Page images
PDF
EPUB

peuvent éprouver le commerce et l'industrie. Sans doute, nous ne devons pas avoir la prétention de répandre des travaux sur toute la surface de la France; mais ce que doit faire le législateur, c'est d'arriver, non pas à la perfection, mais au mieux possible.

Mon amendement a pour objet de répartir plus également les avantages de la loi. Il y aurait avantage pour tous les départements si l'on adoptait mon amendement, tandis qu'avec le projet tel qu'il est, un grand nombre de départements n'en tireront aucun avantage, ce qui ne les empêchera pas de contribuer à la charge commune des impôts qui doivent fournir ces 5 millions.

Telle est la réponse à l'argument de M. Charles Dupin. Ma proposition est loin d'être parfaite, et assurément ce n'est pas là ma prétention; mais elle tend à un mieux que nous devous chercher à intro uile dans la loi.

M. Charles Dupin, du banc des commissaires. Si l'ou répartissait la somme d'une manière égale ent e tous les cantons de la France, il y aurait 1,600 francs par canton; cela ne ferait pas le dixième de la somme nécessaire dans beaucoup de localités, et l'on se trouverait dans l'impossibilité de rien entreprendre.

M. Glais-Bizoin, de sa place. La même objection peut être faite contre tout le projet de loi. M. le Président. Veuillez monter à la tribune.

M. Glais-Bizoin, à la tribune. Je viens appuyer l'amendement de M. Gautier de Rumilly. L'objection que vient de présenter M. Charles Dupio est applicable à tout le projet de loi. Ge n'est pas pour répartir également entre tous les départements la somme qui lui est allouée que le gouvernement en fait la demande; de même que ce n'est pas pour la répartir également entre tous les cantons de la France que M. Gautier propose d'appliquer les 5 millions aux travaux pour les communications de chef-lieu de canton à chef-lieu de canton.

L'amendement de M. de Rumilly est très important pour les départements auxquels le projet de loi serait défavorable; tels sont les départements de l'Ouest. Il n'y a d'autres moyens de porter la civilisation dans ces contrées, qui sont des foyers de coteries, qu'en les faisant traverser par des chemins cantonaux. J'appuie donc, pour cette raison, l'amendement de M. Gautier de Rumilly, qui tend à obtenir ce résultat si important.

M. le comte d'Argout, ministre du commerce et des travaux publics. Deux mots seulement, Messieurs. Cet ainendement est tout à fait inacceptable, il est contraire au principe sur lequel repose la loi. Si on voulait accorder au gouvernement des fonds plus considérables pour les routes royales, c'est au premier paragraphe qu'il fallait en faire la proposition; si on voulait augmenter le crédit pour les routes des départements, il fallait le faire quand on a voté le paragraphe second. Mais après avoir voté les allocations nécessaires pour les routes royales et les routes de département, avec ces conditions, que les communes y contribueraient dans une certaine proportion, qu'on vienne vous proposer d'ajouter 5 millions qui seraient répartis, sans sacrifice de la part des départements, c'est évidemment renverser tout le système de la loi.

L'orateur s'est encore fondé sur le principe qu'il voulait qu'on déterminât l'emploi des 5 millions que le gouvernement demande pour les besoins imprévus. Cela est encore en contradiction manifeste avec le but que le gouvernement

[blocks in formation]

M. le Président. Une proposition a été déposée, qui sera renvoyée à l'examen des bureaux. M. Larabit propose de substituer au dernier paragraphe de l'article 1er les deux paragraphes suivants :

« Ville de Paris. Pour travaux d'assainissement et de construction dans la ville de Paris, 4 millions.

« Ministère de l'intérieur. — Pour subvenir aux besoins d'intérêt général et imprévus, 1 million. »

M. Larabit. Messieurs, je ne me dissimule pas les inconvénients de la loi proposée; mais, dans les circonstances graves et tout à fait exceptionnelles où la France est placée, je pense que son adoption est nécessaire, sauf la somme de 5 millions demandée pour dépenses imprévues, contre laquelle je suis disposé à voter, et dont je vous propose au moins la réduction.

