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Extrait des registres du sénat-conservateur, du lundi,

11 Janvier, 1813.

Le sénat-conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions du 13 Décembre, 1799,

Après avoir adopté le projet de sénatus-consulte qui lui a été présenté dans la séance d'hier, par lequel trois cent-cinquante mille hommes sont mis à la disposition du gouvernement;

Délibérant sur la proposition faite par la commission spéciale chargée du rapport de ce projet,

Arrête, que le sénatus-consulte de ce jour sera présenté à S. M. l'empereur et roi par le bureau du sénat, et que, lors de cette présentation, M. le président annuel exprimera à S. M. les sentimens du sépat, par l'adresse dont la teneur suit:

"Sire,

"Le sénat a l'honneur de présenter à Votre Majesté impériale et royale, l'hommage de sa fidélité, de son dévouement, de son respect, et le sénatus-consulte qu'il vient d'adopter.

“Il a désiré, sire, d'exprimer au pied du trône de V. M. l'indignation profonde qu'inspirera à tous les Français, la tra hison d'un général d'une puissance alliée, mis sous les ordres d'un des maréchaux de V. M., et faisant partie d'une de vos armées. Cette violation des lois de l'honneur et de la guerre, est un nouvel effet des intrigues corruptrices du cabinet britannique. C'est un attentat contre la sûreté des gouvernemens, le repos des nations, la foi publique et l'ordre des sociétés. Le continent de l'Europe, sire, est menacé de ces commotions terribles que V. M. a pu seule anéantir dans notre patrie.

"Mais V. M. a tout prévu; elle a reconnu qu'elle devait déployer la plus grande puissance, pour commander aux événemeus, ou pour en maîtriser les effets; elle veut que rien ne puisse la détourner de l'objet de tous vos désirs, de toutes vos victoires, et du sacrifice si souvent renouvelé de votre repos, de vos affections, de vos jouissances les plus chères. La nation ajoute à ses nombreuses phalanges, 350,000 Français; les braves des immenses armées que V. M. va faire mouvoir, serout les conquérans de ia paix.”

Les president et secrétaires,

(Signe)

CAMBACERES.

Le comte de BEAUMONT, le comte de LAPPAREnt.

Vu et scellé :

Le chancelier du sénat,

(Signé) Comte LAPLACE.

Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions, empereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confederation du Rhin, médiateur de la confédération Suisse, etc. etc. etc.

A tous présens et à venir, salut:

Le sénat, après avoir entendu les orateurs du conseil d'état, a décrété et nous ordonnons ce qui suit :

Extrait des registres du sénat-conservateur, du lundi,

11 Janvier, 1813.

Le sénat-conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions du 13 Décembre, 1799;

Vu le projet de sénatus-cousulte rédigé en la forme prescrite par l'article 57 de l'acte des constitutions du 4 Août, 1802;

Après avoir entendu, sur les motifs dudit projet, les orateurs du conseil d'état et le rapport de la commission spéciale nommé dans la séance d'hier;

L'adoption ayant été délibérée au nombre de voix prescrit par l'article 56 de l'acte des constitutions du 4 Août, 1802; Décrète :

Art. 1er. Trois cent-cinquante mille hommes sont mis à la disposition du ministre de la guerre, savoir:

1o. Cent mille hommes, formant les cent cohortes du premier ban de la garde nationale;

2o. Cent mille hommes des conscriptions de 1809, 1810, 1811 et 1812, pris parmi ceux qui n'auront pas été appelés à faire partie de l'armée active;

3°. Cent-cinquante mille hommes de la conscription de 1814. 2. En exécution de l'article précédent, les cent cohortes du premier ban cesseront de faire partie de la garde nationale, et feront partie de l'armée active.

Les hommes qui se sont mariés avant la publication du présent sénatus-consulte, ne pourront être désignés pour faire partie de la levée prise sur les conscriptions des années 1809, 1810, 1811 et 1812.

Les cent-cinquante mille hommes de la conscription de 1814 seront levées dans le courant de l'année, à l'époque que désignera le ministre de la guerre.

