Page images
PDF
EPUB

ment pour intenter une action en justice, et pour se pourvoir devant un autre degré de juridiction, doivent, aux termes de l'art. 36 de la loi, être accordées par le roi en son conseil d'état: c'est-à-dire en la forme d'ordonnance royale rendue sur la proposition du conseil d'état, après examen de la demande qui lui est soumise par le département. Dans ce cas, le ministre de l'intérieur excèderait ses pouvoirs, s'il faisait autoriser le département à plaider, par une ordonnance royale en la forme ordinaire. L'examen du conseil d'état est de rigueur. Le rôle du ministre se borne à présenter à ce conseil un rapport ou avis motivé sur l'autorisation de plaider ou d'appeler, qui lui est demandée par le département,

787. - Doivent être soumises à l'accomplissement de toutes les formalités exigées pour les ordonnances portant règlement d'administration publique :

1° Les décisions du ministre de l'intérieur qui ont pour objet des acquisitions, aliénations et échanges de propriétés départementales, ainsi que des changements de destination des édifices et bâtiments départementaux; à moins qu'il ne s'agisse d'une valeur n'excédant pas 20,000 fr., auquel cas l'autorisation du préfet, en conseil de préfecture, est suffisante; l'acceptation ou le refus des legs et donations faits au département, les transactions sur procès; (Loi du 10 mai 1838, art. 29, 31 et 38.)

2o Les décisions du même ministre qui déterminent, pour chaque département, le nombre des hospices où seront reçus les enfants trouvés, et tout ce qui est relatif à leur administration, notamment, au

payement des mois de nourrice et des pensions; (Décret du 19 janvier 1811, art. 22.)

3o Les décisions du ministre des travaux publics relatives au classement et au déclassement des routes départementales, concessions temporaires de ces routes, ou de pônts pour y établir des péages, à la charge de travaux, rampes, digues ou autres ouvrages.

788. Les ordonnances portant règlement d'administration publique diffèrent essentiellement, en la forme et au fond, des autres ordonnances royales. Ainsi, tandis que pour la légalité d'une ordonnance royale ordinaire, la signature du roi et le contre-seing du ministre responsable suffisent, l'ordonnance portant règlement d'administration publique doit être, pour sa validité, non-seulement signée par le roi et contre-signée par le ministre compétent, mais soumise à l'accomplissement de plusieurs formalités préalables qui sont autant de garanties dans l'intérêt public, et dont il n'est pas permis aux ministres de s'affranchir sans commettre un excès de pouvoir.

Voici quelles sont ces formalités :

Suivant les diverses ordonnances qui, à défaut de loi, règlent jusqu'à présent l'organisation et les attributions du conseil d'état, ce conseil est divisé en comités chargés de préparer les projets de lois, ordornances, règlements et tous autres actes relatifs aux matières comprises dans les attributions du département ministériel auquel chacun d'eux est attaché. (Ordonnance du 23 août 1815, art. 11.)

En conséquence, dès que le ministre compétent a reçu la délibération d'un conseil général relative à

l'un des objets sur lesquels il doit être statué par un règlement d'administration publique, il doit l'examiner, puis transmettre toutes les pièces, avec son avis motivé, au comité du conseil d'état attaché à son ministère.

Le président du comité (le ministre ou le conseiller d'état qui le remplace) désigne un rapporteur pour faire l'examen de l'affaire. Ce rapporteur, suivant l'art. 15 de l'ordonnance du 5 novembre 1828, doit être un maître des requêtes, pour les projets d'ordonnance portant règlement d'administration publi

que.

Le rapport est ensuite fait et ses conclusions soumises à l'examen du comité qui, dans un avis rédigé par le rapporteur, propose, conformément à l'opinion qui a prévalu, d'approuver, modifier ou rejeter l'acte qui fait l'objet de la délibération du conseil général.

