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blic à défaut de poursuite par la partie lésée? On laisserait ainsi l'initiative à la partie lésée, mais en même temps on aurait la certitude de poursuite dans un délai à fixer.

VI. N'y aurait-il pas lieu à se demander si la reproduction d'une œuvre d'art par l'industrie portait dans l'espèce le caractère d'une reproduction évidemment frauduleuse? Ne pourrait-on pas supposer des reproductions honnêtes et légitimes de l'art par l'industrie?

VII. Je suppose que des questions d'Anvers se reproduiront un peu à Paris sur l'acquisition sans conditions et le droit de reproduction. Personnellement, il me paraît difficile de limiter une acquisition sans conditions. Mais je serais bien aise de savoir le résultat des délibérations du Congrès à cet égard. Je m'étonne un peu de ne pas trouver la question soulevée mais non résolue à Anvers, de l'État acquérant, sur le programme du Congrès de Paris. Probablement, c'est une abstention arrêtée. Toutefois, si cette question doit se soulever à Paris, je porterais grand intérêt à savoir les conclusions du Congrès.

VIII. La huitième question se rattache, si je l'ai bien compris, à la question de reproduction par procédé identique ou différent, et aurait rapport à la question de l'État acquérant, si on la soulevait.

On se demande, je m'imagine, si l'artiste peut, dans l'espèce, prohiber une reproduction de son œuvre par procédé identique à l'acquérant et vice versa. Et l'on est ainsi porté à considérer :

IX. Si l'artiste ne devrait pas être tenu, si on lui permet la reproduction, de faire connaître la reproduction par un signe quelconque. De la part de l'acquérant, une telle obligation serait sans doute très bien vue. Et je ne vois pas, personnellement, comment l'artiste pourrait s'y refuser. De même, je serais d'avis que l'acquérant, si on lui permet la reproduction d'une œuvre d'art acquise sans conditions, devrait ne pas se refuser à y faire apposer une marque quelconque de copie. Mais j'entendrais volontiers les opinions qui émaneraient à ce sujet des sommités artistiques du Congrès de Paris.

X. Les tribunaux devront, d'après le Congrès d'Anvers, punir comme faux en écriture privée l'apposition d'une fausse signature sur une œuvre d'art, et une telle disposition me paraîtrait juste.

XI. Par le moyen de conventions internationales, on pourrait très bien s'assurer l'identité de punition pour des délits identiques en fait de propriété artistique, c'est-à-dire que, étant posé que l'apposition d'une fausse signature sur une œuvre d'art serait considérée comme faux en écriture privée, un tel délit subirait la peine de ce faux dans les pays ayant des conventions internationales régissant le droit de propriété artistique. Mais je ne m'imagine pas facilement la suppression du dépôt et de l'enregistrement international qu'on semble demander. Je voudrais être bien renseigné sur les opinions du Congrès de Paris à cet égard.

XII. Il serait possible que, du sein des commissions et des associations et des congrès actuellement en vigueur, des associations internationales sortissent, ayant pour but tant la protection internationale des artistes que la préparation des bases d'un nouveau droit international en matière de propriété artistique. Si le Congrès de Paris croyait bon de viser à la fondation d'une association semblable, je crois qu'il ferait bien de constituer une association vraiment internationale, ayant représentation dans son sein des grands corps artistiques et littéraires de l'Europe entière, et des commissions, sociétés et congrès qui se sont déjà occupés de la propriété littéraire et artistique. Je serais porté à croire qu'une grande et forte association, avec des sections pour la propriété

littéraire, la propriété industrielle, la propriété artistique, aurait le plus de chances de succès. D'une telle association, Paris pourrait très bien être le siège social, le cœur, en effet, d'un grand corps dont les membres sentiraient les battements à travers les mers et les montagnes du monde entier.

Permettez que je vous renouvelle l'assurance de mes sentiments distingués.

C.-H.-E. CARMICHAEL.

