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ANNEXES.

ANNEXE N° 1.

DISCOURS

PRONONCÉS AU BANQUET QUI A RÉUNI AU GRAND-HÔTEL LES MEMBRES DU CONGRÈS LE SAMEDI 21 SEPTEMBRE 1878.

M. MEISSONIER, président. Messieurs, malgré la bienveillance que vous n'avez témoignée, je serais, comme le disait hier un de nos collègues, moins embarrassé devant mon chevalet que je ne le suis aujourd'hui pour vous porter le premier une santé.

Nous autres peintres, nous n'avons pas l'habitude des toasts; nous devrions la prendre comme nos voisins, qui l'ont si bien qu'elle est passée dans leurs mœurs. Il ne serait pas mal de profiter de l'Exposition, qui nous donne l'occasion d'en porter de si fraternels, pour en demander l'exercice dès le collège; mais en attendant la création de ce nouveau cours, il faudra pendant longtemps encore ne nous tenir compte que de notre parfaite cordialité sans regarder au bien dire.

Je vous remercie donc de mon mieux, au nom de mes confrères, dont vous avez si bien compris et pris les intérêts. Soyez certains qu'ils vous en seront reconnaissants. Vous avez fait pour eux de la bonne besogne.

Le bon grain est semé; il fructifiera, nous l'espérons : le sol est bien préparé.

Rien n'y contribue autant que ces grandes Expositions, où tous les peuples apportent leurs merveilles en même temps que leurs idées; par là bien des choses sont mises en question et souvent résolues. Les sentiments de justice se développent de plus en plus, et si les droits sont mieux définis, les devoirs sont mieux connus.

Au lieu de continuer à suivre ces anciens errements qui les faisaient se cantonner chez eux, n'ayant qu'une seule pensée, celle de pouvoir se passer des autres, tous reconnaissent de plus en plus que c'est un mal de vivre isolés et un bien d'être solidaires. Si grand que l'on soit, si parfait qu'on se juge, si apte à tout produire que l'on se croie, on aura toujours affaire au voisin. Quel qu'il soit, il y a une chose qui lui est propre, qu'il fait mieux et produit plus facilement, et cette chose, il est meilleur de l'acquérir en ami que de la ravir en ennemi.

C'est de la connaissance de ces besoins mutuels que doit sortir la paix; mais d'où elle doit sortir plus encore, et sortir glorieuse, c'est de ces conquêtes que, l'une après l'autre, sans jamais en perdre aucune, fait chaque jour l'infatigable science.

Quand on la voit, victorieuse de ces forces qui faisaient l'épouvante de nos pères,

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en chercher d'autres plus terribles encore pour les soumettre à leur tour, aborder les problèmes les plus redoutables de la nature avec cette confiance et ce calme serein que lui donne la certitude de les résoudre un jour, l'esprit philosophique, sachant bien que la matière dont le poids inerte peut tout briser, dont la force inconsciente et mal dirigée peut tout anéantir est le véritable ennemi, se prend à penser que ce n'est pas trop des efforts de tous pour venir en aide à cette force bienfaitrice, qui doit non seulement vaincre la matière, mais la dompter et l'asservir; qu'il n'est pas bon de la troubler dans cette lutte qu'elle soutient à tout instant avec la nature pour lui arracher les immenses secrets qu'elle garde encore dans son sein, et que le génie de la destruction ne doit plus désormais lui demander des engins contre les hommes, la plus parfaite expression de la création; il dit que la guerre qui les tue bêtement n'est qu'une impiété; ce n'est plus elle qui doit être glorieuse, c'est à la paix seule, à la paix dans la liberté, que ce beau titre appartient.

C'est quand nous sommes pleins de ces pensées que nous sentons bien qu'au lieu d'être jaloux, nous devons être émules; qu'au lieu d'être ennemis nous devons nous aimer, et qu'étant réunis pour cette Exposition, témoin de nos vaillants efforts, de nos jurys doit sortir la justice, de nos Congrès la lumière.

