sont estimés à 370,000,000; ils seront cédés à la caisse d'amortissement. Les communes recevront, en inscriptions à cinq pour cent, une rente proportionnée au revenu net des biens cédés. Les ventes seront faites dans les formes ordinaires sur une mise à prix de vingt fois le revenu pour les terres, et de quinze fois pour les maisons et usines; un sixième du prix sera payé comptant; un second sixième dans les trois mois de l'adjudication, et les deux autres tiers d'année en année, à partir de l'échéance du premier terme, avec intérêt à cinq pour cent, à dater du jour de l'adjudication.

La caisse d'amortissement versera au trésor les sommes affectées aux différens exercices.

Enfin, les créanciers qui auront des bypothèques sur des biens mis en vente, pourront les transférer sur les biens restant aux communes. A défaut de ces biens, les rentes achetées par la caisse d'amortissement au profit des communes, seront spéciale. ment affectées à leurs créanciers.

Le produit total des ventes sera réparti ainsi qu'il suit :

1o. Pour l'amortissement de la rente d'un million destiné

à l'acquittement des exercices 1809 et antérieurs,

ci....

5,000,000 2°. Pour les exercices 1811, 1812 et 1813.... 232,500,000

Ces deux sommes réunies forment un total de.... 237,500,000 Qui déduits de 370,000,000, produit présumé des ventes, laissent sans emploi 132,500,000 fr.

Sur cet excédent, la caisse d'amortissement emploiera, en achat de cinq pour cent, la somme nécessaire pour procurer à chaque commune la rente réglé à son profit, ce qui n'ajoutera rien aux charges de l'état.

Vous venez de voir, Messieurs, que 5,000,000 sur le produit des ventes seraient affectés à l'amortissement de la rente d'un million destiné à l'acquittement des exercices 1809 et antérieurs, et cependant la loi de 1811 semblait avoir terminé les comptes de ces exercices. Ce point demande quelques éclaircissemens, et je m'y arrêterai d'autant plus qu'il présente une contradiction apparente, dont les meilleurs esprits ont pu être frappés.

C'est ici le lieu d'admirer cette vaste et imposante machine, où un ordre constant est maintenu par des moyens si simples. Tous les ans, le souverain, dans ses conseils d'administration, fixe les dépenses et le crédit annuel de chaque ministère et de chaque service; et tous les mois, il détermine par un décret particulier, la somme que chaque partie de service et chaque article de chaque service dépensera pendant le mois. Ainsi, dans une heure de travail tous les mois, le souverain passe en revue toutes les dépenses, et fixe la somme que chaque objet de dépense consommera depuis Rome jusqu'à Hambourg pendant les trente jours suivans. Le ministre du trésor, contrôleur général des dépenses, n'admet les ordonnances que, si chaque ministre ordonnateur s'est exactement conformé au budget de l'année et au credit mensuel qui lui est ouvert.

Vous sentez, Messieurs, tout ce qu'un semblable systême entraîne de soins et de méthode. L'expérience a prouvé qu'on ne pouvait l'appliquer à plus de trois exercices à la fois; lors douc qu'un exercice est soldé, ou lorsqu'il ne présente plus que quelques affaires contentieuses à juger, quelques liquidations embarrassées à terminer, il devient indispensable de ne plus le comprendre dans les comptes du trésor, et de les faire sortir du systême général qui vient de vous être exposé.

L'arriéré que présentent les exercices 1809 et antérieurs, et qu'il s'agit de liquider aujourd'hui, représente à peine un demi pour cent de la dépense totale de ces exercices. Or, je le demande quel est le particulier, quelque rangé qu'il soit, dont les affaires ne puissent présenter, pendant le même tems, le même résultat.

