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Le 8, le Moniteur et les autres journaux annoncèrent que Bonaparte était débarqué avec onze cents hommes, dont la plupart l'avaient déjà abandonné; que, suivi de quelques individus seulement, il errait dans les montagnes, qu'on lui refusait des vivres, qu'il manquait de tout, et que, poursuivi et bientôt cerné par les troupes détachées contre lui, de Toulon, de Marseille, de Valence, de Grenoble, il ne tarderait point à expier sa criminelle et téméraire entreprise.

Cette nouvelle frappa d'étonnement tous les partis et leur fit éprouver, suivant leurs opinions et leurs sentimens, des impressions différentes.

Les mécontens ne doutaient point du succès de l'Empereur et de la perte des Bourbons. Les courtisans regrettaient qu'il n'y eût pas

On n'était nullement autorisé non plus à faire courir sus à Napoléon. Il avait conservé le titre d'Empereur; il jouissait légalement des prérogatives de la souveraineté, et pouvait faire à son gré la paix ou la guerre.

Le titre d'Empereur des Français qu'il s'arrogeait ne pouvait être un titre de proscription. George III s'intitula jusqu'à l'époque du traité d'Amiens, Roi de France et de Navarre. Aurait-on eu le droit,s'il fût descendu à main armée sur notre territoire, de le mettre hors la loi et d'ordonner aux Fran¬ çais de lui courir sus?

assez de danger dans cette entreprise audacieuse et folle, pour donner au moins quelque prix à leur dévouement.

Les émigrés la regardaient en pitié, la tournaient en ridicule; et s'il ne leur eût fallu que des plaisanteries, des injures et des fanfaronades pour battre Napoléon, leur victoire n'eût point été douteuse.

Le gouvernement lui-même partagea leur jactance et leur sécurité.

De nouvelles dépêches ne tardèrent point à faire connaître les progrès de Napoléon. Le Comte d'Artois, le Duc d'Orléans et le Maréchal Macdonald partirent précipitamment pour Lyon.

Les députés s'assemblèrent.

Les royalistes furent inquiets; on les rassura. Le Comte d'Artois, dit-on, à la tête de quinze mille Gardes nationaux et de dix mille hommes de troupes de ligne, doit l'arrêter en avant de Lyon.

Le général Marchand, le général Duvernet, le prince d'Essling, le duc d'Angoulême seportent sur ses derrières et lui fermeront la retraite. Le général Lecourbe vient manœuvrer sur ses flancs.

Le maréchal Oudinot arrive avec ses fidèles grenadiers royaux.

Les Gardes Nationales de Marseille, et la population entière du midi, marchent de tous côtés à sa poursuite : il est impossible qu'il échappe.

On était au 10 Mars.

Le lendemain, un officier de la maison du Roi parut au balcon des Tuileries et annonça, en agitant son chapeau, que le Roi venait de recevoir la nouvelle officielle, que le Duc d'Orléans, à la tête de vingt mille hommes de la Garde Nationale de Lyon, avait attaqué Bonaparte dans la direction de Bourgoing et l'avait complétement battu.

Le même jour, on apprit que les Généraux Drouet, d'Erlon, Lefevre - Desnouettes et Lallemand qui avaient tenté de soulever les troupes sous leurs ordres, avaient complétement échoué et étaient en fuite. (1)

(1) Ces quatre généraux s'étaient concertés pour se porter ensemble sur Paris. Les troupes du comte d'Erlon, cantonnées à Lille, trompées par des ordres supposés, étaient en marche, lorsqu'elles furent rencontrées par le Duc de Trévise qui allait prendre le commandement de son gouvernement. Il les interrogea, pénétra le complot et les fit rétrograder.

Le comte Lefèvre-Desnouettes, ignorant ce contre-tems, mit en mouvement son régiment en garnison à Cambrai. Arrivé à Compiègne, il n'y trouva point les troupes sur lesquelles il comptait, et montra de l'hésitation. Les officiers de son

Les mécontens doutèrent les Royalistes furent dans l'ivresse.

Le 12, la victoire du Duc d'Orléans fut démentie; le Journal officiel annonça que Bonaparte avait dû coucher à Bourgoing, qu'on s'attendait à ce qu'il pourrait entrer à Lyon dans la soirée du 10 Mars; qu'il paraissait certain que Grenoble ne lui avait point encore ouvert ses portes.

Le Comte d'Artois vint bientôt confirmer par

corps, et particulièrement le major Lyon, le questionnèrent, et finirent par l'abandonner.

D'un autre côté, les frères Lallemand, dont l'un était général d'artillerie, s'étaient portés sur la Fère, avec quelques escadrons, dans l'intention de s'emparer du parc d'artillerie. La résistance que leur fit éprouver le général d'Aboville les déconcerta; et après avoir essayé vainement de débaucher la garnison, ils prirent la fuite et furent bientôt arrêtés.

On a cru que cette levée de boucliers avait été concertée avec Napoléon. Je sais de bonne part, qu'elle fut uniquement le résultat d'une soirée qui eut lieu chez le général***. Quelques bowls de punch avaient exalté les têtes; on se plaignit ; on s'indigna de se laisser faire la loi par une poignée d'émigrés sans courage; on reconnut combien il serait facile de s'en défaire; et de paroles en paroles, on finit par convenir qu'on marcherait sur Paris et qu'on forcerait le Roi à changer le ministère et à chasser hors de France tous les individus désignés par l'opinion publique comme ennemis de la Charte, et perturbateurs du repos et du bonheur public.

Voilà quel était leur seul et véritable but.

T. i.

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son retour la prise de Lyon et l'inutilité de ses efforts.

Les alarmes recommencèrent.

Le Roi, dont la contenance était à la fois noble et touchante, invoqua, par des proclamations éloquentes, le dévouement des Français, le courage et la fidélité de l'armée.

L'armée garda le silence; les corps judiciaires, les autorités civiles, l'ordre des avocats et une foule de citoyens isolés répondirent à l'appel du Roi par des adresses empreintes des témoignages de leur amour et de leur fidélité.

Les deux Chambres déposèrent également aux pieds du trône, l'expression de leurs sentimens mais leur langage fut différent.

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Sire, dit la chambre des Pairs, jusqu'ici une bonté paternelle a marqué tous les actes de votre gouvernement (1). S'il fallait que les lois devinssent plus sévères, vous en gémiriez sans doute; mais les deux chambres, animées du même esprit, s'empresseraient de concourir à toutes les mesures que pour raient exiger la gravité des circonstances et la sûreté du peuple.

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Quelles que soient les fautes commises, dit la chambre des députés, ce n'est point le moment de les examiner; nous devons tous nous réunir contre l'ennemi commun, et chercher ensuite à rendre

(1) M. le Chancelier oubliait sans doute la proscription à mort des Français qui suivaient ou assistaient Bonaparte.

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