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à faire son rapport. Cela était fort difficile; car la pétition dont il s'agit n'était pas distribuée; elle ne m'a été remise qu'à la même époque: la commission s'est aussitôt occupée de vérifier les faits. Le rapport devait être fait à la fin de cette semaine, mais il s'est présenté un incident qui tendait à faire retirer la pétition.

Nous aurions été satisfaits de pouvoir éviter tout débat personnel entre un député et un étranger. Il est possible que le pétitionnaire ait craint que le retrait de sa pétition n'amenât des disCours fâcheux contre un militaire qui compte 19 années de service. (Mouvement.)

Ce n'est qu'une hypothèse. Si cela eût dépendu de nous, il nous eût été agréable de ne pas pousser plus loin les enquêtes pour chercher la vérité entre les assertions d'un député et d'autres témoignages. Il eût été à désirer que ce pétitionnaire entrât dans ces vues. Pour ma part, je l'ai invité autant qu'il était en moi à la retirer; il la retirera, je l'espère du moins, et je désire vivement que tout le monde apporte à cette tribune les mêmes idées de conciliation et de paix. (Très bien très bien!

M. Eusèbe Salverte. Le pétitionnaire a usé de son droit en déposant la pétition, il en usera encore en la retirant; mais, Messieurs, cette pétition a été imprimée, distribuée, et il n'y a plus. moyen d'en empêcher la publicité, et elle inculpe fortement un député. Messieurs, le caractère, la réputation d'un député font partie de la dignité de la Chambre.

La chose ne doit point passer sous silence, le retrait de la pétition ne signifie rien dans les circonstances, et l'affaire doit être éclaircie.

Dans tous les cas, M. de Laboissière est parfaitement dans son droit quand il demande que le rapport de la pétition soit fait, et si on ne le fait pas, il est encore dans son droit quand il demande que la Chambre veuille bien l'entendre, pour qu'elle prenne ensuite telle résolution qué lui semblerait nécessiter le maintien de sa dignité et le respect des droits de chacun de ses membres. (Appuyé.)

M. le Président. Dans la position présente, tout ce que peut faire votre prési tent, c'est de faire insérer la pétition, si elle n'est pas retirée, au fecilleton, de manière à ce qu'elle soit rapportée, non pas demain, mais samedi prochain. (Oui! oui !)

On procède à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi relative aux travaux d'utilité publique. Voici le résultat du dépouillement du scrutin :

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CHAMBRE DES DÉPUTES.

PRÉSIDENCE DE M. GIROD (DE L'AIN).

Séance du samedi 22 octobre 1831.

La séance est ouverte à une heure.
Le procès-verbal est adopté.

M. le général Delort, député du Jura, a déposé sur le bureau du président une pétition du sieur Hourelle, ancien chirurgien-major des armées, tendant à l'extinction de la mendicité.

M. Ducayla de Montblanc demande un congé pour cause de santé. (Accordé.)

M. le Président. Une proposition vient d'être déposée; elle sera renvoyée aux bureaux.

L'ordre du jour appelle les rapports de la commission des pétitions.

M. Jay, l'un des rapporteurs, est appelé à la tribune.

M. Voyer-d'Argenson. Je demande la parole. M. le Président. Sur quoi la demandez-vous? M. Voyer-d'Argenson. C'est relativement à un article qui intéresse la Chambre et qui a été publié dans les journaux.

M. le Président. Je ne puis vous accorder la parole sur un article de journal.

Plusieurs membres à gauche: Cela nous intéresse tous.

M. Resnier. Il s'agit d'une question qui importe à la Chambre tout entière; il me semble que dans l'occurrence, la Chambre pourrait bien entendre M. Vover-d'Argenson.

M. le Président. Il serait bon que je m'entendisse avec l'orateur avant de lui accorder la parole. La Chambre d'ailleurs n'est pas très nombreuse...

M. Resnier. Mais, Monsieur le Président...

M. le Président. Monsieur, vous n'avez pas la parole. Si vous la demandez, vous l'obtiendrez peut-être. (Murmures à gauche.)