En fixant à 5 millions la somme à distribuer aux villes pour travaux d'utilité communale, l'article 1er 'a pas déterminé la portion de cette somme qui doit être attribuée à la ville de Paris, et il serait possible que les travaux de cette capitale en absorbassent la presque totalité, et qu'il ne restât qu'une faible somme pour nos villes des départements, qui méritent cependant tout notre intérêt. Je propose de leur laisser la somme de 5 millions tout entière.

Quant à la ville de Paris, où la population pauvre est proportionnellement plus nombreuse que partout ailleurs, et surtout plus malheureuse par le contraste continuel du luxe et de l'indigence, je propose de fixer son crédit particulier à la somme de 4 millions, prise sur la somme exorbitante de 5 millions que le projet réservait au ministère de l'intérieur.

Assujettie aux mêmes conditions que les autres villes, suivant l'article 4, elle aurait à fournir 8 millions sur ses budgets de 1831 et de 1832, pour être employés avec les 4 millions du Trésor, ce qui ferait 12 millions.

Je rappellerai, en outre, à la Chambre qu'une loi du 20 août 1828 a conféré à la ville de Paris la nue propriété de la place de la Concorde et des Champs-Elysées, à charge d'y faire une dépense de 2,230,000 francs en embellissements. Pour moi, je suis satisfait de l'aspect que présen tent la place de la Concorde et les plantations des Champs-Elysées, et je ne comprendrais pas qu'on y pût ajouter pour 2 millions d'embellissements lorsque tant de quartiers nous offrent un aspect presque bideux.

Je propose à M. le ministre de relever la ville de Paris de cet engagement, à la condition d'employer cette somme en embellissement et assainissement dans les quartiers les plus populeux; elle sera due le 20 août 1833 ainsi la ville de Paris aurait à fournir en 1831, 1832 t 1833, dans l'intervalle de 22 mois, 10,230,000 francs en sus des 4 millions du Trésor. Quel devrait être maintenant l'emploi de cette some importante?

M. le ministre sentira la nécessité de ne faire dans Paris que des travaux vraiment utiles et productifs tels ne seraient pas des mouvements

de terre au dehors, ni des ponts, ni des palais; les derniers ponts adjugés à des compagnies sont désormais suffisants pour assurer la communication facile des deux rives de la Seine. Les travaux les plus utiles aujourd'hui consisteraient, à mon avis, en construction de maisons, qui ont le grand avantage de donner du travail aux classes les plus nombreuses d'ouvriers, aux maçons, aux charretiers, aux charpentiers, aux menuisiers, aux serruriers, et enfin aux tapissiers et aux ouvriers en meubles. J'appellerai donc l'attention de M. le ministre sur la rue projetée depuis si longtemps entre le Louvre et la Bastille, et qui procurerait un mouvement de 100 à 120 millions.

Mais pour attirer dans ce grand et beau travail tous les capitaux particuliers qui seraient nécessaires avec la subvention de 14 millions qu'on aurait à y consacrer, il faudrait, je crois, modifier la loi sur les expropriations, de manière que cette somme, au lieu d'être absorbée tout entière en acquisition des vieilles maisons, fût appliquée au contraire intégralement en constructions neuves.

Ne pourrait-on pas atteindre ce but en disposant que les indemnités d'expropriations seraient hypothéquées sur les constructions neuves, au lieu d'être payées dans un court délai? Pour que la subvention pût être octuplée ou décuplée par les capitaux particuliers, il faudrait l'adjuger au rabais et par lots à des compagnies qui s'engageraient à compléter la dépense. Ces idées auraient besoin d'autres développements; mais je m'arrête pour ne pas fatiguer la Chambre.

Je vote pour 4 millions à la ville de Paris, sous les mêmes conditions que les autres villes, et un million seulement pour la réserve du ministre.

