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faire par le peuple anglais pour que ses troupes soient maîtresses de la péninsule jusqu'aux Pyrénées; que l'empereur Napoléon est étique et mourant; que ce mauvais état de sa santé influe sur son moral; qu'il n'y a plus rien à craindre de lui; que les Français mécontens, épuisés, sont sans énergie, sans amour de la patrie, sans fierté nationale; qu'ils sont près de se révolter et d'accepter toute espèce de conditions......Quelles misérables jongleries!

Les guerres d'Espagne et du Nord seront menées de front; 300,000 hommes, tous Français, seront réunis dans le courant de Fevrier à Hambourg, sur l'Elbe, sur le Rhin et sur l'Oder, indépendamment de 200,000 homines qui sont à la graudearmée, et la campagne prochaine va s'ouvrir avec une armée française plus forte de près du double que dans la campague passée. En même tems l'armée française d'Espagne sera renforcée et maintenue à son complet de 300,000 hommes.

L'Angleterre se vante d'avoir, y compris ses marins, 400,000 hommes sur pied, soit en Europe, soit dans les Indes, en Asie et en Amérique. La population de la France est au moins quadruple. Ainsi, si l'Agleterre a 400,000 hommes, la proportion de la France serait triple. En retirant de cette évaluation 200,000 hommes pour la marine et les côtes, il reste un effectif d'un million d'hommes que la France peut avoir sur pied aussi facileme et que l'Angleterre en a 400,000.

12 Janvier, 1813.

SÉNAT CONSERVATEUR.

Séance du 10 Janvier.

La séance est ouverte à trois heures après-midi, sous la présidence de S. A. S. le prince archi-chancelier de l'empire.

S. Exc. le ministre des relations extérieures est présent à la séauce.

LL. EExc. les comtes Regnaud de Saint-Jean-d'Angely et Defermon, ministres d'état et conseillers d'état, sont introduits. S. A. S. le prince archi-chancelier prend la parole en ces

termes:

"Messieurs,

"La nation se dispose d'elle-même à des mesures qu'elle juge nécessaires pour le maintien de sa gloire et pour la conservation de sa prépondérance dans l'Europe.

"De tous les points de ce vaste empire, des adresses se succèdent, des offres se multiplient, la volonté publique est prête à devancer les appels de l'autorité souveraine.

"L'empereur, qui compte sur l'amour de ses peuples, et

qui apprécie leurs ressources, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter des dispositions usuelles.

“S. M. aurait même différé de les employer, si un événement inattendu ne lui avait fait penser que tout en profitant de l'utile coopération de nos alliés, c'est surtout le développement de nos propres forces qui doit accélérer le moment d'une paix honorable, telle qu'un cœur français peut la désirer, et telle que S. M. n'a ceseé de la présenter à ses ennemis.

"C'est dans cet esprit, Messieurs, qu'a été rédigé le projeť soumis à votre délibération.

"MM. les orateurs du conseil d'état vous en exposeront les motifs et les avantages, après que M. le ministre des relations extérieures vous aura fait lecture d'un rapport et de certaines pièces dont S. M. a commandé qu'il vous fût donné communication."

S. Exc. M. le duc de Bassano, ministre des relations extérieures, a donné communication du rapport suivant.

Rapport du ministre des relations extérieures à S. M. l'empereur et roi.

Sire,

Lorsque la Russie, violant ses traités et renonçant à son alliance avec la France pour s'unir au systême de l'Angleterre, déclara la guerre à V. M., vous appréciâtes, sire, toute l'importance de la lutte qui allait s'engager. Vous ordonnâtes la formation, sous le titre de cohortes de la garde nationale, de cent bataillons composés d'hommes âgés de 20 à 26 ans, qui, appartenant aux six dernières classes de la conscription, n'avaient point été appelés à l'armée active. Cette institution a eu tout le succès que V. M. pouvait en attendre. Une belliqueuse jeunesse préparée au métier de la guerre dans des cadres de vieux soldats, demande avec empressement à partager la gloire de ses frères d'armes.