M. Voyer-d'Argenson, à la tribune. Je veux offrir à MM. les questeurs l'occasion de nous expliquer comment il se fait qu'un article a été inséré dans les journaux comme venant de la poste et avec l'intitulé: Article communiqué, bien que dans le Courrier il soit intitulé: QUESTURE DE LA CHAMBRE.

Voici cet article :

« L'étrange abus que l'on fait de la poste aux lettres en la chargeant d'indignes paquets oblige à déclarer que tout ce qui sera adressé à MM. les députés, tant à la Chambre qu'à leur domicile, sans être affranchi, sera mis au rebut. »

Je déclare, pour ce qui me concerne personnellement, et je crois ne pas être le seul dans ce cas, que jamais je n'ai autorisé qui que ce soit à avertir le public, mes commettants ou ma famille que je ne recevrais point de lettres non affranchies.

M. Duris-Dufresne et plusieurs autres membres. Ni nous non plus!

M. Voyer-d'Argenson. Je ne vois pas comment on a donné cet avis en mon nom, et je puis dire en mon nom, puisqu'il a été donné au nom de la Chambre, sans que ni moi ni personne nous ayons pu dire si cela nous convenait. On dit que les lettres dont il s'agit seront mises au rebut; cela me paraît avoir beaucoup trop un air de famille avec le cabinet noir. (Rumeur aux centres.) M. le Président. Un des questeurs, M. Dumei

let, demande la parole pour donner des explica- | graphie; elle a paru à votre commission dige

tions.

M. Dumeilet, l'un des questeurs. L'avis qui a été donné dans les journaux est un avis renouvelé à chaque session. Il arrive à la questure des paquets très nombreux adressés aux questeurs ; lorsqu'ils en font l'ouverture, ils y trouvent des lettres plus ou moins volumineuses qui sont envoyées à des députés. Ces paquets coûtent un port considérable.

Le gouvernement ne reconnaît point la franchise de ces ports de lettres, et d'un autre côté, on ne saurait en payer le port avec les deniers de la Chambre. Il était donc utile de prévenir les personnes qui envoient impunément de pareils paquets qu'elles doivent les affranchir, et qu'autreinent ils ne seraient pas reçus.

Si ces paquets étaient mis au rebut, il pourrait s'y trouver des pièces intéressantes pour les personnes même qui ont expédié les paquets. L'administration des postes ne sachant à qui les retourner, il peut en résulter préjudice pour les personnes i téressées.

Voilà ce qui a déterminé les questeurs à faire une chose qui n'est pas nouvelle, mais qui, au contraire, a été constamment pratiquée dans les sessions précédentes.

Ceci est tout à fait dans un but d'économie, dans l'intérêt des personnes à qui les paquets adressés peuvent être extrêmement coûteux. Il n'y a rien qui ressemble au cabinet noir ni à aucune mesure analogue dans l'insertion que nous avons faite; c'est peut-être la dixième de ce genre qui soit à ma connaissance.

Voix à gauche; Mais il est dit : « Tant à la Chambre qu'à leur domicile. »

M. Dumeilet, questeur. Plusieurs de nos collègues se sont aussi plaints d'être accablés tous les jours de lettres particulières dont le port était quelquefois très élevé, de trouver souvent dans les paquets qu'on leur adressait des choses fort inconvenantes...

Plusieurs membres : Oui! c'est vrai! ce sont des libelles, des pamphlets!

M. Dumeilet, questeur. C'est sur leur demande particulière que l'avis a été inséré.

Je n'entrerai pas dans le détail de tout ce que renferment les paquets: il me suffira de déclarer que lorsqu'on s'est servi des mots indignes paquets, on n'a rien dit de trop.

Nombre de membres : C'est vrai! c'est vrai!

M. le Président. L'ordre du jour appelle les rapports de pétitions.

M. Voyer-d'Argenson monte encore à la tri

bune.

M. le Président. Monsieur, vous ne pouvez avoir la parole; vous l'avez demandée tout à l'heure pour faire des observations, elle vous a été accordée; des explications vous ont ensuite été données...