3. Le présent sénatus-consulte sera transmis, par un message, à S. M. l'empereur et roi.

Les président et secrétaires,

(Signé) CAMBACÉRÈS.

Le comte de BEAUMONT, le comte de LAPPARENT.

Vu et scellé:

Le chancelier du sénat,

(Signé) Comte LAPLACE.

"Mandons et ordonnons, que les présentes, revêtus des

sceaux de l'état, insérées au bulletin des lois, soient adressées aux cours, aus tribunaux et aux autorités administratives, pour qu'ils les inscrivent dans leurs registres, les observent et les fassent observer; et notre grand juge ministre de la justice est chargé d'en surveiller la publication."

Donné en notre palais des Thuileries, le 11 Janvier, 1813.

Par l'empereur,

(Signé)

Le ministre secrétaire d'état, par interim,

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NAPOLÉON.

Duc de CADore.

CAMBACERES.

CORPS MUNICIPAL DE PARIS.

Du 12 Janvier, 1813..

Le conseil et le corps municipal de Paris, assemblés d'après l'autorisation du préfet de la Seine, et sur la demande de plusieurs de ses membres; l'un d'eux, après avoir rappelé les pièces insérées au Moniteur de ce jour, a dit :

"Messieurs,

"Ce que vous venez de lire a excité votre indignation et développé vos sentimens d'amour pour notre auguste souverain, en même tems que le cri de cet honneur national dont Paris fut toujours le premier interprète. Vous avez applaudi aux mesures énergiques que le gouvernement doit à la gloire et à la sûreté de ses peuples, à ces mesures qui seules peuvent conquérir la paix.

"Dans une circonstance si imposante, où l'esprit national doit se montrer tout entier, vous avez senti qu'il ne serait pas permis à la ville de Paris de rester dans le silence, et vous avez demandé à vous réunir pour exprimer les sentimens dont vous êtes pénétrés.

"Vous pouvez le dire avec orgueil, Messieurs, votre voix retentit dans tout l'Europe; elle imprime un caractère ineffaçable à vos jugemens, soit que vous exaltiez la gloire, soit que vous flétrissiez la lâcheté, soit que vous livrant à des sentimens sacrés qui furent toujours le premier mobile de la France, vous répandiez dans tous les cœurs cet enthousiasme que vous éprouvez quand il s'agit du véritable honneur.

"Que votre voix retentisse, comme la foudre, contre le misérable qui s'est montré rebelle à son souverain, traitre à son général et au cri de l'honneur. Qu'en lui imprimant le rachet de l'infamie dont il restera flétri dans l'histoire, elle prévieune

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chez des âmes débiles, et y étouffe une semblable pensée, s'il en est quelqu'autre où elle puisse naître.

"Mais que cette même voix ajoute à la noble fierté qui nous anime, en rappelant à tous les sujets les devoirs qu'imposent les circonstances. La gloire où nous sommes parvenus est pour nous un sentiment uni à notre existence même; elle fait partie de notre bonheur; elle assure notre sécurité. Ne faire pour la soutenir que ce que réclame le devoir et l'obéissance de sujets fidèles, ce serait trop peu pour les Français.

"Il faut, Messieurs, que l'ennemi tremble en voyant notre attitude; qu'il se décourage et sente sa foiblesse; qu'il reconnaisse que nous avons le sentiment de nos forces, et que chacun de ses efforts annoncera un effort plus grand qui doit la

terrasser.

"Qu'il entende en frémissant retentir de tous côtés un cri de guerre unanime.

"Instruits les premiers, et appelés par-là à donner cette noble impulsion, quels sacrifices pourraient nous coûter? quel cœur ne serait pas jaloux de se montrer reconnaissant? Où porterions-nous en effet nos regards que nous ne trouvions des drapeaux, des trophées, des monumens, signés de nos éclatantes victoires, qui ne nous rappellent des merveilles ajoutées à des merveilles sur les traces du héros magnanime qui nous gouverne?