Lorsque de Smolensk, V. M. fit marcher vers Moscou ses armées victorieuses, elle ne se dissimula point que ses progrès dans le pays ennemi, ajoutaient de nouvelles chances aux chances communes de la guerre. Elle voulut fortifier encore la base de ses opérations, et elle ordonna la levée de la cou scription de 1813, qui est aujourd'hui toute entière sous les

armes.

Avec les garnisons des places de France et d'Italie, V. M. a donc dans l'intérieur de ses états une force de plus de 300,000 hommes suffisante pour entretenir la guerre avec la Russie pen dant la prochaine campagne. Et votre intention était, sire, de ne demander aucun secours extraordinaire, si tous nos alliés, et spécialement l'Autriche, le Danemarck et la Prusse restaient fidèles à la cause commune.

L'Autriche, le Danemarck, la Prusse ont donné à V. M. les plus fortes assurances de leurs sentimens. La Prusse a même offert d'augmenter d'un tiers et de porter à 30,000 hommes le contingent qu'elle avait fourni en exécution dès traités.

Mais pendant que cette puissance manifestait des dispositions aussi conformes à ses engagemens et aux intérêts de sa politique, les intrigues de l'Angleterre préparaient un de ces événemens qui caractérisent l'esprit de désordre et d'anarchie que cette puissance ne cesse de fomenter en Europe. Le général d'Yorck, commandant le corps prussien sous les ordres du maréchal duc de Tarente, a trahi,tout-à-la-fois sou honneur, son général en chef, et son roi. Il a fait un pacte de perfidie avec l'ennemi.

Il n'est point d'intrigues, il, n'est point de sourdes menées que l'Angleterre n'ait mises en œuvre pour changer les dispositions des souverains. Mais lorsqu'elle les a trouvées fermes dans leurs vrais intérêts et inébranlables dans leur alliance avec V. M., elle a entrepris de produire un bouleversement général en cherchant à ébranler la fidélité des peuples. Audelà des états de V. M., sire, il est peu de contrées où l'audace et les manœuvres des désorganisateurs n'aient porté l'inquiétude parmi les dépositaires de la tranquillité publique. Dans les cours des agens de corruption, dans les camps de lâches instigateurs, et dans les villes enfin, dans les écoles et jusqu'au sein des institutions les plus révérées, de faux enthousiastes travaillent sans cesse à séduire par des doctrines ténébreuses, et ceux qui doivent maintenir par la fidélité la plus courageuse l'autorité qui leur est confiée, et ceux qui n'ont d'autre devoir que celui d'obéir.

Dans de telles circonstances, sire, et lorsque les intentions même d'un prince allié n'ont pu garantir les avantages que votre systême politique devait vous assurer, il devient d'une impérieuse nécessité de recourir aux moyens que V. M. trouvera dans la puissance de son empire et daus l'amour de ses sujets.

Par ces considérations, les ministres de Votre Majesté, réunis dans un conseil extraordinaire de cabinet, vous proposent:

1o. De rendre à l'armée active les cent cohortes de gardes nationales;

2o. De faire un appel de cent mille hommes sur les conscriptions de 1809, 1810, 1811 et 1812.

3o. De lever cent mille hommes de la conscription de 1814, qui se formeront dans les garnisons et dans les camps, sur nos frontières et sur nos côtes, et pourront se porter où il sera nécessaire, pour venir au secours des alliés de Votre Majesté.

Par cet immense développement de forces, les intérêts, la considération de la France et la sûreté de ses alliés se trouveront garantis contre tous les événemens.

Le peuple français sentira la force des circonstances; rendra un nouvel hommage à cette vérité si souvent proclaméę par Votre Majesté du haut de son trône, qu'il n'est aucun repos pour l'Europe tant que l'Angleterre n'aura pas été forcée à conclure la paix.

Ce n'est point en vain, sire, que vous avez donné à la France le titre de grande nation. Aucun effort n'est pénible pour elle, lorsqu'il s'agit de faire éclater et son amour pour Votre Majesté et son dévouement à la gloire du nom français.