Tous ces vœux ne seront pas réalisés, ni toutes ces questions résolues; pour beaucoup ce sera le lot de l'avenir; mais d'avoir émis ces vœux, soulevé ces questions, c'est déjà une chose considérable, car, dans ce temps, comme je le disais en commençant, le sol est préparé; tout le bon grain semé doit fructifier.

dis

Mais, Messieurs, si tous les résultats que nous sommes en droit d'espérer de nos Congrès se font encore attendre, ils ont eu celui-là immédiat et bien excellent des hommes venant de toutes parts se seront rassemblés, dans l'intérêt de tous, pour cuter les plus graves questions; de cette discussion libre et loyale sera sortie l'estime faisant naître l'amitié, et ces hommes qui ne se connaissent pas, qui peut-être se défiaient les uns des autres, se sépareront avec regret, se donnant cordialement la main et emportant un bon et durable souvenir.

J'ai déjà, dans ma vie, assisté à bien des réunions de ce genre; en me rencontrant avec des hommes inconnus la veille, j'ai été bien heureux de les estimer et de les aimer le lendemain et de boire à leur santé, comme je suis heureux, aujourd'hui, de boire à la vôtre en vous demandant d'être et de rester votre ami. (Applaudissements.)

M. ROMBERG, vice-président. Messieurs, il y a vingt ans à peu près jour pour jour, le 29 septembre 1858, un banquet réunissait les membres du premier Congrès de la Propriété artistique, celui dont j'eus l'honneur d'être l'un des promoteurs à Bruxelles.

Nous poursuivions alors le même but que vous poursuivez en ce moment : l'affranchissement de la forme matérielle de la pensée et l'indépendance de l'artiste.

La semence que nous jetions était semblable à celle que vous venez répandre ici; elle portera, je l'espère, des fruits abondants, dans un avenir prochain.

Permettez-moi donc de boire à notre honorable Président, l'un des hommes qui font le plus d'honneur non seulement à l'école française, mais à l'art contemporain, sans distinction d'école ni de pays, et non pas seulement par son talent si éminent et si original, mais par l'amour et le dévouement qu'il porte à la diffusion et au succès des idées généreuses.

Je suis certain que le Congrès, dont il a été l'un des membres les plus actifs et les plus éclairés, voudra bien s'associer avec empressement à mes paroles.

Je bois également au succès de ce Congrès, à la prompte réalisation des mesures qu'il a adoptées dans l'intérêt de la grande famille des artistes! (Vive approbation.)

M. A. HUARD, secrétaire général. Messieurs, les organisateurs de l'Exposition universelle de 1878 ont été bien inspirés lorsqu'ils ont décidé que, pendant le cours de cette Exposition, de nombreux Congrès se tiendraient au Trocadéro.

Ils ont compris qu'il ne suffisait pas de faire appel aux industriels et aux artistes de chaque pays pour leur demander d'apporter à Paris leurs chefs-d'œuvre, mais qu'il fallait encore inviter les penseurs de toutes les parties du monde à venir faire, en quelque sorte, une exposition de leurs idées.

C'est à cette heureuse inspiration que l'Exposition de 1878 devra un de ses caractères les plus remarquables; c'est à elle que nous devons d'avoir pu nous réunir. Aussi je vous propose d'adresser nos premiers remerciements aux organisateurs de l'Exposition.

Mais leur pensée n'eût pas été féconde sans le précieux concours de diverses personnes envers lesquelles nous avons contracté une dette de reconnaissance. Permettezmoi d'acquitter cette dette en votre nom.

Nous devons tout d'abord l'expression de notre gratitude à M. le Ministre de l'instruction publique. Avec son esprit ouvert à toutes les pensées justes et élevées, il a saisi immédiatement l'intérêt que présentait notre programme pour l'art et les artistes. Il a consenti à inaugurer nos séances, et, grâce à son puissant patronage, les résolutions que nous avons votées pourront passer dans les lois et dans les traités. (Approbation.)

Nous devons aussi remercier notre Président. Ce grand artiste n'a pas hésité un instant à quitter les travaux qui font le charme et la gloire de sa vie, pour se consacrer à l'œuvre commune avec un zèle infatigable. (Approbation.)

J'ai ensuite à remercier tous nos collaborateurs tant français qu'étrangers.

Parmi mes compatriotes, je ne puis passer sous silence mes confrères du barreau.

Quelques-uns sont revenus de lointains voyages; tous ont sacrifié le repos si doux des vacances pour mettre à notre disposition leur expérience et leur savoir. Qu'il me soit permis de leur dire combien nous leur savons gré d'un sacrifice que, pour mon compte, j'apprécie plus que personne. (Nouvelle approbation.)

