Page images
PDF
EPUB

Les troupes du général Gardanne, pendant leur séjour à Gap, avaient eu connaissance des proclamations de l'Empereur; elles avaient réveillé leurs souvenirs, électrisé leurs âmes; et le cinquante-huitième arbora la cocarde tricolore.

La défection de ce régiment fut bientôt connue de la division du général Loverdo; et, malgré les efforts de ce général, une partie du quatorzième de chasseurs, et le quatre-vingttroisième tout entier, embrassèrent également la cause impériale. Les autres soldats, quoique fidèles en apparence, n'inspiraient plus de confiance à leurs généraux ; ils ne pouvaient parler à un seul habitant du pays, sans en recevoir des impressions absolument contraires au parti du roi ́» (1), et l'on s'attendait à chaque instant à les voir déserter å l'ennemi.

[ocr errors]

Le général Loverdo, impatient de combattre, et croyant pouvoir se passer de leur assistance, voulut, avec le seul appui de ses volontaires royaux, forcer le défilé de Saulces, en avant de Gap; mais cette attaque, aussi téméraire qu'inutile, n'eut aucun succès, et il fut forcé de se replier sur Sisteron.

(1) Rapport du général Ernouf.

Le deuxième corps, contenu par la présence du duc d'Angoulême, n'avait perdu qu'un petit nombre de soldats; l'ordre de se porter en avant venait d'être donné, lorsque le prince reçut à la fois de toutes parts les nouvelles les plus accablantes.

D'un côté, il apprit la défection des troupes réglées du général Ernouf, et sa retraite forcée sur Sisteron.

De l'autre, il fut prévenu que le général Grouchy s'avançait à sa rencontre avec des forces formidables.

Un troisième avis l'informait que le parti royal à Nismes et à Toulouse s'était dissous sans résistance; que M. de Vitrolles, chef du comité d'insurrection, avait été arrêté, et que les patriotes et les troupes de la neuvième division, réunis sous les ordres du général Gilly, s'étaient portés sur ses derrières, avaient repris de vive force le pont Saint-Esprit et dépassé le Rhône.

Des dépêches de Turin lui annoncèrent enfin qu'il ne fallait plus compter sur les secours des Suisses et sur les promesses du roi de Sardaigne.

Le prince fit sonner la retraite et se retira sur Valence.

L'Empereur, qui, suivant sa coutume,

prenait la peine de composer lui-même les articles du Moniteur relatifs à cette petite guerre, rendit compte ainsi de l'évacuation de Valence :

« Valence, le 7 avril. - Le duc d'Angoulême a fait ici une triste figure; le tocsin sonnait dans tout le Dauphiné, et de nombreux bataillons de gardes nationales étaient partis de Lyon. Le duc d'Angoulême informé de leur arrivée, s'est mis à la débandade avec les quatre mille insurgés qui sont sous ses or— dres. Les troupes de ligne, instruites par nos concitoyens qu'il était question de la cause de la nation contre quelques familles privilégiées, de celle du peuple contre la noblesse, et enfin, de celle de la révolution contre la contre-révolution, ont subitement changé de parti cependant, l'armée compte trois traîtres qui paraissent s'être rangés du parti des ennemis de la patrie: ce sont les généraux Ernouf, Monnier et d'Aultanne. (1)

L'Empereur avait également le soin de rendre publiques les correspondances qu'on parvenait à intercepter; et comme les unes annonçaient l'intention de séparer la paille du bon grain et de la jeter au feu; les autres, de faire pendre, sans pitié et suns exception, tous les rebelles; et que d'autres, enfin, conviaient l'Espagne, la Suisse et le

(1) Il oublia le général Loverdo.

roi de Piémont de venir mettre la France à la raison, elles contribuaient, non moins puissamment que le succès de l'armée impériale, à détacher de la cause des Bourbons tous les Français ennemis de la trahison, des potences et des étrangers.

Le général Grouchy, informé de la retraite du duc d'Angoulême, mit des troupes légères à sa poursuite; la plupart des chasseurs du quatorzième et des artilleurs se réunirent aux Impériaux. Les volontaires du midi, qui jusqu'alors n'avaient point mis de bornes à leurs présomptueuses espérances, ne surent point en mettre à leur frayeur; aussi lâches dans le malheur qu'arrogans dans la prospérité, ils abandonnèrent leur général à l'approche du danger; et tous, à l'exception de quelques centaines de braves, cherchèrent leur salut dans la fuite.

Le duc d'Angoulême, entouré des faibles débris de leurs bataillons, et du 10ème de ligne toujours fidèle, continuait jour et nuit sa marche rétrograde, et traversait silencieusement les lieux que son armée, quelques jours auparavant, avait fait retentir de ses cris de victoire; les montagnards qui avaient eu tant à souffrir des exactions et des mauvais traitemens des volontaires royaux, répétaient à leur

tour, Malheur aux vaincus! et ne permet taient point au duc d'Angoulême et aux siens de goûter un seul instant de repos. Pressé d'un côté par les colonnes de Grouchy, de l'autre par les troupes du général Gilly; enfermé, sans espoir de secours, entre la Drôme, le Rhône, la Durance et les montagnes, le duc d'Angoulême n'avait que deux ressources : l'une d'abandonner son armée, et de gagner, à travers les montagnes, Marseille ou le Piémont; l'autre de se soumettre, avec ses compagnons d'infortune, aux lois du vainqueur. Le prince ne voulut point séparer son sort de celui de son armée. Il consentit à se rendre. Le baron de Damas et le général Gilly réglèrent les articles de la capitulation, et il fut convenu que le prince licencierait son armée et s'embarquerait à Cette. La dépêche télégraphique, annonçant cette nouvelle, fut apportée sur-le-champ à l'Empereur par le duc de Bassano ; et ce ministre, malgré l'opposition de plusieurs personnages, décida Napoléon à répondre par le télégraphe qu'il approuvait la capitulation. Au même instant, une seconde dépêche annonça que le général Grouchy n'avait pas cru devoir autoriser, sans l'aveu de l'Empereur, l'exécution de la convention, et que le duc d'Angoulême s'était constitué prisonnier. M. de Bassano se

« PreviousContinue »