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puisque le récit de tant d'actions héroïques qui ont illustré le peuple français, combattant contre eux pour se soustraire à leur joug, est leur condamnation.

Les vétérans des armées de Sambre-et-Meuse, du Rhin, d'Italie, d'Egypte, de l'Ouest, de la grande armée, sont humiliés; leurs honorables cicatrices sont flétries; leurs succès seraient des crimes; les braves seraient des rebelles, si, comme le prétendent les ennemis du peuple, des souverains légitimes étaient au milieu des armées étrangères. Les honneurs, les récompenses, les affections sont pour ceux qui les ont servis contre la patrie et nous.

Soldats! venez vous ranger sous les drapeaux de votre chef; son existence ne se compose que de la vôtre, ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres; son intérêt, son honneur, sa gloire, ne sont autres que votre intérêt, votre honneur et votre gloire. La victoire marchera au pas de charge; l'aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame. Alors vous pourrez montrer avec honneur vos cicatrices; alors vous pourrez vous vanter de ce que vous aurez fait vous serez les libérateurs de la patrie.

Dans votre vieillesse, entourés et considérés de vos concitoyens, ils vous entendront avec respect raconter vos hauts faits; vous pourrez dire avec orgueil; Et moi aussi je faisais partie de cette grande armée qui est entrée deux fois dans les murs de Vienne, dans ceux de Rome, de Berlin, de Madrid, de Moscou, qui a délivré Paris de la souillure que la trahison et la présence de l'ennemi y ont empreinte Honneur à ces braves soldats, la gloire de la patrie

et honte éternelle aux Français criminels, dans quelque rang que la fortune les ait fait naître ; qui combattirent vingt-cinq ans avec l'étranger pour déchirer le sein de la patrie.

Signé, NAPOLÉON.

Par l'Empereur :

Le grand marec! al, faisant fonctions de major-général de la grande armée.

Signé, BERTRAND.

PROCLAMATION.

er

Au golfe Juan, le 1. Mars 1815,

NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les consti'tutions de l'Empire, Empereur des Français, etc. etc.,

AU PEUPLE FRANÇAIS.

FRANÇAIS! La défection du duc de Castiglione livra Lyon sans défense à nos ennemis. L'armée dont je lui avais confié le commandement était, par le nombre de ses bataillons, la bravoure et le patriotisme des troupes qui la composaient, en état de battre le corps d'armée Autrichien qui lui était opposé, et d'arriver sur les derrières du flanc gauche de l'armée ennemie qui menaçait Paris.

Les victoires de Champ-Aubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Mormane, de Montereau, de Craone, de Rheims, d'Arcy-sur-Aube et de St.-Dizier; l'insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l'Alsace, de la

Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derrières de l'armée ennemie, en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deux généraux, qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre; la situation de l'ennemi était telle qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris, il était sans munitions, par la séparation de ses parcs de réserve (1).

Dans ces nouvelles et grandes circonstances, mon cœur fut déchiré, mais mon âme resta inébranlable ; je ne consultai que l'intérêt de la patrie, je m'exilai sur un rocher au milieu des mers: ma vie vous était et devait encore vous être utile. Je ne permis pas que le grand nombre de citoyens qui voulaient m'accompagner, partageassent mon sort ; je crus leur présence utile à la France, et je n'emmenai avec moi qu'une poignée de braves, nécessaires à ma garde.

Elevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégitime. Depuis vingt-cinq ans 9. la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles ins

(1) Il s'était enfui précipitamment jusqu'à Bâle.

titutions, une nouvelle gloire, qui ne peuvent être garantis que par un gouvernement national et par une dynastie née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui régnerait sur vous, qui serait assis sur mon trône par la force des mêmes armées qui ont ravagé notre territoire, chercherait en vain à s'étayer des principes du droit féodal; il ne pourrait assurer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'individus ennemis du peuple, qui depuis vingt-cinq ans les a condamnés dans toutes nos assemblées nationales. Votre tranquillité intérieure et votre considéra– tion extérieure seraient perdues à jamais.

Français dans mon exil j'ai entendu vos plaintes et vos vœux ; vous réclamez ce gouvernement de votre choix, qui seul est légitime: vous accusiez mon long sommeil ; vous me reprochiez de sacrifier à mon repos les grands intérêts de la patrie.

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J'ai traversé les mers, au milieu des périls de toute espèce; j'arrive parmi vous reprendre mes droits qui sont les vôtres. Tout ce que des individus ont fait écrit, ou dit depuis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours; cela n'influera en rien sur le souvenir que je conserve des services importans qu'ils ont rendus ; car il est des événemens d'une telle nature qu'ils sont au-dessus de l'organisation humaine.

Français il n'est aucune nation, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit de se soustraire et ne se soit soustraite au déshonneur d'obéir à un prince imposé par un ennemi momentanément victorieux. Lorsque Charles VII rentra dans Paris et renversa le trône éphémère de Henri VI, il reconnut tenir son

trône de la vaillance de ses braves, et non du prince régent d'Angleterre.

C'est aussi à vous seuls et aux braves de l'armée, que je fais et ferai toujours gloire de tout devoir. Signé, NAPOLÉON.

Par l'Empereur :

Le grand maréchal, faisant fonctions de major-général de la grande armée.

Signé, BERTRAND.

L'Empereur, en dictant ces proclamations, paraissait animé de la plus profonde indignation. Il semblait avoir sous les yeux les généraux qu'il accusait d'avoir livré la France, et les ennemis qui l'avaient subjuguée. Il répétait sans cesse les noms de Marmont, d'Augereau; et toujours ils étaient accompagnés de menaces et d'épithètes analogues à l'idée qu'il avait conçu de leur trahison.

Quand les proclamations furent transcrites, l'Empereur en fit donner lecture à haute voix, et engagea tous ceux qui savaient bien écrire à en faire des copies. En un instant, les bancs, les tambours servirent de tables; et soldats, marins et officiers se mirent gaiement à l'ouvrage.

Au bout d'un certain tems, Sa Majesté dit aux officiers qui l'entouraient: « Maintenant, Messieurs, il faut à votre tour parler à l'armée; il faut lui apprendre ce que la France

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