Dans cet arriéré, ce qui reste à payer sur les traités de SaintDomingue entre pour 7,000,000. Nous sommes bien aises de pouvoir dire à cette tribune, pour que tous les administrateurs de la France l'entendeut, qu'aucun préfet, intendant, administrateur ou gouverneur à un titre quelconque, n'a le droit de tirer des lettres de change sur le trésor impérial. Le trésor ne doit que ce qu'il accepte, c'est le principe universel du commerce; ce doit être encore plus celui de l'état. L'acceptation est une partie essentielle, indispensable de la lettre de change; il serait absurde que le trésor pût être engagé par un fonctionnaire quelconque à son insu. Des lettres de change non acceptées peuvent tout au plus être considérées comme des lettres de crédit. Le ministre du trésor a seul qualité pour accepter une lettre de change qui, nou-seulement constitue une dette, mais encore fixe T'heure du paiement. Toutefois ce ministre n'a jamais hésité à accepter tout effet de ce genre donné pour valeur reçue, lorsque l'agent de la colonie lui avait transmis le procès-verbal de réception des espèces. Il est arrivé trop souvent qu'après avoir inséré dans la lettre de change les mots pour valeur reçue, on reconnaissait ou que la somme n'avait pas été réellement versée, on qu'il n'avait été versé que le tiers de la somme énoncée. Dans ce dernier cas le trésor ne payait que ce qui avait été› reçu. Rien en cela que de conforme aux usages du commerce et aux principes de la plus exacte justice.

Les lettres de change, dont le montant n'avait pas été versé, avaient éte données eu paiement de fournitures, dès-lors le ministre du trésor devait les regarder comme des mandats d'ordon-Bance recevables, si les fournitures étaient prouvées, et si ellesavaient ete faites aux prix acceptes et fixés par le ministre du departement. Cette marche était la seule conforme à ce grand principe conservateur de notre monarchie, et même de toute› propriété, qui veut qu'aucun fonds ne sorte du trésor que sur: l'ordonnance et la responsabilité, morale d'un ministre, qui luimème ne peut ordonuancer que sur des pièces justificatives des : depenses, et en se renfermant dans les limites dit crédit mensuel : qui lui est ouvert. Comment donc le cominandant ou l'inten dant d'une colonie éloignée pourrait-il créer pour 60,000,000 de lettres de change sur le trésor, les négocier, souvent à plus de 60 pour cent de perte, et les donner en patement ou même sur simple promesse de fournitures? Aussi avons-nous vu que ces lettres de change examinées par des commissions de conseillers d'état, formées auprès des ministres que leur objet 'concernait,' et examinées avec une attention particulière, pour que les avances réellement faites fussent toujours remboursées, ont été rédaites à la somme de 7 ou 8 millions, déduction faite de 21,500,000 fr. précédemment acquittés sur l'émission primitive, qui s'elève à 58,000,000. C'est ainsi qu'un discernement éclairé, un gouver rement juste et ferme, rend hommage aux vrais principes, et

reste sourd à ces vains raisonnemens, qui, s'ils étaient écoutés, loin d'affermir le crédit public, finiraient par compromettre la fortune de l'état.

Je n'ajouterai rien, Messieurs, aux renseignemens que présente le compte de l'administration des finances sur chacune des branches du revenu public. Vous ne serez pas moins frappés des améliorations successives qu'elles reçoivent, que de l'ordre et de la régularité qui les dirigent. Il semble que le génie qui a créé ce grand ensemble préside encore à tous les détails et conduise tous les mouvemens.

La dernière disposition de la loi est relative au cadastre; elle veut que les contingens actuels des cantons cadastrés soient répartis entre eux, à partir de 1814, au prorata de leur allivrement cadastral réuni.

Déjà on commence à sentir les bienfaits de cette grande opération, si souvent projetée et dont l'achèvement suffirait pour illustrer l'administration qui l'aura entreprise. Plus du 5e du territoire de l'empire, tel qu'il existait en 1808, a été arpenté. Sur 47,000 communes, 10,000 ont été mesurées, et sur ces 10,000, six mille ont été expertisées. Les plans qui ont été levés feront connaître désormais les limites de chaque commune, de chaque parcelle de propriété, et des livres de mutation conserveront la trace de tous les mouvemens des propriétés.

Le cadastre a déjà prouvé que la contribution foncière n'excède pas le huitième du revenu net des propriétés, et cependant tel propriétaire paie le tiers, tandis qu'un autre ne paie pas le cinquantième; disproportion presque incroyable que le cadastre a fait ressortir.