Je joins à ce rapport les pièces relatives à la défection dur général d'Yorck.

Je suis avec le plus profond respect,

Sire,

De Votre Majesté,

Le très-humble, très-obéissant et fidèle sujet,

Le duc de BASSANO.

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Copie de la lettre de M. le comte de Saint-Marsan au ministre des relations extérieures.

Monseigneur,

Berlin, le 1er Janvier, 1813.

Un aide-de-camp de M. le duc de Tarente m'arrive, expédié par M. le prince de Neuchâtel. Il m'apporte la dépêche ci-jointe du major-général, avec les pièces qui l'accompagnent. Le tout m'est parvenu au moment où je me trouvais chez M. le maréchal duc de Castiglione, avec le chancelier baron de Hardenberg, le comte de Narbonne et le prince de Hatzfeld.

Le baron de Hardenberg a paru indigné: il s'est rendu surle-champ chez le roi, qui venait de rentrer en ville. On assure que le roi a décidé de destituer le général d'Yorck, de le faire arrêter, de douner le commandement au général Kleist, de rappeler les troupes, quoiqu'il soit peu probable qu'on puisse les retirer, et de leur enjoindre de se rendre sous les ordres du roi de Naples, d'adresser tous les ordres à ce prince, de publier, à l'armée française, à Potzdam, en Silésie, dans les gazettes, un ordre du jour en conséquence.

On assure enfin qu'à cette occasion le roi a de nouveau manifesté et publiquement son attachement à la cause de S. M. I. et R., et son indignation de ce qui vient de se passer.

J'ai l'honneur d'être, etc.,

(Signé) Le comte de SAINT-MARSAN.

No. II.

Lettre du duc de Tarente au prince major-général.

Monseigneur,

Tilsitt, le 31 Décembre, 1812.

Après quatre jours d'attente, d'inquiétudes et d'angoisses dont une partie du corps prussien a été témoin, sur le sort de l'arrière-garde qui, depuis Mittau, me suivait à une marche de distance, j'apprends enfin par une lettre du général d'Yorck qu'il a décidé lui-même du corps prussien.

Je joins ici copie de cette lettre sur laquelle je ne me permets aucune réflexion; elle excitera l'indignation de tout homme d'honneur.

Le général de Massenbach qui était ici avec moi, avec deux batteries, six bataillons et six escadrons, est parti ce matin sans mes ordres pour repasser le Niemen. Il va rejoindre le général d'Yorck. Il nous abandonne ainsi devant l'ennemi. Agréez, etc.

(Signé) Le maréchal duc de Tarente, MACDONALD.

No. III.

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Lettre du général d'Yorck au maréchal duc de Tarente.
Tauroggen, le 30 Décembre, 1812.

Monseigneur, Après des marches très-pénibles, il ne m'a pas été possible de les continuer sans être entamé sur mes flancs et sur mes derrières. C'est ce qui a rétardé la jonction avec V. Exc.; et, devant opter entre l'alternative de perdre la plus grande partie de mes troupes, et tout le matériel qui seul assurait ma subsistance, ou de sauver le tout, j'ai cru de mon devoir de faire une convention par laquelle le rassemblement des troupes prusiennes doit avoir lieu dans une partie de la Prusse orientale, qui se trouve par la retraite de l'armée française au pouvoir de

l'armée russe.

Les troupes prussiennes formeront un corps neutre, et ne se permettront pas des hostilités envers aucune partie. Les événemens à venir, suite des négociations qui doivent avoir lieu entre les puissances belligérantes décideront sur leur sort

futar.

Je m'empresse d'informer V. Exc. d'une démarché à laquelle j'ai été forcé par des circonstances majeures.

Quel que soit le jugement que le monde portera de ma conduite, j'en suis peu inquiet. Le devoir envers mes troupes et la réflexion la plus mûre, me la dictent; les motifs plus purs, qu'elles qu'en soient les apparences, me guident.

En vous faisant, Monseigneur, cette déclaration, je m'acquitte

TOME V.

D

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