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et chacun des omis venant tirer ensuite serait intercalé dans la liste à la place indiquée par le numéro qu'il prendrait, lequel formerait le bis du numéro semblable obtenu au premier tirage.

Remarquez, Messieurs, qu'en opérant ainsi, vous rendrez à tous les jeunes gens des chances de même valeur et de même nature que celles dont ils avaient été privés. Les derniers, en effet, peuvent aussi bien que ceux qui les ont précédés prendre dans l'urne les meilleurs numéros ; et ceux qui avaient participé à la première opération ont la chance de voir les survenants prendre place avant eux sur la liste, et les rapprocher par là de la position où l'ordre d'inscription procure l'exemption. L'un des omis obtient-il, par exemple, le n° 1, il prend rang immédiatement avant le n° 2, qui recule à la 3° place.

A cette occasion, je ferai ressortir l'utilité d'une mesure qui, bien qu'adoptée par la Chambre, n'a pas été généralement appréciée. Je veux parler du tirage au sort entre les communes. Jusqu'ici l'ordre alphabétique avait été suivi et sans progression de lettre. Qu'en ré-ultait-il? Que les erreurs dont la Chambre s'occupe en ce moment portaient nécessairement toujours sur les mêmes localités.

Un inconvénient encore bien plus grave s'est fait sentir et a excité de vives réclamations. I est arrivé que les numéros les plus élevés, ou écrits postérieurement aux autres, parce qu'un sous-préfet, ne prévoyant pas la force de la classe, n'en avait pas fait préparer un nombre suffisant, ou bien enfin étaient reconnaissables, à quelque différence, n'importe laquelle, qu'un vif intérêt faisait apercevoir, les premiers appelés ont mis toute leur adresse à s'en servir au détriment des jeunes gens des communes admises les dernières au tirage.

Je demande pardon à la Chambre de cette digression, et je conclus en présentant un amendement ainsi conçu :

Si, d'après l'épuisement du nombre de billets mis dans l'urne, il se trouve encore des jeunes gens inscrits sur les tableaux de recensement qui n'aient pas participé au tirage, le sous préfet remettra dans l'urne un nombre de numéros égal à celui qu'il y avait d'abord lacé, et il sera procédé au tirage pour les omis. Le numéro qu'il écherrait à chacun d'eux lui donnera rang immédiatement après le numéro semblable dont le sien formera le bis.

(M. le Président adresse quelques paroles à l'orateur).

J'ai peut-être mal expliqué ma pensée, mais il me semble avoir mis la Chambre à même de juger que, par l'adoption de ma proposition, elle remédierait aussi bien que possible à tous les inconvénients mentionnés. Je dis aussi bien que possible, parce qu'il est de la nature des choses qu'il reste toujours quelque trace d'une erreur si bien réparée qu'elle soit.

M. de Montozon, de sa place. J'aurais à proposer un sous-amendement, ou plutôt un autre système.

M. le Président. Je vous invite à monter à la tribune.

M. de Montozon. Messieurs, si je l'ai bien compris, la commission a proposé des mesures de précaution à prendre pour que les cas d'erreurs soi nt aus-i rares que possible.

Cependant, tout le monde convient que, malgré toutes les précautions que l'on peut prendre, il peut arriver que le nombre des bulletins soit

inférieur à celui des jeunes gens appelés au tirage.

L'honorable préopinant a proposé un moyen de remédier à cet inconvénient; il à proposé de faire un second tirage entre les jeunes gens qui n'auraient pas trouvé de bulletins pour eux dans le tirage précédent.

C'est allonger de beaucoup les opérations du tirage, qui sont déjà assez compliquées. Il peut arriver que le maire soit obligé de quitter la séance avant que les opérations du tirage soient terminées. Cette circonstance empêcherait la mise à exécution de la mesure proposée. Voici l'amendement que je propose pour remédier à

ce cas :

«S'il arrivait que le nombre des bulletins se trouvât inférieur à celui des jeunes gens appelés au tirage, ceux qui n'auraient pu y prendre part pour ce motif seraient renvoyés à concourir à la classe suivante; néanmoins, dans le cas où ils seraient désignés par le sort dans le tirage subséquent pour faire partie de l'armée active, ils seraient libérés du service militaire en même temps que les jeunes soldats de la classe á laquelle ils auraient appartenu par leur âge.