M. Jacques Lefebvre. Je demande la parole. M. le Président. Elle est à M. Charles Dupin, commissaire du gouvernement, qui la demande. M. Charles Dupin, commissaire du gouvernement. Que la Chambre, reconnaissante des immortels services que la ville de Paris a rendus à la France, veuille lui accorder un nouveau fonds de 4 millions, je dépouillerai volontiers ma qualité de commissaire pour dire que j'en suis enchanté; mais il n'en résultera pas moins qne le gouvernement viendra vous demander 5 millions pour les besoins imprévus. Par conséquent, il y a réserve pour ces 4 millions. On propose des dépenses additionnelles elles peuvent être utiles, j'en conviens; mais ce seraient toujours des dépenses ajoutées à celles qu'on a déjà proposées, et qui n'ont rien de commun à une allocation de fonds sur laquelle vous serez appelés à voter, et que le gouvernement se réserve de vous proposer.

Quant à ce qu'a dit notre honorable collègue sur la nature des travaux, il a commis quelques erreurs. Il a dit que le gouvernement ne devait pas entreprendre de ponts pour son compte. Cela est vrai; aussi le gouvernement n'en fait pas : il traite avec des compagnies. Je citerai pour exemple celui qui a été concédé pour aller de la rue des Saints-Pères au Louvre.

On a parlé de travaux productifs; on a dit qu'il valait mieux construire des maisons que de faire des terrassements, des embellissements, qui ne rapportent aucune location.

J'ai une chose à vous dire à ce sujet-là: une des grandes causes de la détresse de Paris vie t de ce qu'on y a bâti beaucoup trop de maisons il y a quatre ans. Depuis 1825, on a bâti un si gran nombre de maisons dans la capitale, que la quantité des logements s'est trouvée disproportionne à la population: il s'en est suivi de l'avilissement

dans les prix des loyers et des banqueroutes parmi les constructeurs de maisons et les acquéreurs de terrains.

En réalité, l'excès de ces constructions a été un des plus grands désastres de l'époque.

On dit que si ces maisons nouvelles sont construites, les fabricants de meubles et les décorateurs y gagneront. Vous voyez que c'est une erreur, puisqu'il y a déjà trop de maisons, et que la population de Paris est diminuée par la retraite de beaucoup de personnes qui s'en sont éloignées. M. Larabit monte à la tribune.

M. le Président. La parole est à M. Jacques Lefebvre.

M. Jacques Lefebvre. Je la cède à M. Larabit. M. Larabit. M. le commissaire du roi a dit que je demandais une dépense additionnelle; c'est une erreur, car je demande, au contraire, qu'une réduction soit faite sur le chiffre de 18 millions; mais je voudrais que si les 5 millions que le projet accorde au ministère de l'intérieur sont alloués, 4 millions fussent spécialement consacrés sur cette somme à la ville de Paris, et un million seulement réservé pour les cas de besoins imprévus.

M. le commissaire du roi a dit qu'on avait fait reproche au gouvernement de faire construire des ponts, et que ce reproche n'était pas fondé, puisque la construction des ponts avait été concédée à des compagnies.

Je n'ai point nié que le gouvernement fit à des compagnies la cession des ponts, mais j'ai dit qu'assez de travaux de ce genre avaient été faits; qu'il y avait assez de ponts à Paris pour la communication entre les deux rives de la Seine. J'ai demandé que les fonds fussent plutôt employés à construire des maisons dans les quartiers populeux on a objecté qu'il n'y avait déjà que trop de maisons à Paris, et que cela avait été la cause de la ruine de beaucoup de propriétaires; cela est vrai, mais pourquoi ? Parce qu'on a construit dans des quartiers isolés et éloignés. Si l'on eût bâti dans les quartiers populeux et malsains, on les eût assainis, et loin de multiplier les habitations, on en aurait au contraire diminué le nombre.

M. le Président. La parole est maintenant à M. Jacques Lefebvre.

Voix nombreuses : Assez... Aux voix ! aux voix! (L'amendement de M. Larabit est mis aux voix.) M. Charles Dupin se lève pour. (Marques de surprise... Rires.)

M. Charles Dupin, dans l'intervalle des deux épreuves. Je vote les 4 millions pour la ville; mais sans préjudice des 5 millions pour secours imprévus. (Bruit.)

(L'amendement de M. Larabit est rejeté.)