L'avis du comité rédigé en la forme de projet d'ordonnance royale, doit être ensuite délibéré en assemblée générale du conseil d'état, tous les comités réunis, et tous les ministres secrétaires d'état ayant été convoqués. (Ordonnance du 19 avril 1817, art. 6, id. du 5 novembre 1828, art. 14).

Le rapport est fait au conseil d'état, tous les comités réunis, par un conseiller d'état désigné par le garde des sceaux. (Ordonnance du 5 novembre 1828, art. 15.)

Le conseil d'état ainsi constitué, propose définitivement, par un dernier projet d'ordonnance, d'approuver, de modifier ou d'annuler l'acte qui fait l'objet de la délibération du conseil général.

[ocr errors]

Le projet d'ordonnance est renvoyé au ministre compétent, qui le porte à la signature du roi, et y appose ensuite le contre-seing de la sienne.

Les ordonnances, ainsi délibérées, peuvent seules porter dans leur préambule ces mots : le conseil d'état entendu. (Ordonnance du 19 avril 1817, art. 6; id. 5 novembre 1828, art. 14.)

789.

Telles sont les conditions exigées pour la validité des ordonnances portant règlement d'administration publique.

Le ministre compétent doit veiller lui-même à leur accomplissement: il excèderait ses pouvoirs s'il approuvait ou annulait, de son chef, les délibérations portant sur des actes qui doivent être ainsi réglés par le roi, le conseil d'état entendu : l'ordonnance ou la décision ministérielle qui interviendrait sans l'exécution de ces formalités protectrices, pourrait être déférée au conseil d'état par la voie contentieuse, et annulée par cette suprême juridiction administrative, pour excès de pouvoir et violation des formes prescrites par la loi.

Cette doctrine est incontestable; elle ne résulte pas moins des ordonnances qui ont institué le conseil d'état et réglé ses attributions, que d'un arrêt, ou ordonnance du conseil, rendue dans une espèce que, par ce motif, il est utile de rapporter.

Par suite d'un legs fait à l'hospice de Compiègne, les administrateurs de cet établissement avaient formé un recours au roi, par l'intermédiaire du ministre de l'intérieur, à l'effet d'obtenir l'autorisation d'accepter cette libéralité. Le ministre ayant, de son chef, déclaré qu'il n'y avait pas lieu d'accorder l'au

torisation demandée, la commission de l'hospice introduisit, en la forme contentieuse, un recours au conseil d'état, contre la décision ministérielle qu'elle arguait d'incompétence et d'excès de pouvoir.

Le conseil a effectivement annulé la décision, et ordonné qu'à la diligence du ministre, il serait statué au fond par le roi, le conseil d'état entendu après l'accomplissement des formalités prescrites, et ce, par les motifs que: «d'après l'art. 910 du code civil et l'ordonnance réglémentaire du 2 avril 1817, la demande en autorisation à l'effet d'accepter le legs, aurait dû être soumise au roi, pour être statué, le conseil d'état entendu, et qu'en décidant lui-même que l'hospice était sans droit et sans qualité pour l'obtenir, le ministre avait excédé ses pouvoirs. » (1)

Le principe que consacre cette ordonnance est évidemment applicable à toutes les matières sur lesquelles il doit être statué par le roi, le conseil d'état entendu, par ordonnance portant règlement d'administration publique: car ce n'est que parce que le code civil et l'ordonnance du 2 avril 1817 exigent un règlement de cette nature, pour autoriser l'acceptation des dons et legs faits aux établissements publics, que le conseil a annulé, pour cause d'excès de pouvoir, la décision ministérielle précitée.

790. Il est à remarquer que, lorsque le conseil d'état juge à propos d'introduire, dans l'acte qui est soumis à son approbation, des modifications dont le résultat serait d'augmenter la dépense à la charge du

(1) Ordonnance du 12 janvier 1838; arrêts du conseil, 1855, p. 24.

« PreviousContinue »