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Il serait effectivement rigoureux pour ces jeunes gens de les assujettir au même nombre d'années de service; mais, par mon amendement, ils seraient libérés en même temps que la classe à laquelle ils appartenaient. L'inconvénient serait minime. Le gouvernement perdrait une année du temps de service de ces jeunes gens dont le nombre est très restreint, puisqu'il n'y en a peut-être pas 1 sur 10 tirages, et il est plus convenable que la charge de cet inconvénient retombe sur le gouvernement, puisque cela est presque insensible pour le service de l'armée.

M. le vicomte Decazes. Je demande à dire deux mots, puisqu'il est question de mon amendement. La première objection est celle-ci : L'opération serait allongée. Qu'est-ce que ce retard, en comparaison du retard d'une année pour les jeunes gens? Il est vrai que le préopinant a dit qu'ils seraient libérés du service une année plus tôt. Il n'en est pas moins vrai qu'il y aurait un grand inconvénient pour ceux que leurs numéros auraient libérés du service, et ce dommage est hors de comparaison avec celui qui résulterait d'une heure de séance de plus.

Les maires, dit-on, pourraient quitter la séance; cela ne se peut pas. MM. les maires sont, d'après la loi, obligés de signer le procès-verbal; ils ne peuvent donc se retirer qu'après le tirage de leurs communes respectives, car ils seraient obligés de signer en blanc à la fin du procèsverbal. Cela ne peut pas se faire, j'ai la conviction que cela ne se fait pas.

Il y a ensuite une chose à considérer, c'est que vous ne remédiez point par là à l'inconvénient qui résulte de ce que tous les jeunes gens qui devraient concourir au tirage n'y concourent pas, en effet. Si, par un fait qui n'est pas le nôtre, entre dix jeunes gens qui devraient prendre part au tirage, il en manque seulement un, c'est toujours un dixième de chance de moins pour ceux qui tirent au sort. Voilà un dommage réel et l'amendement proposé par la commission n'y remédie en aucune manière.

Je persiste dans mon amendement.

M. le général Miot, commissaire du gouvernement. L'inconvénient que l'on vient de signaler s'est présenté quelquefois. Alors l'administration est intervenue. Elle n'a pas souffert que

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le tirage fût annulé, parce qu'il y aurait de graves inconvénients à recommencer un tirage consommé. Ce serait troubler la position de tous ceux qui ont tiré. Les uns perdraient les chances favorables qu'ils ont obtenues et d'autres, au contraire, pourraient avoir de me lleurs numéros.

L'administration a jugé avec équité la difficulté quand elle s'est présentée, et voici comment elle opérait. Les jeunes gens qui n'avaient pu tirer au sort, par absence des numéros oubliés, furent considérés cependant comme ayant satisfait à la loi et ne devant pas être soumis à un autre appel. Ceux qui avaient été victimes de la même erreur, en courant une chance moins favorable, reçurent des congés d'un an pour rester dans leurs foyers.

L'amendement qu'on vous propose ne doit donc pas être adopté. Il faut maintenir ce principe que le tirage ne doit jamais être recommencé. Je crois que la loi peut rester telle qu'elle est.

M. Pétou. Je demande qu'on en revienne à l'amendement proposé par la commission. Il suffit qu'on ait signalé les abus pour que les maires et les sous-préf ts qui assistent aux tirages prennent des précautions. Si le nombre des bulletins est exactement compté, et compté avec attention, on évitera ces erreurs qui, le plus souvent, tenaient à l'indifférence avec laquelle ces opérations se faisaient. J'appuie, en conséquence, la disposition proposée par la commission.

(L'amendement de la commission est mis aux voix et adopté; il formera le premier paragraphe de l'article 12.)

(L'amendement de M. de Montozon n'est point appuyé.)