P. S. Vous comprendrez, sans doute, que je fais acte d'adhésion au Congrès de la Propriété artistique, au Trocadéro, comme représentant des commissions sur la propriété artistique de l'Association pour la réforme et la codification du droit des gens et de l'Association nationale pour la promotion de la science sociale, et que je ferai rapport à mes commissions d'après le compte rendu des délibérations du Congrès de Paris. Puisque le Congrès de l'Association pour la science sociale doit se tenir à Cheltenham dans les derniers jours d'octobre, il serait très utile pour moi de connaître les résultats de la session de Paris avant la date de cette réunion, afin de pouvoir en entretenir le Conseil de direction, dont je suis membre aussi bien que de la Commission, et du reste, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le faire savoir, on en parlerait dans la livraison prochaine du Law Magazine and Review.

Je me fie à vos bons offices.

C.-H.-E. CARMICHAEL.

ANNEXE N° 7.

PROJET DE RÉPONSE

AUX DIX PREMIÈRES QUESTIONS DU PROGRAMME,

PAR M. HUCHER.

I. L'artiste aliène tout droit à la propriété de ses œuvres, en vendant ses dessins, tableaux, sculptures, gravures, etc. etc., à moins de réserves expresses consenties contradictoirement.

II. La durée du droit des musiciens et compositeurs doit être aussi fixée par traité. III. L'auteur d'une œuvre d'art ne doit être astreint à aucune formalité, pour assurer son droit, lorsque la chose reste sa propriété.

Ainsi, les dessins, tableaux, sculptures, compositions musicales, restent à tout jamais sa propriété et celle de ses successibles, si ceux-ci ne l'aliènent pas, même lorsque le dessin que je suppose être un carton destiné à être reproduit dans une fabrique de vitraux peints, de papiers de tenture, de grands ouvrages d'art, a reçu une destination publique et se trouve exposé dans certains lieux, à la merci du premier venu.

L'auteur du carton ou la fabrique qui l'a fait faire et l'a payé en reste propriétaire envers et contre tous, et nul n'a le droit de s'approprier ces dessins, voire même dans leurs grandes lignes; ils sont protégés par la loi, et l'on n'a pas besoin d'assurer cette protection par aucun dépôt de dessins.

Une ou plusieurs exceptions doivent néanmoins être admises. Lorsque le dessin produit par l'artiste ou la fabrique est la reproduction d'une œuvre ancienne et antérieure d'au moins trente ans, vulgarisée par les recueils d'art, comme l'Art

pour tous et les autres grands ouvrages d'art, tout le monde a le droit de puiser à la même source et de s'assimiler des éléments d'art qui appartiennent, dès lors, à tout le public artistique et lettré; mais si la fabrique avait donné un tour spécial à cet ancien motif, et l'avait approprié, en le déformant, à un cadre donné, la faculté de puiser à la même source serait limitée à la reproduction de l'ancien motif, sans qu'on puisse s'approprier la transformation nouvelle, fut-elle défectueuse.

IV. L'atteinte portée au droit d'auteur est un délit justiciable des tribunaux de commerce, compétents pour en connaître, d'après l'avis, s'il y a lieu, d'experts nommés contradictoirement.

V. Le délit doit être poursuivi par la partie lésée, tenue à faire la preuve.

VI. On doit assimiler à la contrefaçon la reproduction d'une œuvre d'art, lorsque les reproducteurs ne sont pas acquéreurs du carton ou n'ont pas traité avec ceux qui en avaient la propriété.

A l'égard des œuvres anciennes lancées dans la circulation, la prescription de trente ans est applicable.

VII et VIII. L'acquisition d'une œuvre d'art, sans conditions, donne à l'acquéreur le droit de la reproduire par un procédé quelconque. Ceci s'applique aux cartons, photographies, peintures, sculptures, compositions musicales, s'il n'est pas fait de réserves.

L'artiste, le savant, l'archéologue ont encore le droit de reproduire les monuments historiques appartenant à l'État, les tableaux, les sculptures, les dessins des musées, la miniature des bibliothèques de l'État et des villes.

Le droit de reproduction n'a pas de limites et dépend des conditions dans lesquelles s'exerce la reproduction; celle-ci sera bonne ou mauvaise suivant le procédé et l'habileté du reproducteur, sans qu'on puisse imposer à cet égard de règles fixes.