M. Voyer-d'Argenson. Il y a une erreur que je veux relever...

M. le Président. M. Jay a la parole comme rapporteur de pétitions.

M. Voyer-d'Argenson. L'intention qui a fait publier la note est excellente, mais la rédaction est mauvaise.

M. Jay, premier rapporteur. Messieurs, M. Marc Jodot, architecte, a présenté, le 16 mars 1830, au ministre de l'intérieur, la carte industrielle du département du Nord. Cette carte a reçu l'approdation de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale et de la Société royale de géo

d'encouragement : nous avons pense qu'il pour rait être utile de faire exécuter le même trava pour tous les départements.

Votre commission vous propose le renvoi del pétition de M. Marc Jodot au ministre du col merce et des travaux publics. (Ordonné.)

M. Sarrat, à Paris, conteste aux Chambres droit d'examen des comptes que les ministra leur rendent chaque année. Il prétend que comptes sont des tableaux de fantaisie, et votre examen n'est qu'une formalité illusoir En conséquence, il vous propose de faire cré par une loi, une magistrature spécialeme chargée de vérifier les comptes des ministres.

Il paraît que M. Sarrat ignore l'existence de': Cour des comptes, chargée de cette vérificatic Votre commission vous propose l'ordre du jou (Adopté.)

Une dame du nom de Claire s'est occup dans ses moments de loisir, à méditer sur la ture des pouvoirs constitutionnels (Rires, c'est l'article 23 de la Charte constitutionnel qui a surtout attiré son attention. Mme Clai vous conseille de conserver l'hérédité de la pair Elle n'a consulté aucun des publicistes qui examiné les principes constitutifs des gouver ments; son opinion est le fruit de ses pr lumières, et elle vous prie de la prendre en sidération. Cette pétition n'ayant pas paru su samment développée, votre commission n'a jugé utile de la renvoyer au bureau des ren gnements; et malgré tout l'intérêt qu'inspire dame livrée à de si hautes spéculations, e m'a chargé de vous proposer l'ordre du jour. M. Bavoux, au rapporteur. Elle est cepend.. de votre avis.

M. le Président. Il n'y a pas de réclamat contre les conclusions de la commission ?

M. Pétou. De quelle date est la pétition? M. Jay, rapporteur. Il n'y a point de date. (L'ordre du jour est adopté.)

M. Jay, rapporteur, continue:

La chambre de commerce de Calais récla contre le privilège accordé à la ville de Du kerque d'opérer le transit de marchandises navires de 40 tonneaux, tandis qu'il ne peut : fectuer ailleurs que par des navires de 1000

neaux.

Les pétitionnaires conçoivent le privileg faveur de Bayonne. Il est justifié par l'isolem . de ce port, par les difficultés que présenten barre et l'atterrissage des grands navires. C même faculté accordée à Dunkerque, où a dent sans danger des vaisseaux de 2 à 300! neaux, est, disent les pétitionnaires, un privi abusif. I porte un préjudice riotable au co merce de Calais, qui a fait des frais considé bles pour conserver des navires de plus 100 tonneaux.

Cette plainte a paru à votre commission d de l'attention du gouvernement. Elle vous pose, en conséquence, le renvoi de la pétitio la commission chargée d'examiner la loi sur entrepôts et le transit. (Ordonné.)

M. Maraval, ancien militaire retiré au b réclame contre la mise en déchéance d'in nités liquidées en sa faveur au ministère guerre. Il vous demande de vouloir bien orde une enquête pour que justice lui soit rendu

M. Maraval, capitaine on retraite, chevalie la Légion d'honneur, capitaine de grenadie la garde nationale du Blanc, est un vieux s quí a 34 ans de service effectif, et qui, a

avoir tout perdu au combat de Trafalgar, est resté 9 ans dans les prisons d'Angleterre; il est père de 6 enfants. Ces considérations ont excité la sympathie de votre commission; mais elle ne peut vous proposer d'ordonner l'enquête demandée par M. Maraval. La Chambre ne peut sortir des limites constitutionnelles qui lui sont tracées; et comme le pétitionnaire n'a joint à sa réclamation ni pièce justificative ni document, elle est forcée de vous proposer l'ordre du jour. M. Charlemagne. Je demande le renvoi à M. le ministre de la guerre.