M. le Président. L'amendement de M. Decazes est-il appuyé? (Oui! oui!)

M. Passy. rapporteur Dans tous les cas, il ne pourrait former que le 3o paragraphe de l'article.

M. Senné. Il arrive quelquefois qu'un souspréfet commet une erreur dans une addition; mais il est certain que parmi les jeunes gens appelés, il n'y en a pas un qui ne sache positivement le nombre de ceux qui doivent tirer au sort. Si donc le sous-préfet se trompait, il serait, à l'instant même relevé. (Dénégations.) Messieurs, il n'y a pas un seul jeune homme qui ne soit à même de relever cette erreur. Je dois dire que je n'ai jamais vu commettre une erreur de ce genre; j'ai pourtant assisté à vingt-six tirages; mais le sous-préfet a toujours eu soin de compter les numéros avant de les déposer dans l'urne, et il ne s'est point élevé de réclamations.

(L'amendement de M. Decazes est mis aux voix et rejeté).

M. le Président. M. Genoux avait proposé un amendement; je lui demande s'il y persiste? M. Genoux. Je le retire.

M. le Président relit l'article 12.

M. Charlemagne. J'ai une observation grammaticale à faire.

M. le Président. Veuillez monter à la tribune, afin qu'on puisse vous entendre.

M. Charlemagne. Je fais remarquer qu'il est inutile d'insérer dans la loi un solécisme. Il y en aurait un dans le deuxième paragraphe.

<< Immédiatement après, chacun des jeunes gens, appelé dans l'ordre du tableau, prendra dans l'urne un numéro qui sera de suite proclamé et inscrit. Les parents des absents ou le maire de leur commune tireront à leur place. »

De suite n'a jamais signifié i médiatement, mais bien à la suite, d'une seule fois, uno con

textu. (Ah! ah!) Consultez, Messieurs, le Dictionnaire de l'Académie.

Voix à gauche : C'est juste.

M. le Président. On propose d'y substituer le mot immédiatement; mais on fait remarquer que déjà le paragraphe commence par le mot immédiatement.

M. Passy, rapporteur. On pourrait le commencer par ces mots aussitôt après.

M. Marchal. Il n'y a qu'à mettre champ.

sur-le

M. Viennet. Tout de suite est le mot propre. M. le Président met aux voix la rédaction proposée par M. le rapporteur, qui consiste à commencer le paragraphe par les mots : aussitôt après, et à substituer le mot immédiatement au mot de suite.

M. le Président annonce que cette modification est adoptée.

Voix à gauche Mais on n'a pas pris part à la délibération, il ne me parait pas qu'elle soit adoptée.

M. le Président. Je vous demande pardon; quatre membres se sont levés pour et un contre. (Rires).

L'article ainsi modifié est adopté.

On passe à l'article 13, ainsi conçu :

« Seront exemptés et remplacés dans l'ordre des numéros subséquents, les jeunes gens que leur numéro désignera pour faire partie du contingent, et qui se trouveront dans un des cas suivants, savoir :

«1° L'aîné d'orphelins de père et de mère;

2o Le fils unique ou l'aîné des fils, et, à défaut de fils ou de gende, le petit-fils unique ou l'aîné des petits-fils d'une femme actue lement veuve, d'un père aveugle ou d'un vieillard entré dans sa soixante-dixième année.

Dans les cas prévus par les paragraphes cidessus notés 1° et 2°, le frère puîné jouira de l'exemption si le frère aîné est aveugle ou atteint de toute autre infirmité incurable qui le rende impotent;

3o Le plus âgé de deux frères appelés à faire partie du même tirage et désignés tous deux par le sort, si le plus jeune est reconnu propre au service;

«4° Les ecclésiastiques engagés dans les ordres majeurs.