"Que l'ennemi du Continent, l'Angleterre, agisse avec perfidie, qu'elle tâche de retarder sa chute en avilissant son caractère, c'est le triste rôle auquel elle est condamnée; pour nous, il nous suffit de montrer nos ressources, de développer nos sentimens, sûrs de le faire trembler devant cet accord national. Il établit sa confiance sur un défaut de moyens dans nos armées ; sachons réparer ces pertes. Notre cavalerie a souffert par l'intempérie des climats; offrons à notre auguste monarque la facilité de la recréer. La ville de Paris donnera l'exemple. I sera imité par tout l'empire; et l'histoire, en lisant avec étonnement tant d'événemens remarquables, citera toujours cette capitale comme la première sur le chemin de l'honneur.

"Je demande qu'il soit fait une adresse à S. M. I.; qu'elle lui soit présentée en corps, et que S. M. soit suppliée d'accepter l'offre d'un nombre de cavaliers armés et équipés, qui sera déterminé immédiatement.

"Si ce nombre est de 500, et si cet exemple est, comme je n'en doute pas, imité dans toute la France, dont Paris n'est que la 80e partie, S. M. aura dans peu de semaines 40,000 hommes de cavalarie montés et équipés, prêts à soutenir l'honneur de la nation et la dignité de l'empire."

Tous les membres composant le corps et conseil municipal de la bonne ville de Paris out unanimement adhéré à ces sentimens: une adresse a été rédigée, séance tenante, et adoptée par acclamation.

Suit la teneur de l'adresse.

" Sire,

"Nous chercherions en vain des termes pour peindre à V.M. la profonde indignation dont nous avons eté pénétrés en apprenant la défection d'un chef, rebelle à son souverain, traître à son général, infidèle à l'honneur. Laissons cet être avili, livré au cri déchirant des remords et à là honte qu'imprimera sur son nom le burin de l'histoire.

"Nos cœurs se livrent à des pensées plus grandes, et supplient V. M. d'agréer les sentimens que leur dictent une noble fierté et l'amour que vous doivent vos peuples fidèles.

"Sire, votre bonne ville de Paris s'empressera de répondre à l'appel qui vient d'être fait à tout l'empire. Sa jeunesse va voler sous vos drapeaux et courir à de nouveaux triomphes.

"L'ennemi du Continent se flatterait-il de nous en imposer par le succès de sa perfidie? Croirait-il avoir abattu ce courage, éteint ce besoin de gloire qui enflamme le cœur des Français ?

"Quoi! tandis que sur tous les points de ce vaste empire nous voyons élever des monumens de triomphe, il penserait que nous consentirions à les renverser de nos propres mains, et qu'il naîtrait dans nos cœurs une seule pensée qui osât démentir ces trophés recueillis par votre génie sous tant de climats divers? Que ne se persuade-t-il qu'il va commander aux élémens et les diriger contre nous ?

"Il s'abuse, il reconnoîtra ce caractère national qui fut toujours grand, mais auquel V. M. a su imprimer un nouveau degré de force et d'énergie. Tout l'empire, à la voix de l'honneur, s'empressera de pousser un cri de guerre unanime, et saura conquérir la paix après la victoire.

"Sire, votre bonne ville de Parie s'estime heureuse de vous exprimer la première des sentimens que la France entière partagera dans quelques heures; elle ferait trop peu si elle n'obéissait qu'au devoir.

"L'ennemi compte sur des pertes que l'inclémence des saisons a senle causées; ces pertes vont être réparées par vos fideles sujets. Votre bonne ville de Paris, jalouse de se montrer la première, vous supplie d'agréer l'offre de cinq cents hommes de cavalerie, et l'assurance qu'aucun sacrifice ne lui coûtera pour soutenir l'honneur national. Que le monde reconnaisse que, sous votre gouvernement tutélaire, vos fidèles sujets feront plus qu'il ne leur est demandé; que l'ennemi apprenne en frémissant que rien ne nous fera descendre de cette hauteur de gloire où votre génie nous a élevés, et où la postérité doit nous contempler un jour,

Puisse, Sire, cette marque de dévouement être agréée de Votre Majesté; puisse votre cœur se réjouir en reconnaissant dans vos fidèles sujets des sentimens dignes de Français, comme de votre gloire."

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