M. le Président. Je ne pense pas que M. Gauthier d'Hauteserve persiste dans la seconde partie de son amendement.

M. Gauthier d'Hauteserve. Elle devient sans objet.

M. le Président. M. Eschassériaux propose au dernier paragraphe, à la place de ces mots: « pour subvenir aux besoins d'intérêt général et imprévus, 5 millions, » ceux-ci : « Pour accroître la fabrication des armes dans les manufactures françaises, 3 millions. >>

M. Charles Dupin. Il y a, dans le budget de 1832, 18 millions pour cet objet.

M. le Président. Laissez développer l'amendement.

M. Eschassériaux a la parole.

M. Eschassériaux. Messieurs, l'amendement

[Chambre des Députés.]

que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre se rattache essentiellement à l'esprit du projet de loi, qui est une mesure d'ordre et de sécurité générale, autant qu'il doit être un moyen de Soulagement pour l'humanité souffrante.

D'abord je viens m'opposer à l'allocation des 5 millions dont M. le ministre s'est réservé la disposition pour subvenir aux cas imprévus, à moins qu'elle ne reçoive une destination détinitive ou éventuelle, mais qui soit expressément spécifiée dans l'article. Il n'existe aucun motif qui puisse justifier le silence absolu que garde, à cet égard, l'exposé des motifs, et dans lequel M. le ministre a cru devoir persévérer pendant le cours de la discusion.

La Chambre qui nous a précédés vota à la vérité, de confiance, une somme de 100 millions, sans prescrire d'emploi spécial au ministre ; mais c'était à la veille de sa séparation, dans un moment ou une guerre imminente pouvait nécessiter de notre part, dans l'intervalle des deux sessions, des moyens de défense énergiques pour préserver l'intégrité de nos frontières. Hors ces cas d'urgence extrêmement rares, et surtout en présence des Chambres assemblées, un pareil silence n'est pas conciliable avec l'exercice du gouvernement représentatif, ou le droit de contrôle et d'examen préalable des dépenses de toute nature est la garantie première d'une bonne administration, et la sauvegarde des intérêts de tous les contribuables.

L'objet de mon amendement sera donc d'assisigner à ce fonds de 5 millions une destination spéciale, et, à cet égard, je me permettrai de signaler une omission grave que j'ai cru remarquer dans la distribution des secours accordée aux différents intérêts de la société: je veux parler de ceux qui auraient pour but de créer une occupation appropriée au genre de travail des fabriques et manufactures.

On sait qu'il existe dans nos villes de l'intérieur un assez grand nombre d'ouvriers inactifs qui, déjà exercés dans la pratique des arts mécaniques, et notamment dans la manipulation du fer et autres métaux, pourraient être employés utilement dans les manufactures placées sous la surveillance directe du gouvernement.

En vain offririez-vous à ces ouvriers de prendre part aux travaux de construction ou de terrassement qui vont être entrepris sur les routes royales ou dans l'exécution des canaux; leurs mains, accoutumées à des ouvrages qui exigent plus d'adresse et d'intelligence que de force physique, seraient complètement inhabiles à se livrer à la plupart de ceux qu'énumère l'article 1er du projet. Une expérience récente a suffi pour démontrer que tel ouvrier dont la journée pouvait s'élever à 3 francs dans l'intérieur d'une fabrique, produisait à peine 25 centimes d'ouvrage dans un jour, en travaillant à la terre.

Si la Chambre paraissait vouloir accorder un secours particulier aux ouvriers des fabriques et des manufactures, je pourrais lui désigner certain genre d'industrie dont l'accroissement servirait à occuper une multitude de bras inactifs, en même temps qu'à créer des valeurs essentiellement nécessaires à la conservation de l'orire, de la paix et de la sécurité publique.

Et à cet égard, je ne citerai que la fabrication des fusils, dont nous avons un besoin si urgent pour armer les habitants de nos départements frontières, je dirai même ceux de l'intérieur, qui ne le sont que dans un nombre extrêmement disproportionné avec le chiffre de la population.