Ou ne se ferait pas une juste idée du cadastre, si on ne le regardait que comme une opération d'ordre dans les finances; on doit encore le considérer comme une institution de politique intérieure; car, vous en conviendrez, Messieurs, la liberté civile n'est plus qu'un vain mot; la propriété n'a point de garantie, s'il dépend d'un agent des contributions d'augmenter ou de diminuer l'impôt d'un seul citoyen. Aujourd'hui l'impôt foncier se répartit par les conseils généraux de département entre les arrondissemens, et par les conseils d'arrondissemens entre les communes. Il résulte de ce mode que souvent les arrondissemens sont imposés moins en raison de leurs richesses relatives, que selon le degré d'influence qu'obtiennent dans le conseilgénéral du département les membres qui leur appartiennent, et les communes selon que les cantons dont elles font partie ont plus ou moins de représentans dans les conseils d'arrondissemens. Ainsi un propriétaire voit augmenter ses impositions sans en connaître la cause; il demande vainement si l'état a de nouveaux besoins, si la voix du souverain s'est fait entendre; il faut qu'il paie, sans attendre que sa plainte puisse être écoutée; il se voit lesé dans sa propriété ; je dirai plus, offensé dans sa dignité, car

rien ne dégrade antant l'homme à ses propres yeux que le sentiment de l'injustice et de l'arbitraire inévitable.

Le premier bienfait du cadastre sera donc d'apprendre à chacun ce qu'il doit payer, aussitôt que la loi aura fait connaître la somme totale à imposer. Sans doute la mensuration, l'estimation des propriétés sera souvent inexacte; sans doute une fois fixée elle variera; le creusement d'un canal, l'ouverture d'une route; l'augmentation ou la diminution de la population changeront les valeurs; mais ne sera-ce pas avoir beaucoup obtenu que d'approcher le but, s'il est impossible de l'atteindre? La répartition ne serait-elle pas plus fixe et incomparablement plus équitable? Un mauvais cadastre serait encore un grand bienfait. Quels avantages n'en peut-on pas attendre, lorsque cette opération a été méditée et dirigée par un ministre qui a fait des contributions directes l'objet des études de toute sa vie, et qui en a confié le détail aux hommes les plus propres à seconder ses lumières. Le cadastre, Messieurs, occasionnera sans doute une forte dépense; mais, comme je l'ai dit en commençant, nous devons voir en lui une institution tutélaire, conservatrice de la propriété, de la vraie liberté, et destinée à devenir l'un des foudemens de nos constitutions monarchiques.

Tel est, Messieurs, le tableau que nous devons avoir l'hon neur de vous présenter, et que la France peut offrir avec confiance à ses amis et à ses ennemis.

. L'égalité des charges, le bon emploi des revenus publics, la publicité des comptes que l'on en rend, sont devenus, dans ce siècle éclairé, les premiers besoins des nations; tel était aussi, Messieurs, l'objet constant des vœux de nos pères. Partout on en retrouve la preuve dans les cahiers de nos états-généraux; ét ces parlemens qu'on a accusés, quelquefois avec raison, d'exciter dans la nation une sollicitude prématurée, que demandaient-ils dans leurs remontrances les plus hardies, si ce n'est la publicité des comptes des finances de l'état ? Vous vous souvenez des transports qui accueillirent, à une époque assez rapprochée de nous, le premier compte de ce genre qui eût été publié en France. Combien ce compte cependant n'était-il pas incomplet, je dirai même informe, en comparaison de ceux que nous vous présentons tous les ans !

Si des comptes tels que ceux-ci eussent été plus tôt et ensuite constamment offerts aux Français, quel enthousiasme n'auraientils pas inspiré, et peut-être que de catastrophes auraient-ils pré

venues!

Nous qui parlons au nom du gouvernement, nous ne pouvons que le demander à vous, Messieurs, à l'Europe, et même à nos ennemis, des comptes aussi détaillés, aussi complets furent-ils jamais rendus chez aucun peuple? Nous sommes heureux de pouvoir remarquer que le pays où l'administration est la plus claire, est nécessairement celui où les ordonnateurs sont les TOME V.

S

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