«Les élèves des grands séminaires autorisés à continuer leurs études ecclésiastiques seront ajournés au tirage qui suivra leur vingt-troisième année accompli

« La même disposition sera applicable aux élèves des établissements analogues des différents cultes légalement reconnus;

«5° Les jeunes gens qui auront remporté les grands prix de l'Institut on de l'Université, les élèves de l'Ecole normale et les membres de l'instruction publique qui auront contracté, avant l'époque déterminée pour le tirage au sort et devant le conseil de l'Universite, l'engagement de se vouer, pendant 10 ans, à la carrière de l'enseignement;

6° Ceux qui n'auront pas la taille de 1,57; « 7° Ceux que leurs infirmités rendront impropres au service;

«8° Celui dont un frère sera sous les drapeaux à tout autre titre que pour remplacement, ou sera mort en activité de service, cu aura été admis à la retraite pour blessures reçues dans un service commandé, ou infirmités contractées à l'armée.

« Cette dernière exemption sera appliquée dans

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la même famille autant de fois que les mêmes droits s'y reproduiront.

« Seront comptés néanmoins en déduction desdites exemptions les frères vivants exemptés en vertu du pré-ent article, à tout autre titre que pour infirmités. »

M. le Président. Sur le paragraphe 2 de cet article, M. Maugin d'Oins a proposé l'amendement suivant :

Le fils unique d'un vieillard qui, après avoir servi dans les armées nationales, est rentré dans ses foyers sans pension et a commencé sa soixantième année. »>

Il propose en outre d'ajouter à la fin du deuxième paragraphe du même n° 2 la disposition sui

vante :

« Après que ce dernier aura été reconnu tel par le conseil de revision, qui fera examiner le sujet en sa présence, s'il peut être transporté; on le fera visiter par un homme de l'art qu'il désignera s'il ne peut être transporté; et dans ce dernier cas le conseil surseoira à prononcer et prendra un suppléant. >>

M. Mangin d'Oins. Je demande que le bénéfice de l'exemption soit accordé au fils unique d'un vieillard qui, après avoir déjà payé sa dette à la patrie, n'a pas obtenu de pension et est entré dans sa 60° année au lieu de la 70°, qui est le cas général, parce que le militaire rentré dans ses foyers sans pension est par le fait même de ses services dans une position bien digne d'inté

resser.

Le septuagénaire auquel la loi accorde l'exemption a souvent des moyens d'existence ou d'autres fils, tandis que si, en considération des services et du défaut de pension, vous refusez d'accorder l'exemption au fils unique du sexagénaire retiré sans pension, vous privez ce malheureux vieillard de tous moyens d'existence. Remarquez, je vous prie, que je ne sollicite cette exemp on que pour le tils unique et pour le militaire des armées nationales.

Je demande que l'état du frère aîné soit constaté par le conseil ou par un officier de santé qu'il aura désigné, et non pas au moyen de certificats donnés par les maires sur la déclaration des pères des jeunes gens, parce que les maires ne sont pas toujours dans le cas d'apprécier si la maladie que pourrait avoir un frère aîné le rend absolument impotent; en outre, je demande que le conseil ne puisse juger lui-même sur la présentation du sujet, qu'il agisse comme dans le cas d'absence, c'est-à-dire surseoir à décider, et prenne un suppléant qui a nécessairement le droit de contrôle, puisqu'il ne marche que lorsque le sujet a été déclaré impotent.

M. Rouillé de Fontaine. Combien le militaire devra-t-il avoir servi le temps?

M. angin d'Oins. Je parle en général du militaire rentré dans ses foyers après son congé. M. Marchal. Il faudrait dire après avoir servi vingt ans.

M. Passy, rapporteur. Pour montrer à la Chambre les inconvénients qu'aurait l'amendement proposé par M. Mangin, je vais faire connaitre la quantité des jeunes gens qui restent non appelés chaque année.

D'après la moyenne prise sur les six recensements de 1824 à 1830, la force totale des classes est de 286,281 jeunes gens par an. Le nombre des jeunes gens examinés est de 151,035; il en résulte que sur la classe totale il n'en reste guère au delà de 113,000.

Sur ces 151,035 jeunes gens appelés, il y en a

d'exemptés pour infirmités, difformités ou défaut de taille, annuellement, 25,164; maintenant, si vous ajoutez à ce nombre des jeunes gens exemptés à titre de fils aînés de veuves, de fils uniques d'un père aveugle ou de frères de soldats, il est douteux que vous laissiez à la disposition du gouvernement plus de 86,000 hommes sur les 113,000 restants.