M'opposerait-on la difficulté de donner un accrois-
sement rapide et immédiat à ce genre de fabri-
cation? Je prierais alors vos souvenirs de se
reporter à cette époque glorieuse de notre pre-
mière émancipation sociale, où, pour concourir
à la défense du sol, des fabriques d'armes, de
poudre, de salpêtre, s'improvisaient sur tous les
points du territoire, où, pour ne rappeler qu'un
seul exemple, l'atelier placé sur l'esplanade des
Invalides fournissait 1,000 fusils par jour, pro-
duction qui ne suffisait pas encore au nombre et
à l'impatience de nos volontaires.

De cette manière, on mettrait en œuvre les
matières premières de nos usines, qui manquent
de débouchés; on imprimerait une nouvelle acti
vité aux forges et aux manufactures d'armes, et,
sur la prospérité renaissante de ces deux bran-
ches de notre industrie, se fonderaient en même
temps le repos, la confiance et le sentiment de
notre propre sûreté, beaucoup plus solidement
que sur la foi des protocoles. Il y a longtemps,
Messieurs, qu'on l'a dit pour la première fois
dans cette enceinte, c'est avec le fer qu'on défend
l'honneur et l'indépendance des nations; et puis-
qu'il s'agit d'exécuter une dépense qui soit réel-
lement utile à la société tout entière, je vous
dirai Encourageons parmi nous la production
de ce métal et son application aux instruments
de la défense nationale.

Au lieu de nous rendre tributaires de nos voisins pour des armes de rebut qu'ils nous font payer le double de leur valeur, utilisons les éléments de fabrication que la nature a placés dans nos mains, en donnant à la fois du travail à nos ouvriers, un développement à notre industrie, à la patrie un moyen efficace de protéger son indépendance.

Quelque étrange que puisse paraître ma proposition à une tribune encore retentissante des assurances officielles d'une paix que nous désirons tous, pour ceux qui ne croient pas à l'infaillibilité des arrêts de la conférence de Londres, il sera toujours bon de l'accueillir et d'en profiter. Messieurs, j'avais d'abord en vue de demander à la Chambre qu'une partie de la somme que nous votons fùt employée à la mobilisation de la garde nationale; mais j'ai pensé que la proposition de l'honorable général Lamar ¡ue, qui va être prochainement développée, avait pour but de statuer principalement sur cet objet, et qu'avant d'opérer la formation des bataillons mobiles, il fallait d'abord songer à réunir les éléments nécessaires à leur armement. Pour le moment je me bornerai donc à proposer qu'une somme de 5 millions soit destinée à l'accroissement de la fabrication des armes dans les manufactures françaises.

Je persiste dans mon amendement.

M. Charles Dupin, commissaire dn gouvernement. Je n'ai qu'un mot à dire. Nos manufactures d'armes sont en pleine activité; elles ne peuvent pas même suffire à nos besoins. Nos manufactures d'armes doivent faire 200,000 fusils pour la garde nationale, et 200,000 pour remplacer ceux qui sont hors de service. Le total des crédits qui sont alloués, dans le budget de 1832, pour la fabrication des armes portatives, s'élève a 18 millions. N'est-il pas évident que lorsque Vous venez au secours d'une grande industrie avec 18 millions, elle a plus que sa part. On vous a dit qu'il y avait dans les départements des armuriers qu'on pourrait utiliser. Messieurs, ces ouvriers suffisent à peine pour entretenir les 860,000 fusils de la garde nationale. Je pense

[ocr errors]

que, d'après ces considérations, vous rejetterez l'amendement proposé.

M. de Ludre. Sans doute, Messieurs, comme vient de vous le dire M. le commissaire du gouvernement, une commande de 18 millions est une grande ressource pour une industrie en souffrance; mais il est vrai aussi que le secours demandé par l'amendement de M. Eschassériaux ne soulagerait pas seulement une industrie, mais il en soulagerait plusieurs.