M. Pétou. J'appuie ce renvoi.

M. Jay, rapporteur. M. Maraval demande que la Chambre ordonne une enquête; il est impossible que la Chambre accueille une pareille demənde.

M. Charlemagne. Il serait cruel d'écarter, par l'ordre du jour, la réclamation d'un ancien militaire, parce qu'il ignore les formes et la limite de votre compétence. Il demande une enquête de la part de la Chambre, il se trompe; mais cette enquête sur les causes de la prétendue déchéance qu'on lui oppose aujourd'hui appartient à M. le ministre de la guerre, et voilà pourquoi la pétition doit lui être renvoyée.

Voici les faits qu'articule M. Maraval, faits dont j'ai d'ailleurs une connaissance à peu près personnelle.

M. Maraval a produit ses pièces en temps utile; elles ont été liquidées en temps utile; mais des tiers se sont présentés enfin, Messieurs, au ministère de la guerre pour retirer son bordereau; ils ont été écartés, les uns par le motif que leurs pièces n'étaient pas en règle, les autres sous le prétexte qu'ils étaient agents d'affaires, ce qui était alors dans les bureaux du ministère un titre de réprobation.

Quand enfin il s'est présenté lui-même, on lui a opposé la déchéance, c'est-à-dire que les bureaux, pour le repousser, ont tiré argument de leur propre négligence; et j'emploie le mot négligence pour n'être pas forcé de me servir d'un mot plus rigoureux. En effet, il serait possible qu'il y eût dans cette affaire plus que de la négligence. Sous ce nouveau rapport, l'affaire deviendrait donc d'un intérêt général, et ne se bornerait plus à l'intérêt privé du sieur Maraval. Tous ces motifs me font insister fortement pour le renvoi à M. le ministre de la guerre.

Voir nombreuses Appuyé! appuyé!

M. Jay, rapporteur. La Chambre peut certainement prendre en considération la demande de M. Maraval; mais je désire expliquer les motifs sur lesquels la commission s'est fondée pour deinander l'ordre du jour La demande du pétitionnaire ne lui a pas paru adinissible, car la Chambre ne peut se prononcer que sur les pièces et documents fournis, et ne peut point ordonner d'enquête. Toutefois, si la Chambre veut ordonuer le renvoi au ministre de la guerre, je ne m'y opposerai pas.

(Après avoir écarté l'ordre du jour, la Chambre ordonne le renvoi au ministre de la guerre.)

-M. Journois, roulier, demeurant å Dijon, réclame contre une liquidation de créances faites à son préjudice par le ministère de la guerre; il se plaint aussi d'un déni de justice, et demande qu'une commission soit nommée pour faire la recherche, au ministère de la guerre ou des finances, des pièces qui lui manquent pour justifier sa réclamation.

M. Journois fut requis, en 1810, pour le service des transports pour l'armée d'Espagne. II

fut régulièrement payé de ses transports pendant les années 1810, 1811 et une partie de 1812. Son service fut continué jusqu'au 20 juillet 1813. Il demanda sa liquidation; elle fut faite par le département de la guerre; mais comme elle parut incomplète au réclamant, il la déféra au conseil d'Etat. La liquidation ministérielle fut confirmée par ordonnance royale du 6 septembre 1820. Ainsi repoussé, le pétitionnaire chercha un débiteur c'est alors qu'il attaqua devant le tribunal de première instance de la Seine les anciens ordonnateurs employés en Espagne et les membres de l'agence de Bayonne.