Eh bien vous n'auriez pas le moyen de remplacer avec votre contingent les pertes de guerre.

On conçoit qu'un sentiment d'humanité ait dicté l'amendement de M. Mangin. Cependant les hommes qui rentrent infirmes dans leurs foyers ne sont point, parce qu'ils ont servi, dans une situation plus privilégiée que les laboureurs qui, étant restés dans leurs foyers, sont devenus perclus de leurs membres : il n'y a aucun motif de faire une cause d'exemption en faveur de leur famille.

Je ferai remarquer que c'est sur la population totale que porterait l'exemption que je vous demande de repousser.

M. Charles Dupio. Je demande à citer un fait il y a en ce moment un demi-million d'anciens militaires sans pension; par conséquent ce seraient 500,000 familles dont les enfants seraient exempts de la conscription. Il y aurait là quelque chose d'exorbitant.

M. Mangin d'Oins. J'en demande bien pardon à M. Charles Dupin; l'exemption n'aurait pas une telle étendue; elle ne porterait que sur les fils uniques de ces militaires. Ainsi, il faudrait en réduire le nombre à 10 ou 12,000.

M. Dumeilet. Mais il faudrait néanmoins indiquer la durée du service.

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M. le Président. Avant de voter sur l'amendement de M. Mangin d'Oins, la Chambre aura à statuer sur le sous-amendement de M. Larabit. Le fils unique d'un vieillard âgé de 60 ans, qui a été amputé par suite de blessures reçues à la guerre, ou qui est rentré dans ses foyers sans pension, après avoir servi dans les armées nationales.

M. Mangin d'Oins. Mais s'il a été amputé, il jouit d'une pension.

(M. Larabit, appelé à la tribune pour développer son sous-amendement, déclare qu'il le considère comme une disposition séparée de l'amendement de M. Mangin d'Oins.)

L'amendement de M. Mangin d'Oins n'étant pas appuyé, on passe à l'amendement de M. Larabit, réduit en ces termes :

« Le fils unique d'un vieillard âgé de plus de 60 ans, qui a été amputé par suite de blessures reçues à la guerre. »

M. Larabit. Cet amende nent répond à un cas particulier digne d'exciter tout votre intérêt et votre humanité. Une famille malheureuse m'a fait remettre la note que voici :

«On demande l'exemption du fils unique d'un père plus que sexagénaire, amputé de la cuisse sur le champ de bataille et dont la mère e-t atteinte depuis longtemps d'aliénation mentale, sans aucun espoir de guérison. »

Messieurs, si l'amendement que je propose est adopté, ce fils serait exempté. Songez qu'il ne Vous en coûtera que de vous lever sur vos bancs pour faire une bonne action.

M. Guizot. Au moment où la Chambre entre dans la discussion de cet article, je crois qu'il n'est pas hors de propos de rappeler que sur 300,000 jeunes gens inscrits par année sur les listes de tirage il y a toujours 180,000 exemptés. Si on

augmente le nombre des exemptés, on fait peser la charge d'une manière plus forte sur ceux qui restent. La demande dont vous a parlé M. Larabit peut être fort intéressante, elle s'adresse à notre humanité; mais je demande, par des considérations de justice générale, que ces amendements soient écartés. (Appuyé! appuyé!)

M. Larabit. Il ne faut pas arguer ainsi du nombre total des exemptés, mais du nombre particulier qui résulterait de l'amendement, et il faut reconnaître que ce nombre serait très minime.

M. Voyer d'Argenson. Je désire savoir si l'intention de la Chambre est d'accorder l'exemption dans tous les cas.

M. le Président. La Chambre ne peut pas répondre à votre question, elle ne délibère pas ainsi.

M. Voyer d'Argenson. Permettez, Monsieur le Président, que j'explique ma pensée. Je demande à la Chambre un instant d'attention; je ne serai pas long. Probablement, dans tous les cas, il est dans l'intention de la Chambre que, quand on accorde des exemptions, ces exemptions ne soient accordées que lorsque l'exempté est absolument nécessaire à sa famille.