L'industrie des armuriers est fort occupée en ce moment, j'en conviens; mais il est certaines commandes supplémentaires, telles que celles qui ont été faites à plusieurs époques de notre Révolution; je ne parlerai pas seulement des grandes commandes qui ont été faites en 93 et 94, mais je parlerai des ateliers de réparation établis pendant les Cent-Jours à Paris; ces ateliers extraordinaires ont donné du travail à un très grand nombre d'ouvriers, et même à des ouvriers qui appartenaient à des professions que l'on n'aurait pas crues susceptibles de se livrer à la fabrication des armes.

Ainsi, par exemple, on a vu des ouvriers horlogers qui ont été employés avec avantage. Cela peut paraître extraordinaire; mais les personnes un peu au fait de la fabrication des armes doivent savoir qu'il est très facile de joindre dans ces ateliers des ouvriers horlogers à d'autres ouvriers qui s'occupent de travaux délicats, comme ceux de montage, de limage, de platinage dans la fabrication des armes.

M. le commissaire du gouvernement vous a dit que 18 millions étaient accordés, non seulement pour la réparation, mais pour l'entretien des

armes.

C'est une dépense qui montera fort haut, car le gouvernement a déjà distribué, comme on vous l'a dit, 860,000 fusils à la garde nationale; une autre distribution de 140,000 fusils a eu lieu dernièrement.

Le budget qui vous a été distribué porte qu'en vertu d'une décision royale, dont je ne me rappelle pas bien la date, 200,000 fusils doivent être encore accordés, afin de porter l'armement des gardes nationales de France à 1,200,000 fusils.

Il est une chose que nous ne pouvons pas nous dissimuler, cette dépense est une des plus avantageuses qu'on puisse voter. Elle servira non seulement à la confection des armes, mais à la réparation des dégradations inévitabtes entre les mains de la garde nationale.

Quelque soin, quelque zèle que les citoyens mettent à entretenir leurs armes, ils ne les entrediendront jamais comme des soldats qui sont soumis à la discipline, et dont les armes posées aux râteliers sont constamment inspectées par les officiers et sous-officiers. Il y a aura donc des dégradations et des pertes réelles; c'est une chose qu'on ne peut pas éviter, mais contre laquelle il faut se prémunir d'avance.

Je pense donc, par ces divers motifs, que l'amendement de M. Eschassériaux aura plusieurs avantages. Le premier de tous, à nos yeux, est d'assurer non seulement la défense du pays, mais l'institution de la garde nationale, si précieuse pour l'ordre, pour la tranquillité, pour la gloire du pays.

Il y aura en outre l'avantage de donner aux citoyens un plus grand nombre d'armes afin de s'exercer, et dont ils manquent dans plusieurs départements, quelque chose qu'on ait pu faire pour leur en fournir.

Enfin on pourra employer ainsi une foule d'ou

vriers inoccupés ou peu occupés. Par ces motifs, je vole pour l'amendement. (Aux voix ! aux voix! M. le comte d'Argout, ministre du commerce et des travaux publics. Je demande à dire un mot de ma place. Si une pareille proposition pouvais être adoptée, ce n'est pas au Ministère de l'intérieur qu'il faudrait accorder une somme de 3 millions pour la fabrication des armes; ce serait un article supplémentaire à ajouter au budget de la guerre. Lorsque vous discuterez le budget de la guerre, vous aurez à examiner si la somme de 18 millions est suffisante. (Aux voix ! aux voix !)

M. Larabit. Si nous étions d'accord...

M. le Président. Vous n'avez pas la parole. M. Larabit. Il arrive souvent que lorsqu'un ministre descend de la tribune, on crie : Aux voix ! aux voix ! et qu'on ne donne pas le temps de répondre.

M. le Président. Je vous demande pardon; toujours la Chambre a entendu un orateur après un ministre. D'ailleurs, M. le ministre du commerce n'a fait que dire un mot de sa place.

(L'amendement de M. Eschassériaux est mis voix et rejeté.)

M. le Président. Un dernier amendement sur le paragraphe a été présenté par M. de Briqueville; il est ainsi conçu :

« Une somme de 100,000 francs sera mise à la disposition de M. le ministre du commerce pour le port de commerce de la ville de Cherbourg.