Le tribunal reconnut que M. Journois ne rapportait pas toutes les pièces justificatives de ses créances; mais comme ses réclamations étaient appuyées d'un commencement de preuves, il autorisa Journois à se faire communiquer par les bureaux de la guerre toutes les pièces qui pouvaient établir ses droits. Un premier jugement, en date du 29 mai 1827, lui accordait un délai de deux mois, lequel fut prorogé jusqu'au 16 novembre suivant. Le ministre de la guerre ayant déclaré par une lettre officielle qu'il avait communiqué toutes les pièces qui étaient en sa possession, le tribunal admit cette déclaration comme remplissant l'objet du jugement qui avait ordonné le compulsoire. Comme Journois ne pouvait produire de nouvelles pièces, que d'ailleurs les ordonnateurs et les agents n'avaient pu être reconnus débiteurs, puisque les transports avaient été faits pour le compte du gouvernement, la demande de Journois fut rejetée; il fut de plus condamné aux frais et à des dommagesintérêts envers ses adversaires.

Telle est, Messieurs, la position du pétitionnaire. Votre commission n'a pas eu à s'occuper de la vérification des comptes de M. Journois, attendu qu'ils ne sont appuyés d'aucune pièce justificative. Elle n'a pu se déterminer sur le mérite des créances dont le sort a été réglé par une ordonnance royale et un jugement. Il ne lui restait qu'à considérer la nature de la demande qui vous est faite, celle de nommer ou faire nommer une commission pour rechercher dans les dépôts du ministère de la guerre ou des finances les pièces qui pourraient justifier les réclamations du pétitionnaire. Elle a pensé que la Chambre ne pouvait s'immiscer dans l'administration, que M. Journois pouvait encore s'adresser, pour ces objets, à l'administration; et c'est d'après ces motifs qu'elle m'a chargé de vous proposer l'ordre du jour. (Adopté.)

M. Fournier (de Marseille) sollicite une indemnité pour les pertes qu'il a éprouvées en 1815 pendant les troubles civils dont cette ville fut le théâtre. Ces troubles éclatèrent dans les derniers jours du moi de juin. La nouvelle du désastre de Waterloo avait ranimé les espérances du parti de la Restauration, et la violence fut employée pour expulser ou soumettre les partisans de Napoléon et des droits de la nation. Dans ces jours d'anarchie, le droit sacré de propriété ne fut pas respecté. M. Fournier ancien militaire et dont les opinions patriotiqués étaient connues fut une des plus malheureuses victimes de cette réaction! Il était absent de Marseille; mais l'émeute se porta sur ses propriétés. Tout fut brisé, anéanti, il perdit en peu d'heures le fruit des travaux dé toute sa vie sa ruine fut complète.

Quand l'ordre et la sécurité furent rétablis, il invoqua devant le tribunal de Marseille le bénéfice de la loi du 10 vendémiaire an IV, qui rend chaque commune responsable des délits commis

à force ouverte et par violence sur son territoire par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés. La demande fut écartée. L'appel à la cour royale d'Aix fut aussi repoussé, et enfin la cour de cassation rejette le pourvoi de M. Fournier.

C'est dans cet état que le pétitionnaire s'adresse à vous pour obtenir là réparation des pertes qu'il a éprouvées.

Nous ne discuterons pas le mérite des arrêts qui sont intervenus dans cette malheureuse affaire. Les tribunaux ont prononcé, et le respect de la chose jugée est un des principes conservateurs de l'ordre social.

M. Fournier demande à l'Etat une indemnité qui lui était due par la ville de Marseille. Nous désirons tous que le gouvernement prenne en considération la situation de M. Fournier, il mérité tout son intérêt; mais votre commission n'a pas pensé que la situation de nos finances et l'intérêt public permissent d'accueillir une demande qui servirait de précédent pour une foule de réclamations pareilles, auxquelles il serait impossible de satisfaire.

La même question se présenta en 1829, à propos d'une pétition de M. Guy d'Aide, qui a été aussi une des victimes des plus malheureuses des réactions de 1815. La commission des répétitions, dont notre honorable collègue M. Sapey était rapporteur, témoigna aussi le vif intérêt qu'elle portait à M. Guy; mais elle proposa l'ordre du jour, qui fut adopté. Votre commission regrette aussi de n'avoir à vous proposer aujourd'hui que l'ordre du jour.