Il ne s'agit pas ici d'une question de riches et de pauvres; mais je dois vous faire observer que si vous accordez dans tous les cas l'exemption aux familles qui peuvent se faire remplacer, vous faites tomber toute la charge de la conscription sur celles qui n'en ont pas les moyens. Vous faites tomber cette charge sur des jeunes gens utiles à leurs familles, mais qui n'étant pas dans un cas d'exemption, y jetteront par leur départ la douleur et la désolation. Dans toutes les lois d'exemptions, le législateur a stipulé cette condition, cette circonstance, que le conscrit était nécessaire au vieillard, au père, à la mère, au grand-père; dans tous les cas, on doit avoir égard à cette circonstance.

Les divers amendements qui ont été proposés ont rapport aux anciens militaires, qui sont en effet très intéressants, s'ils n'ont pas, dans le cours de leur carrière, reçu de blessures suffisantes pour avoir une pension, ou s'ils sont dans le cas prévu par la loi; on s'est servi de cette expression Vivant du travail de ses mains. >>

Si la Chambre est touchée de ces observations, je lui proposerai, par la raison que cette disposition mérite une attention approfondie, de renvoyer à la comission les divers amendements qui s'y attachent.

Je demande que la commission examine si elle ne doit pas proposer de n'accorder l'exemption qu'à ceux qui, par leur travail, sont nécessaires au soutien de leur famille.

M. le Président. Mais c'est un amendement qui porte sur tout l'article.

M. Voyer d'Argenson. Oui, je dis que les pères de 70 ans qui sont en état de payer 3,000 francs pour faire remplacer leur fils ne doivent pas se prévaloir des motifs d'exemption.

M. le Président. Que prop sez-vous?

M. Voyer d'Argenson. Je demande que la commission veuille bien examiner de nouveau l'article, afin que les exemptions ne profitent qu'aux familles qui ne sont pas en état de payer un remplaçant.

A gauche Appuyé! appuyé!

M. Laguette de Mornay. C'est dans le même esprit que M. Voyer d'Argenson que je propose un amendement qui aurait pour but de réduire les exemptions, loin de les augmenter. Je proposerais d'ajouter après ces mots : « Seront exemptés

les jeunes gens, » ceux-ci : « dont les parents ne payent pas 200 francs de contributions directes. »> Je demande la permission de motiver cette disposition.

M. le Président. Il faut auparavant délibérer sur la proposition de M. Voyer d'Argenson, c'està-dire le renvoi à la commission.

M. Passy, rapporteur. La commission formée l'année dernière pour examiner le projet de loi du recrutement s'est beaucoup occupée de cette question. Elle a cherché un moyen de constater l'indigence des familles, mais elle n'en a trouvé aucun qui pût offrir de garantie contre les abus. Il ne reste que les certificats d'indigence, et on sait comment ils sont délivrés, avec quelle facilité on peut les obtenir. Mais si vous renvoyez la question à la commission, je crois pouvoir déclarer d'avance qu'elle ne pourra rien vous présenter de mieux que les certificats d'indigence.

M. Voyer d'Argenson. Je sais par expérience que les certificats délivrés par les maires, et qui passent sous les yeux de l'assemblée de canton au moment du tirage, ne sont accordés qu'à ceux qui les méritent. Je me rappelle que des formules de certificat avaient été rédigées avec beaucoup de soins à la direction de la conscription, et que les maires les remplissaient avec beaucoup de scrupule. La conscription devant attirer nécessairement l'attention de toutes les familles, un maire ne s'exposait pas à délivrer légèrement un certificat; il fallait que le conscrit qui le réclamait fût absolument nécessaire au vieillard infirme.

Eh bien! d'après les formules que le gouvernement saura tès bien rédiger, le maires délivreront ces certificats; les conseils de recrutement en seront juge, et je crois que par ce moyen on atteindra le but désiré.