M. de Briqueville. Je retire mon amendement; M. le ministre du commerce a eu la bonté d'en prendre note.

M. le Président. Je vais mettre aux voix le paragraphe.

M. de Podenas. Un moment! Je demande la parole.

M. le Président. Vous avez la parole.

M. de Podenas. Messieurs, jusqu'à présent les sommes qui ont été votées ont eu pour objet de secourir les classes ouvrières, le commerce et l'industrie.

En présence de la détresse publique, dans les graves circonstances où nous sommes placés, à l'approche d'une saison rigoureuse, vous avez montré, pour toutes ces infortunes, une juste el généreuse sollicitude. Devez-vous montrer le même empressement à voter le crédit extraordinaire de 5 millions, qui vous est demandé par le dernier paragraphe?

Je ne le pense pas; et d'abord vous ne devez pas perdre de vue que ce n'est plus M. le ministre du commerce et des travaux publics qui vous demande ce nouveau crédit, toutes les prévisions relatives aux travaux, aux secours à accorder au commerce et à l'industrie, ont été accomplies dans les paragraphes déjà votés.

Maintenant c'est M. le ministre de l'intérieur qui nous demande un nouveau crédit, et qui nous le demande pour des besoins imprévus, dit-il, et d'intérêt général. Je concevrais très bien que M. le ministre de la guerre ou celui de la marine vint demander à la Chambre un crédit extraordinaire pour des besoins imprévus, pour des opérations dont ils n'auraient pu prévoir les résultats positifs lors de la rédaction de leurs budgets. Mais dans le nombre des attributions de M. ministre de l'intérieur, j'avoue que je ne sais à quel objet il pourrait consacrer les fonds qu'i, nous demande aujourd'hui.

Vous savez que par une ordonnance du 17 mars 1831, qui suivit pre- que immédiatement la nomination d'un nouveau ministère, le ministère

de l'intérieur s'est divisé en deux parties, l'intérieur proprement dit, et le ministère des travaux publics et du commerce.

Vous savez au-si que l'un des principes fondamentaux de notre législation financière, c'est que des crédits ne peuvent être accordés aux ministres ordonnateurs, que dans les limites des attributions des départements qui leur ont été confiés par le roi.

I importe done d'examiner quelles sont les attributions que M. le ministre de l'intérieur s'est réservées par l'ordonnance du 17 mars.

Vous les connaissez, Messieurs; elles embrassent le personnel de l'administration, les élections, la garde nationale, la surveillance de la presse, les objets militaires dans lesquels l'autorité civile est appelée à intervenir, enfin la police générale.

Or, je vous le demande, les élections, les attributions militaires pour lesquelles l'autorité civile a besoin d'intervenir, la surveillance de la presse, la garde nationale, le personrel de l'administration, ne sont-ils pas des objets prévus, déterminés? Dans tous les budgets que vous avez déjà faits et dans ceux qui se préparent encore devant vous, n'a-t-on pas toutes les hypothèses différentes qui peuvent se présenter relativement à ces divers objets? Je ne vois donc absolument que la police générale qui puisse nous présenter quelque objet d'intérêt général et imprévu rentrant dans les attributions du ministre de l'intérieur. Car vous savez que toutes les autres attributions ont été réservées par cette ordonnance au ministre du commerce et des travaux publics. Ce n'est donc que pour la police, la police seule, que le ministre de l'intérieur peut vous demander aujourd'hui le crédit extraordinaire de 5 millions.

Mais jusqu'à présent, dans tous les budgets, les fonds destinés aux dépenses de la police ont été prévus, calculés; ils ont toujours été suffisants pour les besoins ordinaires de l'administration et de la police. On peut dire qu'ils ont été, dans chaque budget, plus que suffisants pour subvenir aux besoins de cette police.

En effet, Messieurs, il n'est personne qui ignore, qui puisse ignorer l'abus qui est fait chaque année, abus que je veux bien ne pas qualifier, de toutes les sommes allouées pour la police générale, et qui excèdent toujours les besoins ordinaires.