IX. Le droit de reproduction réservé par l'artiste n'ayant pas de limites, il peut, à ses risques et périls, user d'un procédé similaire pour une seconde reproduction en faisant connaître ce fait, à moins qu'il n'introduise des perfectionnements dans la nouvelle édition, perfectionnements qui, en cas de poursuite, devraient être constatés par experts.

Mais alors la partie plaignante serait tenue d'introduire l'instance, et, dans le cas où la seconde reproduction apporte à l'œuvre des progrès réels, elle s'expose à perdre son procès.

X. L'apposition d'une fausse signature sur un objet d'art doit rester justiciable des tribunaux correctionnels; il y a escroquerie manifeste, mais c'est au détenteur lésé à prouver la fraude, et non au ministère public.

XI. Ces principes paraissent applicables aux conventions internationales.

XII. Ce desideratum est d'une application difficile; mais on peut en essayer la réalisation.

ANNEXE N° 8.

MÉMOIRE

AUX

PRÉSENTÉ PAR L'UNION CENTRALE DES BEAUX-ARTS APPLIQUÉS À L'INDUSTRIE CONGRÈS INTERNATIONAUX DE LA PROPRIÉTÉ ARTISTIQUE ET DE LA PROPRIÉTÉ IN

DUSTRIELLE.

I. L'Union centrale des beaux-arts appliqués à l'industrie proclame dans son titre même l'utile mission qu'elle s'est donnée assurer dans la plus large mesure et par les moyens les plus efficaces l'alliance féconde de l'art et de l'industrie, pour le plus grand intérêt de l'art, de l'industrie et du public. Elle n'a pas d'autre but, et c'est à cela que tendent, depuis qu'elle s'est fondée, ses efforts de toute sorte.

Cette alliance devient chaque jour plus intime. Sous l'impulsion du progrès qui s'accomplit et qui s'accentue de jour en jour dans le goût du plus grand nombre, producteurs et consommateurs, progrès auquel nous avons l'amour-propre de penser que nos expositions rétrospectives ne sont pas absolument étrangères, non plus que nos concours entre les diverses écoles de dessin, l'industrie ne marche plus guère sans demander à l'art son précieux concours, et l'on peut dire, dès à présent, que, sur bien des points et pour un grand nombre de produits, l'un et l'autre se confondent de telle sorte qu'il devient impossible de les séparer et qu'il est bien difficile de faire à l'un et à l'autre sa part exacte.

II. C'est au point de vue de la double législation qui protège les œuvres de l'industrie et les œuvres de l'art que cette distinction devient de plus en plus difficile. Elle préoccupe depuis longtemps les jurisconsultes aussi bien que les personnes directement intéressées et s'impose aujourd'hui aux études et aux méditations de tous, et dans des circonstances particulières qu'il suffit de rappeler en quelques mots.

La législation industrielle, qui possède depuis longtemps déjà une bonne loi sur les brevets d'invention et une autre loi de date plus récente sur les marques de fabrique, attend et réclame une loi qui lui a été souvent promise sur les modèles et les dessins de fabrique. C'est de cette loi que M. le sénateur Bozérian a pris l'initiative; il en a formulé le texte et l'a accompagné d'un exposé de motifs aussi lumineux que savant, qui contient un historique complet de la question et le résumé des vrais principes de la matière. Le Gouvernement, applaudissant à sa pensée et s'y associant, a provoqué une enquête préparatoire et, l'Exposition universelle arrivant au cours de cette enquête, un Congrès international a été organisé pour l'étude spéciale de ce projet de loi et des questions qui s'y rattachent.

En même temps, et préoccupée sans doute du danger que pouvait offrir la discussion d'une loi sur la propriété de modèles et de dessins d'industrie, abstraction faite de la propriété des œuvres artistiques, et cela à raison de cette alliance intime dont nous parlions tout à l'heure, la Commission des Congrès et Conférences de l'Exposition universelle de 1878, instituée par arrêté ministériel, a décidé qu'à la suite de ce Congrès international ayant pour objet la propriété des œuvres industrielles, il y aurait un second Congrès international qui traiterait de la propriété des œuvres artistiques; et

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