En effet, est-il juste qu'un fils jouissant de 20,000 francs de revenu soit exempié parce qu'il sera l'aîné d'orphelins qui posséderont eux-mêmes un semblable revenu?

Les certificats délivrés par les maires ne présenteront que très peu d'inconvénients, et je crois que la Chambre fera bien d'adopter l'amende

ment.

M. Barbet. Je crois qu'il est impossible que dans les villes un peu importantes les maires connaissent assez les indivius pour donner des certificats avec toute la certitude désirable. Il faudrait qu'ils fussent délivrés par les pères des autres conscrits. (Murmures.)

M. Dumeilet. Veuillez, Monsieur le Président, rappeler l'ame dement.

M. le Président. M. Voyer d'Argenson n'a pas rédigé un amendement. La proposition qu'il a faite consiste à envoyer à la commission l'article 13 et tous les amendements qui s'y rattachent, afin de faire peser plus particulièrement la charge du re rutement sur les familles qui peuvent la supporter.

M. Guizot. M. Voyer d'Argenson vous a demandé le renvoi à la commission de l'article 13 tout entier. En supposant que la Chambre adopte cette proposition, il serait inutile de renvoyer l'article entier. En effet, un grand nombre des exemptions proposées sont toutes personnelles, et n'ont point pour motif l'utilité dont les jeunes gens peuvent être pour leur famille. Sur celles-là, la Chambre peut délibérer tout de suite; ainsi le défaut de taille, les infirmités naturelles n'ont pas besoin d'être renvoyées à la commission.

M. Voyer d'Argenson. Je me range à l'avis M. Guizot; je borne ma proposition au renvoi à

la commission des trois premiers paragraphes. M. Laguette de Mornay. Je me réunis à la proposition de M. d'Argenson.

M. le Président. M. le général Lamarque a proposé de substituer cette rédaction à celle de M. Larabit:

« Le fils unique d'un militaire qui, par suite de ses blessures, est reconnu incapable de travail. » M. le général Lamarque. Je demande aussi le renvoi de cette disposition à la commission.

M. Pelet (de la Lozère). La disposition proposée par M. le général Lamarque est tellement simple qu'il n'est pas nécessaire de la renvoyer à la commission. La Chambre est en mesure de prononcer sur cette proposition. Je crois qu'il est impossible de l'admettre, car il y aurait beaucoup d'inconvénients à laisser tant d'arbitraire dans son application. (Aux voix! aux voix !)

M. Dumeilet. Mais on demande le renvoi à la commission.

(La Chambre, consultée, décide que l'amendement de MM. Larabit et Lamarque ne sera pas renvoyé à la commission.)

M. le Président. Je vais mettre l'amendement aux voix.

M. le général Lamarque. Un homme de 70 ansa le droit de faire exempter son fils unique. Comment n'accorderiez-vou pas la même faveur à un militaire que ses blessures mettent hors d'état de gagner sa vie? Dans cette position, un soldat, en France, qui aurait 29 ans et 41 mois de service n'aurait pas de retraite, tandis qu'en Angleterre tout homme qui, ayant contracté trois engagements envers l'Etat, s'est retiré du service reçoit une paye d'un schelling et demi, c'est-à-dire de 23 sous par jour. Nous devons quelque témoignage d'intérêt à ces vieux militaires qui, privés de moyens d'existence, ne doivent pas du moins se voir enlever leur fils unique.

Je demande le renvoi à la commission.
Voix au centre: Il est rejeté.

M. le général Lamarque. Ce serait pour limiter l'exemption dans des termes plus précis.

M. Marchal, La Chamb e a été touchée de la distinction qu'il fallait faire entre les pères de fils unique qui se trouvent dans une situation différente de fortune. Il faut éviter que ceux qui auraient le moyen de se procurer des remplaçants ne jouissent d'une immunité qui doit être réservée seulement aux pauvres familles.

Eh bien! si, par le renvoi qui lui sera fait de certains paragraphes, la commission restreint les exemptions aux familles qui n'ont pas les moyens de fournir des remplaçants, vous aurez moins d'inconvénients pour étendre les exemptions.