M. Casimir Périer, président du conseil. Qualifiez, qualifiez !

M. de Podenas. Voulez-vous que j'en qualifie quelques-uns! (Oui! oui!) Eh bien! l'achat de certains journaux.

M. Casimir Périer, président du conseil. Aucuns journaux ne sont achetés !... Il n'y en a pas d'achetés!... Nommez-les !

M. de Podenas. La distribution de brochures dans les départements.

M. de Corcelles. L'introduction dans cette Chambre d'un espion de police. (Exclamations diverses... Agitation prolongée).

M. de Podenas. Puisque M. le président du Conseil veut que je qualitie certaines dépenses des fonds alloués pour la police, dépenses que je voulais bien ne pas qualifier, je répéterai qu'il y a des achats de certains journaux.

M. Casimir Périer, président du conseil, Lesquels? lesquels ?

M. de Podenas. Je dirai qu'il y a des distributions de brochures faites dans les départements; en un mot, une foule d'influences qu'il

serait trop long d'énumérer, et dont personne dans cette enceinte n'ignore l'existence.

Il est donc évident pour moi que le crédit de 5 millions qui vous est demandé ne pourrait tendre qu'à augmenter les dépenses de la police; et comme je viens de démontrer que ces dépenses avaient tous les ans un excé lent considérable, vous ne voudrez pas, sans doute, perpétuer de pareils abus en votant le nouveau crédit qui vous est demandé.

Vous vous rappellerez, Messieurs, que les intérêts les plus chers des contribuables vous ont été remis, et vous ne voudrez pas, en accordant l'allocation demandée, contrevenir au mandat dont vous avez été investis. Je vote contre l'allocation de 5 millions. (Marques d'adhésion aux extrémi– tés... Agitation prolongée au centre.)

(MM. Petou, de Tracy, Lemercier demandent la parole.)

M. Pétou. Messieurs, si la discussion a prouvé que le projet de loi qui nous est présenté est susceptible de quelque controverse, il faut néanmoins reconnaître que tous les orateurs qui ont parlé sur cette matière ont rendu justice à la prévoyance du ministère en cette occasion.

En effet, Messieurs, le projet de loi a pour but de secourir la classe ouvrière, en lui procurant le plus promptement possible des moyens de travail, dans une saison surtout où ses besoins sont les plus imminents.

Je m'associe donc de bon cœur aux intentions du ministère, et c'est pour les seconder que, loin de contester l'allocation des 5 millions qui vous sont demandés pour subvenir aux besoins d'intérêt général et imprévus, je m'empresse de déclarer que, selon moi, il use d'une sage précaution en faisant cette demande.

En lui accordant ce crédit, vous le mettez à même de faire face à des besoins urgents qui d'un moment à l'autre peuvent se montrer; car, Messieurs, ne vous y trompez pas, si, dans ce moment, les affaires commerciales, longtemps languissantes, reprennent quelque activité, il ne faudrait qu'une circonstance imprévue dans la politique pour en arrêter tout à coup le mouvement et replonger dans la misère cette classe ouvrière si digne de tout votre intérêt. C'est alors qu'un prompt remède serait réclamé pour soulager tant de souffrances serait-il temps de recourir aux Chambres et de subir les longueurs des discussions législatives pour subvenir, à la fois, à tous les besoins! Non, Messieurs, non; une semaine, un jour peut-être seraient un trop long retard, pour subvenir à des misères d'autant plus menaçantes qu'elles ont été depuis longtemps si résignées. Vous regretteriez alors d'avoir refusé au ministère les moyens de prévenir de grandes souffrances et d'inévitables malheurs.

La faute en retomberait sur nous, et nous n'aurions aucune excuse légitime à opposer.

S'il s'agissait de destiner quelques parties de la somme à des dépenses secrètes, comme le craignait tout à l'heure M. de Podenas, dépenses dont l'emploi est si difficile à constater, je serais le premier à combattre l'allocation et à lui refuser mon vote; mais ici rien de semblable, puisque les pièces justificatives des dépenses, si elles ont lieu, seront soumises à vos commissions de budget, et plus tard à notre examen.

Par ces motifs, je vote avec empressement l'allocation demandée.

M. le Président. Est-ce pour ou contre le paragraphe que M. Lemercier a demandé la parole?

« PreviousContinue »