M. le maréchal Clauzel. M. Fournier est un ancien militaire, ainsi que M. le rapporteur vient de nous le dire; mais le rapporteur a oublié d'ajouter que M. Fournier était à Waterloo lorsque les prétendus royalistes pillaient ses propriétés. Je ne veux pas reporter l'attention de la Chambre sur les événements de 1815, et si la Chambre adopte la proposition que je lui fais de renvoyer la pétition à M. le ministre de la guerre, je renoncerai à prendre la parole.

M. Jay, rapporteur. Je n'ai qu'un mot à répondre à notre honorable collègue; c'est qu'il n'est pas dit dans la pétition que M. Fournier était à Waterloo pendant les réactions de 1815.

M. le maréchal Clauzel. Et quand M. Fournier ne serait pas soldat de Waterloo, la position de ce brave militaire serait insuffisante pour motiver le renvoi au ministre de la guerre. M. Reynard. Je demande la parole.

M. Jay, rapporteur. J'ai voulu expliquer à la Chambre comment il se faisait que je n'avais paз dit que M. Fournier était à Waterloo; c'est un fait qui n'est pas mentionné dans sa pétition.

M. Reynard. Je m'empresse de rendre hommage aux sentiments que votre commission a exprimés par l'organe de l'honorable rapporteur; mais, en m'associant à ces sentiments, je m'attendais à d'autres conclusions.

Je ne reviendrai ni sur les faits énoncés dans la pétition, et dont le rapporteur a rendu comple avec tant d'impartialité, ni sur les jugements rendus en 1821. Ces jugements sont inattaquables, et quoi que dise sur ce point le pétitionnaire, j'aime à croire que la Chambre pensera que les magistrats n'écoutèrent que la voix de leur conscience, et ne cédèrent à aucune considération prise dans l'intérêt de la ville de Marseille, à aucune influence étrangère.

Il ne s'agit pas, d'ailleurs, de revenir sur la chose jugée, qui est et qui doit être chose sacrée,

mais de demander au gouvernement quelques secours en faveur d'une victime de nos réactions politiques. Pour obtenir ces secours, le pétitionnaire a besoin de l'intervention de la Chmbre; la Chambre ne la lui refusera pas. (Bien! appuyé! appuyé!)

J'ajoute que le fait avancé par l'honorable maréchal, qui s'est opposé le premier à l'ordre du jour, est très vrai : c'est pendant que le capitaine Fournier était absent pour service militaire que sa maison fut pillée, et tout son crimeétait d'avoir accueilli avec enthousiasme le retour de l'empe

reur.

M. Jay, rapporteur. Certainement personne n'a plus vivement sympathisé que la commission avec les malheurs du petitionnaire, et ne désire plus qu'elle que le ministère prenne en consideration la position de ce patriote, afin de lui procurer quelque soulagement.

Mais ici il s'agit d'une mesure d'intérêt public. Si vous ouvrez la porte à de pareilles réclamations, vous verrez bientôt toutes les victimes des réactions politiques nous envoyer des pétitions de cette nature; vous ne pourrez refuser à ces pétitions la même faveur que celle que vous aurez accordée à la pétition de M. Fournier, et vous susciterez ainsi au gouvernement des embarras, sans nécessité pour les pétitionnaires.

Je terminerai en rappelant de nouveau que la pétition de M. Guy d'Aide, qui présentait la même question, a été écartée par l'ordre du jour.

M. Mérilhou. Je viens demander le ren voi à M. le président du conseil.

La pétition de M. Guy d'Aide, rappelée par M. le rapporteur, n'a pas eu seulement l'issue qu'on a indiquée la loi du 10 vendém aire an IV autorisait les tribunaux à prononcer une coadamnation contre les communes on les dégâts avaient eu lieu. Il me semble que M. Guy d'Aide a poursuivi judiciairement la commune dans laquelle s'étaient commis les excès dont il avait eu à se plaindre. La condannation encourue a reçu le caractère d'irrévocabilité voulue par la loi, et il me semble que la pétition dont on parle ne portait que sur les moyens de ramener à exécution une condamnation judiciaire.