Je demande que les amendements soient renvoyés à la commission.

M. Pelet (de la Lozère). Je m'oppose au renvoi à la commission par le motif qui vous a déjà été allégué, que la commission s'était déjà occupée de cette question. Ce renvoi aurait pour inconvénient de retarder le vote de la loi. Quant à la proposition de l'honorable général, elle a frappé dans tous les temps ceux qui se sont occupés de ces matières d'exemption en faveur des septuagénaires.

Sans doute, il est toujours en dehors de la loi des situations très intéres-antes, et, à quelque point qu'on s'arrête, on n'empêchera jamais cet effet.

Vous entrerez dans une voie périlleuse, dont on a voulu s'écarter avec soin; et, dans le régime

de liberté sous lequel nous vivons, on doit le moins possible placer les individus sous l'arbitraire des autorités locales, arbitraires qu'elles exerceraient d'ailleurs avec répugnance.

Il y a assez d'inconvénients, lorsqu'une loi est entrée dans les mœurs et qu'on y est habitué, à venir y faire des changements. Un grand nombre des articles de la loi proposée sont extraits de la loi du 10 mars, et M. le ministre de la guerre ne les a représentés que pour soumettre un code complet.

C'est, à mon avis, une imprudence; car lorsque l'intention du gouvernement n'est pas de modifier des dispositions législatives, il est dangereux de les soumettre à de nouvelles délibérations. Je crois qu'il ne faut soumettre aux Chambres que les articles qui ont pour but de satisfaire aux besoins réclamés.

M. le général Lamarque. L'orateur qui descend de la tribune est tombé dans une erreur complète; président de la commission, je déclare qu'on n'a pas traité dans le sein de cette commission la question dont il s'agit.

Je ferai encore une observation. Dans les services militaires, un an de campagne compte pour 2 ans; ainsi l'homme qui a servi 20 ans et qui est âgé de 60 années en à 70 aux yeux de la loi.

M. Pelet (de la Lozère). C'est à la commission de l'année dernière que j'ai fait allusion, et non pas à celle de cette année.

M. Laffitte. Je demande à dire un mot sur la question. Il n'y a pas d'arbitraire dans la mesure qu'on vous propose, il s'agit de savoir si vous exempterez le fils d'un homme âgé de 70 ans, qui peut jouir de 100,000 livres de rente, ou seufement le fils d'un homme qui n'a rien et qui est nécessaire à sa famille.

M. le maréchal Soult, ministre de la guerre. Toutes les propositions nouvelles qui sont faites tendent à augmenter les exemptions. Ces demandes sont graves, puisqu'elles tendraient à rendre la charge du service plus pesante pour le reste de la société. Dans l'état actuel, les exemptions enlèvent peut-être plus des trois cinquièmes des levées. Si vous ajoutiez de nouvelles exemptions, vous seriez forcés de faire partir toute la partie disponible des jeunes conscrits.

A l'égard des vieux militaires, et ceci a particulièrement trait à la proposition de M. Larabit, il me semble que l'on ne peut pas faire d'un cas particulier une disposition de loi.

Quand un cas pareil arrive et que le ministre en est instruit, il accorde toujours au jeune homme qui est le soutien de sa famille un congé d'un an pour rester au milieu de ses parents et leur servir de soutien. Jamais un tel congé n'a été refusé; mais je ne pense pas qu'on puisse en faire une disposition de loi.

On a dit que, pour les vieux militaires, le temps de service à la guerre comptait double; cela est vrai, mais cela n'a rien de commun avec la disposition de la loi sur laquelle vous avez à voter, car, si le militaire a des droits à la pension de retraite, elle lui est accordée, et s'il a subi quelque mutilation, la pension lui est également accordée. Sous ce rapport, les vieux militaires sont traités aussi favorablement que la loi le permet, et on ne peut reprocher d'oubli au gouvernement.

Quant aux fils des vieillards, on ne peut, pour les cas d'exemption, descendre au-dessous de l'âge de 70 ans. La fixation de l'âge de 60 ans est trop large elle occasionnerait un trop grand

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