Mais ceux que je veux remercier tout particulièrement, ce sont nos collaborateurs étrangers qui ont bien voulu nous faire profiter de leur rare compétence en ces matières. Vous avez vu combien les questions que nous avons traitées leur étaient familières. Vous avez remarqué le talent oratoire dont plusieurs d'entre eux ont fait preuve. Vous avez constaté leur extrême courtoisie, leur esprit si conciliant et si sympathique. Je ne crois donc pas pouvoir mieux terminer ces quelques paroles qu'en portant un toast à nos collaborateurs étrangers et en leur disant que nous conserverons de nos relations trop courtes le plus amical souvenir. (Vive approbation et applaudissements.)

M. Roger BALLU, chef du cabinet de M. le Directeur général des beaux-arts. Messieurs, quoique occupant dans l'Administration des beaux-arts une situation modeste, Vous me permettrez de me lever pour remercier l'orateur que vous venez d'entendre, au nom de M. le Directeur général des beaux-arts, qui, retenu par la multiplicité de

ses travaux d'administrateur d'abord, mais d'artiste quand même et toujours (Approbation), n'a pu prendre place ce soir au milieu de vous.

S'il eût été ici, il vous eût dit avec quel intérêt il a suivi vos travaux et quelle attention particulière il y a prêtée.

En son absence, je puis vous affirmer qu'il est prêt à donner son concours afin d'assurer l'exécution du programme que vous avez tracé avec tant de clairvoyance pour sauvegarder et les intérêts matériels des artistes, et les hautes dignités de l'art. (Applaudissements.)

Soyez convaincus, Messieurs, qu'il ne ménagera ni son temps, ni sa peine, ni son dévouement éclairé pour faire passer vos résolutions et vos vœux du domaine des idées, qui ne sont que l'espérance, au domaine des faits, qui sont la réalité féconde.

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Au nom de M. le Directeur général des beaux-arts, au nom de l'Administration tout entière que j'ai l'honneur - honneur trop grand — de représenter ici, je bois aux organisateurs du Congrès de la Propriété artistique, à ceux qui l'ont entrepris, préparé, mené à bonne fin, grâce à leur activité et à leur ardeur, à ceux qui l'ont pour ainsi dire nourri de leur éloquence, à ceux enfin qui, comme notre illustre Président, lui ont prêté le rayonnement de leur nom! (Applaudissements.)

M. SONZOGNO, de Milan, secrétaire. Messieurs, au nom des artistes italiens, je porte un toast à la généreuse initiative des artistes français.

L'Italie suivra toujours la France dans toutes les idées de justice, de progrès et de civilisation.

Les artistes italiens, je vous en réponds, seront les premiers à se rallier aux principes d'une loi commune qui défende les droits des artistes.

Messieurs, je bois au génie artistique, qui rend généreux parce qu'il rend grand ! Je porte un toast à la santé de notre illustre Président. Je bois à la santé des maîtres de l'art dans tous les pays! (Vive approbation.)

M. CLUNET, secrétaire. Messieurs, je vous demande de vouloir bien vous associer au toast que je porte à l'une des œuvres à laquelle le Congrès a fortement travaillé : je bois à la paix!

Peut-être, Messieurs, cette idée n'est-elle pas hors de saison dans un Congrès international et en un moment où, malgré nos fermes espérances dans le maintien de la paix, nous ne pouvons nous empêcher de constater, autour de nous, que les rivalités entre peuples sont loin d'être complètement apaisées et inspirent encore aux esprits réfléchis de justes inquiétudes.

Cependant, s'il est un spectacle consolant et bien fait pour dissiper ces inquiétudes, c'est celui des travaux du Congrès.

Il ne suffit pas d'affirmer que la paix est un état excellent; il faut s'efforcer d'empêque cet état ne soit détruit; et le meilleur moyen, c'est de solidariser les intérêts de tous en les conciliant.

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C'est cette entente véritable de la paix qui vous a inspirés en vous réunissant en Congrès, pour chercher ensemble, dans la droiture et la loyauté de votre cœur, les formules d'une législation uniforme sur la propriété artistique, et préciser, sur ce point

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