Au surplus, l'application de la loi du 4 vendémiaire an IV ne pouvait souffrir aucune difficulté; mais on peut, ce me semble, expliquer la mauvaise issue de la réclamation de M. Fournier par les circonstances au milieu desquelles il l'a formée il est assez facile de concevoir, en effet, qu'il n'ait pu parvenir à faire établir ses droits dans un temps où l'opinion dont il avait été la victime était favorisée par les hommes qui étaient les dépositaires du pouvoir en France; mais on ne peut pas revenir sur le jugement, passé en force de chose jugée, qui a repoussé la réclamation de M. Fournier; aussi la d mande que je forme du renvoi de la pétition à M. le président du conseil n'aurait pour objet que d'appler l'attention du gouvernement ur M. Fournier, qui, si justice eût été faite, aurait obtenu réparation par les voies judiciaires. (Appuyé' appuyé!)

M. Jay, rapporteur. La commission a envisagé la question précisément de la même manière que M. Mérilhou; comme lui, elle a voulu, par la pu blicité donnée à sa réclamation, appeler l'intérê du gouvernement sur un patriote victime d'une réaction politique. Mais il s'agissait d'etablir un principe que votre commission n'a pas voulu poser on ne saurait revenir sur ce qui a l'autorité de la chose jugée, et le renvoi proposé ne

ferait qu'ouvrir la porte à une foule de réclama⚫tions que le gouvernement ne pourrait accueillir.

Je persiste dans la demande de l'ordre du jour. M. Mérilhou. Mais on ne veut pas revenir sur le jugement.

M. Teste. Si M. le rapporteur n'avait pas insisté sur l'ordre du jour et s'il ne s'était pas opposé au renvoi, je n'aurais pas pris la parole.

Messieurs, le fait sur lequel porte la pétition dont vous vous occupez est assez grave pour mériter de la part de la Chambre un témoignage direct et solennel de bienveillance. Assurément, s'il s'agissait d'infirmer des jugements qui ont acquis l'autorité de la chose jugée, non seulement il faudrait passer à l'ordre du jour, mais il faudrait encore témoigner une haute improbation pour tout ce qui tendrait à cette fin. Rien n'est aussi sacré que la chose jugée.

Mais il est des circonstances où la chose jugée perd tant soit peu de ses droits au respect.

La loi de vendémiaire an IV, qui rend les communes responsables des dégâts commis dans leur ressort par des attroupements armés ou non armés, mét à l'application de ses dispositions une condition particulière qu'il a été souvent impossible de remplir, savoir que les faits seront constatés par des procès verbaux dressés dans les 24 heures.

Il s'est établi, surtout pendant les 15 années de la Restauration, une jurisprudence qui n'a pas même admis l'allocation de l'impuissance où l'on avait été de faire dresser des procèsverbaux, en raison souvent de la complicité des autorités d'alors.

Mais, Messieurs, le gouvernement actuel est essentiellement institué, entre autre choses, pour réparer de telles injustices. Nous ne préjugeons rien par le renvoi de la pétition. Il doit entrer dans le cercle du pouvoir administratif plus d'un moyen de faire obtenir à la victime une réparation quelconque, sans offenser le moins du monde l'autorité de la chose jugée; et dût-il ne résulter de votre décision qu'une simple consolation pour un homme qui a subi le malheur de voir ses propriétés dévastées pend nt qu'il défendait la patrie aux frontières, il serait encore, je crois, de l'honneur de la Chambre d'ordonner le renvoi de la pétition à M. le président du conseil.

Voix nombreuses: Très bien! Appuyé! appuyé ! (La Chambre rejette l'ordre du jour, et ordonne le renvoi à M. le président du conseil.)

M. Reynard. J'ai demandé en outre le renvoi au ministre des finances. (Non! non!)

M. Dupont (de l'Eure). Au ministre de la guerre plutôt.

(Ces deux propositions n'ont pas de suite.)

M. Manguin, 2 rapporteur de pétitions. Le sieur Rougemont réclame de l'Etat le payement d'une créance qu'il prétend lui être due par la régence d'Alger.

Le fait qui donne lieu à cette réclamation remonte à l'époque de nos dernières guerres. On sait que l'Angleterre ne veut pas reconnaître le principe que le pavillon couvre la marchandise; on sait aussi que l'empire avait déci é, par représailles, que nous de reconnaitrions pas daVantage la neutralité du pavillon. E conséquence, les cor-aires français avaient été autori-és à s'emparer des navires, même neutres, portant des marchandises anglaises.

Un corsaire, le Trois-Montrouges, appartenant au sieur Rougemont, fit trois captures qu' ea

voya dans les ports de la régence d'Alger; deux appartenaient aux Etats-Unis d'Amérique, une à l'Angleterre. La régence s'en empara et les fit rendre aux consuls des capturés. Quels furent ces motifs? Il serait trop long et peut-être inutite de le dire; les pièces mêmes ne fournissent que des renseignements incertains, parce que tout se traitait verb lenent dans la régence. Il est de même inutile de vous rendre compte d'une instance administrative dans laquelle le sieur Rougemont soutenait que, d'après une convention passée en 1816 entre le gouvernement français et la régence, le Trésor était devenu son débiteur. Les choses vont si vite en France que l'instance commencée en 1816 n'était pas encore terminée en 1830, quand l'expédition d'Afrique partit de nos ports pour s'emparer d'Alger.

Le sieur Rougemont a vu dans l'événement de la conquête un nouveau motif pour soutenir que le gouvernement français est son débiteur. Il s'est adressé à M. le ministre des affaires étrangères, qui l'a renvoyé à M. le ministre des finances; il s'est adressé ensuite à M. le ministre des finances, qui l'a renvoyé à celui des affaires étrangères. Pour terminer ce conflit, il s'est adressé à la Chambre par voie de pétition.

Votre commission vous propose le renvoi à M. le président du conseil. Les prises faites par le sieur Rougemont ont été déclarées valables par avis du conseil d'Etat. La régence d'Alger avait elle le droit d'en ordonner la restitution aux capturés? C'est une question sur laquelle votre commission ne se prononce pas; mais toujours est-il que le sieur Rougemont a une prétention à exercer sur la régence. Or, en principe, le conquérant l'a substituée, par le fait seul de la conquête, dans tous les droits et obligations du gouvernement vaincu. Le sieur Rougemont a droit d'obtenir un juge; et c'est pour que la réclamation soit jugée que votre coumission vou3 propose le renvoi à M. le président du conseil. (Ordonné.)

Le sieur Sarrac se plaint des opérations de la caisse d'amortissement: il demande qu'il lui soit prescrit de ne plus faire des achats à la Bourse, mais de traiter directement avec les créanciers de l'Etat. Il demande aussi qu'il soit enjoint à la caisse de racheter exclusivement des rentes 5 0/0, et non du 4, du 4 1/2 et du 3.

Les conclusions du sieur Sarrac ne sauraient être admises. Une loi toute récente a réglé la manière dont la caisse d'amortissement doit opérer, et il faut de la fixité dans les rapports de l'Etat avec ses créanciers.

Mais le sieur Sarrac signale énergiquement dans sa pétition les conséquences désastreuses de ce système d'amortissement et d'emprunt adopté depuis la Restauration. Il fait remarquer que la caisse a racheté 52 millions de rentes dans l'intervalle de sa création jusqu'à la fin de 1829; que ces 52 millions ont coûté à l'Etat 956 millions; que cependant les emprunts ayant été faits au taux moyen de 70 francs, la même quantité de 52 millions de rentes n'avait produit au Trésor que 730 millions. Il en conclut que sur cette seule opération l'Etat a déjà perdu 226 millions.

Un fait constant et qui a déjà été signalé plusieurs fois à cet e tribune, c'est que lorsque tous les emprunts faits par le Trésor auront été rachetés, l'Etat aura fait sur son capital une perte de 5 à 600 millions, qui se seront répartis dans les cases des banquiers de France et de l'étranger qui ont pris part à nos opérations financières.

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